L’Essentiel : M. [K] [B] a engagé une procédure pour revendiquer la nationalité française par filiation maternelle, suite à un refus de certificat en 2009. Bien que la procédure ait été jugée régulière, il n’a pas réussi à prouver la nationalité de sa mère ni à établir un lien de filiation reconnu. Les documents présentés, tels que son acte de naissance, n’étaient pas légalisés, rendant leur valeur probante insuffisante. Le tribunal a donc conclu qu’il ne justifiait pas d’un état civil fiable, le déboutant de sa demande et ordonnant la mention de cette décision sur son acte de naissance.
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Contexte de l’affaireM. [K] [B] a engagé une procédure judiciaire pour revendiquer la nationalité française, se basant sur sa filiation maternelle. Il a déposé une assignation au procureur de la République le 23 septembre 2020, suite à un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française en mars 2009. Le ministère public a contesté cette revendication, affirmant que M. [K] [B] n’était pas français. Procédure et régularitéLa procédure a été jugée régulière conformément à l’article 1043 du code de procédure civile, qui exige le dépôt d’une copie de l’assignation au ministère de la justice. Ce dépôt a été effectué le 15 octobre 2020, respectant ainsi les exigences légales. Revendiquer la nationalité françaiseM. [K] [B] soutient qu’il est français par filiation, en raison de la nationalité française de sa mère, qui a bénéficié d’une déclaration de nationalité française en 1977. Cependant, il doit prouver la nationalité de sa mère et établir un lien de filiation légalement reconnu, ce qu’il n’a pas réussi à faire. Éléments de preuveLe demandeur a présenté des documents, notamment son acte de naissance et un jugement supplétif, mais ceux-ci n’étaient pas légalisés conformément aux exigences françaises. Le tribunal a noté l’absence d’identification de l’autorité ayant délivré la copie du jugement, rendant ces documents non probants. Décision du tribunalLe tribunal a conclu que M. [K] [B] ne justifiait pas d’un état civil fiable et certain, ce qui l’empêche de revendiquer la nationalité française. En conséquence, il a été débouté de sa demande et déclaré qu’il n’était pas de nationalité française. Conséquences administrativesLe tribunal a ordonné la mention de cette décision en marge de l’acte de naissance de M. [K] [B], conformément à l’article 28 du code civil, afin de formaliser la perte de la nationalité française. DépensM. [K] [B] a été condamné aux dépens, et sa demande de distraction au profit de son avocat a été rejetée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de régularité de la procédure selon l’article 1043 du code de procédure civile ?L’article 1043 du code de procédure civile stipule que dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation doit être déposée au ministère de la justice, qui en délivre récépissé. En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 15 octobre 2020, ce qui signifie que la condition de l’article 1043 est respectée. Ainsi, la procédure est jugée régulière au regard de ces dispositions, permettant au tribunal de poursuivre l’examen de l’affaire sans vice de forme. Quelles sont les implications de l’article 30 alinéa 1 du code civil sur la charge de la preuve en matière de nationalité ?L’article 30 alinéa 1 du code civil précise que la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, sauf s’il est déjà titulaire d’un certificat de nationalité. Dans le cas de M. [K] [B], qui ne détient pas de certificat de nationalité française, il lui incombe de prouver la nationalité française de son parent et d’établir un lien de filiation légalement reconnu. Cette obligation de preuve doit être satisfaite par des actes d’état civil probants, conformément à l’article 47 du code civil, qui exige que ces actes soient fiables et conformes aux exigences légales. Comment l’article 47 du code civil influence-t-il la valeur probante des actes d’état civil étrangers ?L’article 47 du code civil stipule que tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres éléments établissent son irrégularité. Il est également précisé que les actes établis par une autorité étrangère doivent être légalisés pour produire effet en France, sauf convention contraire. Dans le cas présent, M. [K] [B] n’a pas produit un acte de naissance probant, car le jugement supplétif qui l’accompagne n’est pas suffisamment identifié, ce qui remet en question la régularité de son état civil. Quelles sont les conséquences de l’absence de preuve d’état civil sur la revendication de nationalité française ?L’absence de preuve d’état civil fiable et certain empêche M. [K] [B] de revendiquer la nationalité française. En effet, sans un acte de naissance valide et un jugement supplétif régulier, il ne peut établir son lien de filiation. Le tribunal a souligné que l’acte de naissance est indissociable du jugement qui l’a établi, et que la valeur probante de cet acte dépend de la régularité internationale du jugement. Ainsi, M. [K] [B] ne peut pas justifier de son état civil, ce qui entraîne le rejet de sa demande de nationalité française. Quelle est la portée de l’article 28 du code civil concernant les mentions relatives à la nationalité ?L’article 28 du code civil prévoit que des mentions doivent être portées en marge de l’acte de naissance concernant les actes administratifs et les décisions ayant un impact sur la nationalité française. Cela inclut l’acquisition, la perte de nationalité, ainsi que la délivrance de certificats de nationalité. Dans le cas de M. [K] [B], le tribunal a ordonné la mention de la décision relative à sa nationalité en marge de son acte de naissance, conformément à cet article. Cette mention est essentielle pour assurer la transparence et la traçabilité des décisions relatives à la nationalité dans les registres d’état civil. Quelles sont les implications des dépens selon l’article 696 du code de procédure civile ?L’article 696 du code de procédure civile stipule que la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. Dans cette affaire, M. [K] [B], ayant été débouté de sa demande de reconnaissance de nationalité française, est donc condamné aux dépens. La demande de distraction des dépens au profit de son avocat a été rejetée, ce qui signifie que M. [K] [B] devra assumer les frais liés à la procédure. Cette disposition vise à garantir que les frais de justice soient supportés par la partie qui a perdu le litige. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/1 nationalité A
N° RG 20/09135
N° Portalis 352J-W-B7E-CS2HE
N° PARQUET : 20-821
N° MINUTE :
Assignation du :
23 Septembre 2020
V.B.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 22 Janvier 2025
DEMANDEUR
Monsieur [K] [B]
[Localité 3]
GRANDE COMORE
représenté par Me Séverine PIERROT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0209
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 4]
Madame Isabelle MULLER-HEYM, substitute
Décision du 22 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 20/09135
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs
assistées de Madame Hanane Jaafar, greffière lors des débats et de Madame Christine Kermorvant, greffère lors de la mise à disposition
DEBATS
A l’audience du 27 Novembre 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Victoria Bouzon, magistrate rapporteur, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Hanane Jaafar, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu l’assignation délivrée le 23 septembre 2020 par M. [K] [B] au procureur de la République,
Vu les dernières conclusions de M. [K] [B], notifiées par la voie électronique le 24 mai 2022,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 15 février 2024,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 29 août 2024 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 27 novembre 2024,
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à
la date de l’assignation, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 15 octobre 2020. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l’action déclaratoire de nationalité française
M. [K] [B], se disant né le 14 juillet 1990 à [Localité 3] (Comores), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l’article 18 du code civil. Il fait valoir que sa mère, Mme [Z] [L], née le 26 juin 1974 à [Localité 1], [Localité 2] (Comores), a bénéficié de l’effet collectif attaché à la déclaration de nationalité française souscrite le 10 novembre 1977 par son propre père, [T] [L], né en 1941 à [Localité 1], [Localité 2] (Comores).
Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d’un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 9 mars 2009 par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif que son acte de naissance et le jugement supplétif de sa naissance n’étaient pas légalisés et que de plus, le dossier n’avait été communiqué au parquet que postérieurement audit jugement supplétif, en contrariété avec l’article 69 de la loi relative à l’état civil comorien (pièce n°1 du ministère public).
Le ministère public sollicite du tribunal de dire que M. [K] [B] n’est pas français.
Sur le fond
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.
Conformément à l’article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par le demandeur, l’action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.
Il appartient ainsi à M. [K] [B], qui n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de démontrer, d’une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Décision du 22 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 20/09135
Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
Il est rappelé à cet égard que les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France doivent, au préalable, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, être légalisés pour y produire effet.
En l’absence de convention entre la France et les Comores emportant dispense de la formalité de la légalisation prévue par les dispositions internationales, tout acte ne peut faire foi au sens de ce texte que s’il est légalisé par le Consul français aux Comores ou à défaut par le Consulat général des Comores à [Localité 4].
La loi comorienne du 19 octobre 1984 relative à l’état civil exige par ailleurs en son article 23 que les copies certifiées conformes doivent être légalisées sauf conventions internationales contraires, lorsqu’il y a lieu de les produire devant les autorités étrangères.
Enfin, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil.
En l’espèce, M. [K] [B] produit une copie, délivrée le 22 mai 2006, de son acte de naissance ainsi qu’une copie conforme, délivrée le 18 août 2020, du jugement supplétif n°136 rendu le 10 mars 2000 par le cadi de Mitsamiouli, en exécution duquel l’acte a été dressé, toutes deux revêtues d’un cachet de légalisation par le premier conseiller de l’ambassade de l’Union des Comores en France du 16 septembre 2020 (pièces n°2 et 3 du demandeur).
Il est relevé avec le ministère public qu’aucune identité, aucune qualité, ni aucune signature ne suit ou accompagne le tampon « copie certifiée conforme le 18 août 2020 » apposé sur la copie du jugement supplétif, de telle sorte qu’il est impossible de savoir qui a délivré la copie, ni en quelle qualité.
M. [K] [B] fait valoir qu’il ne saurait être exigé l’identification et la qualité de la personne ayant apposé la mention du tampon « copie conforme ». Il produit à cet égard une attestation du secrétaire greffier du tribunal de premier instance cadial de Mitsamiouli, rédigée le 18 avril 2022, indiquant que lors d’une demande d’une copie conforme d’un jugement supplétif, le secrétaire greffier délivre la copie, après avoir recueilli les signatures du cadi et du parquet et qu’ainsi la copie délivrée à M. [K] [B] est conforme et respecte les textes et usages en cours aux Comores (pièce n°11 du demandeur).
Il est d’abord relevé que cette attestation, qui n’est pas revêtue d’un cachet de légalisation, est inopposable en France, de sorte qu’elle est dépourvue de toute valeur probante.
Par ailleurs, en tout état de cause, comme l’indique à juste titre le ministère public, une telle attestation est inopérante.
En effet, en l’absence d’identification de l’autorité ayant délivré la copie du jugement, celle-ci est dépourvue de toute garantie d’authenticité, de sorte qu’elle ne peut revêtir un quelconque caractère probant.
Il est rappelé à cet égard qu’un acte de naissance dressé en exécution d’une décision de justice est indissociable de celle-ci. En effet, l’efficacité de ladite décision de justice, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale. La valeur probante de l’acte de naissance du demandeur est ainsi subordonnée à la régularité internationale du jugement en exécution duquel il a été dressé.
En l’espèce, le demandeur ne produit pas une copie probante du jugement supplétif de son acte de naissance, privant le tribunal de la possibilité d’examiner la régularité internationale de cette décision au regard de l’ordre juridique français et d’apprécier si son acte de naissance a bien été dressé en respectant le dispositif de ce jugement.
Il en résulte que l’acte de naissance du demandeur, indissociable du jugement n°136 du 10 mars 2000 rendu par le cadi de Mitsamiouli, ne peut faire foi au sens de l’article 47 du code civil.
Ne justifiant pas d’un état civil fiable et certain, M. [K] [B] ne peut revendiquer la nationalité française à aucun titre.
En conséquence, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés par le ministère public, M. [K] [B] sera débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation maternelle. En outre, dès lors qu’il ne peut revendiquer la nationalité française à aucun titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu’il n’est pas de nationalité française.
Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [K] [B], qui succombe, sera condamné aux dépens. Dès lors, la demande de distraction au profit de Maître Séverine Pierrot sera rejetée.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile ;
Déboute M. [K] [B] de sa demande tendant à voir dire qu’il est français ;
Juge que M. [K] [B], se disant né le 14 juillet 1990 à [Localité 3] (Comores), n’est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Condamne M. [K] [B] aux dépens ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
Fait et jugé à Paris le 22 Janvier 2025
La Greffière La Présidente
C.Kermorvant M. Mehrabi
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