L’Essentiel : Mme [M] [T] a été embauchée en 2003 comme chef d’équipe de sécurité incendie. Son contrat a été transféré en 2017 à Challancin Prévention et Sécurité. En 2019, après une proposition de mobilité qu’elle a refusée pour des raisons de transport, elle a été placée en arrêt maladie. Sa demande de rupture conventionnelle a été rejetée, et elle a été licenciée pour inaptitude en juillet 2019. Contestant son licenciement, elle a obtenu gain de cause en 2021, le conseil de prud’hommes jugeant celui-ci sans cause réelle et sérieuse, condamnant l’employeur à des dommages-intérêts.
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Embauche et évolution de carrièreMme [M] [T] a été embauchée par la société Mondial Protection le 13 mai 2003 en tant que chef d’équipe de sécurité incendie. Son contrat de travail à durée indéterminée à temps plein a été transféré à la société Challancin Prévention et Sécurité le 10 novembre 2017, suite à la reprise du site de la Cité des Congrès de [Localité 5]. Elle percevait une rémunération mensuelle moyenne de 2 223 euros bruts. Affectation et refus de mobilitéAprès la démission d’un chef d’équipe sur le site de la Gare SNCF de [Localité 5], Mme [T] a été proposée pour un remplacement à partir du 19 février 2019. Elle a informé son employeur par courriel le 8 février 2019 qu’elle ne pouvait pas se rendre sur ce nouveau site en raison de l’absence de moyens de transport. En réponse, la société a invoqué la clause de mobilité de son contrat, précisant que l’affectation était provisoire. Arrêt de travail et demande de rupture conventionnelleMme [T] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 12 février 2019 au 24 mai 2019. Le 5 avril 2019, elle a demandé une rupture conventionnelle de son contrat, qui a été refusée par la société. Le 4 juin 2019, un médecin du travail a déclaré Mme [T] inapte définitivement à son poste. Licenciement et contestationLe 1er juillet 2019, la société Challancin Prévention et Sécurité a notifié à Mme [T] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. En mars 2020, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes pour contester son licenciement, le qualifiant de sans cause réelle et sérieuse. Jugement du conseil de prud’hommesLe 9 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement de Mme [T] sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à lui verser 15 000 euros de dommages-intérêts, 600 euros pour non-respect des week-ends de repos, et 1 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société a également été condamnée à rembourser les indemnités de chômage versées à Mme [T]. Appel de la société ChallancinLa société Challancin Prévention et Sécurité a interjeté appel le 20 septembre 2021, demandant la réformation du jugement. Elle a contesté les condamnations et a soutenu que le licenciement était justifié par l’inaptitude de Mme [T] sans lien avec un manquement à l’obligation de sécurité. Arguments de Mme [T] en appelMme [T] a demandé la confirmation du jugement de première instance et a sollicité des dommages supplémentaires. Elle a soutenu que son licenciement était dû à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, notamment en raison de l’application abusive de la clause de mobilité. Décision de la cour d’appelLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, considérant que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Elle a également ordonné le remboursement des indemnités de chômage et a condamné la société à verser 1 500 euros à Mme [T] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail ?L’employeur a une obligation légale de sécurité envers ses salariés, stipulée dans l’article L 4121-1 du Code du travail. Cet article précise que : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. » L’employeur doit également veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. Il est crucial que l’employeur s’abstienne de tout comportement qui pourrait compromettre la santé et la sécurité des salariés. En cas de litige, il lui incombe de prouver qu’il a pris les mesures suffisantes pour s’acquitter de cette obligation. En l’espèce, la société Challancin Prévention et Sécurité n’a pas respecté cette obligation en ne tenant pas compte des difficultés de transport de Mme [T] pour se rendre à son nouveau lieu de travail, ce qui a contribué à son inaptitude. Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?Selon l’article L1235-3 du Code du travail, si le licenciement d’un salarié est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux, variant entre 3 et 13,5 mois de salaire en fonction de l’ancienneté. Dans le cas de Mme [T], le tribunal a confirmé que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, et a alloué une indemnité de 15 000 euros, tenant compte de son ancienneté de 16 ans et de son salaire moyen de 2 223,77 euros bruts. Comment la clause de mobilité doit-elle être mise en œuvre par l’employeur ?La clause de mobilité, comme stipulée dans le contrat de travail de Mme [T], doit être mise en œuvre de manière raisonnable et ne doit pas constituer un abus de pouvoir de la part de l’employeur. L’employeur est libre de fixer unilatéralement les horaires et le lieu de travail, mais il doit également prendre en compte les contraintes personnelles du salarié. Dans le cas présent, la société Challancin Prévention et Sécurité a imposé un changement de lieu et d’horaires sans tenir compte des difficultés de transport de Mme [T], ce qui constitue un abus dans l’application de la clause de mobilité. L’employeur doit également instaurer un dialogue avec le salarié pour trouver des solutions aux problèmes soulevés, ce qui n’a pas été fait ici. Quelles sont les implications du non-respect des week-ends de repos ?Le non-respect des week-ends de repos est encadré par la convention collective applicable, qui stipule en son article 7.01 que « Les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser 2 dimanches de repos par mois, en moyenne sur une période de 3 mois. » Dans le cas de Mme [T], il a été prouvé qu’elle avait travaillé au moins 4 week-ends supplémentaires sur une période donnée, ce qui a eu un impact sur sa vie personnelle et familiale. Le tribunal a donc confirmé l’octroi de 600 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des week-ends de repos, reconnaissant le préjudice subi par la salariée. Quelles sont les conséquences du remboursement des indemnités de chômage par l’employeur ?Conformément aux articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du Code du travail, lorsque le licenciement d’un salarié est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées au salarié. Ce remboursement est limité à six mois d’indemnités de chômage et est ordonné d’office si les organismes concernés n’ont pas intervenu dans l’instance. Dans le cas de Mme [T], la société Challancin Prévention et Sécurité a été condamnée à rembourser les indemnités de chômage versées à la salariée, conformément à ces dispositions légales. |
ARRÊT N°20
N° RG 21/05930 –
N° Portalis DBVL-V-B7F-SBG3
S.A.S. Etablissement CHALLANCIN PRÉVENTION ET SÉCURITÉ
C/
Mme [M] [C] épouse [T]
Sur appel du jugement du C.P.H. de [Localité 5] du 09/09/2021
RG : 20/00232
Confirmation
Copie exécutoire délivrée
le : 23-01-25
à :
-Me Nicolas BEZIAU
-M. [K] [R]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 JANVIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 Novembre 2024
devant Madame Anne-Laure DELACOUR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [N] [E], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
La S.A.S. Etablissement CHALLANCIN PRÉVENTION ET SÉCURITÉ prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas BEZIAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocat au Barreau de NANTES
INTIMÉE :
Madame [M] [C] épouse [T]
née le 17 Avril 1971 à [Localité 5] (44)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante à l’audience et représentée par M. [K] [R], Défenseur syndical F.O. de [Localité 6], suivant pouvoir
Mme [M] [T] a été embauchée par la société Mondial Protection le 13 mai 2003 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité de chef d’équipe de sécurité incendie et était régulièrement affectée au site de la Cité des Congrès de [Localité 5].
En raison de la reprise du site de la Cité des Congrès de [Localité 5] par la société Challancin Prévention et Sécurité, le contrat de travail de Mme [T] s’est poursuivi au sein de cette société avec signature d’un avenant le 10 novembre 2017. Elle percevait une rémunération moyenne mensuelle de 2 223 euros bruts.
La société Challancin Prévention et Sécurité emploie habituellement plus de 10 salariés et la convention collective applicable est celle de la sécurité et prévention. Elle dispose de plusieurs agences sur l’ensemble de la France.
A la suite de la démission du chef d’équipe de sécurité incendie sur le site de la Gare SNCF de [Localité 5], la société Challancin Prévention et Sécurité a souhaité affecter Mme [T] en remplacement sur ce site à compter du 19 février 2019.
Par courriel du 8 février 2019, Mme [T] a informé son employeur de son impossibilité de se rendre sur ce nouveau site au motif qu’elle n’avait aucun moyen de transport pour prendre son poste aux horaires indiqués sur les plannings.
Par courriel en date du 12 février 2019, la société Challancin Prévention et Sécurité a invoqué la clause de mobilité présente au contrat de travail de Mme [T] tout en précisant que son affectation sur le site de la Gare SNCF était provisoire.
Mme [T] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 12 février 2019 au 24 mai 2019.
Par lettre simple datée du 5 avril 2019, Mme [T] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail, laquelle a été refusée par la société Challancin Prévention et Sécurité.
Le 4 juin 2019, Mme [T] a été déclarée inapte définitivement à son poste d’agent de sécurité par le médecin du travail.
Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 27 juin 2019 auquel elle ne s’est pas rendue.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juillet 2019, la société Challancin Prévention et Sécurité a notifié à Mme [T] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 5 mars 2020, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de voir juger son licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l’obligation de sécurité de son employeur.
Par jugement du 9 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Nantes a :
– Dit que le licenciement de Mme [T] est denué de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– Condamné la SAS Challancin Prévention et Sécurité à verser à Mme [T] les sommes suivantes :
– 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 600 € à titre de dommages-intérêts pour non respect des week-ends de repos,
– 1 100 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la notification du présent jugement, lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du Code civil,
– Condamné en outre d’office la SAS Challancin Prévention et Sécurité à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mme [T] dans la limite de 6 mois d’indemnités,
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– Débouté Mme [T] du surplus de ses demandes,
– Débouté la SAS Challancin Prévention et Sécurité de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamné la SAS Challancin Prévention et Sécurité aux dépens éventuels.
La société Challancin prévention et sécurité a interjeté appel le 20 septembre 2021.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2021, la société Challancin Prévention et Sécurité sollicite de la cour de :
– Réformer le jugement de première instance en ce qu’il a :
– jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et en conséquence condamné la société appelante d’avoir à verser à Mme [T] la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts,
– condamné la société appelante au paiement de la somme de 600 € à titre de dommages intérêts pour non-respect des week-ends de repos
– condamné la société appelante au paiement de la somme de 1.100 € au titre de l’article 700 du CPC
– condamné la société appelante d’avoir à rembourser à pôle emploi 6 mois d’indemnité chômage à pôle emploi
– débouté la société de ses demandes, fins et conclusions, s’agissant notamment de la demande reconventionnelle présentée au titre de l’article 700 du CPC.
Statuant à nouveau sur la demande indemnitaire au titre de l’exécution du contrat de travail
À titre principal
– Dire et juger Mme [T] mal fondée et en conséquence la débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions
À titre subsidiaire
– Dire et juger que Mme [T] ne démontre ni la réalité ni l’étendue du préjudice qu’elle dit subir, et à ce titre la débouter de toute prétention indemnitaire, et en tout état de cause de toute demande excessive
Statuant à nouveau sur la demande indemnitaire au titre de la rupture du contrat de travail
À titre principal
– Dire et juger que l’inaptitude médicale prononcée est sans origine professionnelle et qu’elle ne relève d’aucune responsabilité de la société
– Dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse
– Débouter en conséquence Mme [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions
À titre subsidiaire
– Dire et juger Mme [T] irrecevable et mal fondée à présenter le cas échéant une demande indemnitaire sur un autre fondement que l’article L1235-3 du Code du travail au titre de la contestation de la rupture de son contrat,
– Dire et juger que Mme [T] ne démontre ni la réalité ni l’étendue du préjudice qu’elle dit subir, et à ce titre la débouter de toute prétention indemnitaire excédant le minimum indemnitaire de l’article L1235-3 du code du travail, et en tout état de cause de toute demande excédant l’ampleur du préjudice réel démontré,
En tout état de cause
– Condamner Mme [T] à la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
À titre tout à fait subsidiaire, la débouter de toute demande excessive, réduisant les indemnisations éventuellement allouées au strict montant des préjudices dont l’existence et l’étendue sont prouvées par Mme [T].
Selon ses dernières conclusions notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 22 décembre 2021 Mme [M] [T] sollicite de la cour de :
– Confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Nantes du 9 septembre 2021 dans toutes ses dispositions,
– Condamner la société Challancin Prévention et Sécurité à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 octobre 2024.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
Sur les dommages et intérêts pour non-respect des week-ends de repos
La salariée sollicite l’octroi de dommages et intérêts en raison du non-respect des week-ends de repos. Elle soutient que son employeur n’a pas respecté la convention collective applicable prévoyant en son article 7.01 que ‘Les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser 2 dimanches de repos par mois, en moyenne sur une période de 3 mois, les dimanches étant accolés, soit à un samedi, soit à un lundi de repos’.
La société Challancin Prévention et Sécurité conteste cette demande en arguant que l’intimée n’établit pas la preuve de son préjudice.
Or, les plannings de novembre 2017 à janvier 2019 produits par la salariée établissent que cette dernière a travaillé a minima 4 week-ends supplémentaires sur la période d’octobre 2018 à février 2019.
Eu égard à l’impact de ce travail supplémentaire le dimanche sur la vie privée et familiale de la salariée, qui est la mère de deux enfants, et du préjudice qui en découle pour cette dernière, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Challancin Prévention et Sécurité à verser à Mme [T] la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des week-ends de repos.
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Sur le bien-fondé du licenciement pour inaptitude
Mme [T] fait valoir que son employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité notamment en ce qu’il a commis un abus en invoquant la clause de mobilité et en modifiant ses heures de travail sans prendre en compte l’impossibilité pour elle de s’y rendre.
Pour infirmation à ce titre, l’employeur expose que le licenciement de Mme [T] est justifié du fait de l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail le 4 juin 2019 et que le contrat de travail de Mme [T] prévoyait une clause de mobilité et que la salariée était infondée à s’opposer à sa mise en oeuvre.
Selon l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’
L’employeur est tenu d’une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dont il lui appartient d’assurer l’effectivité en assurant la prévention des risques professionnels.
Il doit également s’abstenir de tout comportement dont il ne peut ignorer qu’il engendre des dangers notamment en terme de risques psychologiques.
Il est interdit à l’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés
En cas de litige, il appartient à l’employeur, tenu d’assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité et de prévention mise à sa charge par les dispositions précitées du code du travail, de justifier qu’il a pris les mesures suffisantes pour s’acquitter de cette obligation.
Les manquements à l’obligation de sécurité sont de nature à rendre le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse si ces manquements sont à l’origine de l’inaptitude.
Il appartient au juge de rechercher lorsqu’il y est invité, si l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité, et, dans une telle hypothèse, de caractériser le lien entre la maladie du salarié et un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
En l’espèce, au soutien de sa demande, Mme [T] fait valoir que la mise en oeuvre abusive de la clause de mobilité est constitutive d’un manquement à l’obligation de sécurité rendant sans cause réelle et sérieuse son licenciement.
Une clause de mobilité peut être prévue contractuellement et doit définir de façon précise la zone géographique d’application, étant précisé que l’étendue de la zone géographique varie selon les fonctions exercées par le salarié.
Par l’effet d’une telle clause, le salarié accepte par avance qu’une nouvelle affectation géographique lui soit imposée. Si la mutation intervient dans le périmètre géographique couvert par la clause, il n’est pas nécessaire de recueillir l’accord du salarié muté.
Toutefois, si l’employeur est libre de fixer unilatéralement les horaires et le lieu de travail en application d’une clause de mobilité, il lui appartient de ne pas abuser du droit qu’il tient de l’exercice de son pouvoir de direction.
La clause de mobilité prévue à l’article 6 contrat de travail de Mme [T] est rédigée comme suit : ‘En raison de la spécificité de la profession, les agents d’exploitation ne font pas l’objet d’une affectation particulière à un poste déterminé. En conséquence, il pourra être procédé à des mutations en fonction des impératifs résultant de l’organisation du service et des exigences de la clientèle. Les affectations seront faites sur l’ensemble de la zone de travail couverte par l’agence de [Localité 5] et les départements rattachés à cette zone.’
La société fait valoir que compte tenu de la démission du chef d’équipe de sécurité incendie sur le site de la gare SNCF de [Localité 5] -dont il justifie- il a fallu procéder à son remplacement et que dans la mesure où Mme [T] remplissait l’ensemble des qualités requises pour exercer ce poste, à savoir son expérience en qualité de chef d’équipe et son diplôme SSIAP2 (Service de Sécurité Incendie et d’Assistance aux Personnes de niveau 2), il a été fait le choix de l’y affecter temporairement.
Or, les éléments produits ne permettent pas d’établir le caractère temporaire et provisoire de l’affectation de Mme [T] dans la mesure où les plannings transmis prévoient une prise de poste à la gare SNCF pour la première fois le 19 février 2019 et a minima jusqu’au 28 avril 2019 sans qu’il soit prévu un retour au site du Centre des congrès de [Localité 5].
Les plannings communiqués à la salariée prévoient une prise de poste au plus tôt à 7 heures du matin dans le cadre de sa mission au Centre des congrès et à 4 heures 15 du matin concernant le site de la gare SNCF.
Mme [T] établit avoir informé son employeur, par mail du 8 février 2019 (à 23H45), de son impossibilité de se rendre sur ce nouveau lieu d’affectation aux horaires indiqués sur les plannings, à savoir dès 4 heures 15 du matin, en raison de l’absence de moyens de transport à cette heure (‘je vous informe que je refuse de travailler à la gare de [Localité 5] car je n’ai aucun moyen de transport pour commencer si tôt le matin …’).
Ce dernier a répondu le 12 février dans les termes suivants ‘sur ton contrat se trouve une clause de mobilité (département limitrophe). Tu es prévu à la gare pour effectuer des remplacements, ce n’est en aucun cas ton site d’affectation principal’, sans apporter d’éléments de réponse quant aux difficultés de moyens de transport invoquées par Mme [T].
Alors que la société Challancin Prévention et Sécurité considère qu’elle n’a pas disposé du temps nécessaire pour rechercher un moyen de transport permettant à Mme [T] de se rendre à la gare avant son arrêt de travail, à aucun moment elle n’a précisé à Mme [T] qu’elle allait étudier une telle possibilité.
Ce faisant, en se bornant à invoquer la clause de mobilité présente au contrat de travail de la salariée pour imposer un changement de lieu d’affectation et d’horaires de travail, sans prendre en compte les difficultés pratiques soulevées par cette dernière, l’employeur n’a pas permis l’instauration d’un dialogue permettant la bonne exécution du contrat de travail.
Dans ces conditions, si la mise en oeuvre de la clause de mobilité pouvait être justifiée, dans la mesure où la nouvelle affectation se trouvait géographiquement proche du lieu de travail habituel de la salariée, en imposant toutefois des horaires tôt le matin à sa salariée sans prendre en compte ses contraintes personnelles, notamment du fait de l’absence de transport en commun, et sans rechercher de solution, la société, a commis un abus dans la mise en oeuvre de cette clause de mobilité.
En conséquence, en modifiant unilatéralement le planning de la salariée sans lui apporter de réelles explications (en lui adressant 4 plannings différents le 8 février 2018 entre 18H37 et 19H27) et surtout sans rechercher avec elle si d’autres solutions pouvaient être envisageables notamment quant aux difficultés de déplacement invoquées par cette dernière, alors même qu’elle était affectée sur le site de la Cité des congrès depuis plus de 10 ans, l’employeur n’a pas adopté le comportement adapté afin de prévenir toute conséquence psychologique à l’égard de Mme [T], manquant ainsi à son obligation de sécurité.
Mme [T] communique les justificatifs de ses arrêts de travail à compter du 12 février 2019, régulièrement prolongés jusqu’au 24 mai 2019, ainsi que l’avis d’inaptitude daté du 4 juin 2019 mentionnant ‘ suite à l’étude de poste et des conditions de travail dans l’entreprise le 24/05/2019 et suite à l’examen médical de préreprise effectué le 10/05/2019, conformément à l’article R 624-42 du code du travail, Mme [M] [T] est inapte définitivement à son poste d’agent de sécurité dans l’entreprise Challancin. Mme [T] pourrait être affectée à un poste similaire dans une autre entreprise’ et que ‘tout maintien de la salariée dans cette entreprise pourrait être gravement préjudiciable à sa santé’.
Elle verse également aux débats un rapport établi le 20 mai 2019, soit concomitamment à ses arrêts de travail, par le Docteur [L], psychologue du travail, reprenant les ‘doléances’ de Mme [T] à l’égard de son employeur ainsi que les symptômes décrits par cette dernière (troubles du sommeil, troubles somatiques, troubles cognitifs, ruminations anxieuses, crises d’angoisse, syndrome de répétition, troubles de l’humeur, fatigue, perte d’énérgie) indiquant que ‘la reprise dans le même environnement de travail risque de réactiver les symptômes et la poursuite de l’arrêt de travail semble une nécessité afin de permettre à Madame [T] d’envisager une sortie de l’entreprise’.
Il résulte de ces éléments que l’inaptitude constatée par le médecin du travail moins de 4 mois après le premier arrêt de travail de Mme [T], lequel est concomitant à l’annonce par l’employeur de la modification du planning de la salariée, est ainsi consécutive au manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité, de sorte que par confirmation du jugement déféré, le licenciement de Mme [T] est jugé sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [T] sollicite la confirmation du jugement de première instance.
Selon l’article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au sa1arié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux axés entre 3 et 13, 5 mois de salaire pour une ancienneté de 16 années.
En l’espèce, au regard du salaire moyen perçu par la salariée qui sera fixé, à l’examen des pièces produites, à la somme de 2 223,77 euros bruts, de son âge et de sa qualification, sachant qu’elle ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle depuis la rupture du contrat de travail, le préjudice par elle subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l’allocation de la somme de 15 000 euros.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur le remboursement des indemnités chômage
Par application combinée des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail dans leur version applicable au litige, lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Sur ce fondement, par voie de confirmation, il y a lieu de condamner la société Challancin Prévention et Sécurité à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à Mme [T] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
La société Challancin Prévention et Sécurité sera en outre condamnée aux dépens d’appel et au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Challancin Prévention et Sécurité à payer à Mme [M] [T] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Challancin Prévention et Sécurité aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
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