L’Essentiel : Mme [B] [S], née en Algérie, revendique la nationalité française par filiation maternelle, affirmant que sa mère est française. Après un refus de certificat en 2008, elle a engagé une procédure en 2022. Selon le code civil, elle doit prouver la nationalité de sa mère et établir un lien de filiation. Bien que son acte de naissance mentionne sa mère, le mariage de ses parents étant postérieur à sa naissance complique la situation. Le tribunal a finalement débouté Mme [B] [S] de sa demande, déclarant la procédure régulière et ordonnant la mention des actes administratifs en marge de son acte de naissance.
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Contexte de la procédureLa procédure est régie par les articles 56, 455 et 768 du code de procédure civile. Mme [B] [S] a déposé une assignation au procureur de la République le 6 septembre 2022, suivie d’un bordereau de communication de pièces le 7 novembre 2022. L’absence de conclusions du ministère public a été notée, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 10 octobre 2024 par une ordonnance de clôture rendue le 27 juin 2024. Action déclaratoire de nationalité françaiseMme [B] [S], née le 20 avril 1969 en Algérie, revendique la nationalité française par filiation maternelle, affirmant que sa mère, [G] [R], est de nationalité française. Cette revendication fait suite à un refus de certificat de nationalité française opposé en 2008, en raison de l’absence de reconnaissance maternelle et de mentions obligatoires dans son acte de naissance. Conditions de preuve de la nationalitéSelon l’article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe à celui qui revendique la nationalité. Mme [B] [S] doit prouver la nationalité française de sa mère et établir un lien de filiation légalement reconnu. L’acte de naissance de Mme [B] [S] mentionne sa mère, mais le mariage de ses parents est postérieur à sa naissance, ce qui complique l’établissement de la filiation. Inconstitutionnalité des dispositionsMme [B] [S] a soulevé une exception d’inconstitutionnalité concernant les dispositions qui établissent une différence de traitement entre la filiation maternelle et paternelle. Cependant, elle n’a pas suivi la procédure requise pour contester la constitutionnalité, et ces dispositions ont été déclarées conformes à la constitution par le Conseil constitutionnel. Éléments de possession d’étatLa demanderesse a également tenté de prouver sa filiation maternelle par des éléments de possession d’état, mais n’a pas fourni de preuves concrètes à cet égard. En conséquence, elle n’a pas démontré sa nationalité française par filiation maternelle. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré la procédure régulière, a débouté Mme [B] [S] de sa demande de nationalité française, a ordonné la mention des actes administratifs en marge de son acte de naissance, et a condamné Mme [B] [S] aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de régularité de la procédure selon l’article 1040 du code de procédure civile ?L’article 1040 du code de procédure civile stipule que dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation doit être déposée au ministère de la justice, qui en délivre récépissé. Dans l’affaire en question, bien qu’aucun récépissé ne soit produit, la demanderesse a justifié avoir envoyé l’assignation au ministère de la justice par courrier recommandé avec avis de réception, ce qui respecte la condition de l’article 1040. Ainsi, la procédure est considérée comme régulière au regard de ces dispositions, permettant à l’affaire d’être examinée sur le fond. Quelles sont les implications de l’article 30 du code civil concernant la charge de la preuve en matière de nationalité ?L’article 30 alinéa 1 du code civil précise que la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, sauf s’il est déjà titulaire d’un certificat de nationalité. Dans le cas de Mme [B] [S], qui ne détient pas de certificat de nationalité française, il lui incombe de prouver la nationalité française de sa mère ainsi que l’existence d’un lien de filiation légalement établi. Cette preuve doit être apportée par des actes d’état civil probants, conformément à l’article 47 du code civil, qui stipule que tout acte de l’état civil fait foi, sauf preuve du contraire. Comment l’article 17 du code de la nationalité française s’applique-t-il à l’action déclaratoire de nationalité ?L’article 17 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, énonce que l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français, est français. Dans le cas de Mme [B] [S], elle revendique la nationalité française par filiation maternelle, en se basant sur la nationalité française de sa mère, [G] [R]. Cependant, il lui appartient de prouver non seulement la nationalité de sa mère, mais aussi un lien de filiation établi légalement, ce qui n’est pas le cas ici, car elle n’a pas produit de preuves suffisantes. Quelles sont les conséquences de l’article 311-25 du code civil sur la filiation et la nationalité ?L’article 311-25 du code civil stipule que la filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant. Dans le cas de Mme [B] [S], sa filiation maternelle est effectivement établie par la mention de sa mère dans son acte de naissance. Cependant, l’article 20 de l’ordonnance du 4 juillet 2005 précise que ces dispositions n’ont pas d’effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur, ce qui est le cas pour Mme [B] [S]. Ainsi, la désignation de sa mère dans son acte de naissance n’a pas d’effet sur sa nationalité, car elle était majeure à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance. Quelles sont les implications de l’article 28 du code civil concernant la mention de la nationalité ?L’article 28 du code civil prévoit que mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Dans cette affaire, bien que Mme [B] [S] ait été déboutée de sa demande de nationalité française, le tribunal a ordonné la mention prévue par cet article. Cela signifie que même si la demande de nationalité n’a pas été acceptée, il est important de tenir à jour les actes d’état civil en ce qui concerne la nationalité. Quelles sont les conséquences des dépens selon l’article 696 du code de procédure civile ?L’article 696 du code de procédure civile stipule que la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. Dans le cas présent, Mme [B] [S] a été déboutée de sa demande tendant à voir juger qu’elle est de nationalité française, ce qui entraîne sa condamnation aux dépens. Cette disposition vise à garantir que les frais de justice soient supportés par la partie qui n’a pas obtenu gain de cause, contribuant ainsi à l’équité du processus judiciaire. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/1 nationalité A
N° RG 22/11690
N° Portalis 352J-W-B7G-CXZI5
N° MINUTE :
Assignation du :
06 Septembre 2022
AJ du TJ DE PARIS
du 19 Avril 2022
N° 2022/004865
M.M.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 21 Novembre 2024
DEMANDERESSE
Madame [B] [S]
[Adresse 3]
[Localité 1] – ALGERIE
représentée par Me Karima OUELHADJ, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2558
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004865 du 19/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 2]
Madame Sophie BOURLA OHNONA, vice-procureure
Décision du 21 novembre 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 22/11690
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Antoanela Florescu-Patoz, vice-présidente
Madame Victoria Bouzon, juge
Assesseurs
assistées de Madame Christine Kermorvant, greffière
DEBATS
A l’audience du 10 Octobre 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Maryam Mehrabi, Magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu les dernières conclusions de Mme [B] [S] constituées par l’assignation délivrée le 6 septembre 2022 au procureur de la République, et le bordereau de communication de pièces notifié par la voie électronique le 7 novembre 2022,
Vu l’absence de conclusions du ministère public,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 27 juin 2024 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 10 octobre 2024,
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, aucun récépissé n’est produit. La demanderesse justifie toutefois avoir envoyé l’assignation au ministère de la justice par courrier recommandé avec avis de réception visé le 30 septembre 2022.
La condition de l’article 1040 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l’action déclaratoire de nationalité française
Mme [B] [S], se disant née le 20 avril 1969 à [Localité 4] (Algérie), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l’article 17 du code de la nationalité française. Elle fait valoir que sa mère, [G] [R], née le 12 janvier 1933 à [Localité 4] (Algérie), est de nationalité française en application de l’article 24 du code de la nationalité française pour être née en France d’un parent qui y est également né.
Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d’un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 4 décembre 2008 par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif que si sa filiation maternelle était établie en vertu de l’article 311-25 du code civil par la mention du nom de sa mère dans son acte de naissance, cette filiation était cependant sans effet en matière de nationalite puisque le 1er juillet 2006 elle avait atteint sa majorité ; qu’en outre, son acte de naissance était dépourvu de toute mention de reconnaissance maternelle et de certaines des mentions obligatoires prévues par l’ordonnance du 19 février 1970 relative à l’état civil en Algérie de sorte que l’acte était dépourvu de toute valeur probante au sens de l’article 47 du code civil (pièce n°1 de la demanderesse).
Sur le fond
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.
En vertu de l’article 30-1 du code civil, lorsque la nationalite française est attribuée ou acquise autrement que par déclaration, naturalisation, réintégration ou annexion de territoire, la preuve ne peut être faite qu’en établissant l’existence de toutes les conditions requises par la loi.
Conformément à l’article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l’action relève des dispositions de l’article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, aux termes duquel est français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français.
Il appartient ainsi à Mme [B] [S], qui n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de démontrer, d’une part, la nationalité française de sa mère et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celle-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l’Algérie, les actes d’état civil sont dispensés de légalisation par l’article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l’autorité ayant qualité pour les délivrer.
Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.
En l’espèce, l’acte de naissance de Mme [B] [S] indique qu’elle est née le 20 avril 1969 à [Localité 4] (Algérie), de [F], né le 3 décembre 1934, âgé de 35 ans, technicien radio, et de [G] [R], née le 12 janvier 1933, âgée de 36 ans, sans profession, la naissance ayant été déclarée par le père (pièce n°2 de la demanderesse).
Au regard de la nationalité française de sa mère revendiquée, et en application de l’article 311-14 du code civil, la filiation de Mme [B] [S] est régie par la loi française, ainsi qu’elle l’invoque.
[G] [R] et [F] [S] se sont mariés le 16 janvier 1993 soit postérieurement à la naissance de Mme [B] [S] de sorte que son lien de filiation maternelle n’est pas établi par ce mariage (pièce n°5 de la demanderesse).
Il n’est en outre fait état d’aucune reconnaissance de Mme [B] [S] par [G] [R].
Aux termes de l’article 311-25 du code civil issu de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, la filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant. Ainsi que le soutient Mme [B] [S], sa filiation à l’égard de [G] [R] est donc établie par la désignation de cette dernière dans son acte de naissance.
Toutefois, selon l’article 20 de cette ordonnance tel que modifié par l’article 91 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, les dispositions de l’ordonnance du 4 juillet 2005 n’ont pas d’effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur le 1er juillet 2006.
La demanderesse indique qu’elle s’estime fondée à soulever l’exception d’inconstitutionnalité de ces dispositions en ce qu’elles instaurent une différence de traitement des effets de la filiation selon que la filiation naturelle est maternelle ou paternelle alors qu’une telle différence est injustifiée tant au regard du principe de l’unité familiale que des articles 1er et 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et de l’alinéa 3 de la Constitution de 1946 ; que dès lors qu’elles sont inconstitutionnelles, ces dispositions seront écartées.
Il est donc d’abord relevé que Mme [B] [S] n’a posé aucune question prioritaire de constitutionnalité par écrit distinct et motivé conformément à l’article 126-2 du code de procédure civile, seule voie permettant de contester la constitutionnalité d’une loi. Dès lors, contrairement à ses affirmations, elle n’est pas fondée – ni même recevable – à soulever l’inconstitutionnalité des dispositions précitées.
Par ailleurs, en tout état de cause, il est rappelé que ces dispositions ont été déclarées conformes à la constitution par la décision n°2011-186/187/188/189 rendue par le Conseil constitutionnel le 21 octobre 2011.
Dès lors, la désignation de la mère de Mme [B] [S] dans l’acte de naissance de cette dernière, majeure à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, est sans effet sur sa nationalité.
La demanderesse fait en outre valoir qu’en tout état de cause, sa filiation maternelle est corroborée par des éléments de possession d’état sur le fondement de l’article 337 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1972. Toutefois, elle n’indique nullement quels sont les éléments de possession d’état dont elle se prévaut et, a fortiori, ne produit pas la moindre pièce permettant d’en justifier.
Mme [B] [S] ne démontre donc pas être de nationalité française par filiation maternelle.
Par ailleurs, elle ne revendique la nationalité française à aucun autre titre.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande tendant à voir juger qu’elle est de nationalité française.
Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [B] [S], qui succombe, sera condamnée aux dépens.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1040 du code de procédure civile ;
Déboute Mme [B] [S], née le 20 avril 1969 à [Localité 4] (Algérie), de sa demande tendant à voir juger qu’elle est de nationalité française;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Condamne Mme [B] [S] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 21 Novembre 2024
La Greffière La Présidente
Christine Kermorvant Maryam Mehrabi
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