Locations Airbnb : l’autorisation préalable des Mairies illégale ?

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Locations Airbnb : l’autorisation préalable des Mairies illégale ?

L’Essentiel : Le régime des autorisations préalables pour la location meublée de courte durée pourrait être en contradiction avec le droit européen. La Cour de cassation a renvoyé une question préjudicielle à la CJUE concernant la légalité de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation. Cet article impose une autorisation préalable pour louer des locaux meublés dans certaines communes, mais son application soulève des interrogations sur sa conformité avec la directive 2006/123/CE. La réponse de la CJUE pourrait influencer l’ensemble des juridictions nationales sur ce sujet.

Le régime des autorisations préalables en matière de location meublée de courte durée pourrait être contraire au droit européen.  Les juges ont de nouveau  renvoyé une question préjudicielle à la CJUE sur la légalité de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation.  

Principe de l’autorisation préalable

L’article L 631-7 du code de la construction et de
l’habitation prévoit que la location pour de courtes durées à une clientèle de
passage qui n’y élit pas domicile d’un local meublé qui était affecté à
l’habitation au 1er janvier 1970 dans les communes de plus de 200 000 habitants
est soumise à autorisation préalable. Les conditions dans lesquelles cette
autorisation préalable est délivrée sont prévues à l’article L 631-7-1 du code
de la construction et de l’habitation, qui énonce qu’elle l’est par le maire de
la commune dans laquelle est situé l’immeuble, après avis, à Paris, Marseille
et Lyon, du maire d’arrondissement concerné et qu’elle peut être subordonnée à
une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation
de locaux ayant un autre usage.

Cet article prévoit également que, pour l’application de
l’article L. 631-7, une délibération du conseil municipal ou, si la commune est
membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en
matière de plan local d’urbanisme, de l’organe délibérant de cet établissement
fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et
déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par
arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment
des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de
ne pas aggraver la pénurie de logements.

Il est également prévu aux articles L 631-7-1 A et L 631-7-1
B du même code les conditions dans lesquelles un changement d’usage temporaire
peut être autorisé.

Position de la Cour suprême

Les questions soumises à la CJUE ont pour objet de permettre
au juge national d’apprécier la conformité à la directive 2006/123/CE des
dispositions du code de la construction et de l’habitation et de leur mise en
oeuvre par la ville de Paris si la CJUE devait dire pour droit, en réponse à la
première question, que l’activité couverte par ces dispositions relève du champ
d’application de celle-ci.

La réponse donnée par la CJUE aux questions posées par la
Cour de cassation s’imposera à toutes les juridictions nationales saisies d’un
litige dans lequel il leur sera demandé de faire application des articles
précités du code de la construction et de l’habitation et des règles prises par
la ville de Paris pour leur mise en oeuvre.

Et si le juge national devait aboutir à la conclusion que
les articles du code de la construction et de l’habitation précitées ou leur
mise en oeuvre par la ville de Paris s’avéraient non conformes à des dispositions
claires et précises de la directive 2006/123/CE au regard des critères précisés
par la CJUE, il devrait écarter l’application de ses règles nationales
conformément à l’arrêt rendu par celle-ci le 9 mars 1978, Simmenthal (106/77),
la ville de Paris devant être considérée comme une autorité étatique à
l’encontre de laquelle ladite directive peut avoir un effet direct.

Pour rappel, la Cour de cassation a déjà, par arrêt rendu le
15 novembre 2018, posé à la CJUE les questions préjudicielles suivantes :

1 / La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, eu égard à
la définition de son objet et de son champ d’application par ses articles 1 et
2, s’applique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non
professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d’un local meublé
à usage d’habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à
une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, notamment au regard des
notions de prestataires et de services ‘

2 / en cas de réponse positive à la question précédente, une
réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L. 631-7 du code
de la construction et de l’habitation, constitue-t -elle un régime
d’autorisation de l’activité susvisée au sens des articles 9 à 13 de la
directive 2006/123 du 12 décembre 2006 ou seulement une exigence soumise aux
dispositions des articles 14 et 15 ‘

Dans l’hypothèse où les articles 9 à 13 de la directive
2006/123/CE du 12 décembre 2006 sont applicables :

3 / L’article 9 sous b) de cette directive doit-il être
interprété en ce sens que l’objectif tenant à la lutte contre la pénurie de
logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d’intérêt
général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation,
dans certaines zones géographiques, la location d’un local meublé destiné à
l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de
passage qui n’y élit pas domicile ‘

4 / Dans l’affirmative, une telle mesure est-elle
proportionnée à l’objectif poursuivi ‘

5 / L’article 10, paragraphe 2, sous d) et e) de la
directive s’oppose-t-il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le
fait de louer un local meublé destiné à l’habitation « de manière répétée »,
pour de « courtes durées », à une « clientèle de passage qui n’y élit pas
domicile » ‘

6 / L’article 10, paragraphe 2, sous d) à g) de la directive s’oppose-t-il à un régime d’autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l’autorisation sont fixées, par une délibération du conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements  ». Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le principe de l’autorisation préalable pour la location meublée de courte durée ?

L’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation stipule que la location de courte durée d’un local meublé, affecté à l’habitation avant le 1er janvier 1970, nécessite une autorisation préalable dans les communes de plus de 200 000 habitants.

Cette autorisation est délivrée par le maire de la commune où se situe l’immeuble, après consultation, dans certaines villes comme Paris, Marseille et Lyon, du maire d’arrondissement.

De plus, cette autorisation peut être conditionnée à une compensation, qui consiste en la transformation concomitante de locaux d’un autre usage en habitation.

Les conditions de délivrance de cette autorisation sont également définies par une délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale, en tenant compte des objectifs de mixité sociale et de la situation du marché locatif.

Quelle est la position de la Cour suprême concernant la conformité de ces dispositions au droit européen ?

La Cour suprême a soumis des questions à la CJUE pour évaluer si les dispositions du code de la construction et de l’habitation, notamment l’article L 631-7, sont conformes à la directive 2006/123/CE.

Ces questions visent à déterminer si l’activité de location meublée de courte durée entre dans le champ d’application de cette directive.

La réponse de la CJUE sera contraignante pour toutes les juridictions nationales, qui devront appliquer les articles du code de la construction et les règles de la ville de Paris en conséquence.

Si la CJUE conclut à une non-conformité des règles nationales avec la directive, le juge national devra écarter l’application de ces règles, conformément à l’arrêt Simmenthal de 1978, considérant la ville de Paris comme une autorité étatique soumise à l’effet direct de la directive.

Quelles questions préjudicielles ont été posées à la CJUE par la Cour de cassation ?

La Cour de cassation a posé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE, dont la première concerne l’application de la directive 2006/123/CE à la location à titre onéreux de locaux meublés à usage d’habitation, même si cela n’est pas fait à titre professionnel.

La deuxième question interroge si la réglementation nationale, comme celle de l’article L. 631-7, constitue un régime d’autorisation au sens des articles 9 à 13 de la directive ou simplement une exigence soumise aux articles 14 et 15.

Les questions suivantes portent sur la légitimité de la lutte contre la pénurie de logements comme raison impérieuse d’intérêt général justifiant une telle réglementation, ainsi que sur la proportionnalité de cette mesure.

Enfin, la CJUE est également interrogée sur la compatibilité de la directive avec un régime d’autorisation qui fixe les conditions de délivrance en fonction des objectifs de mixité sociale et des caractéristiques du marché locatif.


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