L’Essentiel : Une employée, désignée comme une victime, a été engagée par une entreprise, qualifiée de vendeur, en tant qu’agent de service depuis le 3 juin 2019. Le 26 janvier 2023, la victime a déclaré une maladie professionnelle, spécifiquement une épicondylite droite. Le 1er juin 2023, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) a informé le vendeur de la prise en charge de la maladie de la victime. Contestant cette décision, le vendeur a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA), qui a rejeté son recours. Le vendeur a ensuite saisi le tribunal judiciaire pour contester cette décision, demandant une expertise médicale.
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Contexte de l’affaireUne employée, désignée comme une victime, a été engagée par une entreprise, qualifiée de vendeur, en tant qu’agent de service depuis le 3 juin 2019. Cette victime est affiliée à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de la Charente-Maritime. Le 26 janvier 2023, la victime a déclaré une maladie professionnelle, spécifiquement une épicondylite droite, accompagnée d’un certificat médical initial. Déclarations et procédures initialesDes questionnaires ont été remplis par la victime et l’employeur, le vendeur, en février et mars 2023. Le 1er juin 2023, la CPAM a informé le vendeur de la prise en charge de la maladie de la victime au titre de la législation sur les risques professionnels. En réponse, le vendeur a contesté cette décision par courrier recommandé le 27 juillet 2023, saisissant la Commission de Recours Amiable (CRA). Décisions de la Commission de Recours AmiableLe 22 août 2023, la CRA a rejeté le recours du vendeur. Par la suite, le vendeur a saisi le tribunal judiciaire de Poitiers le 6 septembre 2023 pour contester cette décision. Le juge a organisé les échanges de conclusions et a fixé la clôture des débats pour novembre 2024, avec une audience prévue en décembre 2024. Demandes du vendeurLe vendeur a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et d’invalider la décision de prise en charge de la maladie de la victime. Il a également sollicité une injonction à la CPAM pour transmettre des éléments médicaux et a demandé une expertise sur les arrêts de travail prescrits à la victime. Réponse de la CPAMLa CPAM, représentée, a demandé le rejet du recours du vendeur, affirmant que ce dernier n’avait pas respecté la procédure amiable préalable. Elle a confirmé la décision de la CRA et a déclaré la prise en charge de la maladie de la victime comme opposable au vendeur. Recevabilité du recoursLe tribunal a jugé le recours du vendeur recevable, notant que la CPAM n’avait pas statué sur la contestation des arrêts de travail avant de rendre sa décision. Cela a permis au tribunal d’examiner les demandes du vendeur. Instruction de la maladie de la victimeLe tribunal a constaté que la CPAM avait informé le vendeur des étapes d’instruction concernant la maladie de la victime. Les documents fournis ont été jugés suffisants pour respecter le principe du contradictoire. Demande d’expertiseLe tribunal a ordonné une expertise médicale pour déterminer l’évolution des lésions de la victime et leur lien avec la maladie déclarée. L’expert devra également évaluer si la maladie résulte d’un état pathologique antérieur. Conclusion et décisions du tribunalLe tribunal a déclaré le recours du vendeur recevable et a confirmé la prise en charge de la maladie de la victime. Il a ordonné une expertise médicale et a réservé les autres demandes, tout en précisant que les frais d’expertise seraient pris en charge par la CPAM. L’affaire a été renvoyée à la mise en état pour la suite des procédures. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité du recoursLa recevabilité du recours est régie par l’article R. 142-9-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule : “Les dispositions du présent article s’appliquent aux recours qui relèvent à la fois de la compétence de la commission de recours amiable mentionnée à l’article R. 142-1 et de celle de la commission médicale de recours amiable mentionnée à l’article R. 142-8. La commission de recours amiable sursoit à statuer jusqu’à ce que la commission médicale de recours amiable ait statué sur la contestation d’ordre médical. La commission médicale de recours amiable établit, pour chaque cas examiné, un rapport comportant son analyse du dossier, ses constatations et ses conclusions motivées. Elle rend un avis. Le secrétariat de la commission médicale de recours amiable transmet sans délai l’avis de la commission médicale de recours amiable à la commission de recours amiable et une copie du rapport au service médical compétent et, à la demande de l’assuré ou de l’employeur, à l’assuré ou au médecin mandaté par l’employeur lorsque celui-ci est à l’origine du recours.” L’institution d’un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, vise à laisser à l’autorité compétente le soin d’arrêter définitivement la position de l’administration. Ainsi, le juge doit déclarer le recours contentieux recevable si une décision, implicite ou expresse, se prononçant sur le recours préalable est intervenue à la date à laquelle il statue. En l’espèce, la CPAM de la Charente-Maritime soutient que la SAS GSF ATHENA n’est pas fondée à contester la longueur des arrêts de travail prescrits à l’agent de service, ni à solliciter une expertise médicale, car elle n’a pas préalablement saisi la commission médicale de recours amiable. Cependant, il est établi que la SAS GSF ATHENA a expressément formé un “recours mixte de nature médicale et non médicale”, portant à la fois sur l’inopposabilité de la prise en charge de la maladie et sur le bien-fondé des arrêts de travail. L’article précité prévoit que la commission de recours amiable aurait dû surseoir à statuer dans l’attente de l’avis de la commission médicale de recours amiable sur la question de l’imputabilité des arrêts de travail à la maladie, avant de rendre sa décision. Néanmoins, à la date de l’audience, l’absence de réponse de la CMRA constituait un refus implicite, de sorte que la position définitive de la caisse est connue au moment où la juridiction connaît du litige. L’action de la SAS GSF ATHENA est donc recevable. Sur la procédure d’instruction de la maladieL’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale dispose que : “En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l’accident : 1° La date de la première constatation médicale de la maladie ; […] est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.” L’article D. 461-1-1 précise que pour l’application du dernier alinéa de l’article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin. Il est constant que la pièce caractérisant la première constatation médicale d’une maladie professionnelle n’est pas soumise aux mêmes exigences de forme que le certificat médical initial. Il appartient seulement aux juges du fond de vérifier, en cas de contestation, si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l’employeur d’être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue. En l’espèce, la CPAM a informé la SAS GSF ATHENA des étapes et délais d’instruction concernant la pathologie déclarée, notamment la possibilité pour l’employeur de consulter les pièces constitutives du dossier. Il ressort des pièces que le médecin-conseil a retenu, le 9 mars 2023, une pathologie libellée “Tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit” avec la date de première constatation médicale du 12 janvier 2023. Cette date correspond à celle figurant sur le certificat médical initial établi le 16 janvier 2023. Il est donc établi que l’employeur a été suffisamment informé par la CPAM de la date de première constatation médicale et du nom de la maladie retenus, respectant ainsi le principe de la contradiction. En conséquence, la décision de prise en charge de la maladie de l’agent de service sera déclarée opposable à la SAS GSF ATHENA. Sur la demande d’injonction de transmission du dossier médicalLes articles R 142-8-2 et R 142-8-3 du Code de la sécurité sociale prévoient certaines modalités de la procédure en cas de saisine de la CMRA, notamment celles de la transmission du dossier médical de l’assuré. Ces articles ne sont assortis d’aucune sanction. De plus, une telle sanction ne pourrait être prononcée par la présente juridiction, qui n’a pas à connaître de la régularité de la procédure du recours amiable. En l’espèce, le fait que la CPAM n’ait pas transmis l’intégralité du dossier médical au médecin de la SAS GSF ATHENA au stade de la phase précontentieuse est sans incidence, et la demande de cette dernière sera rejetée. Sur la demande d’expertiseL’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale stipule qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. L’article L. 431-1 énumère les frais pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, notamment ceux nécessités par le traitement de la victime. Les lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle sont présumées pour toute la durée d’incapacité de travail précédant la guérison ou la consolidation, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit. Selon l’article 144 du Code de procédure civile, les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer. En l’espèce, la SAS GSF ATHENA conteste le caractère professionnel des arrêts de travail prescrits à l’agent de service, et il n’est pas contesté que le certificat médical initial a été suivi de 178 jours d’arrêts de travail. La présomption d’imputabilité au travail des soins et arrêts postérieurs à la maladie est donc acquise. Cependant, les articles R 142-8-2 et R 142-8-3 font obligation au secrétariat de la CMRA de transmettre le rapport mentionné à l’article L 142-6 à l’employeur qui conteste l’imputabilité au travail des soins et arrêts. Or, en se satisfaisant de la seule communication du certificat médical initial, la caisse met l’employeur dans l’impossibilité de faire valoir ses droits à contester l’appréciation médicale. La transmission du rapport dans le cadre d’une expertise est donc nécessaire pour garantir un procès équitable. Dans l’attente des résultats de l’expertise, il sera sursis à statuer sur les autres demandes, et les dépens seront réservés. |
JUGEMENT DU 3 FEVRIER 2025
N° RG 23/00321 – N° Portalis DB3J-W-B7H-GDUH
AFFAIRE : Société GSF ATHENA C/ CPAM de Charente-Maritime
TRIBUNAL JUDICIAIRE de POITIERS
PÔLE SOCIAL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 3 FEVRIER 2025
DEMANDERESSE
Société GSF ATHENA, dont le siège social est sis 4 rue Gaspard Monge – SAE de Chalembert – 86130 JAUNAY-MARIGNY,
ayant pour conseil, Maître Fabrice SOUFFIR, avocat au barreau du Val-de-Marne ;
DÉFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE CHARENTE-MARITIME dont le siège social est sis 55-57 rue de Suède – TSA 70507 – 17014 LA ROCHELLE CEDEX 1,
représentée par Madame [J] [I] de la CPAM de la Vienne, munie d’un pouvoir;
DÉBATS
A l’issue des débats en audience publique le 3 Décembre 2024, le tribunal a indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au Greffe le 3 Février 2025.
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRÉSIDENTE : Nicole BRIAL,
ASSESSEUR : Laëtitia RIVERON, représentant les employeurs, ayant uniquement voix consultative en l’absence de Francis FERNANDEZ, représentant les salariés, empêché,
GREFFIER, lors des débats et de la mise à disposition au greffe : Stéphane BASQ.
LE : 03/02/2025
Notifications à :
– Société GSF ATHENA
– CPAM de Charente-Maritime
Copie à :
– Me Fabrice SOUFFIR
Madame [V] [F] a été employée le 3 juin 2019 par la SAS GSF ATHENA en qualité d’agent de service. Elle est, à ce titre, affiliée à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de la Charente-Maritime.
Le 26 janvier 2023, Madame [N] a réalisé une déclaration de maladie professionnelle en mentionnant : « Épicondylite Droite », et a transmis un certificat médical initial établi par le docteur [C] [O] du 16 janvier 2023 indiquant « #D épicondylite ».
Des questionnaires ont été adressés à l’assurée et à l’employeur, lesquels les ont respectivement complété en ligne les 27 février et 7 mars 2023.
Le 1er juin 2023, la CPAM de la Charente-Maritime a informé la SAS GSF ATHENA de la prise en charge de la maladie de Madame [F] au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par courrier recommandé en date du 27 juillet 2023, la SAS GSF ATHENA a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA) de la CPAM en contestation de cette décision.
Par décision du 22 août 2023, la CRA a rejeté le recours de la SAS GSF ATHENA.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 septembre 2023, la SAS GSF ATHENA a saisi le tribunal judiciaire de Poitiers en contestation de la décision explicite de rejet de la CRA.
Par ordonnance du 21 mars 2024, le juge de la mise en état a organisé les échanges de conclusions et pièces entre les parties, et a fixé la clôture des débats au 18 novembre 2024 ainsi que les plaidoiries à l’audience du 3 décembre 2024.
Lors de cette audience, les parties ont donné leur accord pour que le tribunal statue à juge unique en l’absence de l’un des assesseurs le composant.
La SAS GSF ATHENA, représentée par son conseil, a demandé au tribunal de :
Déclarer son recours recevable ;A titre principal,
Lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Madame [F] le 12 janvier 2023 ;A titre subsidiaire,
Enjoindre la CPAM de transmettre au Docteur [P] [B] l’ensemble des éléments justifiant du bien-fondé des prestations servies à Madame [F], en suite de la maladie du 12 janvier 2023Renvoyer l’affaire à une audience ultérieure ;A défaut, ordonner la mise en œuvre d’une instruction relative aux arrêts de travail prescrits à Madame [F] en suite de la maladie du 12 janvier 2023 ;Désigner tel expert qu’il plaira en lui confiant la mission de : Se procurer l’ensemble des éléments médicaux du dossier de Madame [F] auprès des servies administratifs et médical de la CPAM de la Charente Maritime, incluant notamment l’intégralité du rapport médical mentionné à l’article L. 142-6 du code de la sécurité sociale et l’ensemble des éléments ou informations à caractère secret au sens du dixième alinéa de l’article L. 142-10 du même code ;Recevoir les observations du Docteur [P] [B] ;Se prononcer sur les lésions initialement constatées en suite de la maladie déclarée ;
Se prononcer sur la date de consolidation des lésions, compte tenu de l’absence d’objectivation des lésions évolutives ;Dire à compter de quelle date les prestations servies ne sont plus en rapport avec la maladie du 12 janvier 2023 ;A titre infiniment subsidiaire,
Juger que l’ensemble des prestations servies à Madame [F] en suite de la maladie du 12 janvier 2023 lui est inopposable.
Il sera renvoyé à ses conclusions reçues au greffe le 19 avril 2024, pour un plus ample exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
En défense, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Charente-Maritime, valablement représentée, a demandé au tribunal de :
Rejeter le recours médical portant sur la contestation de la longueur des arrêts de travail prescrits et la demande d’expertise médicale, pour absence de recours amiable préalable ; Juger du respect du contradictoire par la Caisse ;Confirmer la décision de la CRA du 22 août 20523 ; Débouter la SAS GSF ATHENA de l’ensemble de ses demandes ;Lui déclarer opposable la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Madame [V] [F] «Tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit» constatée le 12 janvier 2023 ;Renvoyer la SAS GSF ATHENA devant la CMRA en ce qui concerne sa contestation liée à la longueur des arrêts de travail prescrits.
Il sera renvoyé à ses conclusions reçues au greffe le 2 juillet 2024, pour un plus ample exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 3 février 2025, par mise à disposition au greffe.
Sur la recevabilité du recours
L’article R. 142-9-1 du code de la sécurité sociale dispose : “Les dispositions du présent article s’appliquent aux recours qui relèvent à la fois de la compétence de la commission de recours amiable mentionnée à l’article R. 142-1 et de celle de la commission médicale de recours amiable mentionnée à l’article R. 142-8.
La commission de recours amiable sursoit à statuer jusqu’à ce que la commission médicale de recours amiable ait statué sur la contestation d’ordre médical.
La commission médicale de recours amiable établit, pour chaque cas examiné, un rapport comportant son analyse du dossier, ses constatations et ses conclusions motivées. Elle rend un avis.
Le secrétariat de la commission médicale de recours amiable transmet sans délai l’avis de la commission médicale de recours amiable à la commission de recours amiable et une copie du rapport au service médical compétent et, à la demande de l’assuré ou de l’employeur, à l’assuré ou au médecin mandaté par l’employeur lorsque celui-ci est à l’origine du recours.
L’avis de la commission médicale de recours amiable sur la contestation d’ordre médical s’impose à la commission de recours amiable ou, lorsque la commission de recours amiable statue par un avis en application de l’article R. 142-4, au conseil, au conseil d’administration ou à l’instance régionale.
La commission de recours amiable statue sur l’ensemble du recours.
Par dérogation aux articles R. 142-6 et R. 142-8-5, l’absence de décision de la commission de recours amiable ou, lorsque la commission de recours amiable rend un avis en application de l’article R. 142-4, l’absence de décision du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale dans le délai de six mois à compter de l’introduction du recours préalable, vaut rejet de la demande”.
L’institution d’un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, vise à laisser à l’autorité compétente pour en connaître le soin d’arrêter définitivement la position de l’administration. Ainsi, il appartient au juge de déclarer le recours contentieux recevable et d’examiner les demandes si une décision implicite ou expresse se prononçant sur le recours préalable est intervenue à la date à laquelle il statue
En l’espèce, la CPAM de la Charente-Maritime considère que la GSF ATHENA n’est pas fondée à contester la longueur des arrêts de travail prescrits à Madame [F], ni de solliciter une expertise médical esur ce point, dès lors qu’elle n’a pas préalablement saisi la commission médicale de recours amiable à ce titre.
Or, il ressort de la saisine de la commission de recours amiable du 27 juillet 2023 par la SAS GSF ATHENA qu’elle entendait expressément former un “recours mixte de nature médical et non médical”, portant à la fois sur l’inopposabilité de la prise en charge de la maladie de Madame [F] au titre de la législation professionnelle, et sur le bien-fondé des arrêts de travail qui lui ont été prescrits au titre de cette maladie.
Sans ambiguité, l’article précité prévoit que la commission de recours amiable aurait dû surseoir à statuer dans l’attente de l’avis de la commission médicale de recours amiable sur la question de l’imputabilité des arrêts de travail à la maladie, avant de rendre sa décision le 22 août 2023.
Néanmoins, à la date de l’audience, l’absence de réponse de la CMRA constituait un refus implicite, de sorte que la position définitive de la caisse est connue au moment où la juridiction connaît du litige.
L’action de la SAS GSF ATHENA est donc recevable.
Sur la procédure d’instruction de la maladie de Madame [F]
En application de l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale tel qu’applicable au moment du litige, que « en ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l’accident : 1° La date de la première constatation médicale de la maladie ; […]
[…] est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».
L’article D. 461-1-1 du Code de la sécurité sociale précise que pour l’application du dernier alinéa de l’article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et que cette date est fixée par le médecin conseil.
Il est constant que la pièce caractérisant la première constatation médicale d’une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial n’est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n’est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de la victime ou de ses ayants droit et de l’employeur en application de l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale. Il appartient seulement aux juges du fond de vérifier, en cas de contestation, si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l’employeur d’être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue.
En l’espèce, il ressort des pièces produites aux débats que par courrier recommandé en date du15 février 2023, la CPAM de la Charente-Maritime a informé la SAS GSF ATHENA des étapes et délais d’instruction concernant la pathologie “épicondylite droite” déclarée le 16 janvier 2023 par Madame [V] [F] sous le sinistre n°234116879, notamment la possibilité pour l’employeur de consulter les pièces constitutives du dossier au plus tard jusqu’au 5 juin 2023, date butoir de la prise de décision sur le caractère professionnel de cette pathologie.
En outre, il ressort des pièces du dossier que dans le colloque médico-administratif relatif au sinistre n°234116879, le médecin-conseil retient, le 9 mars 2023, une pathologie libellée “Tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit” avec le code syndrome “057ABM77C”, ainsi que la date de première constatation médicale du 12 janvier 2023 correspondant à celle figurant sur le certificat médical initial établi le 16 janvier 2023 par le docteur [O] et qui mentionne « #D épicondylite ». Au demeurant, cette pièce pouvait être consulté avec les autres pièces du dossier par l’employeur à l’issue de la procédure d’instruction diligentée par la CPAM.
Par courrier recommandé du 1er juin 2023, la CPAM de la Charente-Maritime a notifié à la SAS GSF ATHENA la prise en charge de la maladie de Madame [V] [F] déclarée le 16 janvier 2023, à la date du 12 janvier 2023 selon le sinistre n°230112872, conformément à la décision du médecin-conseil.
Il convient de rappeler que le numéro du sinistre reprend nécessairement la date de la première constatation médicale de la maladie, de sorte que si cette date est modifiée par le médecin conseil, le numéro de sinistre associé change en conséquence, d’où la modification de celui-ci en l’espèce.
S’agissant des sinistres n°232116871 et n°230116873 figurant, en sus du n°234116879, sur le questionnaire qui a été adressé à l’employeur par la CPAM, ceux-ci concernent sans équivoque une demande de reconnaissance par Madame [F] d’une autre maladie professionnelle à la date du 16 janvier 2023, une “tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche”, dont l’instruction a été menée conjointement à celle de la “tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit”.
Il résulte de tout ce qui précède que l’employeur a été suffisamment informé par la CPAM de la date de première constatation médicale et du nom de la maladie retenus, de sorte que le principe de la contradiction a été respecté.
En conséquence, la décision de prise en charge de la maladie de Madame [V] [F] du 12 janvier 2023 sera déclarée opposable à la SAS GSF ATHENA.
Sur la demande d’injonction de transmission du dossier médical de Madame [F] au médecin mandaté par la SAS GSF ATHENA
Les articles R 142-8-2 et R 142-8-3 du code de la sécurité sociale prévoient certaines des modalités de la procédure en cas de saisine de la CMRA, et notamment celles de la transmission du dossier médical de l’assuré.
Ils ne sont assortis d’aucune sanction.
Au surplus, une telle sanction ne pourrait être prononcée par la présente juridiction qui n’a pas à connaître de la régularité de la procédure du recours amiable, prévue au demeurant pour limiter le nombre de recours contentieux et non pour offrir à la partie qui conteste une chance supplémentaire d’obtenir gain de cause.
En l’espèce, le fait que la CPAM n’ait pas transmis l’intégralité du dossier médical au médecin de la SAS GSF ATHENA au stade de la phase précontentieuse est donc sans incidence, et la demande de cette dernière sera rejetée.
Sur la demande d’expertise
Il résulte de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
L’article L. 431-1 du même code énumère les frais pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, à savoir ceux nécessités par le traitement de la victime, et ceux découlant des conséquences directes de la maladie ou de l’accident.
Sont ainsi pris en charge les soins et arrêts de travail ne présentant pas de discontinuité entre, d’une part, la maladie ou l’accident, d’autre part, la guérison ou la consolidation, ce dont l’assuré doit rapporter la preuve.
A cet égard toutefois, les lésions apparues à la suite d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle, ou d’une rechute, sont présumées pour toute la durée d’incapacité de travail précédant, soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical est assorti d’un arrêt de travail.
En outre, selon l’article 144 du code de procédure civile, les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.
En l’espèce, la SAS GSF ATHENA conteste le caractère professionnel des arrêts de travail qui ont été prescrits à Madame [V] [F] au titre de sa «tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit» du 12 janvier 2023, et qu’il n’est pas contesté que le certificat médical initial a été suivi de 178 jours d’arrêts de travail.
La présomption d’imputabilité au travail des soins et arrêts postérieurs à la maladie et antérieurs à la guérison ou la consolidation est donc acquise.
Toutefois, il sera relevé que, même si ces textes ne sont assortis d’aucune sanction, les articles R 142-8-2 et R 142-8-3 visés plus haut font obligation au secrétariat de la CMRA de transmettre le rapport mentionné à l’article L 142-6 du même code à l’employeur qui conteste l’imputabilité au travail des soins et arrêts postérieurs à l’accident, ceci afin de permettre à celui-ci de combattre, le cas échéant, la présomption qui lui est défavorable.
Or, en se satisfaisant de la seule communication du certificat médical initial, et en se retranchant derrière l’absence de saisine de la CMRA – démontrée supra -, la caisse met l’employeur dans l’impossibilité de faire utilement valoir ses droits à contester l’appréciation médicale donnée par ses médecins-conseils sur le caractère professionnel ou non des soins et arrêts prescrits.
A cet égard, la transmission du rapport dans le cadre d’une expertise étant seule à même de rétablir la garantie d’un procès équitable, il sera statué en ce sens.
Dans l’attente des résultats de l’expertise, il sera sursis à statuer sur les autres demandes, et les dépens seront réservés.
Le Tribunal judiciaire, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire pour partie rendue en premier ressort et pour partie avant dire droit,
DECLARE le recours de la SAS GSF ATHENA recevable ;
DECLARE opposable à la SAS GSF ATHENA la prise en charge de la maladie de Madame [V] [F] du 12 janvier 2023 au titre de la législation sur les risques professionnels ;
DEBOUTE la SAS GSF ATHENA de sa demande d’enjoindre à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime de transmettre le dossier médical de Madame [V] [F] au médecin conseil qu’elle a désigné ;
ORDONNE une expertise médicale sur pièces, confiée au Docteur [W] [H], travaillant 29 rue des Coudriers, 86100 CHATELLERAULT, qui après avoir prêté serment, aura pour mission de :
Retracer l’évolution des lésions de Madame [V] [F], Déterminer exactement les lésions initiales rattachables à sa maladie du 12 janvier 2023,Dire si la maladie résulte d’un état pathologique antérieur indépendant, et dans l’affirmative, dire à partir de quelle date cet état est revenu à son statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte,Fixer la durée des soins et arrêts de travail en relation, au moins en partie, avec la maladie déclarée initialement, et la date à partir de laquelle, le cas échéant, les soins et arrêts de travail n’ont plus été qu’exclusivement liés à une cause étrangère audit accident tel un état antérieur évoluant pour son propre compte ;
DIT que l’expert devra en outre communiquer aux parties un pré-rapport et solliciter de ces dernières la communication d’éventuels dires, préalablement à la rédaction du rapport définitif ;
DIT que l’expert désigné déposera son rapport écrit au greffe de la présente juridiction dans les QUATRE MOIS de sa saisine, et qu’il en adressera une copie à chaque partie ;
DIT que les frais d’expertise seront pris en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Charente-Maritime ;
ORDONNE au service médical de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Charente-Maritime de communiquer l’ensemble des pièces médicales au médecin expert désigné ;
SURSOIT à statuer sur les autres demandes ;
RESERVE les dépens ;
ORDONNE le renvoi de l’affaire à la mise en état.
Ainsi dit et jugé les jour, mois et an susdits.
Le Greffier, La Présidente,
S. BASQ N. BRIAL
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