Motivation insuffisante et droits des étrangers : enjeux de la rétention administrative.

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Motivation insuffisante et droits des étrangers : enjeux de la rétention administrative.

L’Essentiel : Le 19 novembre 2024, la Préfecture des Alpes Maritimes a ordonné à Monsieur [N] [C] de quitter le territoire français, conformément aux articles L 740-1 et suivants du CESEDA. Après notification de cette obligation le 21 novembre, il a été placé en rétention le 21 décembre. Lors de son audition, Monsieur [N] [C] a exprimé son attachement à sa famille en France et a reconnu des antécédents judiciaires. L’avocate a contesté la décision de rétention, soulignant des erreurs procédurales. La cour a finalement annulé l’ordonnance de rétention, rappelant à Monsieur [N] [C] son obligation de quitter le pays.

Contexte Juridique

Les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) encadrent la procédure de rétention et d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Dans ce cadre, un arrêté a été pris par la Préfecture des Alpes Maritimes le 19 novembre 2024, imposant à Monsieur [N] [C] de quitter le territoire français.

Décisions Administratives

Monsieur [N] [C] a reçu notification de l’obligation de quitter le territoire le 21 novembre 2024. Par la suite, une décision de placement en rétention a été prise le 21 décembre 2024, également notifiée le même jour. Un magistrat a ensuite ordonné le maintien de Monsieur [N] [C] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Déclarations de Monsieur [N] [C]

Lors de son audition, Monsieur [N] [C] a exprimé son attachement à sa famille en France, mentionnant sa femme et ses enfants. Il a reconnu avoir des antécédents judiciaires, notamment une condamnation pour violences sur son ex-compagne, mais a affirmé ne pas avoir été informé d’une interdiction de s’approcher d’elle. Il a également déclaré être prêt à retourner en Albanie, tout en soulignant son droit de rester en France en tant que père de cinq enfants.

Arguments de la Défense

L’avocate de Monsieur [N] [C], Me Aziza DRIDI, a plaidé pour la mainlevée de la rétention, arguant d’une violation du code de procédure civile. Elle a souligné le manque de motivation de la décision du juge et a contesté la validité de l’interprétation fournie lors de la procédure. Elle a également mis en avant des erreurs dans le registre du centre de rétention administrative.

Motifs de la Décision Judiciaire

La cour a reconnu la recevabilité de l’appel et a souligné l’importance de la motivation des décisions judiciaires. Elle a constaté que le juge n’avait pas répondu aux arguments concernant la vulnérabilité de Monsieur [N] [C] et l’insuffisance du registre, ce qui a conduit à l’annulation de l’ordonnance de rétention. La cour a ordonné la mainlevée de la mesure de rétention tout en rappelant à Monsieur [N] [C] son obligation de quitter le territoire national.

Voie de Recours

Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de deux mois. Le pourvoi doit être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signée par un avocat au Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de motivation des décisions judiciaires en matière de rétention administrative ?

La motivation des décisions judiciaires est une exigence fondamentale inscrite dans le Code de procédure civile. Selon l’article 455 de ce code :

« Le jugement doit être motivé. Il doit énoncer les éléments de fait et de droit qui justifient la décision. »

Cette obligation de motivation répond à plusieurs finalités. Elle impose au juge un raisonnement juridique rigoureux, garantissant que les prétentions et moyens des parties ont été examinés de manière sérieuse et équitable.

De plus, elle permet aux juridictions supérieures de contrôler la légalité de la décision. En l’espèce, le juge n’a pas répondu aux moyens soulevés par la défense concernant l’insuffisance du registre du centre de rétention administrative (CRA) et la vulnérabilité de Monsieur [N] [C].

Cette absence de réponse constitue un défaut de motivation, entraînant l’annulation de l’ordonnance de rétention.

Quels sont les droits des étrangers en matière de contestation des mesures d’éloignement ?

Les droits des étrangers en matière de contestation des mesures d’éloignement sont encadrés par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). L’article L. 511-1 stipule :

« L’étranger peut contester la décision de placement en rétention administrative devant le juge des libertés et de la détention. »

De plus, l’article L. 742-1 précise que :

« L’étranger a le droit d’être assisté par un avocat lors de la procédure de contestation. »

Dans le cas présent, Monsieur [N] [C] a exercé son droit de contester la décision de placement en rétention en interjetant appel.

Il a également été assisté par un avocat, ce qui est conforme aux dispositions légales. La décision de la cour d’appel de prononcer la mainlevée de la mesure de rétention administrative souligne l’importance de respecter les droits procéduraux des étrangers.

Quelles sont les conséquences d’un défaut de motivation d’une décision de rétention administrative ?

Le défaut de motivation d’une décision de rétention administrative entraîne des conséquences juridiques significatives. Selon l’article 132 du Code de procédure civile :

« L’absence de motivation d’un jugement est sanctionnée par la nullité de celui-ci. »

Dans le contexte de la rétention administrative, cela signifie que si le juge ne répond pas aux moyens soulevés par la défense, la décision peut être annulée.

Dans le cas de Monsieur [N] [C], la cour a constaté que le juge n’avait pas répondu aux arguments concernant l’insuffisance du registre du CRA et la vulnérabilité de l’individu.

Cette omission a conduit à l’annulation de l’ordonnance de rétention, illustrant ainsi l’importance de la motivation dans le cadre des décisions judiciaires.

Quels recours sont disponibles pour un étranger en situation de rétention administrative ?

Les recours disponibles pour un étranger en situation de rétention administrative sont clairement définis par le CESEDA. L’article L. 742-2 stipule :

« L’étranger peut former un recours contre la décision de placement en rétention dans un délai de 48 heures. »

De plus, l’article L. 742-3 précise que :

« L’étranger a le droit d’être assisté par un avocat et d’être informé de ses droits. »

Dans le cas de Monsieur [N] [C], il a interjeté appel de la décision de placement en rétention dans les délais impartis.

La cour a également rappelé que l’étranger peut se pourvoir en cassation contre l’ordonnance rendue, ce qui lui permet de contester la décision devant la plus haute juridiction.

Ces recours garantissent que les droits des étrangers sont protégés dans le cadre des procédures de rétention administrative.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 28 DÉCEMBRE 2024

N° RG 24/02134 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BOE64

Copie conforme

délivrée le 27 Décembre 2024 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MINISTÈRE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de Nice en date du 25 Décembre 2024 à 14h15.

APPELANT

Monsieur [N] [C]

né le 22 Janvier 1980 à [Localité 8] (ALBANIE)

de nationalité Albanaise

Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 6] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Aziza DRIDI, avocat au barreau de GRASSE, choisi.

et de Madame [Z] [P] [H], interprète en langue langue albanaise, non inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, ayant préalablement prêté serment.

INTIMÉE

PREFECTURE DES ALPES MARITIMES

Avisé, non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 27 Décembre 2024 devant Madame Erika BROCHE, Conseiller à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée dde Madame Himane EL FODIL, Greffière,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Décembre 2024 à 10h00,

Signée par Madame Erika BROCHE, Conseiller et Madame Himane EL FODIL, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 19 novembre 2024 par PRÉFECTURE DES ALPES MARITIMES , notifié le 21 novembre 2024 à 10h50 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 21 décembre 2024 par PRÉFECTURE DES ALPES MARITIMES notifiée le même jour à 12h46 ;

Vu l’ordonnance du 25 Décembre 2024 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [N] [C] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 26 Décembre 2024 à 13h33 par Monsieur [N] [C] ;

Monsieur [N] [C] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare : ‘Ma femme est ici en France avec mes 2 enfants. Je suis maçon spécialiste dans le carrelage. J’ai une adresse mais elle n’est plus valable car j’avais des soucis. Cependant, je peux fournir une adresse. J’ai reconnu que j’avais une condamnation pénale. J’ai reconnu le fait que j’ai poussé ma femme. Je n’ai jamais été violent auparavant. Elle m’a dit qu’elle allait se déclarer femme isolée sans mari car j’étais en Albanie et elle n’avait rien. J’avais une interdiction de m’approcher de ma femme mais je n’avais pas connaissance de cette peine. Même ma femme ne me l’a pas dit et on s’était remis ensemble pendant 2 ans. C’est vrai que j’ai dit que j’étais prêt à rentrer en Albanie. Mais je pense qu’en tant que père de 5 enfants j’ai le droit de rester ici, mes enfants sont en France. Je n’ai jamais causé d’ennuis à la France’.

Me Aziza DRIDI est entendu en sa plaidoirie : ‘ Il y a une violation du code de procédure civile car le 25 décembre, le juge n’a pas suffisamment motivé sa décision. Le magistrat du siège n’a pas répondu à un certain moyen. Il s’agissait d’une contestation compte tenue de la situation de vulnérabilité de monsieur. J’avais fourni les certificats et le juge n’avait pas répondu à ce moyen. Je vous demande donc la mainlevée de la rétention. L’interprète par téléphone n’est possible que par nécessité et à condition que le nom de l’interprète soit indiqué dans une liste des experts. En l’espèce, nous n’avons pas le nom de l’interprète ni la langue utilisée. Par ailleurs, le registre n’est pas actualisé. Il apparaît erroné et ne correspond pas à la situation. Il est indiqué que monsieur ait refusé un vol à une date où celui-ci se trouvait en maison d’arrêt. Le vol n’a pu avoir lieu en réalité par manque d’effectif au niveau de l’escorte. La jurisprudence de M. [G] sanctionnait l’absence du nom de l’interprète. Je vous demande d’infirmer l’ordonnance du premier juge et de prononcer la mainlevée de monsieur’.

Le représentant de la préfecture n’a pas comparu et n’était pas représenté.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée.

L’obligation de motivation des jugements répond à une triple finalité : Elle oblige le juge au raisonnement juridique, elle constitue ensuite pour le justiciable la garantie que ses prétentions et ses moyens ont été sérieusement et équitablement examinés par le juge. Elle permet enfin au juge de justifier sa décision pour la soumettre au contrôle des juridictions supérieures.

[N] [C] âgé de 44 ans, vivait en concubinage avec une personne de nationalité albanaise. Il est père de deux enfants nés de cette union. L’autorité parentale exclusive a été confiée à la mère des enfants par jugement du Juge aux affaires familiales du 18 mai 2022 visant des violences exercées sur cell-ci en 2021. Il a été condamné le 16 septembre 2024 par le Tribunal correctionnel de Grasse pour violences sur son ex-compagne en présence des enfants à 6 mois de prison avec interdiction notamment de paraître à [Localité 4]. Sur la base de ces éléments, le préfet des Alpes Maritimes a fait obligation à [N] [C] de quitter le territoire français avec interdiction de retour pendant 3 ans par arrêté du 19 novembre 2024, notifié le 21 novembre 2024, avec interprète en langue albanaise, en l’espèce [U] [D], par téléphone.

Il apparaît que le conseil du retenu a plaidé en première instance notamment : un registre du CRA insuffisamment complété, et la vulnérabilité d'[N] [C] au regard de son état de santé. Or le juge n’a pas répondu à ces deux moyens. L’ exigence de motivation est prescrite à peine de nullité, ce qui implique à l’annulation de l’ordonnance déférée. Celle-ci ayant statué sur la décision de placement en rétention administrative et sur la première prolongation, il sera ordonné la mainlevée de la mesure.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons le moyen de nullité du jugement recevable ;

Annulons le jugement déféré pour défaut de motivation ;

Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention administrative ;

Rappelons à [N] [C] son obligation de quitter le territoire national,

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [N] [C]

Assisté d’un interprète

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX03] – [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 5]

Aix-en-Provence, le 27 Décembre 2024

À

– PRÉFECTURE DES ALPES MARITIMES

– Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

– Monsieur le procureur général

– Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de NICE

– Maître Aziza DRIDI

NOTIFICATION D’UNE ORDONNANCE

J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 27 Décembre 2024, suite à l’appel interjeté par :

Monsieur [N] [C]

né le 22 Janvier 1980 à [Localité 8] (ALBANIE)

de nationalité Albanaise

Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


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