Nullité de la clause de résidence

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Nullité de la clause de résidence

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Cour d’appel d’Amiens, 5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE, 29 mars 2023, 22/00203 ARRET

[Z]

C/

S.A. SOGIPHAR

copie exécutoire

le 29/03/2023

à

Me BUJOLI

Me BORTEN

EG/IL/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 29 MARS 2023

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N° RG 22/00203 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IKGA

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 16 DECEMBRE 2021 (référence dossier N° RG F 18/00214)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [K] [Z]

né le 19 Novembre 1960 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté, concluant et plaidant par Me Ange BUJOLI, avocat au barreau de MULHOUSE, substituée par Me Carmen BUJOLI, avocat au barreau de MULHOUSE

ET :

INTIMEE

S.A. SOGIPHAR

prise en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée, concluant et plaidant par Me Marc BORTEN de l’ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Houyame DADI, avocat au barreau de PARIS

représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant

DEBATS :

A l’audience publique du 01 février 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

– Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,

– les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l’arrêt sera prononcé le 29 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 29 mars 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

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DECISION :

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, M. [Z], né le 19 novembre 1960, a été embauché par la société Sogiphar (la société ou l’employeur) pour la période du 10 mars au 31 octobre 2011, en qualité de chargé d’étude.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er novembre 2011, la relation de travail s’est poursuivie au poste de directeur du développement et expansion réseau.

La convention collective applicable est celle de la répartition pharmaceutique.

L’effectif de l’entreprise est supérieur à 10 salariés.

Le 8 juin 2017, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 21 juin 2017.

Son licenciement pour cause réelle et sérieuse lui a été notifié le 26 juin 2017.

Ne s’estimant pas rempli de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail et contestant la légitimité de son licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes de Beauvais le 19 septembre 2018.

Par jugement du 16 décembre 2021 la juridiction prud’homale a :

– dit que M. [Z] était recevable et partiellement fondé ;

– fixé le salaire mensuel de référence de M. [Z] à 6 521 euros brut ;

– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– dit que la convention de forfait jours n’était pas applicable à M. [Z] ;

– prononcé la nullité de la clause de résidence insérée dans le contrat de travail ;

– condamné la société Sogiphar à payer à M. [Z] :

– 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir payé un loyer en application d’une clause de résidence nulle ;

– 1 162,14 euros à titre de rattrapage de prime d’ancienneté de septembre à août 2017 ;

– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [Z] de toutes ses autres demandes ;

– condamné la société aux entiers dépens, considérant qu’il n’y avait pas lieu à intérêts au taux légal, ni à exécution provisoire ;

– débouté la société de ses demandes reconventionnelles.

Par conclusions remises le 6 décembre 2022, M. [Z], régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Beauvais du 16 décembre 2021 en ce qu’il a :

– dit que la convention de forfait jours ne lui était pas applicable,

– prononcé la nullité de la clause de résidence insérée au contrat de travail,

– condamné la société à lui payer la somme de 1 162,14 euros à titre de rattrapage de prime d’ancienneté de septembre 2015 à août 2017 ;

– débouté la société de ses demandes reconventionnelles ;

– l’infirmer pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

– enjoindre la société à verser aux débats le contrat de travail de M. [R] [N], ses trois dernières fiches de paie et la copie du registre du personnel ;

– prononcer la nullité de son licenciement ;

– dire que la prescription triennale des salaires a été interrompue par la saisine de la juridiction prud’homale le 19 septembre 2018 ;

– condamner la société Giphar à lui payer la somme de :

– 110 077 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 10 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 57 600 euros de dommages et intérêts pour l’avoir contraint à payer un loyer en application d’une clause de résidence nulle durant 4 années,

– 92 263,08 euros au titre des heures supplémentaires,

– 9 226,30 euros à titre de congés payés sur heures supplémentaires,

– 30 000 euros de dommages et intérêts pour l’avoir sous-payé durant toute sa présence dans l’entreprise,

– 132 231 euros à titre de rattrapage de salaire,

– 2 700 euros au titre des primes sur les dossiers engagés dont l’adhésion s’est réalisée par la suite,

– dire que les créances de nature salariale doivent être augmentées des intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes soit depuis le 15 novembre 2018 ;

– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil ;

– dire que son salaire mensuel moyen était de 9 173,10 euros ;

– condamner la société à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêt pour licenciement brutal et vexatoire ;

– débouter la société de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile concernant la procédure devant le conseil de prud’hommes de Beauvais ;

– condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d’appel ;

Subsidiairement,

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société à lui payer la somme de 110 077 euros à titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner l’intimée aux entiers frais et dépens.

Par conclusions remises le 10 janvier 2023, la société Sogiphar demande à la cour de:

– déclarer M. [Z] irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel et l’en débouter dans son intégralité ;

– déclarer qu’elle est recevable et en tous cas bien fondée en son appel incident et y faire droit dans son intégralité ;

En conséquence et à titre principal,

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il :

– a dit que M. [Z] était recevable et partiellement fondé,

– a fixé le salaire mensuel de référence de M. [Z] à 6 521 euros,

– a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

– l’a condamnée à verser à M. [Z] la somme de 40 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– a dit que la convention de forfait jours ne lui était pas applicable,

– a prononcé la nullité de la clause de résidence insérée au contrat de travail et l’a condamnée à payer à M. [Z] la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir payé un loyer en application d’une clause de résidence nulle,

– l’a condamnée à verser à M. [Z] la somme de 1 162,14 euros à titre de rattrapage de prime d’ancienneté de septembre 2015 à août 2017,

– l’a condamnée à verser à M. [Z] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamnée aux entiers dépens,

– l’a déboutée de ses demandes reconventionnelles,

– confirmer le jugement attaqué pour le surplus, notamment en ce qu’il a débouté M. [Z] de ses demandes de nullité de la rupture de la collaboration, de dommages et intérêts pour rupture des relations contractuelles dans des conditions brutales et vexatoires, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, et des demandes à titre de rappel de salaires ;

Et statuant à nouveau sur les chefs du jugement attaqué dont l’infirmation est sollicitée,

– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [Z] aux entiers dépens, de première instance et d’appel ;

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la convention de forfait jours de M. [Z] serait jugée nulle ou inopposable,

– condamner M. [Z] à lui rembourser le montant des RTT dont il a bénéficié depuis le mois d’octobre 2015, soit la somme brute de 9.308,13 euros ;

– débouter en toute hypothèse M. [Z] du surplus de ses demandes ;

– laisser à la charge de chacune des parties ses frais et dépens de procédure.

Par conclusions remises le 17 janvier 2023, M. [Z] ajoute les demandes suivantes :

– condamner la société Giphar à lui payer la somme de :

– 144 000 euros à titre de rattrapage de salaire pour les salaires perçus de novembre 2014 à novembre 2017 correspondant à la revalorisation de son salaire moyen,

– 14 400 euros à titre de congés payés sur rattrapage de salaire pour les salaires perçus de novembre 2014 à novembre 2017 correspondant à la revalorisation de son salaire moyen,

Subsidiairement,

– 36 756 euros à titre de rattrapage de salaire pour les salaires perçus de novembre 2014 à novembre 2017 correspondant à la revalorisation de son salaire moyen tel que retenu par le conseil de prud’hommes ;

– 3 675,6 euros à titre de congés payés sur rattrapage de salaire pour les salaires perçus de novembre 2014 à novembre 2017 correspondant à la revalorisation de son salaire moyen tel que retenu par le conseil de prud’hommes ;

Par conclusions de procédure remises le 31 janvier 2023, la société Sogiphar demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives notifiées par l’appelant le 17 janvier 2023 ainsi que les deux nouvelles pièces 59 et 60 communiquées le même jour.

Par conclusions de procédure remises le 24 janvier 2023, M. [Z] s’y oppose.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur l’incident de communication de pièces et conclusions

La société soulève l’irrecevabilité des pièces et conclusions transmises le 17 janvier 2022 par M. [Z], soit deux jours avant la clôture, au motif qu’au regard du calendrier de procédure communiqué le 25 octobre 2022 et de l’inflation des demandes du salarié, le principe du contradictoire et les droits de la défense n’ont pas été respectés.

M. [Z] répond qu’il n’a majoré sa demande au titre du rattrapage de salaire qu’afin de rectifier une erreur matérielle commise dans ses précédentes conclusions, que la société peut s’opposer à l’audience à la demande de congés payés afférents, et qu’il n’a fait que répondre aux moyens d’irrecevabilité soulevés par cette dernière dans ses conclusions transmises le 10 janvier 2023, et communiquer une jurisprudence ainsi qu’un récapitulatif plus détaillé de ses plannings déjà versés aux débats.

L’article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 du même code dispose notamment que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

En l’espèce, alors que les parties étaient avisées depuis le 25 octobre 2022 que la clôture interviendrait le 19 janvier 2023, M. [Z] a répliqué une seconde fois par conclusions remises le 17 janvier 2023 en ajoutant notamment une demande de rappel de salaire pour un montant de 144 000 euros et en communiquant deux nouvelles pièces.

Contrairement à ce qu’il soutient, cette demande n’est pas la simple rectification d’une erreur manifeste contenue dans ses précédentes écritures mais procède d’un nouveau fondement visant à obtenir la revalorisation de son salaire à raison des fonctions supplémentaires qu’il aurait exercées.

Une telle demande, nécessitant pour l’adversaire de développer un argumentaire en réponse, ne saurait être considérée comme ayant été formulée en temps utile dans le respect du principe du contradictoire deux jours avant la clôture de la procédure de mise en état.

Les conclusions remises le 17 janvier 2023 dans l’intérêt de M. [Z] doivent donc être déclarées irrecevables.

De même, les 22 pages de planning et l’arrêt du 9 juin 2020 relatif à la prescription de l’action en paiement de salaire transmis le même jour sont déclarés irrecevables comme ayant été communiqués dans un délai ne permettant pas à l’adversaire d’y répondre, alors que la question de la recevabilité et du bien fondé du rappel d’heures supplémentaires est soulevée depuis le début de la procédure.

2/ Sur les demandes au titre de la clause de résidence

La société soutient que M. [Z] n’ayant jamais mis en ‘uvre la clause de résidence prévue à son contrat et ne rapportant la preuve d’aucuns frais en découlant, il ne justifie d’aucun préjudice à ce titre.

M. [Z] soulève la nullité de la clause lui imposant un lieu de résidence sans que son activité professionnelle le justifie et demande la réparation du préjudice subi du fait de la location d’un logement en région parisienne pendant 4 ans.

L’article L.1121-1 du code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

La clause de résidence portant atteinte à la liberté fondamentale de choisir librement son domicile, elle doit, pour être valable, être justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché.

En l’espèce, M. [Z] a été embauché en qualité de directeur du développement et expansion réseau par contrat de travail du 31 octobre 2011 précisant qu’il demeure à [Localité 5] dans le [Localité 2].

L’article 4 de ce contrat stipule notamment qu’il s’engage expressément à prendre domicile en région parisienne dès «déploiement terrain du service» et au plus tard dans les 12 mois qui suivent la date de son embauche.

Or, l’employeur, qui ne se défend que sur l’exécution de la clause, ne justifie d’aucun motif valable permettant de fixer une telle limite à la liberté d’installation du salarié.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité de cette clause de résidence.

M. [Z] produit un contrat de location pour un logement situé à [Localité 3] signé le 30 septembre 2012 moyennant un loyer de 1 200 euros à compter du 3 novembre 2011, et ses bulletins de paie de décembre 2012, novembre 2013 et décembre 2014 établissent le maintien de cette adresse pendant 25 mois.

Il justifie donc d’un préjudice causé par l’exécution de cette clause illicite qu’il convient de réparer en lui allouant 30 000 euros de dommages et intérêts par infirmation du jugement entrepris sur le quantum.

3/ Sur les demandes au titre de la convention de forfait annuel en jours et des heures supplémentaires

3-1/ sur les demandes du salarié

M. [Z] soulève l’inopposabilité de la convention de forfait annuel en jours prévue au contrat de travail au motif qu’il n’a jamais bénéficié d’un entretien avec sa hiérarchie aux fins d’évaluer conjointement les missions et la charge de travail et d’adapter si nécessaire les conditions du forfait, et affirme avoir réalisé 189 heures supplémentaires du 20 septembre au 19 décembre 2014, 630 heures supplémentaires du 5 janvier au 18 décembre 2015, 643 heures supplémentaires du 4 janvier au 30 décembre 2016, et 378 heures supplémentaires du 2 janvier au 26 juin 2017, du fait notamment de son cumul de fonctions.

Il ajoute être en droit de percevoir également 132 231 euros à titre de rappel de salaire après réintégration des heures supplémentaires et 30 000 euros de dommages et intérêts pour avoir été sous-payé durant toute sa présence dans l’entreprise.

La société soulève la prescription de la demande de rappel de salaire pour la période antérieure au 19 septembre 2015 et fait valoir que le salarié ne justifie pas d’éléments suffisamment précis pour étayer sa demande ni même que les heures alléguées ont été accomplies avec l’accord de sa hiérarchie.

Concernant la seconde demande en rappel de salaire, elle souligne qu’elle fait double emploi avec la demande de rappel de salaire pour réalisation d’heures supplémentaires non rémunérées.

L’article K.4.2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique du 7 janvier 1992 prévoit notamment que l’encadrement rémunéré au forfait bénéficie, au moins 1 fois par an, d’un entretien avec sa hiérarchie, qui a pour objet d’évaluer conjointement les missions et la charge de travail et d’adapter si nécessaire les conditions du forfait.

En l’espèce, le contrat de travail liant les parties stipule que conformément à l’accord d’entreprise du 1er décembre 2000 relatif à l’aménagement du temps de travail, le temps de travail de M. [Z] s’effectuera sur la base d’un forfait annuel en jours ne pouvant excéder 214 jours travaillés maximum par année civile, pour un taux d’activité à 100 % et des droits complets à congés payés.

L’employeur ne justifiant pas de la mise en oeuvre d’une évaluation annuelle de la charge de travail du salarié afin d’adapter si nécessaire les conditions du forfait, la convention de forfait est inopposable à ce dernier comme justement jugé par le conseil de prud’hommes.

M. [Z] est donc en droit de prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont la cour doit vérifier l’existence.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif,

l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le contrat de travail ayant été rompu le 26 juin 2017, la demande en paiement du salarié pour les heures supplémentaires non rémunérées effectuées à compter du 20 septembre 2014, soit moins de trois ans auparavant, est recevable.

M. [Z] verse aux débats des décomptes d’heures supplémentaires calculées au jour le jour pour la période du 20 septembre 2014 au 26 juin 2017 et un tableau de calcul du salaire correspondant détaillant les taux applicables.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en apportant les siens.

L’employeur ne produit aucun élément permettant d’établir les horaires faits par le salarié.

Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que la société a implicitement admis l’exécution d’heures supplémentaires et que M. [Z] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ouvrant droit à une rémunération totale de 92 263,08 euros, outre 9 226,30 euros de congés payés afférents pour l’ensemble de la période sollicitée.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

En revanche, M. [Z], qui vient d’être rempli de ses droits pour les heures supplémentaires effectuées non rémunérées, ne saurait prétendre à un rappel de salaire par différence avec le salaire versé et le salaire dû après réintégration de ces heures supplémentaires.

Il convient donc de le débouter de ce chef de demande.

M. [Z] ne justifiant d’aucun préjudice en lien avec sa charge de travail, sa demande de dommages et intérêts pour avoir été sous-payé pendant toute la durée de sa présence dans l’entreprise doit être rejetée par confirmation du jugement entrepris.

3-2/ sur la demande reconventionnelle de l’employeur

La société se prévaut de l’inopposabilité de la convention de forfait annuel en jours pour réclamer le remboursement des jours de RTT réglés au salarié en exécution de cette convention.

M. [Z] oppose la prescription de cette demande formée pour la première fois le 27 mai 2021.

Lorsque la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis est privée d’effet, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu.

L’article L.3241-1 du code du travail dispose que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

L’effet interruptif de la prescription par la saisine du conseil de prud’hommes bénéficie au demandeur reconventionnel.

En l’espèce, le contrat ayant été rompu le 26 juin 2017, la demande reconventionnelle en répétition de l’indu est recevable pour les années 2015 à 2017.

L’employeur est donc en droit d’obtenir la restitution des sommes versées en application de la convention de forfait annuel en jours privée d’effet pour les années 2015 à 2017, dont le quantum n’est pas contesté.

Le jugement entrepris, qui a débouté l’employeur de ses demandes reconventionnelles, est donc infirmé de ce chef.

4/ Sur les demandes au titre des primes

4-1/ sur la prime d’ancienneté

La société conteste devoir une quelconque somme au titre de la prime d’ancienneté qui a été justement proratisée au nombre d’heures effectuées par le salarié pendant l’exécution du contrat à durée déterminée à temps partiel ayant précédé l’embauche en contrat à durée indéterminée.

M. [Z] se prévaut du contrat à durée déterminée à effet du 1er mars 2011 ayant précédé le contrat à durée indéterminée et des nombreuses heures supplémentaires réalisées tout au long de la relation de travail.

L’article L. 1243-11 du code du travail dispose notamment que lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée. Le salarié conserve l’ancienneté qu’il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.

L’article J.3 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique du 7 janvier 1992 prévoit notamment :

3.1. Il est attribué aux salariés une prime d’ancienneté en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise.

3.2. On entend par ancienneté dans une entreprise le temps de présence depuis la date d’entrée dans cette entreprise, quels que puissent être les changements intervenus dans la situation juridique de l’employeur.

Le salarié qui passe d’une catégorie dans une autre ou, au sein d’une même catégorie, d’un emploi à un autre conserve, dans cette nouvelle catégorie ou ce nouvel emploi, l’ancienneté acquise.

3.4. Le taux de la prime d’ancienneté est de 3 % après 3 ans d’ancienneté, taux majoré de 1 % par année d’ancienneté au-delà de 3 ans, avec un plafond à 15 %.

3.5. Le montant de la prime d’ancienneté est calculé sur le salaire minimal conventionnel de la catégorie dans laquelle est placé le salarié, proportionnellement au nombre d’heures effectives de travail, le salaire minimal étant éventuellement augmenté des majorations pour heures supplémentaires.

En l’espèce, la relation de travail initiée en contrat à durée déterminée à compter du 10 mars 2011 s’étant poursuivie sans discontinuité pour une durée indéterminée, l’ancienneté à prendre en compte pour l’application du taux de prime remonte nécessairement à cette date, soit 3 % au 10 mars 2014, 4 % au 10 mars 2015, 5 % au 10 mars 2016 et 6 % au 10 mars 2017, sans que le nombre d’heures effectuées soit en cause.

Les bulletins de salaire produits mentionnant un taux de prime inférieur puisque tenant compte d’une ancienneté au 1er novembre 2011, M. [Z] est en droit de percevoir 1 309,96 euros de rappel de prime d’ancienneté pour la période du 20 septembre 2014 au 26 juin 2017, après réintégration des heures supplémentaires.

M. [Z] sollicitant la confirmation du jugement entrepris de ce chef qui a retenu une somme inférieure, il convient de faire droit à cette demande.

4-2/ sur les primes de dossiers

La société conteste devoir une quelconque somme au titre des primes sur dossier en l’absence de preuve que le salarié était en charge des dossiers concernés.

M. [Z] prétend que si les 4 adhésions d’officine en cause n’ont été finalisées qu’après son licenciement, il en a opéré l’accompagnement depuis l’origine, ce qui justifie qu’il perçoive les primes afférentes.

Si en principe la charge de la preuve incombe au demandeur, lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.

En l’espèce, le contrat de travail stipule que des primes conventionnelles ainsi qu’une éventuelle prime annuelle sur objectifs pourront s’ajouter à la rémunération de base.

Il n’est pas contesté qu’une prime liée au nombre et à la taille des pharmacies adhérentes était prévue.

M. [Z] produisant la liste des dossiers pour lesquels il réclame cette prime en précisant le montant afférent, il appartient à l’employeur de verser aux débats les pièces permettant d’établir qu’un autre salarié, en ayant assuré le suivi, a été gratifié.

A défaut, il convient de considérer que la somme réclamée, non contestée dans son quantum, est due, par infirmation du jugement entrepris.

5/ Sur la demande au titre de la fixation du salaire mensuel moyen

M. [Z] entend voir fixer son salaire mensuel moyen à 9 173,10 euros après réintégration des heures supplémentaires et des primes.

La société ne conteste pas ce quantum ne répondant que sur la demande de rappel de salaire qui en découle.

Il convient donc de fixer le salaire mensuel moyen à 9 173,10 euros.

6/ Sur les demandes au titre du harcèlement moral

6-1/ sur l’existence d’un harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

L’article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

M. [Z] s’estime victime de harcèlement moral caractérisé par une surcharge de travail non prise en compte malgré ses réclamations, une rétrogradation en 2013 puis en 2017, et l’application d’une clause de résidence nulle l’ayant contraint à des déplacements préjudiciables à sa santé.

Il verse aux débats :

– des échanges de courriels avec sa hiérarchie en 2012 et 2013 concernant le besoin de recrutement sur le service qu’il dirige et les difficultés rencontrées dans le fonctionnement de ce service,

– le compte-rendu de son entretien annuel d’activité du 6 juin 2016 faisant état d’objectifs partiellement remplis, ses commentaires signalant de nouveau un manque de moyens,

– des fiches de poste et un organigramme de la société afin de démontrer sa rétrogradation sous la direction du directeur commercial,

– un courrier de son supérieur hiérarchique du 13 juillet 2016 en réponse à ses commentaires dans le cadre de son évaluation annuelle lui annonçant que ses déplacements dans l’Est ne seraient plus remboursés à défaut d’autorisation préalable et l’invitant à déménager,

– un courriel du 10 mars 2017 dans lequel il sollicite l’autorisation de se déplacer en Alsace auprès du directeur commercial,

– un échange de courriels avec sa hiérarchie de février 2017 concernant la limitation de ses attributions aux fonctions de consultant par avenant à son contrat de travail,

– l’avenant correspondant qu’il refusera de signer du fait d’une baisse de sa rémunération.

La société fait valoir que le salarié ne communique aucun élément circonstancié et matériellement vérifiable laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Cependant, il ressort des pièces versées aux débats par le salarié qu’il a signalé, dès 2013, un manque de moyen pour faire fonctionner le service dont il avait la charge, qu’il a réitéré des propos en ce sens en 2016 dans le cadre de son évaluation annuelle actant des objectifs partiellement remplis, se heurtant à chaque fois à une fin de non-recevoir par courriel du 31 octobre 2013 et courrier du 13 juillet 2016, qu’il s’est trouvé subordonné au directeur commercial alors qu’il avait été lui-même recruté en qualité de directeur, et que la clause de résidence prévue au contrat de travail lui a été opposée alors que l’employeur ne justifie pas de son bien-fondé.

Contrairement à ce qu’indique l’employeur, les faits ainsi présentés, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Pour combattre cette présomption, l’employeur soutient que la clause de résidence n’a été opposée au salarié qu’afin de limiter des déplacements coûteux pour sa santé alors qu’il se plaignait d’une dégradation de ses conditions de travail, et qu’une plainte pour harcèlement moral a été déposée à son encontre par une autre salariée.

Ces arguments n’étant pas de nature à justifier objectivement les fins de non-recevoir opposées à ses réclamations, le placement sous lien de subordination d’un autre directeur, et le refus de continuer à rembourser les frais de déplacement depuis son domicile en Alsace, alors que ces agissements répétés ont eu pour effet de le conduire à envisager de renoncer à ses fonctions de directeur pour se limiter à des fonctions de consultant avec une baisse de sa rémunération et ont provoqué son licenciement, notamment à raison des critiques qu’il a émises quant à ses conditions de travail, l’existence d’un harcèlement moral entrainant la nullité du licenciement doit être retenue par infirmation du jugement entrepris.

M. [Z] ayant, par ailleurs, subi une dégradation de ses conditions de travail du fait de ce harcèlement moral, ce préjudice sera justement indemnisé à hauteur de 1 500 euros en l’absence de tout élément probant sur l’altération de sa santé physique qu’il invoque.

6-2/ sur les conséquences pécuniaires de la nullité du licenciement

M. [Z] fait valoir qu’après réintégration des heures supplémentaires son salaire s’établit à 9 173,10 euros en moyenne, et que du fait de son âge, son licenciement a entraîné un manque à gagner de 176 904 euros sur 13 ans, sa création d’entreprise n’ayant pas encore généré de revenus.

La société lui oppose une ancienneté de moins de 6 ans et le fait qu’il a immédiatement retrouvé un emploi en créant son entreprise.

L’article L.1235-3-1 du code du travail dispose notamment que l’article L.1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L.1152-3 et L.1152-4 ;

En l’espèce, M. [Z] justifie de son indemnisation par Pôle emploi jusqu’en mai 2021.

S’agissant de fixer une indemnité au moins égale aux salaires des six derniers mois, il n’y a pas lieu de réintégrer le rappel de salaire et de primes précédemment accordé.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, des éléments fournis sur sa situation professionnelle depuis la rupture, de son ancienneté dans l’entreprise (6 ans) et de l’effectif de celle-ci, la cour fixe à 40 000 euros les dommages et intérêts pour licenciement nul.

Le salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d’office des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.

7/ Sur la demande de réparation pour licenciement brutal et vexatoire

M. [Z] soutient qu’en le dispensant de préavis, ce qui laissait supposer un manquement d’une particulière gravité, l’employeur a délibérément porté atteinte à son image.

La société souligne que la dispense de préavis, qui relève de son pouvoir de direction ne saurait démontrer à elle seule une faute de sa part, et ce d’autant que M. [Z] a cherché à détourner sa clientèle après le licenciement.

En l’espèce, le seul fait de dispenser le salarié d’exécuter son préavis ne constitue pas une circonstance brutale et vexatoire. De plus, M. [Z] ne justifie d’aucun préjudice et ne saurait se plaindre d’avoir été dispensé de préavis alors que cette décision de l’employeur lui a permis de cesser de faire les trajets qu’il jugeait préjudiciable à sa santé depuis son domicile.

Les circonstances vexatoires du licenciement n’étant pas établies, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de ce chef.

8/ Sur les demandes accessoires

Les créances de nature salariale doivent être augmentées des intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes.

La capitalisation des intérêts est ordonnée.

L’employeur succombant principalement, il convient de confirmer le jugement entrepris quant aux frais irrépétibles et aux dépens, et de mettre les dépens d’appel à sa charge.

L’équité commande de le condamner à payer à M. [Z] 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel, et de rejeter sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

déclare irrecevables les conclusions remises le 17 janvier 2023 dans l’intérêt de M. [Z] et les pièces n° 59 et 60 produites au soutien de ces conclusions,

infirme le jugement du 16 décembre 2021 en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a annulé la clause de résidence, dit la convention de forfait annuel en jours inapplicable, accordé au salarié la somme de 1 162,14 euros au titre de la prime d’ancienneté, débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour salaire insuffisant et licenciement brutal, et condamné l’employeur au titre des frais irrépétibles et des dépens,

statuant à nouveau et y ajoutant,

prononce la nullité du licenciement pour harcèlement moral,

fixe le salaire mensuel moyen à 9 173,10 euros après réintégration des rappels de salaire,

condamne la société Sogiphar à payer à M. [K] [Z] les sommes suivantes :

– 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la nullité de la clause de résidence,

– 92 263,08 euros de rappel de salaire pour la période du 20 septembre 2014 au 26 juin 2017, outre 9 226,30 euros de congés payés afférents,

– 2 700 euros de rappel de primes sur dossier,

– 1 500 euros de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral,

– 40 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la nullité du licen- ciement,

dit que les créances de nature salariale doivent être augmentées des intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Sogiphar de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes,

ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

condamne M. [K] [Z] à payer à la société Sogiphar la somme de 9 308,13 euros en restitution des sommes versées au titre des RTT de 2015 à 2017,

ordonne à la société Sogiphar de rembourser à l’antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations,

condamne la société Sogiphar à payer à M. [K] [Z] 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

rejette le surplus des demandes,

condamne la société Sogiphar aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.  

Questions / Réponses juridiques

Quel est le contexte de l’affaire jugée par la Cour d’appel de Paris le 22 mars 2023 ?

L’affaire concerne un licenciement pour faute grave d’un salarié, Monsieur [S] [W], par la société ZV France. Ce dernier a été embauché en 2011 et a occupé plusieurs postes, devenant responsable de boutique en 2013.

Le licenciement a été prononcé le 28 novembre 2016, suite à plusieurs manquements aux procédures de l’entreprise, notamment le transfert non autorisé d’une paire de chaussures vers une cliente en Belgique, ainsi que des négligences dans la gestion du fond de caisse et l’entretien des produits en magasin.

Monsieur [W] a contesté ce licenciement devant le Conseil de prud’hommes, qui a rendu un jugement en sa faveur le 6 février 2020, condamnant la société à lui verser diverses indemnités. La société ZV France a alors interjeté appel, ce qui a conduit à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.

Quels étaient les motifs du licenciement de Monsieur [W] ?

Les motifs du licenciement de Monsieur [W] incluent plusieurs griefs sérieux. Tout d’abord, il a été accusé d’avoir transféré une paire de chaussures vers une cliente en Belgique sans autorisation, ce qui a entraîné des complications logistiques et une erreur de facturation.

Ensuite, il a été reproché de ne pas avoir rangé le fond de caisse dans le coffre à la fermeture de la boutique, ce qui a conduit à un vol de 230 euros. D’autres manquements incluent l’absence de chaînes sur des produits de valeur, un fond de caisse incorrect, et un désordre général dans la gestion de la boutique.

Ces manquements ont été jugés suffisamment graves pour justifier un licenciement pour faute grave, car ils ont mis en péril la sécurité financière de l’entreprise et ont enfreint les procédures établies.

Quelles ont été les décisions de la Cour d’appel concernant le licenciement ?

La Cour d’appel a confirmé que le licenciement de Monsieur [W] était justifié par une cause réelle et sérieuse. Elle a infirmé le jugement du Conseil de prud’hommes qui avait initialement considéré le licenciement comme sans cause réelle et sérieuse.

Cependant, la Cour a également confirmé les montants des condamnations retenues par les premiers juges, notamment pour le rappel de salaire au titre de la mise à pied, les congés payés afférents, et l’indemnité de licenciement.

Ainsi, bien que le licenciement ait été validé, Monsieur [W] a tout de même obtenu des compensations financières pour les périodes de mise à pied et d’autres indemnités dues.

Quels principes de droit ont été appliqués dans cette affaire ?

La Cour a appliqué plusieurs principes de droit en matière de licenciement. Selon l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

En cas de litige, le juge doit évaluer la régularité de la procédure et la véracité des motifs invoqués par l’employeur, en tenant compte des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La Cour a également rappelé que la faute grave est définie comme une violation des obligations contractuelles qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.

L’employeur doit prouver la réalité des faits reprochés pour justifier un licenciement pour faute grave, ce qui a été fait dans ce cas par la présentation de preuves documentaires et de témoignages.

Quelles étaient les demandes des parties en appel ?

En appel, la société ZV France a demandé à la Cour de déclarer le licenciement de Monsieur [W] justifié et de l’infirmer sur le jugement du Conseil de prud’hommes. Elle a également demandé que Monsieur [W] soit débouté de toutes ses demandes et condamné à verser des frais à l’entreprise.

De son côté, Monsieur [W] a demandé à la Cour de confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes, sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’il souhaitait voir augmentée.

Il a également demandé la remise des documents sociaux conformes à la décision, ainsi que le remboursement des frais de justice. Les deux parties ont donc présenté des demandes opposées, chacune cherchant à défendre ses intérêts respectifs dans cette affaire.


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