L’Essentiel : Lorsqu’un salarié dépose frauduleusement une marque, l’employeur peut revendiquer le transfert de celle-ci. Dans l’affaire « Choose Paris », une ancienne salariée a déposé le signe « booster d’innovations sociales », utilisé par son employeur, l’association PRE. Ce dépôt, effectué en connaissance de cause, a entravé l’activité de l’association, démontrant une intention de nuire. Selon la législation, un enregistrement peut être annulé s’il est prouvé que le demandeur a agi de mauvaise foi, en cherchant à porter atteinte aux droits d’un tiers. L’employeur peut alors revendiquer ses droits en justice pour récupérer la marque. |
En matière de dépôt de marque ce n’est pas le premier déposant qui dispose des droits : le mécanisme du dépôt frauduleux (par un salarié) permet à l’employeur d’obtenir le transfert de la marque. Affaire « Choose Paris »Soutenant que son ancienne salariée, Mme [M], s’était appropriée fautivement, en le déposant à titre de marque, le signe « booster d’innovations sociales » qu’elle utilisait, l’association Paris région entreprises (PRE), devenue Choose Paris région, l’a assignée, ainsi que l’association Nov’Impact, que Mme [M] avait fondée, en revendication de marque ainsi qu’en concurrence parasitaire. Mme [M] a déposé en tant que marque le signe « booster d’innovations sociales », qui correspondait à un concept développé et utilisé par l’association PRE avec laquelle elle était encore tenue par son contrat de travail, et qui était nécessaire à son activité. Dépôt frauduleux de marqueLe dépôt de ce signe en tant que marque était de nature à entraver l’activité économique de l’association PRE, les services couverts par la notion utilisée par cette association pouvaient correspondre, s’agissant des axes d’innovation retenus, soit la recherche & développement et le développement durable, aux services de recherche scientifique et technique visés par la marque en cause et Mme [M] savait qu’à la date où elle déposait ledit signe en tant que marque, l’association PRE continuait d’en faire usage. En privant ainsi l’association PRE du signe « booster d’innovations sociales », Mme [M] a agi avec l’intention de nuire. Le dépôt de marque fait de mauvaise foiPour rappel, l’article 3, paragraphe 2, sous d), de l’ex directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 (remplacée par la Directive (UE) 2015/2436 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015) prévoit qu’une marque peut être annulée dans le cas où la demande d’enregistrement a été faite de mauvaise foi.
L’article 4, paragraphe 4, sous g), de cette directive vise, dans les motifs de nullité concernant les conflits avec des droits antérieurs, le cas où la marque peut être confondue avec une marque utilisée à l’étranger au moment du dépôt de la demande et qui continue d’y être utilisée, si la demande a été faite de mauvaise foi par le demandeur. Leurs dispositions ont ensuite figuré dans les mêmes articles de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques. Dépôt frauduleux de marque : la position de la CJUELa Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, modifié, et l’article 3, paragraphe 2, sous d), de la première directive 89/104 doivent être interprétés en ce sens qu’une demande de marque sans aucune intention de l’utiliser pour les produits et les services visés par l’enregistrement constitue un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, si le demandeur de cette marque avait l’intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d’une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque (CJUE, arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a., C-371/18). La Cour de justice a également jugé que l’existence de la mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, tels que, entre autres, le fait que le demandeur savait ou aurait dû savoir qu’un tiers utilisait un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire. Toutefois, la circonstance que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise un tel signe ne suffit pas, à elle seule, pour établir l’existence de la mauvaise foi de ce demandeur. Il convient, en outre, de prendre en considération l’intention dudit demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque, élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C-529/07, Rec. p. I-4893, points 37 et 40 à 42, et du 27 juin 2013, Malaysia Dairy Industries, C-320/12, point 36). Selon l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière des articles 3, paragraphe 2, sous d), et 4, paragraphe 4, sous g), de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 que, pour établir qu’une marque a été déposée en fraude de ses droits, le tiers doit démontrer, d’une part, que le déposant avait connaissance de l’utilisation par lui d’un signe identique ou similaire au signe déposé en tant que marque, d’autre part, que ce dernier avait l’intention soit de porter atteinte à ses intérêts d’une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d’obtenir un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque. |
Q/R juridiques soulevées : Quel est le contexte de l’affaire « Choose Paris » ?L’affaire « Choose Paris » concerne une ancienne salariée, Mme [M], qui a déposé le signe « booster d’innovations sociales » en tant que marque. Ce signe était déjà utilisé par l’association Paris région entreprises (PRE), qui a ensuite poursuivi Mme [M] pour appropriation fautive de la marque et concurrence parasitaire. L’association PRE, devenue Choose Paris région, soutient que le dépôt de cette marque par Mme [M] entrave son activité économique, car elle continuait d’utiliser ce signe dans le cadre de ses services liés à l’innovation sociale. Cette situation soulève des questions sur les droits de propriété intellectuelle et les implications du dépôt de marque par un salarié, notamment en ce qui concerne la bonne foi et l’intention de nuire.Qu’est-ce que le dépôt frauduleux de marque ?Le dépôt frauduleux de marque se réfère à une situation où une personne dépose une marque en connaissance de cause qu’elle porte atteinte aux droits d’un tiers. Dans le cas de Mme [M], son dépôt du signe « booster d’innovations sociales » a été jugé comme entravant l’activité de l’association PRE, qui continuait d’utiliser ce signe. Mme [M] était consciente que l’association PRE utilisait ce signe au moment de son dépôt. En agissant ainsi, elle a été accusée d’avoir agi avec l’intention de nuire à l’association, ce qui constitue un acte de mauvaise foi. Le droit de la propriété intellectuelle prévoit des mécanismes pour annuler une marque si elle a été déposée de manière frauduleuse, ce qui est essentiel pour protéger les droits des entreprises et des individus.Quels sont les critères de mauvaise foi selon la législation ?La mauvaise foi dans le dépôt de marque est définie par plusieurs critères selon la législation européenne. L’article 3, paragraphe 2, sous d), de la directive 89/104/CEE stipule qu’une marque peut être annulée si la demande d’enregistrement a été faite de mauvaise foi. Cela inclut des situations où le demandeur n’a pas l’intention d’utiliser la marque pour les produits ou services visés, mais plutôt pour nuire aux intérêts d’un tiers ou obtenir un droit exclusif à des fins non conformes aux fonctions d’une marque. La Cour de justice de l’Union européenne a également précisé que l’évaluation de la mauvaise foi doit prendre en compte tous les facteurs pertinents au moment du dépôt, y compris la connaissance par le demandeur de l’utilisation antérieure d’un signe similaire par un tiers.Comment la CJUE interprète-t-elle la mauvaise foi dans le dépôt de marque ?La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a établi que la mauvaise foi dans le dépôt d’une marque doit être interprétée de manière globale, en tenant compte de tous les éléments du cas. Cela inclut la connaissance par le demandeur de l’utilisation d’un signe identique ou similaire par un tiers. Cependant, le simple fait que le demandeur soit conscient de cette utilisation ne suffit pas à prouver la mauvaise foi. Il est également nécessaire d’examiner l’intention du demandeur au moment du dépôt, en se basant sur des circonstances objectives. Les arrêts de la CJUE, tels que ceux concernant Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli et Malaysia Dairy Industries, soulignent l’importance d’une évaluation complète des intentions et des actions du demandeur pour déterminer la présence de mauvaise foi.Quelles sont les conséquences d’un dépôt de marque frauduleux ?Les conséquences d’un dépôt de marque frauduleux peuvent être significatives. Selon l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si une marque a été déposée en fraude des droits d’un tiers, ce dernier peut revendiquer sa propriété en justice. Pour établir qu’une marque a été déposée frauduleusement, le tiers doit prouver que le déposant avait connaissance de l’utilisation antérieure d’un signe similaire et qu’il avait l’intention de nuire ou d’obtenir un droit exclusif à des fins inappropriées. Cela peut entraîner l’annulation de la marque, des dommages-intérêts pour le préjudice subi, et potentiellement des sanctions contre le déposant. Ces mesures visent à protéger les droits des entreprises et à maintenir l’intégrité du système de propriété intellectuelle. |
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