Nullité d’une assignation pour défaut de pouvoir dans une procédure de réponse médiatique

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Nullité d’une assignation pour défaut de pouvoir dans une procédure de réponse médiatique

L’Essentiel : La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE a intenté une action judiciaire contre [Z] [P] [H], directrice de publication de FRANCE TELEVISION, pour diffamation suite à des propos tenus dans l’émission GUADELOUPE SOIR. En réponse, la CAISSE REGIONALE a demandé un droit de réponse, contesté par [Z] [P] [H] qui a soulevé des exceptions de nullité. Le tribunal a finalement déclaré l’assignation nulle, estimant que le directeur général n’avait pas le pouvoir d’agir en justice sans délégation, et a condamné la CAISSE REGIONALE à verser 1 500 euros à [Z] [P] [H] pour ses frais.

Contexte de l’affaire

La société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE a engagé une procédure judiciaire contre [Z] [P] [H], directrice de publication de FRANCE TELEVISION, suite à des propos diffusés dans l’émission GUADELOUPE SOIR le 22 mai 2024. Ces propos étaient jugés diffamatoires et susceptibles de nuire à l’honneur et à la réputation de la caisse régionale.

Demande de droit de réponse

La CAISSE REGIONALE a demandé au juge des référés d’ordonner la diffusion d’un droit de réponse en réponse aux accusations formulées dans l’émission. Ce droit de réponse, adressé par courrier recommandé, conteste plusieurs affirmations concernant la gestion de la caisse et l’absence de communication d’un rapport d’inspection.

Arguments de la défenderesse

[Z] [P] [H] a soulevé des exceptions de nullité concernant l’assignation, arguant que le directeur général de la CAISSE REGIONALE n’avait pas le pouvoir de représenter la société en justice. Elle a également demandé la nullité de l’assignation et le rejet des demandes de la CAISSE REGIONALE.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué sur la nullité de l’assignation, considérant que le directeur général n’avait pas de pouvoir d’ester en justice sans délégation. En conséquence, l’assignation a été déclarée nulle, et la CAISSE REGIONALE a été condamnée à verser 1 500 euros à [Z] [P] [H] pour couvrir ses frais de justice, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Conclusion de l’ordonnance

L’ordonnance rendue le 10 janvier 2025 a prononcé la nullité de l’assignation, condamné la CAISSE REGIONALE à indemniser [Z] [P] [H] et a rappelé que la décision était exécutoire de plein droit, nonobstant appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 117 du code de procédure civile concernant le défaut de pouvoir d’une partie ?

L’article 117 du code de procédure civile stipule que :

« Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte.

L’exception de nullité tirée du défaut de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice doit être accueillie sans que celui qui l’invoque ait à justifier d’un grief. »

Ainsi, cet article établit que si une partie à un procès n’a pas le pouvoir légal de représenter une autre partie, cela constitue une irrégularité qui peut entraîner la nullité de l’acte.

Dans le cas présent, [Z] [P] [H] a soulevé cette irrégularité en arguant que le directeur général de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE n’avait pas le pouvoir de l’engager en justice, ce qui a conduit à la nullité de l’assignation.

Quelles sont les implications des articles L. 512-31 du code monétaire et financier et 21 des statuts de la CAISSE REGIONALE de CREDIT AGRICOLE MUTUEL de GUADELOUPE ?

L’article L. 512-31 du code monétaire et financier précise que :

« Les statuts déterminent le siège, la circonscription territoriale et le mode d’administration des caisses de crédit agricole mutuel. »

De plus, l’article 21 des statuts de la CAISSE REGIONALE de CREDIT AGRICOLE MUTUEL de GUADELOUPE stipule que :

« Le conseil d’administration a tous pouvoirs pour agir au nom de la caisse régionale, dont celui de la représenter devant tous tiers et administrations publiques et privées. »

Ces articles soulignent que le conseil d’administration détient le pouvoir d’agir au nom de la caisse, mais que ce pouvoir peut être délégué au directeur général.

Dans cette affaire, il a été établi qu’aucune délégation de pouvoir n’avait été fournie, ce qui a conduit à la conclusion que le directeur général n’avait pas le droit d’ester en justice au nom de la CAISSE REGIONALE, entraînant ainsi la nullité de l’assignation.

Comment l’article 700 du code de procédure civile s’applique-t-il dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que :

« La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Cet article permet au juge d’accorder des frais à la partie qui a gagné le procès pour couvrir les frais non récupérables engagés dans le cadre de la procédure.

Dans le jugement rendu, la CAISSE REGIONALE a été condamnée à verser 1 500 euros à [Z] [P] [H] en application de cet article, en raison de sa défaite dans l’instance.

Cela souligne l’importance de cet article dans la protection des droits des parties en justice, en leur permettant de récupérer une partie des frais engagés.

Quelles sont les conséquences de la nullité de l’assignation sur les demandes de la CAISSE REGIONALE ?

La nullité de l’assignation entraîne des conséquences significatives sur les demandes de la CAISSE REGIONALE.

En effet, lorsque l’assignation est déclarée nulle, cela signifie que toutes les demandes formulées dans cette assignation ne peuvent pas être examinées par le tribunal.

Dans cette affaire, la CAISSE REGIONALE a vu ses demandes rejetées, et le tribunal a prononcé la nullité de l’assignation sans avoir à examiner les autres moyens soulevés par [Z] [P] [H].

Cela démontre l’impact direct que peut avoir une irrégularité procédurale sur le fond d’une affaire, rendant ainsi inopérantes les prétentions de la partie qui a initié l’action.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/55565 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5LUC

N° : 2/MM

Assignation du :
07 Août 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 10 janvier 2025

par Gauthier DELATRON, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Jean-marc FEDIDA de la SELEURL FEDIDA AVOCAT, avocats au barreau de PARIS – #E0485

DEFENDERESSE

Madame [Z] [P] [H],
en sa qualité de directrice de publication de FRANCE TELEVISION
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Eric ANDRIEU de la SELAS PECHENARD & Associés, avocats au barreau de PARIS – #R0047
DÉBATS
A l’audience du 11 novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Gauthier DELATRON, Juge, assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu l’assignation délivrée par acte d’huissier le 7 août 2024, à la requête de la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE, à [Z] [P] [H], en sa qualité de directrice de publication de FRANCE TELEVISION, éditeur de la chaîne GUADELOUPE LA 1ère, au visa des articles 1-1 III de la loi du 21 juin 2004, 13 de la loi du 29 juillet 1881 et 835 du code de procédure civile, devant le juge des référés de ce tribunal, auquel elle demande de :
Ordonner la diffusion, dans des conditions techniques équivalentes à celles de la diffusion en replay sur le site FRANCE TELEVISIONS des propos tenus dans l’émission GUADELOUPE SOIR du 22 mai 2024, en réponse aux propos portant imputations susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la réputation de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE identifiés à la section II. 1 de la présente, le droit de réponse suivant, tel qu’adressé à la directrice de la publication par courrier recommandé daté du 4 juin 2024, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir :« La mise en cause de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Guadeloupe dans le journal télévisuel GUADELOUPE SOIR appelle les mises au point et réponses suivantes :

Il n’existe pas à la date des présentes de rapport « rouge écarlate » (cette catégorie étant incidemment inconnue), la mission de l’inspection générale du Crédit Agricole SA n’étant pas achevée.

La mission d’inspection n’a nullement porté sur la gestion de ses ressources humaines par la Caisse Régionale du Crédit Agricole Guadeloupe qui n’est donc pas critiquée.

Il est inexact d’affirmer que l’absence de communication aux représentants du personnel du rapport rédigé à l’issue de la mission d’inspection serait « une première dans l’histoire de la Caisse » alors qu’une telle communication n’a pas vocation à intervenir et n’a pas de précédent connu.

Outre le fait que ce rapport définitif n’a pas encore été produit, sa présentation synthétique est faite directement par l’Inspection Générale au Conseil d’administration de la Caisse régionale en présence des représentants élus du CSE.

Le directeur général ainsi que le directeur général adjoint ont annoncé leur départ à la retraite à une date bien antérieure aux faits invoqués de telle sorte qu’ils ne sont en rien corrélés au résultat évoqué de la mission d’inspection, et encore moins aux procédures diligentées par d’anciens salariés.

Le directeur général adjoint n’est par ailleurs nullement « remplacé au 1er septembre » 2024 et sera bien à son poste à cette date.
La Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de Guadeloupe, conformément aux valeurs qui sont les siennes, tient, dans ces conditions, comme outrageante la remise en cause de la gestion de ses ressources humaines. » ;

– Condamner [Z] [P] [H] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE, agissant par son représentant légal dument habilité, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

Vu l’acte de dénonciation de ladite assignation au ministère public en date du 9 août 2024 ;

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 15 novembre 2024, par lesquelles la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE, maintenant les demandes formées dans l’assignation, sollicite le rejet des exceptions de nullité soulevées par [Z] [P] [H] et de la juger recevable en ses demandes ;

Vu les conclusions signifiées par voie électronique le 23 octobre 2024 et soutenues à l’audience du 15 novembre 2024, par lesquelles [Z] [P] [H] demande au juge des référés de :
prononcer, à titre principal, la nullité de l’assignation ;déclarer, à titre subsidiaire, irrecevables les demandes de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE ;plus subsidiairement, juger justifié le refus d’insertion du droit de réponse de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE ;en tout état de cause, dire n’y avoir lieu à référé et rejeter l’ensemble des demandes de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE ;condamner la demanderesse à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
À l’issue de l’audience, au cours de laquelle les conseils des parties ont été entendus en leurs observations, il leur a été indiqué que la présente décision serait rendue le 10 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur la nullité de l’assignation

[Z] [P] [H] soulève in limine litis la nullité de l’assignation du 7 août 2024, en premier lieu pour défaut de pouvoir du directeur général, en second lieu pour non-respect des dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881.

Sur le moyen tenant au défaut de pouvoir du directeur général :

Aux termes de l’article 117 du code de procédure civile, le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte.

L’exception de nullité tirée du défaut de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice doit être accueillie sans que celui qui l’invoque ait à justifier d’un grief.

La défenderesse soutient qu’en application des articles L. 512-31 du code monétaire et financier et 21 6° des statuts de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE (pièce n°4 en défense), lequel prévoit que le président du conseil d’administration représente cette dernière en justice, M. [R] [I], directeur général, ne disposait pas, en l’absence de mandat, du pouvoir de la représenter.

La demanderesse argue que le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE, en application des articles 2 et 26-16 de la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ainsi que de l’article 23 des statuts de cette dernière.

Sur ce, il n’est pas contesté que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE est une société coopérative à capital et personnel variables, agréée sur la liste des « établissements » de crédit agréés dans la catégorie de banque mutualiste ou coopérative (article 1 de ses statuts, pièce n°4 en défense).

Les sociétés coopératives sont régies par les dispositions de loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, laquelle prévoit en son article 2 que les coopératives sont régies par cette loi sous réserve des lois particulières à chaque catégorie d’entre elles.

Les caisses de crédit agricole mutuel sont régies par des dispositions particulières prévues aux articles L512-21 à L512-46 du code monétaire et financier.

Suivant l’article L512-31 dudit code, les statuts déterminent le siège, la circonscription territoriale et le mode d’administration des caisses de crédit agricole mutuel.

Les statuts de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE prévoient en leur article 21, que le conseil d’administration a tous pouvoirs pour agir au nom de la caisse régionale, dont celui de la représenter devant tous tiers et administrations publiques et privées ; que pour l’exercice de ces droits, le conseil d’administration peut déléguer ses pouvoirs, pour l’exécution de ses propres décisions et de celles de l’assemblée générale, au directeur général ; que le président du conseil d’administration ou son mandataire représente la caisse régionale en justice, tant en demande qu’en défense, avec faculté de subdélégation pour le président ou le mandataire sans préjudice de toute autre délégation qui pourrait être consentie par le conseil d’administration par ailleurs ; qu’en conséquence, c’est à la requête du président du conseil d’administration ou contre lui que doivent être intentées toutes actions judiciaires.

Il n’est pas contesté que [R] [I] est directeur général de cette dernière (voir extrait Kbis produit par le demandeur) et qu’il a introduit la présente action en tant que « représentant légal dument habilité » de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE. Aucune délégation de pouvoir au profit de [R] [I] n’a été produite par ailleurs.

Or il ressort des statuts précités qu’en l’absence de délégation, le directeur général ne disposait pas du pouvoir d’ester en justice au nom de la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE.

Ce défaut de pouvoir constituant une irrégularité de fond affectant la validité de l’assignation du 7 août 2024, l’exception de nullité soulevée par la défenderesse doit être accueillie, sans qu’il soit besoin de justifier d’un grief.

Il convient par conséquent de prononcer la nullité de l’assignation du 7 août 2024, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens.

Sur les autres demandes

Il serait inéquitable de laisser à [Z] [P] [H] la charge des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer pour la défense de ses intérêts et il y aura lieu en conséquence de condamner la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE qui succombe à l’instance, sera également condamnée aux dépens.

Il convient de débouter les parties du surplus de leurs demandes.

Il sera rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit nonobstant appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Prononçons la nullité de l’assignation de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE en date du 7 août 2024 ;
Condamnons la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE à payer à [Z] [P] [H] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE aux dépens ;
Déboutons les parties du surplus de leurs demandes ;
Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit nonobstant appel.

Fait à Paris le 10 janvier 2025

Le Greffier, Le Président,

Minas MAKRIS Gauthier DELATRON


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