Nullité d’un commandement d’expulsion en l’absence de titre exécutoire et conséquences sur la responsabilité du bailleur.

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Nullité d’un commandement d’expulsion en l’absence de titre exécutoire et conséquences sur la responsabilité du bailleur.

L’Essentiel : Le tribunal a annulé le commandement de quitter les lieux signifié par Monsieur [W] [M] à Madame [D] [K] [Z], en raison de l’absence d’un titre exécutoire valide. Il a également condamné Monsieur [W] [M] à verser 1.000 euros à Madame [D] [K] [Z] pour dommages et intérêts, en tenant compte des menaces et intimidations subies par cette dernière. De plus, il a ordonné le paiement de 800 euros pour couvrir ses frais de justice. Les autres demandes des parties ont été rejetées, consolidant ainsi la décision en faveur de Madame [D] [K] [Z].

Contexte du litige

Monsieur [W] [M] a signifié à Madame [D] [K] [Z] un commandement de quitter les lieux, se basant sur un jugement rendu le 22 novembre 2021. Ce jugement avait été prononcé par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint Benoît.

Demande de Madame [D] [K] [Z]

En réponse, Madame [D] [K] [Z] a déposé une requête le 22 août 2024, demandant l’annulation du commandement, des dommages-intérêts, ainsi que des délais pour quitter les lieux. Elle a également sollicité une somme de 1.500 euros pour couvrir ses frais de justice.

Audience et comparution

L’affaire a été examinée lors d’une audience le 3 octobre 2024, où Madame [D] [K] [Z] était représentée par son avocat, tandis que Monsieur [W] [M] a comparu en personne, affirmant que Madame [D] [K] [Z] ne payait pas son loyer.

Nullité du commandement de quitter les lieux

Madame [D] [K] [Z] a soutenu que le commandement était nul, car Monsieur [W] [M] ne disposait pas d’un titre exécutoire pour ordonner son expulsion. Le jugement du 22 novembre 2021 avait rejeté la demande d’expulsion en raison de l’indécence du logement.

Demande de dommages et intérêts

Madame [D] [K] [Z] a également demandé des dommages et intérêts, invoquant des menaces et intimidations de la part de Monsieur [W] [M], qui auraient affecté sa santé. Elle a fourni des preuves, y compris une déclaration de main courante et une attestation d’un psychologue.

Amende civile

Concernant la demande d’amende civile, le tribunal a précisé que celle-ci ne pouvait être accordée à Madame [D] [K] [Z], car elle est destinée à l’État et non à la partie adverse.

Décision du tribunal

Le tribunal a annulé le commandement de quitter les lieux, condamné Monsieur [W] [M] à verser 1.000 euros à Madame [D] [K] [Z] pour dommages et intérêts, et a ordonné qu’il paie également 800 euros pour couvrir les frais de justice. Les demandes supplémentaires des parties ont été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la nullité du commandement de quitter les lieux

La question soulevée ici est de savoir si le commandement de quitter les lieux délivré par Monsieur [W] [M] à Madame [D] [K] [Z] est valide en l’absence d’un titre exécutoire.

Selon l’article L 411-1 du code des procédures civiles d’exécution :

“Sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux.”

En l’espèce, le jugement du 22 novembre 2021 a explicitement rejeté la demande d’expulsion de Madame [D] [K] [Z] en raison d’éléments d’indécence affectant le logement.

Ainsi, en l’absence d’un titre exécutoire ordonnant l’expulsion, le commandement de quitter les lieux est nul.

Le juge a donc ordonné la nullité de ce commandement, confirmant que Monsieur [W] [M] ne pouvait pas agir sans un fondement légal.

Sur la demande de dommages et intérêts

La question ici est de savoir si Madame [D] [K] [Z] peut obtenir des dommages et intérêts en raison des menaces et intimidations subies de la part de Monsieur [W] [M].

L’article 1240 du code civil stipule :

“Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

Madame [D] [K] [Z] a produit une déclaration de main courante et une attestation corroborant ses allégations de menaces.

Ces éléments démontrent que le comportement de Monsieur [W] [M] a causé un préjudice à Madame [D] [K] [Z], aggravant son état de santé.

Le juge a donc reconnu la légitimité de la demande de dommages et intérêts et a condamné Monsieur [W] [M] à verser 1.000 euros à Madame [D] [K] [Z].

Sur la demande au titre de l’amende civile

La question posée est de savoir si Madame [D] [K] [Z] peut obtenir une amende civile à l’encontre de Monsieur [W] [M] pour son comportement jugé dilatoire ou abusif.

L’article 32-1 du code de procédure civile précise que :

“Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.”

Cependant, il est important de noter que l’amende civile est destinée à l’État et non à la partie adverse.

Ainsi, le juge a débouté Madame [D] [K] [Z] de sa demande d’amende civile, car celle-ci n’est pas fondée à en faire la demande.

Sur les demandes accessoires

La question ici concerne la répartition des dépens et des frais engagés par Madame [D] [K] [Z] pour sa défense.

Conformément aux principes généraux du droit, la partie perdante est généralement condamnée aux dépens.

Le juge a donc décidé de condamner Monsieur [W] [M] à payer les entiers dépens, ainsi qu’une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit la possibilité d’une indemnisation pour les frais engagés par la partie gagnante.

Cela permet de garantir que Madame [D] [K] [Z] ne supporte pas les frais de sa défense, ce qui serait inéquitable.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 24/02650 – N° Portalis DB3Z-W-B7I-G2VR
NAC : 5AD

JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

le 21 novembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [D] [K] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Emmanuel QUEMPER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

DÉFENDEUR

Monsieur [W] [M]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparant en personne

*****************

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS

Le juge de l’exécution : Cécile VIGNAT, Vice-présidente
Greffier : Dévi POUNIANDY

Audience publique du 03 octobre 2024

LORS DU DÉLIBÉRÉ

Jugement contradictoire du 21 novembre 2024, en premier ressort.

Prononcé par mise à disposition par Madame Cécile VIGNAT, Vice-présidente, assistée de Mme Dévi POUNIANDY, Greffière

Copie exécutoire délivrée le 21 novembre 2024 à Me QUEMPER et M. [M]
Expédition délivrée le 21 novembre 2024 à Mme [Z]

EXPOSE DU LITIGE:

Se prévalant d’un jugement contradictoire rendu le 22 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint Benoît, Monsieur [W] [M] a fait signifier à Madame [D] [K] [Z] un commandement de quitter les lieux le 11 juillet 2024.

Par requête en date du 22 août 2024, Madame [D] [K] [Z], représentée par son conseil, a sollicité :
A titre principal : l’annulation du commandement de quitter les lieux délivré par Monsieur [W] [M] en l’absence de titre autorisant l’expulsion de Madame [D] [K] [Z] et la condamnation de Monsieur [W] [M] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code civil ainsi qu’une amende civile pouvant atteindre la somme de 10.000 euros conformément à l’article 32-1 du code de procédure civile
A titre subsidiaire : des délais pour quitter les lieux à hauteur de 24 mois
En tout état de cause : la condamnation de Monsieur [W] [M] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 03 octobre 2024.

Madame [D] [K] [Z] est représentée par son conseil et maintient l’intégralité de ses demandes.

Monsieur [W] [M] comparaît en personne. Il souligne que Madame [D] [K] [Z] ne paie pas son loyer.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures et observations orales, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 21 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la nullité du commandement de quitter les lieux

Au soutien de sa demande, Madame [D] [K] [Z] fait valoir que la bailleur ne dispose pas d’un titre exécutoire ordonnant son expulsion de sorte que le commandement de quitter les lieux est nul.

Selon les dispositions de l’article L 411-1 du code des procédures civiles d’exécution, “Sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux.”

En l’espèce, il est établi qu’un commandement de quitter les lieux a été délivré par acte de commissaire de justice en date du 11 juillet 2024 à Madame [D] [K] [Z] en vertu du jugement en date du 22 novembre 2021 du tribunal de proximité de Saint Benoît.

Toutefois, il ressort de façon explicite du dispositif de ce jugement que la demande d’expulsion a été rejetée compte tenu de l’existence d’éléments d’indécence affectant le logement donné en location à Madame [D] [K] [Z].

En conséquence et en l’absence d’expulsion ordonnée par un titre exécutoire, Monsieur [W] [M] ne pouvait pas faire délivrer à Madame [D] [K] [Z] un commandement de quitter les lieux.

Il convient dès lors d’ordonner la nullité du commandement de quitter les lieux en date du 11 juillet 2024.

Sur la demande de dommages et intérêts

Madame [D] [K] [Z] s’estime bien fondée à solliciter des dommages et intérêts soulignant les menaces et intimidations reçues de la part du bailleur ayant eu des répercussions sur son état de santé.

Selon l’article 1240 du code civil “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

Madame [D] [K] [Z] verse aux débats une déclaration de main courante en date du 21 avril 2023 aux termes de laquelle elle fait état des menaces et intimidations faites par Monsieur [W] [M] pour la forcer à quitter les lieux. Une attestation de Monsieur [B] [F], fils de Madame [D] [K] [Z], corrobore cette déclaration.

La notification d’un commandement de quitter les lieux alors qu’il ne dispose d’aucun titre exécutoire ne fait que confirmer ce comportement fautif de Monsieur [W] [M].

Cette attitude fautive a contribué à aggraver l’état de santé de Madame [D] [K] [Z], suivie depuis 2021 par Madame [U] [Y], psychologue clinicienne, pour dépression réactionnelle consécutive à un abus de pouvoir de la part de son propriétaire, conformément à l’attestation en date du 15 mai 2021 versée aux débats.

En conséquence, Madame [D] [K] [Z] est bien fondée à solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Il convient de condamner Monsieur [W] [M] à lui payer à ce titre la somme de 1.000 euros.

Sur la demande au titre de l’amende civile

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L’amende civile profite à l’Etat et non à la partie adverse qui n’est pas fondée à faire une demande à ce titre. En conséquence, il y a lieu de débouter Madame [D] [K] [Z] de cette demande.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [W] [M], partie perdante, sera condamné aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [D] [K] [Z] les frais qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts. Il y a lieu de condamner Monsieur [W] [M] à lui payer la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le juge de l’exécution statuant par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Annule le commandement de quitter les lieux notifié à Madame [D] [K] [Z] par acte de commissaire de justice en date du 11 juillet 2024 ;

Condamne Monsieur [W] [M] à payer à Madame [D] [K] [Z] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne Monsieur [W] [M] aux entiers dépens ;

Condamne Monsieur [W] [M] à payer à Madame [D] [K] [Z] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit,

LA GREFFIERE LE JUGE DE L’EXECUTION


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