L’Essentiel : En avril 2019, M. [B] a contacté la SARL La Folie Michel, en redressement judiciaire, pour reprendre son fonds de commerce. Après avoir embauché du personnel, il a mis fin aux contrats de deux employés en juillet 2019, entraînant des licenciements jugés sans cause réelle par le conseil de prud’hommes. La SARL a été placée en liquidation judiciaire en octobre 2019, et M. [Y] [B], actionnaire d’une nouvelle société, a été confronté à des demandes de liquidation judiciaire. En juin 2024, le tribunal a ouvert une procédure à son encontre, confirmée par la cour d’appel, qui a rejeté son appel.
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Contexte de l’affaireEn avril 2019, M. [B] a contacté la SARL La Folie Michel, qui possédait un fonds de commerce de restaurant en redressement judiciaire depuis le 17 octobre 2018. Dans l’optique de reprendre ce fonds, M. [B] a commencé son activité en embauchant du personnel à partir du 26 mai 2019 et en projetant de créer une société, DTM, pour exploiter le fonds. Ruptures de contrats de travailLe 23 juillet 2019, M. [B] a mis fin aux contrats de travail de deux employés, M. [M] [L] et Mme [E] [X], en considérant leur période d’essai non concluante. Par la suite, il a convoqué M. [W] [L] à un entretien préalable pour un licenciement pour faute. Ces employés ont saisi le conseil de prud’hommes, qui a prononcé la résiliation judiciaire de leurs contrats, considérant les ruptures comme des licenciements sans cause réelle et sérieuse, et a accordé des indemnités totalisant 49 660,37 euros. Liquidation judiciaire et cession du fondsLa SARL La Folie Michel a été placée en liquidation judiciaire le 1er octobre 2019. Le juge commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce à la SAS Niziolek, dont M. [Y] [B] détenait 1% des parts. Malgré l’activité de M. [B] dans la restauration, il n’a pas été payé pour ses services, et les tentatives de recouvrement des jugements du conseil de prud’hommes ont échoué. Demande de liquidation judiciaire contre M. [Y] [B]Les anciens employés ont demandé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de M. [Y] [B]. L’affaire a été transférée au tribunal de commerce de Chalons en Champagne, qui a jugé que M. [Y] [B] ne pouvait faire face à son passif exigible et a ouvert une procédure de liquidation judiciaire le 6 juin 2024. Appel de M. [Y] [B]M. [Y] [B] a interjeté appel du jugement du 6 juin 2024, demandant la nullité de ce jugement et l’incompétence du tribunal de commerce au profit du juge du surendettement. Il a soutenu que les requérants n’avaient pas prouvé son état de cessation des paiements et qu’il possédait des actifs mobiliers. Arguments des consorts [L]Les consorts [L] ont contesté l’appel de M. [Y] [B], affirmant qu’il était recevable mais mal fondé. Ils ont souligné que M. [B] n’avait pas soulevé de nullité lors des débats et que ses créances étaient certaines et exigibles, avec des tentatives de recouvrement infructueuses. Position du mandataire judiciaireLe mandataire judiciaire a également soutenu que l’appel de M. [Y] [B] était mal fondé, précisant que l’état de cessation des paiements était avéré et que M. [B] avait exercé une activité commerciale, justifiant ainsi la compétence du tribunal de commerce. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a rejeté la demande de nullité du jugement du 6 juin 2024, déclarant irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par M. [Y] [B]. Elle a confirmé le jugement du tribunal de commerce, considérant que M. [Y] [B] était en état de cessation des paiements et qu’aucune possibilité de redressement n’existait. M. [Y] [B] a été condamné à supporter ses propres dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques de la rupture des contrats de travail par M. [B] ?La rupture des contrats de travail par M. [B] soulève plusieurs questions juridiques, notamment en ce qui concerne la légalité de ces ruptures et les conséquences qui en découlent pour les salariés concernés. Selon l’article L1231-1 du Code du travail, la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée doit être justifiée par une cause réelle et sérieuse. En l’espèce, le conseil de prud’hommes a jugé que les ruptures des contrats de M. [M] [L] et Mme [E] [X] produisent les effets de licenciements sans cause réelle et sérieuse. Cela signifie que M. [B] est tenu de verser des indemnités de licenciement, ainsi que des dommages et intérêts pour le préjudice subi par les salariés. De plus, l’article L1235-1 du Code du travail précise que le salarié peut demander des dommages-intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui a été le cas ici, avec une somme totale accordée de 49 660,37 euros. Quels sont les effets de la liquidation judiciaire sur les créances des salariés ?La liquidation judiciaire a des effets significatifs sur les créances des salariés, notamment en ce qui concerne le recouvrement de leurs indemnités. Selon l’article L641-1 du Code de commerce, la liquidation judiciaire entraîne la cessation des paiements et la désignation d’un liquidateur judiciaire. Ce dernier est chargé de réaliser l’actif du débiteur pour payer les créanciers, y compris les salariés. Les créances des salariés, en tant que créances de nature salariale, sont prioritaires dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire. L’article L625-1 du Code de commerce stipule que les créances salariales sont payées en priorité sur les autres créances, dans la limite d’un certain plafond. Ainsi, les consorts [L] peuvent faire valoir leurs créances résultant des condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes, et ces créances seront traitées en priorité lors de la liquidation des actifs de M. [Y] [B]. Quelles sont les implications de l’état de cessation des paiements pour M. [Y] [B] ?L’état de cessation des paiements a des implications juridiques majeures pour M. [Y] [B], notamment en ce qui concerne l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire. L’article L631-1 du Code de commerce définit l’état de cessation des paiements comme l’impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. En l’espèce, le tribunal a constaté que M. [Y] [B] ne pouvait pas faire face à ses dettes, ce qui a conduit à l’ouverture de la liquidation judiciaire. De plus, l’article L640-1 du Code de commerce précise que la liquidation judiciaire est ouverte à tout débiteur en état de cessation des paiements dont le redressement est manifestement impossible. Dans ce cas, M. [Y] [B] a été déclaré en cessation des paiements, et le tribunal a jugé qu’il n’existait aucune perspective de redressement, ce qui a justifié l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par M. [Y] [B] ?L’irrecevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par M. [Y] [B] a des conséquences importantes sur la procédure judiciaire en cours. Selon l’article 74 du Code de procédure civile, les exceptions de procédure, y compris l’exception d’incompétence, doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond. En ne soulevant pas cette exception en première instance, M. [Y] [B] a été déclaré irrecevable à l’invoquer en appel. Cela signifie que le tribunal de commerce de Chalons-en-Champagne conserve sa compétence pour traiter l’affaire, et que M. [Y] [B] ne peut pas contester la légitimité de la juridiction saisie. En conséquence, le jugement du tribunal de commerce a été confirmé, et M. [Y] [B] est tenu de respecter les décisions prises dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire. Comment la qualité de commerçant de M. [Y] [B] influence-t-elle la procédure de liquidation judiciaire ?La qualité de commerçant de M. [Y] [B] a une influence directe sur la procédure de liquidation judiciaire qui le concerne. Selon l’article L640-2 du Code de commerce, la procédure de liquidation judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale. En l’espèce, M. [Y] [B] a exercé une activité commerciale en exploitant un fonds de commerce de restauration, ce qui le qualifie en tant que commerçant. L’article L121-1 du Code de commerce stipule que sont considérés comme commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle. M. [Y] [B] a embauché des salariés, a géré des contrats de travail, et a généré un chiffre d’affaires, ce qui démontre qu’il a agi en tant que commerçant. Cette qualité de commerçant justifie l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à son encontre, car elle permet aux créanciers de demander l’ouverture d’une procédure collective pour recouvrer leurs créances. Ainsi, la reconnaissance de M. [Y] [B] en tant que commerçant a été un élément clé dans la décision du tribunal de commerce d’ouvrir la liquidation judiciaire. |
du 26 novembre 2024
R.G : 24/00994
N° Portalis DBVQ-V-B7I-FQIO
[B] [Y]
c/
1) [L] [W]
2) [L] [M]
3) [X] [E]
4)SELARL [O] [C], mandataire liquidateur de M. [Y] [B]
MINISTERE PUBLIC
M. Alain ZAKRAJZEK,
Avocat général
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL DUTERME – MOITTIE-ROLLAND
Me HARANT
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2024
APPELANT :
d’un jugement rendu le 6 juin 2024 par le tribunal de commerce de CHALONS-EN-CHAMPAGNE.
Monsieur [Y] [B], demeurant :
[Adresse 3],
[Localité 9],
Représenté par Me Colette HYONNE, avocat au barreau de REIMS (SCP BADRE-HYONNE-SENS SALIS-[H]),
INTIMES :
1) Monsieur [W] [L], né le [Date naissance 4] 1964, à [Localité 13] (MOSELLE), boucher, demeurant :
[Adresse 7],
[Localité 13],
Représenté par Me Damien MOITTIE, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE (SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND),
2) Monsieur [M] [L], né le [Date naissance 5] 1997, à [Localité 13] (MOSELLE), de nationalité française, demeurant :
[Adresse 1],
[Localité 10],
Représenté par Me Damien MOITTIE, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE (SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND),
3) Madame [E] [X], née le [Date naissance 6] 1998 à [Localité 14] (MOSELLE), de nationalité française, plongeuse, demeurant :
[Adresse 1],
[Localité 10],
Représentée par Me Damien MOITTIE, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE (SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND),
4) SELARL [O] [C], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [Y] [B], fonctions auxquelles elle a été désignée selon jugement rendu par le tribunal de commerce de CHALONS-EN-CHAMPAGNE le 6 juin 2024, prise en la personne de son associée, Maître [O] [C], spécialement désignée en son sein aux fins de conduire ladite mission, ayant bureaux :
[Adresse 2],
[Localité 8],
Représentée par Me Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de la chambre,
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre,
Madame Sandrine PILON, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS ET DE LA MISE A DISPOSITION :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée, représenté par M. Alain ZAKRAJZEK, Avocat général.
DEBATS :
A l’audience publique du 14 octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
En avril 2019, M. [B] a pris contact avec la SARL La Folie Michel, propriétaire d’un fonds de commerce de restaurant sous l’enseigne « [11] » et en redressement judiciaire ouvert selon jugement du 17 octobre 2018.
Dans un contexte de volonté de reprise de ce fonds de commerce, M. [B] a démarré son activité en embauchant du personnel à compter du 26 mai 2019, M. [W] [L], M. [M] [L] et Mme [E] [X], et en initiant la création d’une société DTM ayant pour objet l’exploitation du fonds.
Le 23 juillet 2019, M. [B] a mis un terme aux contrats de travail de M. [M] [L] et de Mme [E] [X], dont il a estimé la période d’essai non concluante, puis le 17 septembre 2019 a convoqué M. [W] [L] à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour faute. Ces derniers vont saisir le conseil de prud’hommes de Reims le 16 décembre 2019 qui, par jugement du 28 janvier 2021, prononcera la résiliation judiciaire des 3 contrats de travail, dira que ces ruptures produisent les effets de licenciements sans cause réelle et sérieuse, leur accordera une somme totale de 49 660,37 euros. L’appel formé par M. [B] a été déclaré caduc.
Finalement les formalités nécessaires à la création de la société DTM n’ont jamais été effectuées et la convention de prestations de service entre DTM et la SARL La Folie Michel n’a jamais été signée. M. [B] s’est plaint auprès du mandataire de n’être pas payé de toutes ses factures de prestation de service alors même que la procédure collective s’était enrichie de son activité de restauration entre le 12 mai 2019 et le mois de septembre 2019
La SARL La Folie Michel a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er octobre 2019 et Me [F] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire et, par ordonnance du 24 décembre 2019, le juge commissaire à la liquidation a autorisé la cession du fonds de commerce du restaurant « [11] » de la SARL La Folie Michel à la SAS Niziolek, appartenant pour 1% de ses parts à M. [Y] [B], à qui a été confiée la location-gérance du fonds de commerce.
Toute tentative d’exécution forcée des jugements du conseil de prud’hommes étant demeurée infructueuse, M. [W] [L], M. [M] [L] et Mme [E] [X] ont saisi le tribunal de commerce de Reims d’une demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de M. [Y] [B].
L’affaire a été dépaysée au tribunal de commerce de Chalons en Champagne qui par jugement du 16 mai 2024, a dit que M. [Y] [B] ne pouvait faire face à son passif exigible avec son actif disponible, qu’ayant transféré son activité au profit de la SARL Restart il n’était pas possible d’envisager une reprise d’activité, que les requérants étaient dès lors bien fondés à demander l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à son encontre de M. [B], et a renvoyé l’affaire en chambre du conseil à l’audience du 6 juin 2024.
Par jugement du 6 juin 2024, le tribunal de commerce de Chalons en Champagne a :
– ouvert une procédure de liquidation judiciaire, tant sur le patrimoine personnel que sur le patrimoine professionnel réunis, telle que prévue par les articles L526-22 et L.640-1 et suivants du code de commerce à l’égard de Monsieur [Y] [B], non inscrit au registre du commerce et des sociétés ;
– fixé provisoirement au regard des pièces produites et de l’état des privilèges, la date de cessation des paiements au 6 décembre 2022
– nommé en qualité de juge-commissaire Monsieur [H] [V] ,
– désigné en qualité de liquidateur la SELARL [O] [C] prise en la personne de Me [O] [C].
Le tribunal a retenu que la créance des consorts [L] était certaine, liquide et exigible, que toutes les tentatives de recouvrement de cette créance étaient demeurées infructueuses, que M. [Y] [B] se trouvait dans l’impossibilité de faire face à son passif avec son actif disponible.
M. [Y] [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 21 juin 2024 visant expressément l’ensemble des chefs du jugement.
Aux termes de ses conclusions n°2 notifiées par RPVA le 27 septembre 2024, il demande à la cour de le recevoir en son appel,de :
– prononcer la nullité du jugement du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne du 6 juin 2024, RG 2023000737,
Statuant à nouveau,
– se déclarer incompétent et renvoyer la cause et les parties devant le juge du surendettement du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne,
À défaut
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne-Champagne du 6 juin 2024, RG 2023000737,
Statuant à nouveau,
– débouter M. [W] [L], M. [M] [L] et Mme [E] [X] de leurs demandes,
– condamner solidairement M. [W] [L], M. [M] [L] et Mme [E] [X] à payer à M. [Y] [B] la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– statuer ce que de droit sur les dépens.
M. [B] soutient par ailleurs que les requérants n’apportent pas la preuve de son état de cessation des paiements dès lors qu’ils ne justifient pas des saisies infructueuses qu’ils auraient effectuées. Il souligne qu’il est seul propriétaire des parts sociales de la SARL Restart exploitant le restaurant « [12] » et qu’il détient donc des actifs mobiliers, et reproche aux consorts [L] de ne pas avoir fait de recherches auprès du SIV pour vérifier s’il n’était pas également propriétaire d’un véhicule automobile.
Aux termes de leurs conclusions responsives et récapitulatives notifiées par RPVA le 30 septembre 2024, M. [W] [L], M. [M] [L] et Mme [E] [X] demandent à la cour de :
– déclarer M. [Y] [B] recevable mais mal fondé en son appel,
– déclarer M. [Y] [B] irrecevable, le cas échéant mal fondé, à invoquer la nullité du jugement dont appel,
– déclarer M. [Y] [B] irrecevable, et subsidiairement mal fondé, en son exception d’incompétence matérielle,
En conséquence,
– confirmer purement et simplement le jugement dont appel,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Les appelants font valoir que M. [B] n’ayant pas soulevé avant la clôture des débats une quelconque nullité pour défaut de publicité lors de l’audience au tribunal de commerce le 14 mars 2024, aucune nullité ne subsiste. Ils ajoutent que ce moyen ne vise que le jugement du 16 mai 2024, non frappé d’appel, et que, dans tous les cas, la régularité non contestée de l’audience postérieure du 6 juin 2024 a purgé le vice invoqué.
Pour estimer que M. [B] ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible, les consorts [L] font état de leurs créances résultant des condamnations prononcées par le conseil des prud’hommes de Reims, et de l’impossibilité d’en obtenir le recouvrement par voie d’huissier lequel a précisé que les saisies sur le compte de M. [B] étaient infructueuses et que ce dernier ne disposait pas de patrimoine immobilier et n’avait aucun employeur connu. Ils précisent par ailleurs que, compte tenu des dettes à la charge de M. [B], la valeur des parts sociales de la SARL Restart ne saurait suffire.
Par conclusions du 4 septembre 2024, la SELARL [O] [C], ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de M. [Y] [B], demande à la cour de :
– déclarer l’appel recevable mais mal fondé ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chalons- en-Champagne le 6 juin 2024 en ce qu’il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de M. [Y] [B], dans la mesure où l’état de cessation des paiements apparaît avéré, en raison d’une absence d’actif disponible et d’un passif exigible auquel le débiteur ne peut faire face, et en raison de l’impossibilité de tout reclassement en raison de l’arrêt de l’activité ;
– débouter M. [Y] [B] de sa demande de nullité du jugement dans la mesure où l’objet de sa déclaration d’appel, qui seul saisit la cour, ne faisait pas état d’une telle demande et dans la mesure où sa demande est irrecevable et sans fondement, les débats ayant eu lieu en chambre du conseil sans aucun reproche avant la clôture des débats du débiteur ;
– rejeter l’exception d’incompétence soulevée par M. [Y] [B] en raison de son irrecevabilité et de son absence de fondement, dans la mesure où l’appelant a bien exercé une activité commerciale au cours de laquelle est né le passif invoqué par les intimés ;
En tout état de cause, même en cas d’annulation du jugement,
– ouvrir un jugement de liquidation judiciaire compte tenu de l’existence d’un état de cessation des paiements et de l’impossibilité de redressement ;
– employer les dépens exposés par la concluante en frais privilégiées de la procédure de redressement judiciaire ;
– condamner M. [Y] [B] à conserver la charge de ses dépens.
Le mandataire judiciaire fait valoir que M. [B] n’ayant pas indiqué dans sa déclaration d’appel qu’il sollicitait l’annulation du jugement, et la cour n’étant saisie que par la déclaration d’appel, elle ne peut pas connaître de la demande d’annulation.
Il estime par ailleurs que l’affaire ayant été renvoyée en audience en chambre du conseil par jugement du 16 mai 2024, l’audience s’est poursuivie en sa forme régulière, et que M. [B] n’a émis aucune observation avant la clôture des débats, de sorte que le grief de nullité sur ce fondement ne tient pas.
Il souligne que le défaut de notification du jugement du 16 mai 2024 a eu pour effet de ne pas faire courir le délai d’appel et pour cause, l’affaire ayant été renvoyée en chambre du conseil pour respecter la réglementation applicable. Il en conclut que la demande de nullité de ce jugement est infondée, et au surplus dépourvue de toute portée dès lors que la cour d’appel doit, dans tous les cas, évoquer l’affaire dans la mesure où l’acte introductif d’instance est valable, et pourrait donc, après avoir annulé le jugement, ouvrir une procédure de liquidation judiciaire si les conditions en sont remplies.
Il fait valoir que l’exception d’incompétence opposée au tribunal de commerce au profit du juge du surendettement du tribunal judiciaire n’a pas été soulevée in limine litis et ne peut pas être invoquée pour la première fois devant la cour. Il souligne qu’en tout état de cause la cour d’appel de Reims est juridiction d’appel tant du tribunal judiciaire que du tribunal de commerce.
Il ajoute que si la cour déclarait recevable cette exception d’incompétence, elle ne pourrait y faire droit puisque M. [B] a bien exercé une activité commerciale en exploitant le fonds de commerce d’hôtel restaurant « [11] » entre le 12 mai et le mois de septembre 2019, générant un chiffre d’affaires de 90 123 euros, réalisant des investissements, et déployant une activité commerciale complète, de l’aveu même de M. [B]. Le mandataire souligne que la société DTM n’a jamais été créée et que M. [B] a agi en son nom personnel.
Concernant l’état de cessation des paiements, Me [C] fait état d’un passif exigible au moins égal au montant des condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes à savoir 49 660,37 euros en cumulé, et précise qu’elle a reçu des déclarations de créance dans le cadre de la liquidation judiciaire pour un montant de 52 655, 06 euros. Elle souligne que l’huissier missionné par les consorts [L] pour recouvrer les montants des condamnations n’y est pas parvenu, et que le Crédit agricole a déclaré au passif une créance de 4 204,07 euros au titre du solde débiteur d’un compte de dépôt.
Elle retient enfin que M. [B] ayant manifestement mis fin à son activité individuelle, il n’existe aucune possibilité de redressement.
Par conclusions du 30 septembre 2024, le Ministère Public constatant que l’affaire avait été évoquée en chambre du conseil et qu’aucune nullité n’avait été soulevée avant la mise en délibéré de l’affaire a conclu au rejet de la demande de nullité du jugement du 6 juin 2024.
Par ailleurs, il s’est prévalu de l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence soulevée pour la première fois devant la cour et a observé qu’en tout état de cause l’exception était mal fondée puisqu’au regard de l’activité et des circonstances dans lesquelles elle a été exercée par M. [Y] [B], celui-ci avait la qualité de commerçant.
Observant alors que M. [Y] [B] ne pouvait faire face à son passif exigible et n’offrait aucune perspective de reprise de son activité il a conclu à la confirmation du jugement du 6 juin 2024.
Sur la nullité du jugement du 6 juin 2024 :
M. [B] soutient qu’il existe deux décisions ayant prononcé l’ouverture de sa liquidation judiciaire, que la première décision en date du 16 mai 2024 ne lui a pas été notifiée, et que la seconde du 6 juin 2024 ne mentionne pas le premier jugement qui lui a renvoyé l’affaire de sorte que cette seconde saisine n’est pas valable.
Il conclut à la nullité du jugement du 6 juin 2024.
Le mandataire judiciaire relève à juste titre que M. [Y] [B] n’a pas indiqué dans sa déclaration d’appel du 21 juin 2024 qu’il sollicitait la nullité du jugement du 6 juin 2024.
La cour rajoute que si cette précision peut être portée dans les premières conclusions déposées dans le délai d’un mois suivant l’avis de fixation à bref délai, en l’espèce, ce délai n’a pas été respecté puisqu’elle n’apparaît que dans les conclusions d’appelant du 5 août 2024 soit dans des conclusions déposées au delà du délai d’un mois courant à compter de l’avis de fixation envoyée aux parties le 4 juillet 2024.
Néanmoins, lorsque le moyen de nullité porte sur l’irrégularité de l’acte de saisine du tribunal qui a statué il peut être soulevé d’office par le juge et s’il y est fait droit, il conduit non pas à la saisine de la cour par l’effet dévolutif de l’appel mais au renvoi de l’affaire devant les premiers juges.
Analysant alors le moyen de nullité soulevé et tenant au fait que le tribunal a été saisi par le renvoi de l’affaire par le jugement du 6 mai 2024 sans que cette saisine n’apparaisse au jugement rendu le 6 juin et sans que le jugement de renvoi ne soit notifié aux parties, la cour retient qu’il est inopérant.
En effet, le tribunal de commerce de Chalons-en-Champagne a été initialement saisi par une ordonnance de la cour d’appel de Reims du 12 mai 2023 qui, après avoir constaté, à la demande de ce tribunal, les liens financiers existant entre des parties et un juge consulaire du tribunal de commerce de Reims, a renvoyé devant le tribunal de Chalons en Champagne l’affaire introduite devant celui de Reims le 23 mai 2022 par les consorts [L]-[X] qui réclamaient l’ouverture d’une procédure collective au bénéfice de M. [Y] [B].
La validité de la saisine du tribunal de commerce de Reims par les consorts [L]-[X], comme celle de l’ordonnance de la cour d’appel de Reims renvoyant la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Chalons-en-Champagne, ne fait pas débat.
Et cette saisine du 23 mai 2022 est visée dans le jugement du tribunal de commerce de Chalons- en-Champagne du 6 juin 2024 dont la nullité est réclamée pour irrégularité de la saisine.
Par ailleurs, dans son jugement du 6 mai 2024 qui renvoie l’affaire à l’audience du 6 juin 2024 pour poursuite de la procédure, le tribunal n’avait pas vidé sa saisine à ce titre considérant que les requérants étaient bien fondés dans leurs prétentions à voir prononcer l’ouverture d’une procédure collective mais n’ordonnant pas l’ouverture de cette dernière au motif qu’il estimait que compte tenu de la nature de l’affaire le dossier devait être renvoyé en chambre du conseil.
Ce renvoi en chambre du conseil n’a pas été contesté et le jugement du 6 juin 2024 a été rendu de manière contradictoire.
En conséquence, M. [Y] [B] est débouté de sa demande de nullité du jugement du 6 juin 2024.
Sur l’incompétence du tribunal de commerce au profit du juge du surendettement du tribunal judiciaire de Chalons-en-Champagne :
M. [Y] [B] soulève l’incompétence matérielle du tribunal de commerce, à défaut d’exercice par lui d’une activité commerciale.
Les exceptions de procédure visées aux articles 73 à 121 du code de procédure civile qui incluent l’exception d’incompétence doivent, selon l’article 74 du code de procédure civile, sous peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir.
Le défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie ne se rattache pas à une fin de non recevoir mais à une exception d’incompétence.
En conséquence, M. [Y] [B] qui n’a pas soulevé l’incompétence du tribunal de commerce en première instance est irrecevable en s’en prévaloir à ce stade.
Sur la qualité de commerçant de M. [Y] [B] et l’application du régime des procédures collectives :
M. [Y] [B] explique que, finalement, la société DTM, au sein de laquelle il devait exercer son activité d’exploitation du fonds de commerce de restauration, n’a jamais été créée ; que, néanmoins, il ne peut en être tiré la conséquence qu’il a exercé une activité commerciale à titre individuel, mais seulement qu’il est solidairement tenu des actes accomplis par la société en formation.
Il estime, en conséquence, relever des dispositions du titre VII du code de la consommation relative au surendettement et non des dispositions de l’article L.526-22 du code de commerce applicables aux entrepreneurs individuels.
Mais, force est de constater que la société que M. [Y] [B] avait prévu de créer n’a pas vu le jour, que la réalisation de cette condition suspensive de transfert des obligations et droits qu’il prenait ou obtenait pendant son activité, vers une société pour le compte de laquelle il était censé travailler, n’a pas été réalisée de son seul fait.
Or il a néanmoins développé une activité d’exploitation d’un fonds de commerce de restauration.
Selon l’article L 121 ‘ 1 du code de commerce sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle.
Est ainsi commerçant la personne physique, même si elle n’est pas inscrite au registre du commerce et des sociétés, qui exploite un fonds de commerce de restauration et fait en conséquence dans ce cadre habituellement et à titre professionnel des actes de commerce tels que définis à l’article L110-1 du code de commerce qui pose que la loi répute acte de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en ‘uvre dans un but lucratif.
Ainsi, il ne fait pas débat que M. [Y] [B] a embauché des salariés, a décidé de la rupture de leurs contrats de travail, a été condamné par le conseil de prud’hommes en qualité d’employeur, a commandé les fournitures, a effectué des prestations de restauration, a établi et encaissé des factures et reconnaît avoir généré un chiffre d’affaires de 90 123 euros avant de faire une offre de reprise du fonds de commerce ainsi exploité.
Il faut en tirer la conséquence qu’il était une personne physique exerçant habituellement en son nom propre une activité professionnelle indépendante entre le 12 mai 2019 et le mois de septembre 2019, soit avant l’entrée en vigueur du statut de l’entrepreneur individuel entré en vigueur le 15 mai 2022.
L’article L640-2 du code de commerce prévoit que la procédure de liquidation judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale et à tout autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante.
En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a jugé que les consorts [L] et [X], créanciers de M. [Y] [B], étaient recevables à saisir le tribunal de commerce d’une demande d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de celui-ci.
Sur le bien fondé de la mesure d’ouverture de la procédure collective :
Selon l’article L640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l’article L640-2 précité, en état de cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
L’article L631-1 du code de commerce définit l’état de cessation des paiements comme étant celui démontrant l’impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Il précise que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permet de faire face au passif exigible avec son actif disponible, n’est pas en cessation des paiements.
L’appréciation de l’état de cessation des paiements, comme de l’impossibilité de redressement se fait le jour où la cour d’appel statue.
En l’espèce, l’information sur l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire a été publiée dans le Bodaac le 12 juin 2024 et le mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de M. [Y] [B] fait état de déclarations de créances pour un montant total de 52 655, 05 euros.
Ce passif exigible de M. [Y] [B] est tout au moins égal aux condamnations prononcées à son encontre par le conseil de prud’hommes de Reims dans les trois jugements définitifs rendus le 28 janvier 2021 et qui s’élève à une somme, hors intérêts, de 49 662 37 euros.
Pour faire face à ce passif, il est observé que l’huissier, mandaté par les anciens salariés, n’est pas parvenu à recouvrer les condamnations prononcées lors de la réalisation des actes d’exécution forcée pour lesquels il avait été mandaté ; que la déclaration de créance du crédit agricole du nord-est fait état d’un solde bancaire débiteur.
Par ailleurs, un véhicule ou des parts sociales éventuellement détenus par M. [Y] [B] ne constituent pas un actif disponible et le débiteur qui s’étonne que l’huissier ne se soit pas intéressé à ces deux actifs ne donne pas même d’indication sur leurs éventuelles valeurs ; il ne se prévaut d’aucun actif disponible.
L’état de cessation des paiements est ainsi démontré.
Dans la mesure où il a manifestement mis fin à son activité individuelle de commerçant il n’existe aucune possibilité de redressement.
Dans ces conditions la cour ne peut que confirmer la liquidation judiciaire de M. [Y] [B].
La cour statuant publiquement contradictoirement,
Déboute M. [Y] [B] de sa demande de nullité du jugement du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne du 6 juin 2024,
Déclare irrecevable l’exception d’incompétence du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne soulevée par M. [Y] [B],
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne du 6 juin 2024 en toutes ses dispositions,
Ajoutant,
Condamne M. [Y] [B] à supporter ses dépens.
Dit que les autres dépens sont inscrits en frais privilégiés de la procédure collective.
Le greffier, La présidente de chambre,
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