Marque générique devenue distinctive

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Marque générique devenue distinctive

L’Essentiel : L’affaire du Crédit Mutuel Arkea illustre la complexité des droits de marque au sein du groupe Crédit Mutuel. Souhaitant se dissocier, Arkea a contesté l’utilisation de la marque « Crédit Mutuel », mais la CNCM a défendu la validité de cette marque, considérée comme distinctive grâce à son usage prolongé. La juridiction a reconnu que, bien que « Crédit Mutuel » soit initialement générique, son utilisation intensive par le groupe a permis d’acquérir un caractère distinctif. Ainsi, la CNCM, en tant qu’organe de contrôle, maintient la cohésion et la protection de la marque au sein du réseau bancaire mutualiste.

Affaire du Crédit Mutuel

La banque coopérative et mutualiste Crédit Mutuel Arkea, souhaitant se détacher du groupe dont elle fait partie (groupe Crédit Mutuel), s’est vue opposée par l’organe central de la confédération nationale du Crédit Mutuel – CNCM, un refus d’utiliser la marque Crédit Mutuel en cas de « sédition » conformément au règlement d’usage, et ce, afin d’éviter tout risque de confusion pour les consommateurs. En défense la banque Crédit Mutuel Arkea a tenté, sans succès, d’obtenir la  nullité de la marque Crédit Mutuel pour fraude et défaut de distinctivité.

Droits de la CNCM

La CNCM a obtenu gain de cause sur la validité de sa marque Crédit Mutuel. L’ordonnance du 16 octobre 1958 a précisé le statut et l’organisation des Caisses de crédit mutuel et créé la CNCM à qui a été confié un rôle de contrôle, d’inspection et de représentation du réseau auprès des pouvoirs publics. Le réseau des Caisses de crédit mutuel est régi par les dispositions des articles L.512-55 et suivants et R. 512-19 et suivants du code monétaire et financier. La CNCM est constituée sous la forme d’une association régie par la loi de 1901. L’un de ses rôles principaux est de veiller à la cohésion du réseau Crédit Mutuel.

Crédit Mutuel, une marque collective

Les conditions d’utilisation des marques collectives Crédit Mutuel sont fixées par des règlements d’usage et contrôlées par le conseil d’administration de la CNCM. Les règlements d’usage précise notamment que sont seules autorisées à utiliser la marque les fédérations régionales inscrites sur la liste tenue par la CNCM.

Le caractère frauduleux du dépôt de la marque Crédit Mutuel par la CNCM n’a pas été retenu, cette dernière n’ayant eu aucune intention de nuire. La CNCM justifiait qu’elle avait, dès avant le dépôt de la marque verbale, couramment utilisé les termes « crédit mutuel ».

En matière de fraude à une marque, l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

Par ailleurs, en application du principe fraus omnia corrumpit, un dépôt de marque est frauduleux lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité présente ou ultérieure ; que la fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d’un même secteur d’un signe nécessaire à leur activité ; le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue.

Validité de la marque Crédit Mutuel

Si ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe contraire à l’ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l’utilisation est légalement interdite (article L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle), le code monétaire et financier consacre la réservation au profit de la CNCM de l’expression « Crédit Mutuel ».  Le législateur a reconnu, sous la forme d’une énumération limitative, l’existence de différentes banques mutualistes ou coopératives parmi lesquelles figure le crédit mutuel. En outre, l’article L. 512-56 de ce code prévoit que la CNCM est chargée notamment de représenter collectivement les caisses de crédit mutuel pour faire valoir leurs droits et intérêts communs et prendre toutes mesures nécessaires au bon fonctionnement du crédit mutuel, notamment en favorisant la création de nouvelles caisses ou en provoquant la suppression de caisses existantes. Cet organe a donc un contrôle total sur l’appellation de « Caisse de crédit mutuel ».

Caractère distinctif de la marque Crédit Mutuel

La juridiction a retenu que le signe « Crédit Mutuel » est dépourvu de caractère distinctif en ce qu’il est une désignation nécessaire, générique ou usuelle de services bancaires et  financiers. Toutefois, cette distinctivité a été acquise par l’usage,  le groupe Crédit Mutuel s’étant placé parmi les 6 premiers groupes bancaires français.

L’acquisition du caractère distinctif par l’usage suppose la preuve d’un usage continu, intense et de longue durée du signe constituant la marque et ce, à titre de marque, de sorte que ce signe est connu et identifié par une partie significative du public pertinent intéressé par les produits et services qu’il propose. Pour  apprécier le caractère distinctif acquis par l’usage, il faut se placer, lorsque la nullité de la marque est demandée à titre principal, au moment où le juge statue.

La CJUE (7 juillet 2005, C-353/03, Nestlé) a eu l’opportunité de préciser qu’en ce qui concerne l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée doit être effectuée grâce à l’usage de la marque en tant que marque. Cette dernière condition n’implique pas nécessairement, pour être remplie, que la marque dont l’enregistrement est demandé ait fait l’objet d’un usage indépendant. L’expression ‘l’usage de la marque en tant que marque’ doit donc être comprise comme se référant seulement à un usage de la marque aux fins de l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée. Or, une telle identification, et donc l’acquisition d’un caractère distinctif, peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l’enregistrement est demandé, comme provenant d’une entreprise déterminée. Le caractère distinctif d’une marque peut être acquis en conséquence de l’usage de cette marque en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci.

Le CNCM a également apporté la preuve de la part de marché détenue par sa marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements faits pour la promouvoir (CJCE, 4 mai 1999, C-109/97, Windsurfing Chiemsee).

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Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la position de Crédit Mutuel Arkea vis-à-vis du groupe Crédit Mutuel ?

Crédit Mutuel Arkea, une banque coopérative et mutualiste, a exprimé le souhait de se dissocier du groupe Crédit Mutuel. Cependant, cette volonté a été confrontée à un refus de la part de la CNCM, l’organe central de la confédération nationale du Crédit Mutuel.

Ce refus était motivé par des règlements d’usage qui interdisent l’utilisation de la marque Crédit Mutuel en cas de « sédition », afin d’éviter toute confusion pour les consommateurs.

Malgré ses efforts pour obtenir la nullité de la marque Crédit Mutuel, Crédit Mutuel Arkea n’a pas réussi à prouver la fraude ou le défaut de distinctivité de cette marque.

Quels sont les droits de la CNCM concernant la marque Crédit Mutuel ?

La CNCM a obtenu la validation de sa marque Crédit Mutuel, soutenue par l’ordonnance du 16 octobre 1958 qui a établi son statut et son organisation.

Cette ordonnance a également confié à la CNCM un rôle de contrôle et de représentation du réseau des Caisses de crédit mutuel auprès des pouvoirs publics.

Les articles L.512-55 et suivants du code monétaire et financier régissent ce réseau, et la CNCM, en tant qu’association régie par la loi de 1901, veille à la cohésion de ce réseau.

Quelles sont les conditions d’utilisation de la marque Crédit Mutuel ?

L’utilisation de la marque collective Crédit Mutuel est soumise à des règlements d’usage, qui sont contrôlés par le conseil d’administration de la CNCM.

Seules les fédérations régionales inscrites sur la liste de la CNCM sont autorisées à utiliser cette marque.

La CNCM a également été en mesure de prouver qu’elle n’avait pas eu l’intention de nuire lors du dépôt de la marque, ayant utilisé les termes « crédit mutuel » avant même ce dépôt.

Quelles sont les implications de la fraude à une marque selon le code de la propriété intellectuelle ?

L’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle stipule qu’un enregistrement de marque peut être contesté s’il a été demandé en fraude des droits d’un tiers ou en violation d’une obligation légale.

La personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice, à condition que le déposant ne soit pas de mauvaise foi.

L’action en revendication doit être engagée dans un délai de trois ans à partir de la publication de la demande d’enregistrement.

Comment la validité de la marque Crédit Mutuel est-elle justifiée ?

La validité de la marque Crédit Mutuel est renforcée par le code monétaire et financier, qui réserve l’expression « Crédit Mutuel » à la CNCM.

Le législateur a reconnu l’existence de différentes banques mutualistes, dont le Crédit Mutuel, et a confié à la CNCM la représentation collective des caisses de crédit mutuel.

Cela lui confère un contrôle total sur l’appellation « Caisse de crédit mutuel », garantissant ainsi la protection de la marque.

Quel est le caractère distinctif de la marque Crédit Mutuel ?

La juridiction a déterminé que le signe « Crédit Mutuel » manquait de caractère distinctif, car il s’agit d’une désignation générique de services bancaires.

Cependant, ce caractère distinctif a été acquis par l’usage, le groupe Crédit Mutuel étant l’un des six premiers groupes bancaires en France.

Pour qu’une marque acquière un caractère distinctif par l’usage, il faut prouver un usage continu, intense et de longue durée, permettant au public de l’identifier comme provenant d’une entreprise spécifique.

Comment la CJUE a-t-elle précisé l’acquisition du caractère distinctif par l’usage ?

La CJUE a clarifié que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage nécessite que le produit ou service soit identifié par le public comme provenant d’une entreprise déterminée.

Cela peut résulter de l’usage de la marque en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci.

Il est essentiel que cet usage soit perçu par les milieux intéressés, permettant ainsi à la marque de se distinguer dans le marché.

La CNCM a également démontré sa part de marché, l’intensité et la durée de son usage, ainsi que les investissements réalisés pour promouvoir la marque.


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