Nullité d’une assignation en raison d’un défaut d’habilitation du syndic

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Nullité d’une assignation en raison d’un défaut d’habilitation du syndic

L’Essentiel : Le 19 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a assigné les consorts [Y] devant le tribunal judiciaire de Bobigny. En réponse, ces derniers ont sollicité l’intervention de la SARL TSB bâtiment. Cette dernière a ensuite demandé au juge de constater son désistement concernant la nullité de l’assignation. Le syndicat a, pour sa part, demandé le rejet des demandes des consorts [Y] et le paiement de 2 000 euros. Le juge a finalement annulé l’assignation, la déclarant entachée d’une nullité de fond, et a condamné le syndicat aux dépens.

Contexte de l’affaire

Le 19 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a assigné les consorts [Y] devant le tribunal judiciaire de Bobigny. En réponse, les consorts [Y] ont demandé l’intervention forcée de la SARL TSB bâtiment.

Demandes des parties

La SARL TSB bâtiment a, par ses conclusions d’incident du 13 septembre 2024, demandé au juge de constater son désistement concernant la demande en nullité de l’assignation et que chaque partie conserve la charge de ses dépens. De leur côté, les consorts [Y] ont formulé plusieurs demandes, incluant la nullité de l’assignation et l’irrecevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires.

Conclusions du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires a, dans ses conclusions du 6 décembre 2024, demandé le rejet des demandes des consorts [Y], tout en sollicitant le paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Procédure et audience

L’affaire a été mise en délibéré lors de l’audience d’incident du 9 décembre 2024, avec une décision attendue pour le 20 janvier 2025.

Analyse juridique

Le juge de la mise en état a rappelé que, selon l’article 789 du code de procédure civile, il est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure. Concernant l’exception de nullité de l’assignation, il a été souligné que le syndic doit être autorisé par l’assemblée générale pour agir en justice, ce qui n’a pas été le cas ici.

Décision du juge

Le juge a annulé l’assignation du 19 septembre 2023, constatant qu’elle était entachée d’une nullité de fond. En conséquence, tous les actes de procédure subséquents ont également été annulés. Le syndicat des copropriétaires a été condamné aux dépens et à verser une somme de 2 000 euros aux consorts [Y]. Les consorts [Y] ont été dispensés de toute participation aux frais de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge de la mise en état selon l’article 789 du Code de procédure civile ?

Le juge de la mise en état est, selon l’article 789 du Code de procédure civile, le seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure jusqu’à son dessaisissement.

Cet article précise que le juge de la mise en état a compétence exclusive pour traiter des exceptions telles que les exceptions dilatoires, de nullité, d’incompétence, de litispendance et de connexité, ainsi que des fins de non-recevoir.

Il est donc essentiel que les parties respectent cette compétence pour éviter toute irrégularité dans la procédure.

Quelles sont les conditions de recevabilité des exceptions de procédure selon les articles 73 et 74 du Code de procédure civile ?

Les articles 73 et 74 du Code de procédure civile stipulent que les exceptions de procédure doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Ces articles définissent les exceptions de procédure comme tout moyen visant à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, ou à en suspendre le cours.

Il est important de noter que même si les règles invoquées sont d’ordre public, elles doivent être soulevées dans les délais impartis pour être recevables.

Quelles sont les exigences relatives à l’autorisation du syndic d’agir en justice selon l’article 55 du décret n° 67-223 ?

L’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 impose que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires sans avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale.

La rédaction issue du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 précise que seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice.

Cette autorisation doit être claire, précise et votée en assemblée générale, conformément à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.

Quelles sont les conséquences d’un défaut d’habilitation du syndic selon la jurisprudence ?

Le défaut d’habilitation du syndic à agir en justice pour le compte du syndicat des copropriétaires constitue un défaut de pouvoir, entraînant une nullité de fond.

Cette nullité ne peut être invoquée que par celui qui l’invoque et ne peut pas être relevée d’office par le juge.

L’article 118 du Code de procédure civile stipule que les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond peuvent être proposées en tout état de cause, tandis que l’article 119 précise que ces exceptions doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief.

Comment se prononce le juge sur la nullité d’une assignation selon l’article 121 du Code de procédure civile ?

L’article 121 du Code de procédure civile indique que la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Cependant, dans le cas où la nullité est susceptible d’être couverte, le juge peut autoriser la régularisation de la nullité antérieurement à sa décision.

Dans l’affaire en question, le juge a constaté que l’assignation était entachée d’une nullité de fond, car elle ne correspondait pas aux autorisations données au syndic, entraînant ainsi son annulation.

Quelles sont les implications de l’article 10-1 d) de la loi n° 65-557 concernant les frais de procédure ?

L’article 10-1 d) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 stipule que les copropriétaires peuvent être dispensés de toute participation aux frais de la procédure engagée contre eux.

Dans le cas présent, les époux [Y] ont été dispensés de toute participation à la dépense commune au titre des frais de la procédure, ce qui souligne la protection accordée aux copropriétaires dans le cadre des litiges les opposant au syndicat des copropriétaires.

Cette disposition vise à éviter que les copropriétaires ne soient pénalisés financièrement par des actions judiciaires qu’ils n’ont pas initiées.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
DU 20 JANVIER 2025

Chambre 6/Section 5

Affaire : N° RG 23/09051 – N° Portalis DB3S-W-B7H-X4YW
N° de Minute : 25/00035

Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice le cabinet IMMO DEVAUX GESTION
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par Me Antonios VAROUDAKIS, avocat ( postulant) au barreau de PARIS, vestiaire: E 1259 ; Me Thomas GARROS, avocat ( plaidant) au barreau de PARIS, vestiaire C 1730

DEMANDEUR

C/

Madame [D] [S] épouse [Y]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Monsieur [K] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Ayant pour Avocat : Maître Jacques-alexandre BOUBOUTOU de la SELARL JACQUES-ALEXANDRE BOUBOUTOU, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E 1587

La S.A.R.L. TSB BATIMENT
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Olivier OHAYON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0004
Intervenant forcé

DEFENDEURS

JUGE DE LA MISE EN ÉTAT :

Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge,
assisté aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

DÉBATS :

Audience publique du 09 Décembre 2024, à cette date, l’affaire été mise en délibéré au 20 Janvier 2025.

Tribunal judiciaire de Bobigny
Chambre 6/Section 5
AFFAIRE N° RG : N° RG 24/04259 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZDM6
Ordonnance du juge de la mise en état
du 09 Décembre 2024

ORDONNANCE :

Prononcée en audience publique, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et rendue par Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge statuant en qualité de juge de la mise en état, assisté de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par actes d’huissier du 19 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a fait assigner les consorts [Y] devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

Les consorts [Y] ont assigné la SARL TSB bâtiment en intervention forcée.

Par dernières conclusions d’incident notifiées le 13 septembre 2024, la SARL TSB demande au juge de la mise en état de :
– constater le désistement de la société TSB de sa demande en nullité de l’assignation ;
– juger que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par dernières conclusions d’incident notifiées le 4 décembre 2024, les consorts [Y] demandent au juge de la mise en état de :
A titre principal et in limine litis,
– prononcer la nullité de l’assignation délivrée le 19 septembre 2023 aux époux [Y] par le syndicat des copropriétaires ;

A titre subsidiaire,
– prononcer l’irrecevabilité des demandes formulées dans l’assignation par le syndicat des copropriétaires à l’encontre de M. et Mme [Y] ;

En tout état de cause,
– donner acte aux époux [Y] du désistement leurs conclusions reconventionnelles aux fins d’indemnisation des conséquences de la réitération tardive et fautive de la cession de parties communes par le syndicat des copropriétaires ;
– rejeter l’ensemble des demandes incidentes, fins et conclusions du syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] ; –
– condamner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] à payer aux époux [Y] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens ;
– dispenser les époux [Y] de toute participation à la dépense commune au titre des frais de la procédure engagée contre eux, en ce compris les frais et honoraires d’avocats relatif au présent incident, conformément à l’article 10-1 d) de la loi n°65-557 de la loi du 10 juillet 1965 ;
– maintenir l’exécution provisoire de droit.

Par dernières conclusions d’incident notifiées le 6 décembre 2024, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] demande au juge de la mise en état de :
In limine litis,
– débouter les consorts [Y] de leur demande de nullité ;
– écarter l’irrecevabilité soulevée par les consorts [Y] ;

– prendre acte de l’acceptation exprès du syndicat du désistement formé par les consorts [Y] concernant leurs demandes reconventionnelles ;
– condamner les consorts [Y] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, somme justifiée par les réponses aux demandes d’irrecevabilité et de nullité formulées ;
– réserver les dépens.

Pour un exposé des moyens développés par les parties, il est renvoyé à la lecture de leurs conclusions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

A l’audience d’incident du 9 décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 20 janvier 2025, date de la présente décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer notamment sur les exceptions de procédure (exceptions dilatoires, de nullité, d’incompétence, de litispendance et de connexité) et les fins de non-recevoir.

Sur l’exception de nullité de l’assignation

Aux termes des articles 73 et 74 du code de procédure civile, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.

L’article 55 du décret numéro 67-223 du 17 mars 1967 dispose que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale et, dans sa rédaction issue du décret numéro 2019-650 du 27 juin 2019 (entré en vigueur le 29 juin 2019), que seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice, étant précisé que cette nouvelle disposition est applicable aux instances en cours dès lors que le moyen est soulevé postérieurement au 29 juin 2019 (voir en ce sens Cass, Civ 3, 25 mars 2021, 20-15.307).

L’autorisation doit faire l’objet d’une résolution expresse, claire et précise, votée en assemblée générale sous l’égide de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965. Elle doit par ailleurs présenter les caractères suivants :
– il n’est pas indispensable que soit précisé au procès-verbal habilitant à agir la juridiction devant laquelle l’affaire sera portée (CA Paris, 15 mars 2002, n° 2000/128878) ;
– la nature (le type de tribunal saisi et le contenu des prétentions) de la procédure autorisée doit être précise ;
– la résolution autorisant le syndic à agir au nom du syndicat doit nommer la ou les personne(s) contre la(es)quelle(s) l’action judiciaire est dirigée ;
– l’objet de la demande doit être spécifié.

Le défaut d’habilitation du syndic en vue d’agir en justice pour le compte du syndicat des copropriétaires constitue un défaut de pouvoir sanctionné par une nullité de fond qui ne profite

qu’à celui qui l’invoque et non une fin de non-recevoir que le juge peut relever d’office (voir en ce sens : Civ. 3e, 9 avril 2008, FS-P+B+I, n° 07-13.236).

A cet égard, et s’agissant du régime des nullités de fond :
– il résulte de l’article 118 du code de procédure civile dispose cependant que les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement ;
– l’article 119 du même code dispose que les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

Enfin, aux termes de l’article 121 du code de procédure civile, dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

En l’espèce, l’article 121 du code de procédure civile autorisant la régularisation de la nullité antérieurement à la décision du juge, il convient de se référer au procès-verbal d’assemblée générale du 29 juillet 2024.

Il résulte des termes des autorisations que le syndic a été autorisé à agir « au fond » contre « les consorts [Y] » afin de solliciter la réparation des désordres résultant des travaux exécutés par les consorts [Y] et ayant fait l’objet du rapport d’expertise.

Or, comme relevé par les consorts [Y], l’assignation concerne seulement le remboursement des frais d’expertise, qui ne font l’objet d’aucune des autorisations.

En cela, l’assignation est entachée d’une nullité de fond et sera, en conséquence, annulée sans nécessité de démontrer un quelconque grief.

L’absence de saisine du tribunal sera constatée.

Sur les autres demandes

Les époux [Y] seront dispensés de toute participation à la dépense commune au titre des frais de la procédure, conformément à l’article 10-1 d) de la loi n°65-557 de la loi du 10 juillet 1965.

Le syndicat des copropriétaires supportera les dépens et devra payer aux consorts [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de la mise en état, statuant par décision publique mise à disposition au greffe, susceptible de recours selon les conditions énoncées à l’article 795 du code de procédure civile,

ANNULE l’assignation du 19 septembre 2023 délivrée par le syndicat des copropriétaires aux consorts [Y] ;

ANNULE, en conséquence, tous les actes de procédure subséquents ;

CONSTATE l’absence de saisine du tribunal judiciaire de Bobigny ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires aux dépens ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires à payer aux consorts [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DISPENSE les consorts [Y] de toute participation aux frais de procédure.

La minute a été signée par Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT


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