Louis Vuitton c/ Jules

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Louis Vuitton c/ Jules

L’Essentiel : La société Louis Vuitton a remporté un procès en contrefaçon contre Jules pour l’utilisation non autorisée de son signe « V » dans un carré aux couleurs bleu, blanc et rouge sur des tee-shirts. Jules a soutenu que la marque était trop simple pour être mémorable, mais cette argumentation a échoué. Selon le droit communautaire, une marque doit être distinctive et identifiable par le consommateur. La CJUE a précisé que le public pertinent, informé et attentif, pourrait confondre les produits en raison de la similarité des signes. Ainsi, la commercialisation des tee-shirts par Jules a été jugée comme une contrefaçon.

La société Louis Vuitton a poursuivi (avec succès) en contrefaçon la société Jules au titre de la reproduction non autorisé du signe « V » placé dans le carré aux trois triangles contigus bleu, blanc et rouge (marque semi figurative communautaire) sur des tee shirts.

Protection par la marque communautaire

La société JULES a fait valoir sans succès que la marque en cause était d’une simplicité excessive et non susceptible en tant que tel de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir.

En application du droit communautaire, les signes susceptibles de représentation graphique ne peuvent constituer des marques qu’à condition qu’ils soient intrinsèquement aptes à identifier le produit pour lequel est demandé l’enregistrement comme provenant d’une entreprise déterminée et propres à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ainsi que l’a rappelé la CJUE alors CJCE dans un arrêt du 18 juin 2002 Koninklijke Philips Electronics NV c. Remington Consumer Products Ltd. Le public pertinent doit immédiatement et certainement percevoir le signe comme identifiant l’origine commerciale du produit.

Aussi, pour remplir sa fonction essentielle d’identification, une marque doit être distinctive, caractère indépendant de l’originalité ou de la nouveauté qui suppose que les éléments entrant dans sa composition soient arbitraires par rapport aux produits ou services qu’elle désigne indépendamment de ses conditions d’exploitation et soient d’emblée perçus par le consommateur comme pouvant identifier l’origine du produit en le rattachant à une entreprise spécifique.

Le public pertinent au titre de la distinctivité, qui est le consommateur des biens et services couverts par la marque ainsi que l’a jugé la CJUE alors CJCE dans son arrêt August Storck c. OHMI du 22 juin 2006, est le consommateur de l’Union dotée d’une attention et jouissant d’une information moyennes, les produits opposés, tels qu’ils sont définis à l’enregistrement, étant des produits de consommation courante.

En l’occurrence, le signe constituant la marque se compose de la capitale d’imprimerie « V » en traits noirs épais délimitant dans le carré dans lequel elle se situe trois triangles contigus bleu, blanc et rouge. Elle est ainsi un signe semi-figuratif complexe associant selon une disposition précise des couleurs, particulièrement faciles à retenir pour un public français mais également pour la population du territoire de l’Union qui connaît les couleurs du drapeau français et sait identifier un «V », et des formes différentes (deux triangles rectangles et un triangle isocèle). Cette complexité est suffisante pour individualiser le signe et le différencier d’autres représentations possibles d’un « V ».

Risque de confusion constitué

En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres conformément au principe posé par l’arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984 comme en application directe du droit communautaire, le risque de confusion doit faire l’objet d’une appréciation abstraite par référence au dépôt d’une part en considération d’un public pertinent correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d’autre part par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée par référence à son enregistrement indépendamment de ses conditions d’exploitation mais également par comparaison des services et produits visés dans l’enregistrement et des produits et services commercialisés sous le signe litigieux.

Le risque de confusion est en outre analysé globalement : tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l’importance de sa distinctivité, doivent être pris en considération, l’appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l’impression d’ensemble qu’ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants.

La contrefaçon s’appréciant par référence à l’enregistrement de la marque, les conditions d’exploitation du signe par le titulaire de la marque sont indifférentes : seules doivent être prises en compte les conditions d’exploitation du signe litigieux et de commercialisation des produits argués de contrefaçon à l’égard desquels la perception du public pertinent sera examinée par référence au signe et aux produits et services visés au dépôt. Dans ce cadre, le public pertinent est constitué par le consommateur français normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, les produits litigieux étant des tee-shirts d’une gamme modeste, soit des produits de consommation courante.

L’identité des produits et la grande similarité des signes génèrent dans l’esprit du public pertinent un risque de confusion y compris par association, ce dernier n’étant pas nécessairement au fait de l’exclusivité des modes de distribution du titulaire de la marque dont les conditions d’exploitation, telles le prix de vente des articles sur lesquels elle est apposée, sont étrangères à l’appréciation du risque de confusion. Dans ce cadre, le seul fait qu’une étiquette « JULES » soit cousue sur ces tee-shirts et qu’ils soient vendus dans des boutiques à l’enseigne «JULES » ou via son site internet est insuffisant pour écarter ce risque.  En conséquence, en commercialisant des tee-shirts imitant la marque communautaire semi-figurative en cause, la société JULES a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la SA LOUIS VUITTON MALLETIER.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour qu’un signe soit considéré comme une marque communautaire ?

Pour qu’un signe soit considéré comme une marque communautaire, il doit répondre à plusieurs conditions essentielles. Tout d’abord, il doit être susceptible de représentation graphique, ce qui signifie qu’il doit pouvoir être représenté de manière claire et précise.

Ensuite, le signe doit être intrinsèquement apte à identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé. Cela implique qu’il doit être capable de distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé que le public pertinent doit percevoir le signe comme identifiant l’origine commerciale du produit. Cela signifie que le signe doit être distinctif et facilement mémorisable par les consommateurs.

Enfin, la marque doit être perçue par le consommateur comme pouvant identifier l’origine du produit, ce qui est crucial pour sa fonction d’identification.

Comment la société JULES a-t-elle tenté de défendre sa position ?

La société JULES a tenté de défendre sa position en arguant que la marque en cause, représentée par le signe « V » dans un carré aux trois triangles contigus bleu, blanc et rouge, était d’une simplicité excessive.

Elle a soutenu que cette simplicité ne permettait pas de transmettre un message mémorable aux consommateurs. Cependant, cette argumentation n’a pas été retenue par le tribunal.

En effet, la CJUE a établi que pour qu’un signe soit considéré comme une marque, il doit être distinctif, indépendamment de son originalité ou de sa nouveauté.

La complexité du signe, qui associe des couleurs et des formes spécifiques, a été jugée suffisante pour individualiser le signe et le différencier d’autres représentations possibles.

Quel est le rôle du public pertinent dans l’appréciation du risque de confusion ?

Le public pertinent joue un rôle crucial dans l’appréciation du risque de confusion entre deux signes. Selon la jurisprudence, ce public est constitué par le consommateur des biens et services concernés, qui doit être normalement informé et raisonnablement attentif.

L’appréciation du risque de confusion doit être faite de manière abstraite, en tenant compte de la perception du public par rapport aux signes en question.

Il est important de noter que le risque de confusion est évalué globalement, en prenant en compte tous les facteurs pertinents, y compris la notoriété de la marque et son degré de distinctivité.

La comparaison entre le signe litigieux et la marque protégée doit se faire indépendamment des conditions d’exploitation, en se concentrant sur l’impression d’ensemble que ces signes produisent.

Quelles conclusions ont été tirées concernant la contrefaçon par la société JULES ?

Les conclusions tirées concernant la contrefaçon par la société JULES sont claires. En commercialisant des tee-shirts qui imitaient la marque communautaire semi-figurative de Louis Vuitton, la société JULES a été reconnue coupable d’actes de contrefaçon.

Le tribunal a noté que l’identité des produits et la grande similarité des signes créaient un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

Ce risque de confusion est d’autant plus pertinent que le consommateur moyen n’est pas nécessairement au fait des modes de distribution exclusifs du titulaire de la marque.

Ainsi, même le fait que les tee-shirts portaient une étiquette « JULES » et étaient vendus sous cette enseigne n’a pas suffi à écarter le risque de confusion.

En conséquence, la société JULES a été condamnée pour avoir violé les droits de la SA Louis Vuitton Malletier.


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