L’Essentiel : L’affaire concerne Mme [Z] [O], qui a assigné le procureur de la République pour revendiquer la nationalité française par filiation paternelle, suite à un refus de certificat de nationalité en 2018. Le ministère public conteste sa demande, affirmant qu’elle n’a pas prouvé la nationalité française de son père, M. [P] [O]. Malgré la présentation de certificats d’ascendants, le tribunal a jugé que Mme [Z] [O] n’a pas établi que ses ancêtres avaient conservé cette nationalité lors de l’indépendance de [Localité 3]. Elle a donc été déboutée et déclarée non française, avec mention de la décision sur son acte de naissance.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne Mme [Z] [O], qui a assigné le procureur de la République le 16 mars 2021 pour revendiquer la nationalité française par filiation paternelle. Cette action fait suite à un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française, opposé le 28 juin 2018, en raison d’un acte de naissance jugé non conforme à la législation. Procédure judiciaireLe ministère public a contesté la demande de Mme [Z] [O], affirmant qu’elle n’était pas française. La procédure a été jugée régulière, avec un récépissé délivré par le ministère de la justice le 26 mai 2021. Plusieurs audiences ont eu lieu, avec une ordonnance de clôture rendue le 7 septembre 2023 et une autre le 29 août 2024, fixant l’affaire à l’audience de plaidoiries du 27 novembre 2024. Arguments de la demanderesseMme [Z] [O] revendique la nationalité française en se basant sur la nationalité de son père, M. [P] [O], qui est français par filiation. Elle cite des certificats de nationalité française de ses ascendants pour soutenir sa demande. Selon elle, son père est le fils de [Y] [O], qui a conservé la nationalité française. Arguments du ministère publicLe ministère public soutient que Mme [Z] [O] n’a pas prouvé la nationalité française de son père et, par conséquent, ne peut revendiquer la nationalité française. Il souligne que les certificats de nationalité française ne valent présomption que pour leur titulaire et ne dispensent pas la demanderesse de prouver sa propre nationalité. Éléments de preuvePour établir la nationalité française de son père, Mme [Z] [O] a produit une photocopie illisible d’un arrêt de la cour d’appel de l’Afrique Occidentale Française. Le tribunal a jugé cette pièce sans valeur probante, car elle ne garantit pas l’intégrité et l’authenticité des informations qu’elle contient. Décision du tribunalLe tribunal a conclu que Mme [Z] [O] n’a pas réussi à prouver que ses ascendants avaient conservé la nationalité française lors de l’indépendance du [Localité 3]. Par conséquent, elle a été déboutée de sa demande de reconnaissance de nationalité française par filiation paternelle et a été déclarée non française. Conséquences administrativesLe tribunal a ordonné la mention de cette décision en marge de l’acte de naissance de Mme [Z] [O], conformément à l’article 28 du code civil. De plus, elle a été condamnée aux dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de régularité de la procédure selon l’article 1043 du code de procédure civile ?L’article 1043 du code de procédure civile stipule que dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation doit être déposée au ministère de la justice, qui en délivre récépissé. En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 26 mai 2021. Ainsi, la condition de l’article 1043 est respectée, ce qui signifie que la procédure est régulière au regard de ces dispositions. Comment se définit l’action déclaratoire de nationalité française selon l’article 18 du code civil ?L’article 18 du code civil précise que sont français les enfants dont l’un des parents au moins est français. Dans le cas de Mme [Z] [O], elle revendique la nationalité française par filiation paternelle, affirmant que son père, M. [P] [O], est français. Elle doit donc prouver la nationalité française de son père et établir un lien de filiation légalement reconnu. Quelle est la charge de la preuve en matière de nationalité selon l’article 30 du code civil ?L’article 30 alinéa 1 du code civil impose que la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, sauf s’il est déjà titulaire d’un certificat de nationalité. Dans le cas présent, Mme [Z] [O] n’étant pas titulaire d’un certificat de nationalité française, elle doit prouver sa nationalité française par des actes d’état civil probants. Quels sont les effets de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer sur la nationalité française ?Les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil. Ces textes stipulent que seuls conservent la nationalité française les originaires du territoire de la République française et d’autres catégories spécifiques, sous certaines conditions. Mme [Z] [O] doit donc démontrer que ses ascendants ont conservé la nationalité française lors de l’accession à l’indépendance. Quelles sont les exigences de preuve concernant les actes d’état civil selon l’article 47 du code civil ?L’article 47 du code civil indique que tout acte de l’état civil fait en pays étranger fait foi, sauf preuve du contraire. Cela signifie que pour que les actes d’état civil soient reconnus, ils doivent être conformes aux exigences de la loi française. Mme [Z] [O] doit donc produire des actes d’état civil probants pour établir sa nationalité française. Quelle est la valeur probante d’une photocopie d’un acte judiciaire selon la jurisprudence ?La jurisprudence établit que la photocopie d’un acte judiciaire, sans garantie d’intégrité et d’authenticité, est dépourvue de valeur probante. Dans le cas de Mme [Z] [O], la photocopie illisible de l’arrêt de la cour d’appel ne permet pas de prouver la nationalité française de son ascendant. Elle doit fournir des documents originaux ou des copies certifiées conformes pour établir sa revendication. Quelles sont les conséquences de la décision sur la nationalité de Mme [Z] [O] ?La décision du tribunal a débouté Mme [Z] [O] de sa demande de nationalité française par filiation paternelle. En conséquence, il a été jugé qu’elle n’est pas de nationalité française, car elle ne revendique pas cette nationalité à un autre titre. Cette décision est fondée sur l’absence de preuve suffisante de la nationalité française de ses ascendants. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/1 nationalité A
N° RG 21/04431
N° Portalis 352J-W-B7F-CUCT5
N° PARQUET : 21-249
N° MINUTE :
Assignation du :
16 Mars 2021
V.B.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 22 Janvier 2025
DEMANDERESSE
Madame [Z] [H] [O]
[Adresse 6]
[Localité 2] (BENIN)
représentée par Me Carole SULLI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2619
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 1]
Madame Isabelle MULLER-HEYM, substitute
Décision du 22 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/04431
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Antoanela Florescu-Patoz, vice-présidente
Madame Victoria Bouzon, juge
Assesseurs
assistées de Madame Hanane Jaafar, greffière lors des débats et de Madame Christine Kermorvant, greffère lors de la mise à disposition,
DEBATS
A l’audience du 27 Novembre 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Victoria Bouzon, magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente et par Madame Hanane Jaafar, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu l’assignation délivrée le 16 mars 2021 par Mme [Z] [O] au procureur de la République,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 21 juin 2022,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 7 septembre 2023 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 4 octobre 2023,
Vu le jugement de révocation de l’ordonnance de clôture rendu le 4 octobre 2023,
Vu les dernières conclusions de Mme [Z] [O] notifiées par la voie électronique le 4 novembre 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 29 août 2024 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 27 novembre 2024,
Décision du 22 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/04431
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l’assignation, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 26 mai 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l’action déclaratoire de nationalité française
Mme [Z] [O], se disant née le 26 août 2002 à [Localité 2] (Bénin), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l’article 18 du code civil. Elle expose que son père, M. [P] [O], né le 19 avril 1975 à [Localité 2] (Bénin), est français pour être le fils de [Y] [O], né le 18 octobre 1928 à [Localité 4] ([Localité 3]), lequel a conservé la nationalité française pour être issu de [R] [G] dit [O], français suivant arrêt de la cour d’appel de l’Afrique occidentale française rendu le 10 mars 1933.
Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d’un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 28 juin 2018 par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif que son acte de naissance n’avait pas été dressé conformément à la législation en vigueur (pièce n°7 de la demanderesse).
Le ministère public sollicite du tribunal de dire que Mme [Z] [O] n’est pas française.
Sur le fond
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.
Conformément à l’article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l’action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.
Il doit être également rappelé que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.
Il résulte de l’application combinée de ces textes que seuls ont conservé la nationalité française :
– les originaires du territoire de la République française (et leur conjoint, veuf ou descendant) tel que constitué le 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l’indépendance sur le territoire d’un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d’outre-mer de la République française, auxquels étaient assimilés les “métis” (et leurs descendants) nés de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, était présumé d’origine française ou de souche européenne, reconnus comme tels citoyens français par jugements rendus sur le fondement du décret du 5 septembre 1930 (pour l’Afrique Occidentale Française) ou du 15 septembre 1936 (pour l’Afrique équatoriale française),
– les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
– celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
– enfin, celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants,
– les enfants mineurs de 18 ans suivant la condition parentale selon les modalités prévues à l’article 153 du code de la nationalité française de 1945 dans sa version issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 telle que modifiée par la loi du 28 juillet 1960.
Il appartient ainsi à Mme [Z] [O], qui n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de démontrer, d’une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
Décision du 22 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/04431
Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Bénin, les actes d’état civil sont dispensés de légalisation par l’article 43 de l’accord de coopération en matière de justice signé le 27 février 1975 et publié les 9 et 10 janvier 1978 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l’autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l’original par ladite autorité.
Par ailleurs, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales d’actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.
En l’espèce, pour justifier de la nationalité française de son père revendiqué, Mme [Z] [O] invoque les certificats de nationalité française délivrés à M. [P] [O] et M. [Y] [O] (pièces n°3 et 19 de la demanderesse).
Il est donc rappelé, avec le ministère public, qu’en vertu des dispositions de l’article 30 du code civil, un certificat de nationalité française ne vaut présomption de nationalité française que pour son titulaire, et ne peut dispenser les tiers, fussent-ils membres de la même famille, de rapporter la preuve de leur nationalité française dans les instances les concernant.
Ainsi, la demanderesse ne peut tirer aucune conséquence, sur le plan de la charge probatoire qui est la sienne des certificats de nationalité française délivrés à ses ascendants. Il lui appartient de faire la preuve de sa nationalité française et, notamment, de démontrer que [R] [G] dit [O] a été jugé français.
Le ministère public fait valoir qu’en l’état des pièces versées, et notamment faute de produire l’arrêt reconnaissant la qualité de français à [R] [G] dit [O], la demanderesse ne rapporte pas la preuve de la nationalité française de son ascendant revendiqué.
En réponse, Mme [Z] [O] produit une copie de la première page de l’arrêt rendu le 10 mars 1933 par la cour d’appel de l’Afrique Occidentale Française siégeant à Dakar (pièce n°15 de la demanderesse).
Toutefois, cette pièce est produite en simple photocopie, de surcroît illisible. Or, une photocopie étant exempte de toute garantie d’intégrité et d’authenticité, cette pièce est dépourvue de toute valeur probante.
Par ailleurs, en tout état de cause, en l’absence de production de l’intégralité de la décision, cette pièce ne permet nullement de démontrer que l’ascendant revendiqué de la demanderesse a bénéficié d’une décision lui ayant reconnu la qualité de français.
Décision du 22 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/04431
Ainsi, la demanderesse échoue à démontrer que ses ascendants ont conservé la nationalité française lors de l’accession à l’indépendance du [Localité 3].
En conséquence, Mme [Z] [O] sera déboutée de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation paternelle. En outre, dès lors qu’elle ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu’elle n’est pas de nationalité française.
Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [Z] [O], qui succombe, sera condamnée aux dépens.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile ;
Déboute Mme [Z], [H] [O] de sa demande tendant à voir juger qu’elle est de nationalité française ;
Juge que Mme [Z], [H] [O], née le 26 août 2002 à [Localité 2] (Bénin), n’est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Condamne Mme [Z], [H] [O] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 22 Janvier 2025
La Greffière La Présidente
C.Kermorvant M. Mehrabi
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