Mise en demeure inappropriée et irrecevabilité des demandes de recouvrement en copropriété

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Mise en demeure inappropriée et irrecevabilité des demandes de recouvrement en copropriété

L’Essentiel : Un copropriétaire détient le lot n° 4 d’un immeuble soumis au statut de copropriété. Le syndicat des copropriétaires a mis en demeure ce copropriétaire de régler une somme de 2.758,47 euros, correspondant aux charges de copropriété. Suite à l’absence de réponse, le syndicat a assigné le copropriétaire devant le président du tribunal judiciaire. Lors de l’audience, le syndicat a réitéré ses demandes, mais le copropriétaire n’a pas constitué avocat. Le tribunal a déclaré irrecevables les demandes du syndicat, soulignant que la mise en demeure ne respectait pas les exigences légales. Le jugement a été rendu le 6 février 2025.

Contexte de l’affaire

Un propriétaire, désigné ici comme un copropriétaire, détient le lot n° 4 d’un immeuble soumis au statut de copropriété. Le syndicat des copropriétaires a mis en demeure ce copropriétaire de régler une somme de 2.758,47 euros, correspondant aux charges de copropriété, par lettre recommandée datée du 6 février 2024.

Procédure judiciaire engagée

Suite à la mise en demeure restée sans réponse, le syndicat des copropriétaires a assigné le copropriétaire devant le président du tribunal judiciaire de Paris le 12 avril 2024. L’assignation visait à obtenir le paiement des charges dues, ainsi que des dommages et intérêts, des frais de recouvrement et des dépens.

Audience et absence de défense

Lors de l’audience du 13 novembre 2024, le syndicat des copropriétaires a réitéré ses demandes. Le copropriétaire, bien qu’assigné, n’a pas constitué avocat, ce qui a conduit à une décision réputée contradictoire. Les moyens de la demande ont été renvoyés à l’acte introductif d’instance.

Analyse de la recevabilité des demandes

Le tribunal a examiné la recevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires. Selon l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, une mise en demeure doit être effectuée pour des provisions dues, et non pour un arriéré total. La mise en demeure du 6 février 2024 ne respectait pas ces exigences, rendant les demandes irrecevables.

Décision du tribunal

En conséquence, le tribunal a déclaré irrecevables toutes les demandes du syndicat des copropriétaires. Ce dernier a été condamné à supporter les dépens et a vu sa demande de frais irrépétibles rejetée. L’exécution provisoire du jugement a été rappelée comme étant de droit.

Conclusion

Le jugement a été rendu le 6 février 2025, confirmant que le syndicat des copropriétaires n’avait pas respecté les procédures nécessaires pour obtenir le recouvrement des charges dues par le copropriétaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires ?

La recevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires est régie par l’article 472 du code de procédure civile, qui stipule que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué au fond.

Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. »

Dans cette affaire, le syndicat des copropriétaires a fondé sa demande sur l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, qui précise que « à défaut du versement à sa date d’exigibilité d’une provision due au titre de l’article 14-1, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues ainsi que les sommes restant dues deviennent immédiatement exigibles. »

Cependant, la mise en demeure adressée à l’acheteur ne respectait pas les conditions requises, car elle ne précisait pas qu’il devait régler une provision, mais l’ensemble d’un arriéré de charges.

Ainsi, la demande du syndicat des copropriétaires a été déclarée irrecevable.

Quelles sont les conséquences de la mise en demeure sur les charges de copropriété ?

La mise en demeure est un acte essentiel dans le cadre du recouvrement des charges de copropriété. Selon l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, « à défaut du versement à sa date d’exigibilité d’une provision due au titre de l’article 14-1, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues ainsi que les sommes restant dues deviennent immédiatement exigibles. »

Dans le cas présent, la mise en demeure du 6 février 2024 ne permettait pas à l’acheteur de comprendre qu’il pouvait régler une seule provision sans être poursuivi pour l’intégralité de son arriéré.

De plus, l’article 19-2 précise que ce n’est qu’après une mise en demeure restée infructueuse que la totalité des charges impayées devient exigible.

Ainsi, la mise en demeure ne pouvait inclure des sommes qui n’étaient pas encore exigibles à la date de son établissement, ce qui a conduit à l’irrecevabilité des demandes du syndicat.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans cette affaire ?

L’exécution provisoire est régie par l’article 514 du code de procédure civile, qui stipule que « l’exécution provisoire est de droit. »

Dans cette affaire, bien que le syndicat des copropriétaires ait succombé dans ses demandes, il est rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de droit.

Cela signifie que, même si le syndicat a été débouté de ses demandes, il conserve la possibilité d’exécuter le jugement, ce qui pourrait avoir des implications sur la gestion des charges de copropriété à l’avenir.

En conséquence, le tribunal a laissé au syndicat la charge des dépens qu’il a exposés, tout en le déboutant de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Ainsi, l’exécution provisoire, bien que de droit, ne s’applique pas favorablement au syndicat dans cette situation.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expédition exécutoire à:
-Maître Estelle FORNIER

délivrée le:

Charges de copropriété

N° RG 24/05469
N° Portalis 352J-W-B7I-C4MIF

N° MINUTE :

Assignation du :
12 Avril 2024

JUGEMENT EN PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE
AU FOND
rendu le 06 Février 2025
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 5], représenté par son syndic, la société ABEILLE IMMOBILIER, S.A.R.L
[Adresse 4]
[Localité 2]

représenté par Maître Estelle FORNIER de l’AARPI ITER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L258

DÉFENDEUR

Monsieur [U] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]

non-représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles 839 et 481 du Code de procédure civile et L.121-3 du Code de l’organisation judiciaire,

Madame Lucie AUVERGNON, Vice-Présidente, statuant par délégation du Président du Tribunal Judiciaire conformément à l’ordonnance du Président du Tribunal Judiciaire de Paris du 06 Janvier 2025, en l’application de l’article R.213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire.

assistée de Line-Joyce GUY, Greffère.

Décision du 06 Février 2025
Charges de copropriété
N° RG 24/05469 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4MIF

DÉBATS

A l’audience publique du 13 Novembre 2024

JUGEMENT

– Réputé contradictoire
– En premier ressort
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [K] est propriétaire du lot n° 4 au sein de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6], soumis au statut de copropriété.

Par lettre recommandée en date du 6 février 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] a mis en demeure M. [U] [K] de lui régler la somme de 2.758,47 euros au titre des charges de copropriété, selon décompte arrêté au 6 février 2024.

Par acte d’huissier en date du 12 avril 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 5] à Paris 11ème a fait assigner M. [U] [K] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, selon la procédure accélérée au fond, afin de demander de :

Vu les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et notamment les les articles 10, 10-1, 14, 18 et 19-2, vu les dispositions du décret du 17 mars 1967 et notamment l’article 35, vu l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil, vu les articles 481-1, 514 696 du code de procédure civile,

DIRE ET JUGER ses demandes recevables et bien fondées,

CONDAMNER M. [U] [K] à lui payer les sommes de :
– 2.758,47 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2024 au titre des charges de copropriété arrêtées au 14 mars 2024,

– 982,77 € au titre des charges de copropriété à échoir en 2024 avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation,
– 22,80 € au titre des frais de recouvrement,

– 1.500 € à titre de dommages et intérêts,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– outre les entiers dépens,

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

A l’audience du 13 novembre 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 6] s’est référé aux prétentions et aux moyens formulés dans son assignation.

Bien que régulièrement assigné à personne, M. [U] [K] n’a pas constitué avocat. La décision sera donc réputée contradictoire.

Pour un plus ample exposé des moyens, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance précité et à la note d’audience, conformément aux dispositions des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 6 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué au fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la recevabilité des demandes

Le juge peut relever d’office l’irrecevabilité d’un demandeur en son action sans être tenu d’inviter les parties à formuler leurs observations dès lors qu’il se borne à vérifier les conditions d’application de la règle de droit invoquée.
L’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « à défaut du versement à sa date d’exigibilité d’une provision due au titre de l’article 14-1, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application du même article 14-1 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles.

Le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l’approbation par l’assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles.
Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l’article 14-2-1.
Lorsque la mesure d’exécution porte sur une créance à exécution successive du débiteur du copropriétaire défaillant, notamment une créance de loyer ou d’indemnité d’occupation, cette mesure se poursuit jusqu’à l’extinction de la créance du syndicat résultant de l’ordonnance.
Si l’assemblée générale vote pour autoriser le syndic à agir en justice pour obtenir la saisie en vue de la vente d’un lot d’un copropriétaire débiteur vis-à-vis du syndicat, la voix de ce copropriétaire n’est pas prise en compte dans le décompte de la majorité et ce copropriétaire ne peut recevoir mandat pour représenter un autre copropriétaire en application de l’article 22 ».
La procédure accélérée de recouvrement des sommes dues par un copropriétaire permet d’assurer un bon fonctionnement du budget prévisionnel prévu à l’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965 en prévoyant la possibilité d’obtenir une décision exécutoire permettant à la copropriété de recouvrer plus rapidement les provisions sur charges et les fonds de travaux nécessaires au bon fonctionnement de son exercice en cours, sans mise en péril de sa trésorerie.

Elle institue une procédure judiciaire spécifique pour le paiement des sommes qu’elles visent, dérogatoire au droit commun, confiée au président du tribunal judiciaire.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires, bien que fondant sa demande sur les dispositions précitées de l’article 19-2 et agissant par conséquent dans le cadre de la procédure accélérée au fond, communique une mise en demeure en date du 6 février 2024 qui ne met pas en demeure M. [U] [K] de régler une provision mais l’ensemble d’un arriéré de charges arrêté au 6 février 2024 d’un montant total de 2.758,47 euros.

Cette mise en demeure ne permet pas au copropriétaire débiteur de comprendre que s’il paie une seule provision, il ne pourra pas être poursuivi sur le fondement de l’article 19-2 pour le paiement de l’intégralité de son arriéré de charges ainsi que des provisions non encore échues au titre de l’exercice en cours.

Ce n’est en effet qu’en cas de non paiement après mise en demeure de payer une provision dans un délai de trente jours que le syndicat des copropriétaires est en droit de saisir le président du tribunal judiciaire aux fins d’obtenir la condamnation du copropriétaire défaillant au paiement de cette provision, des provisions non encore échues en application de l’article 14-1 et des sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes. De surcroît, dès lors que l’article 19-2 susvisé énonce que ce n’est qu’après mise en demeure restée infructueuse que la totalité des charges impayées restant dues, ainsi que les provisions non encore échues, deviennent immédiatement exigibles, la mise en demeure ne peut inclure les sommes restant dues puisque, aux termes de cet article, celles-ci ne sont pas encore exigibles à la date de son établissement.

Enfin, considérer que la procédure accélérée au fond prévue à l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 pourrait valablement être mise en œuvre, en l’absence de paiement par le copropriétaire défaillant de la totalité de sa créance après mise en demeure, reviendrait à faire perdre tout sens à la procédure de droit commun devant le tribunal judiciaire. Celle-ci n’aurait en effet plus lieu d’être dès lors que le syndicat des copropriétaires se verrait offrir la possibilité d’assigner ledit copropriétaire devant le président de la juridiction, dans le cadre d’une procédure plus rapide et donc moins coûteuse, aux fins de recouvrir la totalité de sa créance.

En conséquence, la mise en demeure du 6 février 2024 ne répondant pas à ces exigences, il y a lieu de déclarer les demandes du syndicat des copropriétaires fondées sur les dispositions de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 irrecevables.

Sur les mesures accessoires

Il sera rappelé que, conformément à l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit.

Le syndicat des copropriétaires, qui succombe à l’instance, conservera la charge des dépens qu’il a exposés et sera débouté de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Statuant selon la procédure accélérée au fond par jugement réputé contradictoire, en premier ressort, après débats publics suivant jugement mis à disposition au greffe,

DECLARE irrecevables l’ensemble des demandes du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] ;

LAISSE au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] la charge des dépens qu’il a exposés ;

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire du jugement est de droit.

Fait et jugé à Paris le 06 Février 2025

Le Greffière La Présidente


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