L’Essentiel : L’affaire concerne la demande de nationalité française de [T], né en Inde anglaise en 1945, revendiquant cette nationalité par filiation paternelle. Après plusieurs décisions judiciaires, des héritiers de [T] ont été autorisés à intervenir dans la procédure suite à son décès en 2020. [T] a produit des actes d’état civil pour prouver sa filiation, mais le ministère public a contesté leur validité. Le tribunal a finalement jugé que les preuves fournies étaient suffisantes pour établir la nationalité française de [T], déclarant cette nationalité le 10 janvier 2025 et ordonnant la mention de cette décision sur son acte de naissance.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne une demande de nationalité française formulée par [T], né le 15 mars 1945 en Inde anglaise. Il revendique cette nationalité par filiation paternelle, en se basant sur des actes d’état civil et des dispositions légales françaises. L’assignation a été délivrée le 6 mars 2019, et plusieurs décisions judiciaires ont été rendues pour permettre la communication de documents et la réouverture des débats. Interventions volontairesDes interventions volontaires ont été notifiées par plusieurs héritiers de [T] le 26 janvier 2022, permettant ainsi leur participation à la procédure. Ces interventions ont été acceptées par le tribunal, considérant que l’action de [T] était transmissible à ses héritiers après son décès survenu le 2 juillet 2020. Demande de nationalité française[T] revendique la nationalité française en se basant sur sa naissance déclarée conformément à la législation française en vigueur à l’époque. Il soutient avoir conservé cette nationalité à l’indépendance des Établissements français de l’Inde, en raison de sa naissance en dehors de ces territoires et de l’absence d’application des dispositions du traité de cession franco-indien. Charge de la preuveLa charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui la revendique, surtout s’il ne possède pas de certificat de nationalité. [T] doit prouver la nationalité française de son père et établir un lien de filiation légalement reconnu, en fournissant des actes d’état civil probants. Éléments de preuvePour justifier sa filiation, [T] a produit son acte de naissance et l’acte de mariage de son père, tous deux apostillés. Le ministère public a contesté la validité de ces documents en soulignant des incohérences dans les âges et les noms des parents. Cependant, [T] a fourni des certificats de coutume et des attestations pour clarifier ces points. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que les éléments de preuve fournis par [T] étaient suffisants pour établir sa filiation paternelle et sa nationalité française. Il a également noté que la naissance de [T] en Inde anglaise ne l’a pas soumis aux dispositions du traité de cession, lui permettant ainsi de conserver sa nationalité française. Conséquences de la décisionLa décision a été rendue le 10 janvier 2025, déclarant que [T] est de nationalité française et ordonnant la mention de cette décision en marge de son acte de naissance. Chaque partie a été condamnée à supporter ses propres dépens, soulignant la nécessité de cette instance pour établir les droits des demandeurs. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la régularité de la procédure selon l’article 1043 du code de procédure civile ?La régularité de la procédure est confirmée par l’article 1043 du code de procédure civile, qui stipule que dans toutes les instances où s’élève une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation doit être déposée au ministère de la Justice, qui en délivre récépissé. En l’espèce, le ministère de la Justice a délivré ce récépissé le 1er août 2019, ce qui signifie que la condition de l’article 1043 est respectée. Ainsi, la procédure est jugée régulière au regard de ces dispositions, permettant de poursuivre les débats en toute légitimité. Quelles sont les conditions pour recevoir une intervention volontaire selon les articles 66 et 325 du code de procédure civile ?Les articles 66 et 325 du code de procédure civile prévoient que l’intervention volontaire est admise lorsque l’intervenant a un intérêt à l’issue du litige. Dans cette affaire, les extraits du registre des actes de naissance produits en pièces n° 10, n° 13, n° 14 et n° 15, dûment apostillés, justifient que Mme [U], Mme [E], M. [G] et M. [C] ont un intérêt à intervenir en tant qu’héritiers de [T], décédé le 2 juillet 2020. L’action exercée de son vivant par [T] étant transmissible, les conditions pour recevoir ces interventions sont donc remplies. Comment se prouve la nationalité française selon l’article 30 du code civil ?L’article 30 alinéa 1 du code civil stipule que la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, sauf s’il est titulaire d’un certificat de nationalité. Dans le cas présent, [T] n’étant pas titulaire d’un certificat de nationalité française, il doit prouver sa nationalité française par des actes d’état civil probants, conformément à l’article 47 du code civil. Il doit également établir un lien de filiation légalement reconnu avec un parent français, ce qui implique la production d’actes d’état civil valides. Quelles sont les implications de l’article 28 du code civil concernant la nationalité ?L’article 28 du code civil prévoit que toute acquisition, perte ou réintégration de la nationalité française doit être mentionnée en marge de l’acte de naissance. Cela signifie que la décision de reconnaître [T] comme de nationalité française doit être inscrite en marge de son acte de naissance, conformément à cet article. Cette mention est essentielle pour assurer la traçabilité et la transparence des droits de nationalité, permettant ainsi de clarifier la situation juridique de l’individu concerné. Quels sont les effets de la cession des Établissements français de l’Inde selon le traité du 28 mai 1956 ?Le traité du 28 mai 1956 stipule que les Français nés hors des Établissements français de l’Inde et qui y étaient domiciliés le 16 août 1962 conservent de plein droit la nationalité française. En revanche, ceux nés sur le territoire des Établissements cédés et y étant domiciliés ont perdu la nationalité française, sauf s’ils ont exercé une option pour la nationalité indienne. Dans le cas de [T], né en dehors des Établissements français, il a conservé sa nationalité française à la suite de cette cession, ce qui est conforme aux dispositions du traité. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/2 nationalité B
N° RG 19/03781 –
N° Portalis 352J-W-B7D-CPO4Q
N° PARQUET : 19-228
N° MINUTE :
Assignation du :
06 Mars 2019
AFP
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 10 Janvier 2025
DEMANDEUR
Monsieur [T] décédé le 02 Juillet 2020
[Adresse 4]
[Localité 6]
[Localité 2] (INDE)
représenté par Me Roland PIROLLI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0161
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 13]
[Localité 3]
Madame Virginie PRIE, Substitute
Décision du 10/01/2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 19/03781
PARTIES INTERVENANTES
Madame [U]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Madame [P] [E]
[Adresse 10]
[Localité 2] – INDE
Monsieur [T] [G]
[Adresse 11]
[Localité 2] – INDE
Monsieur [T] [C]
[Adresse 11]
[Localité 2] INDE
Représentés par Me Roland PIROLLI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0161
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Antoanela FLORESCU-PATOZ, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Maryam MEHRABI, Vice-présidente
Madame Victoria BOUZON, Juge
Assesseurs
Assistées de Madame [J] [O], Greffière stagiaire en pré-affectation sur poste lors des débats et de Madame Hanane JAAFAR, Greffière lors de la mise à disposition.
DEBATS
A l’audience du 15 novembre 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile par Madame Antoanela Florescu-Patoz et Madame Victoria Bouzon, magistrates rapporteures, qui ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire,
en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
En raison de l’empêchement de la présidente, la présente décision est signée par Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente ayant pris part au délibéré conformément aux dispositions de l’article 456 du code de procédure civile et par Madame Hanane Jaafar, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu l’assignation délivrée le 6 mars 2019 par [T] au procureur de la République,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 26 février 2021,
Vu le jugement du 10 septembre 2021 ayant ordonné la réouverture des débats et la révocation de l’ordonnance de clôture du 26 février 2021 pour permettre au conseil de [T] la communication de l’acte de décès de son client,
Vu les conclusions d’intervention volontaire de Mme [U], Mme [P] [E], M. [T] [G] et M. [T] [C], notifiées par la voie électronique le 26 janvier 2022 ;
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 17 mars 2023 ;
Vu le jugement du 2 juin 2023 ayant ordonné la réouverture des débats pour la communication des pièces par les demandeurs ;
Vu le dernier bordereau de communication des pièces des demandeurs notifié par la voie électronique le 18 novembre 2023 ;
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 24 novembre 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 5 juillet 2024 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 15 novembre 2024,
Sur la procédure
Le tribunal toutefois qu’aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 1er août 2019. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur les demandes d’intervention volontaire
Au vu des extraits du registre des actes de naissances produits aux débats en pièces n° 10, n°13, n°14 et n°15 en copies originales, dûment apostillée et par application des dispositions des articles 66 et 325 du code de procédure civile, il y a lieu de recevoir Mme [U], Mme [E], M. [G] et M. [C], en qualité d’héritiers de [T], décédé le 2 juillet 2020, en leur intervention volontaire, l’action exercée de son vivant par [T] étant une action transmissible.
Sur l’action déclaratoire de nationalité française
[T], se disant né le 15 mars 1945 à [Localité 7], [Localité 14], Inde anglaise, de l’union de [V] et [D], revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l’article 29-3 du code civil. Il expose que sa naissance a été déclarée conformément à l’article 2 du décret du 24 avril 1880 portant organisation de l’état civil des natifs dans les Établissements français de l’Inde ; qu’il a conservé de plein droit la nationalité française à l’indépendance des Établissements français de l’Inde, le 15 août 1962, pour être né en dehors de l’Inde française et n’avoir pas été saisi par les dispositions du traité de cessions franco-indien du 28 mai 1956.
[T] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française.
Sur le fond
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code, sans possibilité, pour lui, d’invoquer les certificats délivrés à des membres de sa famille, fussent-ils ses ascendants, dans la mesure où la présomption de nationalité française qui est attachée à ces certificats ne bénéficie qu’à leurs titulaires, et ce même s’ils n’ont fait l’objet d’aucune contestation.
Conformément à l’article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par [T], sa situation est régie par la loi du 10 août 1927 sur la nationalité.
Aux termes de l’article 1er de cette loi sont français :
1° Tout enfant légitime né d’un Français en France ou à l’étranger ;
2° Tout enfant légitime né en France d’un père qui y est né lui-même ;
3° Tout enfant légitime né en France d’une mère française ;
4° Tout enfant naturel dont la filiation est établie, pendant la minorité, par reconnaissance ou par jugement, lorsque celui des parents à l’égard duquel la preuve a d’abord été faite est français.
Si la filiation résulte à l’égard du père et de la mère du même acte ou du même jugement, l’enfant suit la nationalité française de son père.
La légitimation d’un enfant mineur lui donne, s’il ne l’a déjà, la nationalité française de son père ;
5° Tout enfant naturel né en France lorsque celui de ses père et mère, dont il devrait suivre la nationalité, aux termes du paragraphe 4, premier alinéa, est lui-même né en France ;
6° Tout enfant naturel né en France lorsque celui de ses parents dont il ne doit pas suivre la nationalité aux termes de la disposition précitée, est français ;
7° Tout individu, né en France, de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue.
Il est en outre rappelé que la cession des Etablissements français de [Localité 2], [Localité 8], [Localité 9] et [Localité 17] a été réalisée par le Traité du 28 mai 1956 qui est entré en vigueur le 16 août 1962. En vertu de ce Traité, les Français nés hors de ces Etablissements et qui s’y trouvaient domiciliés le 16 août 1962 ont conservé de plein droit la nationalité française. Les Français nés sur le territoire des Etablissements cédés qui y étaient domiciliés ou qui étaient domiciliés sur le territoire de l’Union Indienne ont perdu la nationalité française, même s’ils avaient renoncé à leur statut personnel, sauf option exercée au plus tard le 16 février 1963. Les Français nés sur le territoire des Etablissements et qui le 16 août 1962 étaient domiciliés hors de ces Etablissements et de l’Union Indienne sont restés de plein droit français sauf option pour la nationalité indienne. Les options pouvaient être souscrites à partir de 18 ans.
Il appartient ainsi au demandeur, qui n’était pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de démontrer, d’une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Décision du 10/01/2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 19/03781
Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
En adhérant à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers, adhésion entrée en vigueur pour l’Inde le 14 juillet 2005, l’Inde a facilité la délivrance d’actes de l’état civil à l’étranger soumis à la seule exigence d’apostille et non plus à celle de la légalisation. En application de l’article 6 de cette convention, l’Inde a désigné son ministère des affaires étrangères pour délivrer l’apostille sur les documents de l’état civil. En l’espèce, les pièces de l’état civil produites sont valablement revêtues de l’apostille.
Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.
En l’espèce, pour justifier de l’état civil de [T], il a été produit aux débats une copie de son acte de naissance, dûment apostillée, mentionnant qu’il est né le 15 mars 1945 à [Localité 7], [Localité 14] (Inde anglaise), de [V], fils de feu [K], 42 ans, propriétaire et de [D], fille de feu [I], 22ans, sans profession, son épouse, tous deux domiciliés à [Localité 16], commune d'[Localité 6], l’acte ayant été dressé le 22 novembre 1954, conformément à l’article 2 paragraphe 2 et 3 du décret du 24 avril 1880, sur déclaration du père, [V] (pièce n°1 du demandeur).
Pour justifier de sa filiation paternelle, le demandeur produit en pièce n°2, la copie originale de l’acte de mariage, dûment apostillée, célébré le 21 février 1944, de [S], âgé de 37 ans révolus, propriétaire, né à [Localité 16] commune d'[Localité 6], le 3 janvier 1907, domicilié audit lieu, fils de feu [K] et de [F] [W], née de [A], sans profession, sa veuve, domiciliée audit lieu de [Localité 16] et de [D], âgée de 16 ans, sans profession, née et domiciliée à [Localité 7], [Localité 14], Inde anglaise, fille de feu [I] et de [M], sans profession, sa veuve, domiciliée à [Localité 7] ; mariage contracté selon le mode assourah.
Le ministère public conteste le caractère probant le l’acte de naissance de [T] au motif que celui-ci prévoit des incohérences concernant le nom et l’age des parents ; qu’ainsi, selon l’acte de naissance du demandeur, en 1945, [V], son père était âgé de 42 ans, qu’il serait ainsi né en 1903, et non en 1907, comme indiqué dans l’acte de mariage qui mentionne qu’il est âgé de 37 ans en 1944.
De même, Mme [D], la mère du demandeur, était âgée de 22 ans en 1945 lors de la naissance de [T]. Elle serait donc née en 1923 et non en 1928 comme indiqué dans l’acte de mariage qui mentionne qu’elle est âgé de 16 ans en 1944.
Le ministère public ajoute que dans la mesure où il n’existe aucune certitude quant à la date de naissance de [V], le demandeur ne peut se dispenser de produire l’acte de naissance du père, se limitant à affirmer que le registre de l’année 1907 n’est pas disponible. De même, dit le ministère public, il sera considéré que l’acte de décès de [V], ne peut pas faire foi quant à la date à laquelle la naissance est survenue.
Dans ses conclusions en réponse, le demandeur expose à juste titre que les deux actes d’état civil sont des actes dressés par l’état civil français, du temps de la présence française en Inde, ceci par application de dispositions légales françaises, à savoir le décret du 24 avril 1880 et le code civil français et qu’ils ne peuvent donc être critiqués qu’en usant de la procédure d’inscription de faux. Or, le Ministère Public n’a pas rapporté cette preuve.
Le ministère public fait valoir ensuite que le nom du père du demandeur n’est pas identique selon les actes : [V] dans l’acte de naissance de [T] et [S] dans son propre acte de mariage.
Pour remédier à cette situation, le demandeur a produit en pièce n°16, un certificat de coutume établi le 6 août 2020 par Dr. [L] [B] [Z] [X], avocat et notaire en Inde, indiquant que le mot “[R]” figurant dans le nom [S] dans l’acte de naissance de [T], désigne le nom de leur caste, qu’il s’agit d’une pratique dans le Territoire de l’union de [Localité 2] et dans l’Etat du [Localité 15] d’ajouter le nom de la caste au nom de la personne.
Le demandeur a produit ensuite en pièces n°4 et n°17, un certificat en langue anglaise et sa traduction en français, délivré par l’officier d’état civil d'[Localité 6], le 27 décembre 2016, sur la demande de [T], dûment apostillé, indiquant que « le registre avec les originaux des naissances/décès de cette commune de [Localité 2] de l’année 1907 est trop endommagé pour qu’il puisse en être tiré un extrait ; n’est pas disponible ».
Au vu de ces éléments, s’agissant de l’absence de cohérence du nom de son père, le tribunal constate que le nom ne fait pas douter de l’identité de personnes entre [V] et [S], telle que mentionnée dans l’acte de naissance et dans l’acte de mariage avec la mère du demandeur, précision faite, par le certificat de coutume établi le 5 août 2020 par Dr. [L] [B] [Z] [X], avocat et notaire en Inde, qui indique que le mot “[R]” figurant dans le nom [S] dans l’acte de naissance de [T], désigne le nom de leur caste.
Décision du 10/01/2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 19/03781
Dès lors, la preuve est suffisamment rapportée que [V] et [S], né le 3 janvier 1907 à [Localité 6], [Localité 2] (Inde) sont une seule et même personne, qui est le père de [T], la filiation paternelle de l’intéressé résultant de son acte de naissance tel qu’il est produit, comme il est d’usage en Inde.
Les moyens soulevés par le ministère public sont donc inopérants.
L’acte de naissance du demandeur apparaît ainsi probant de sorte que celui-ci justifie d’un état civil fiable et certain et d’une filiation certaine à l’égard de [V].
Le demandeur justifie la filiation de [V] à l’égard de [K], par la production en pièce n°3 du certificat de décès de [S], qui indique le nom de son père : [Y] et en pièce n°5, de la copie originale d’un extrait du registre des actes de décès de l’année 1933, dûment apostillée, délivrée par l’officier d’état civil de la commune de [Localité 6], ([Localité 2]), selon lequel [K], décédé le 18 décembre 1933 à Paléom, est né au dit lieu, âgé de 55 ans, de [H] et de [N].
Le ministère public conteste le lien de filiation de [S] à l’égard de [K] au motif que l’acte de décès de [K] mentionne qu’il est veuf de [E], tandis que l’acte de mariage de M. [S] mentionne qu’il est issu de l’union de M. [K] et de Mme [F] [W].
Le demandeur expose qu’il est clair au regard des actes ci-dessus, que [E] et Mme [F] [W] sont bien une seule et même personne, à savoir l’épouse de son grand-père paternel.
Le tribunal constate qu’il y a une cohérence entre les énonciations des actes de l’état civil français produits par le demandeur. Ainsi l’acte de naissance de [T] énonce qu’il est né le 15 mars 1945 à [Localité 7], [Localité 14], Inde anglaise, de « [V], fils de feu [K] (pièce n°1).
L’acte de mariage de [S] énonce que ce dernier est né le 3 janvier 1907, à [Localité 16], commune d'[Localité 6] ([Localité 2]) fils de feu [K] et de [F] [W], (pièce n°2).
L’officier d’état civil mentionne dans l’acte de décès de [K], le lieu de naissance de ce dernier, « né au dit lieu », à savoir [Localité 12] ([Localité 2]) (pièce n°5 du demandeur).
Le lien de filiation de [S] à l’égard de [K] est ainsi établi (pièces n°1, n°2, n°3 et n°5 du demandeur).
Aux termes de l’article 2 du décret du 24 avril 1880, « la déclaration de naissance d’un enfant né dans les possessions anglaises de l’Inde, de parents français domiciliés dans les Etablissements français de l’Inde, devra être faite par le père ou la mère, dans les huit jours qui suivront l’arrivée du nouveau-né sur le sol des possessions françaises si leur retour a lieu dans l’année de naissance. La naissance d’un enfant né de parents français en pays étranger pourra toujours être inscrite sur les registres de l’état civil lorsqu’elle sera constatée par des certificats émanant des autorités compétentes du lieu de naissance ». Il en résulte que l’inscription de la naissance d’un enfant né dans les possessions anglaises de l’Inde sur les registres de l’état civil des Etablissements français de l’Inde, dans les conditions précitées, permet de présumer la qualité d’originaire de l’Inde française d’au moins un des parents de l’enfant concerné.
Or, il ressort de l’extrait du registre des naissances de [Localité 2] que [T] est né le 15 mars 1945 à [Localité 7], [Localité 14] (Inde anglaise), de [V], fils de feu [K] et de [D], l’acte ayant été dressé le 22 novembre 1945, conformément à l’article 2 paragraphe 2 et 3 du décret du 24 avril 1880, sur déclaration du père, [V] (pièce n°1 du demandeur).
Inscrit sur les registres de l’état civil des Etablissements français des Indes dans les conditions prévues à l’article 2 du décret du 24 avril 1880, la qualité d’originaire de l’Inde française de [V], père de [T], est présumée.
L’acte de mariage de [S] énonce que ce dernier est né le 3 janvier 1907, à [Localité 16], commune d'[Localité 6] ([Localité 2]), fils de feu [K] et de [F] [W], (pièce n°2).
Par ailleurs, il ressort de l’acte de décès de [K], le lieu de naissance de ce dernier, « né au dit lieu », à savoir [Localité 12] ([Localité 2]) (pièce n°5 du demandeur).
La naissance dans les Etablissements français de l’Inde de [S] et de [K], qui ressort des actes d’état civil évoqués, vient donc corroborer la qualité d’originaire présumée de l’Inde française, qui peut être tenue pour établie.
Le demandeur établit ainsi la filiation paternelle d'[S] à l’égard de'[K] et, partant, la nationalité française de celui-ci par double droit du sol.
Enfin, la naissance de [T] dans les possessions anglaises de l’Inde, ce dont atteste son acte de naissance, lui a permis de ne pas être saisi des dispositions du traité de cession des Etablissements français de l’Inde du 28 mai 1956 et d’ainsi conserver de plein droit la nationalité française à la cession des Etablissements le 16 août 1962.
En conséquence, [T] étant né d’un père français, il sera jugé qu’il est français en application de l’article 1er 1° de la loi du 10 août 1927 sur la nationalité.
Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.
Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
L’instance ayant été nécessaire pour établir les droits des demandeurs, chaque partie assumera la charge de ses propres dépens.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile ;
Reçoit Madame [U], Madame [P] [E], Monsieur [T] [G] et Monsieur [T] [C] en leurs interventions volontaires ;
Juge que [T], né le 15 mars 1945 à [Localité 7], [Localité 14] (Inde), est de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Fait et jugé à Paris le 10 Janvier 2025
La Greffière La Présidente
Hanane Jaafar Maryam Mehrabi
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