L’Essentiel : Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] a assigné la SARL AGENCE [I] IMMO pour obtenir la liquidation d’une astreinte suite à une ordonnance du juge des référés. Lors de l’audience, le syndicat a demandé la liquidation de 1.800 euros et la fixation d’une nouvelle astreinte de 100 euros par jour. En revanche, la défenderesse a contesté la validité de la désignation du syndic et a souligné l’absence de mise en demeure. Le juge a constaté l’absence d’exécution de l’ordonnance, mais a supprimé l’astreinte, déboutant ainsi le syndicat de ses demandes.
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Contexte de l’affaireLe syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2], représenté par la SAS NEXITY LAMY, a assigné la SARL AGENCE [I] IMMO, représentée par la SCP SILVESTRI BAUJET, en raison d’une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux datée du 16 octobre 2023. Cette assignation vise à obtenir la liquidation d’une astreinte fixée par cette décision et à ordonner la fixation d’une nouvelle astreinte. Demandes du syndicatLors de l’audience du 3 décembre 2024, le syndicat a demandé la liquidation de l’astreinte et l’inscription au passif de la liquidation judiciaire d’une somme de 1.800 euros. Il a également requis la communication des documents prévus par l’ordonnance de référés et la fixation d’une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard. En outre, il a sollicité l’inscription des dépens et d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Arguments de la défenderesseLa SCP SILVESTRI-BAUJET a conclu au rejet des demandes du syndicat, arguant que ce dernier ne prouvait pas la validité de la désignation du nouveau syndic. Elle a également souligné que les gérants de la SARL AGENCE [I] IMMO étaient défaillants et avaient quitté le territoire français, rendant impossible la communication des documents. La défenderesse a fait valoir qu’aucune mise en demeure préalable n’avait été effectuée et que le montant de l’astreinte était excessif. Décision du jugeLe juge a constaté que la défenderesse n’avait pas exécuté l’ordonnance, mais a reconnu qu’une cause étrangère l’en avait empêchée, notamment le départ des gérants à l’étranger. En conséquence, il a décidé de supprimer l’astreinte et de débouter le syndicat de sa demande de liquidation. La demande de fixation d’une nouvelle astreinte a également été rejetée. Conséquences de la décisionLe syndicat, en tant que partie perdante, a été condamné aux dépens. Le juge a également précisé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700 du Code de procédure civile en raison des circonstances de l’affaire. La décision a été déclarée exécutoire de droit à titre provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature et le fondement juridique de l’astreinte dans le cadre de l’exécution d’une décision judiciaire ?L’astreinte est une mesure coercitive prévue par le Code des procédures civiles d’exécution, permettant d’assurer l’exécution d’une décision de justice. L’article L131-1 du Code des procédures civiles d’exécution stipule : “Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.” Cette disposition souligne que l’astreinte peut être ordonnée par le juge pour garantir l’exécution d’une décision, même si celle-ci a été rendue par un autre juge. L’article L131-2 précise que l’astreinte peut être provisoire ou définitive, et qu’elle est indépendante des dommages-intérêts. Il est également mentionné que : “Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine.” Ainsi, l’astreinte est un outil juridique permettant de contraindre une partie à exécuter une obligation, tout en étant soumise à des conditions précises. Quelles sont les conditions de liquidation de l’astreinte et les conséquences de l’inexécution ?La liquidation de l’astreinte est régie par plusieurs articles du Code des procédures civiles d’exécution. L’article L131-3 dispose que : “L’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir.” Cela signifie que la liquidation de l’astreinte doit être effectuée par le juge de l’exécution, sauf si d’autres dispositions ont été prises. L’article L131-4 précise que : “Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.” Il est donc essentiel de prendre en compte le comportement de la partie concernée et les éventuelles difficultés rencontrées lors de l’exécution de l’injonction. En cas d’inexécution, si celle-ci est justifiée par une cause étrangère, l’astreinte peut être supprimée. Dans le cas présent, la défenderesse a justifié son inexécution par des circonstances indépendantes de sa volonté, ce qui a conduit à la suppression de l’astreinte. Quels sont les effets de la liquidation judiciaire sur les obligations de la SARL AGENCE [I] IMMO ?La liquidation judiciaire a des conséquences importantes sur les obligations des débiteurs, notamment en ce qui concerne l’exécution des décisions judiciaires. L’article L641-1 du Code de commerce stipule que : “Le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à compter de sa publication, les effets suivants : 1° La cessation des paiements ; 2° L’interdiction de payer les dettes antérieures au jugement d’ouverture ; 3° L’interdiction de poursuivre l’exploitation de l’entreprise, sauf autorisation du juge-commissaire.” Ainsi, une fois la liquidation judiciaire ouverte, la SARL AGENCE [I] IMMO ne peut plus exécuter ses obligations, y compris celles résultant d’une décision de justice, sans l’autorisation du juge-commissaire. Dans cette affaire, la défenderesse a fait valoir qu’elle ne pouvait pas communiquer les documents requis en raison de la liquidation judiciaire, ce qui a été pris en compte par le juge. Comment le juge évalue-t-il la demande de condamnation aux dépens et à l’article 700 du Code de procédure civile ?La condamnation aux dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile sont régies par des principes spécifiques. L’article 696 du Code de procédure civile dispose que : “Le juge condamne la partie perdante aux dépens, à moins qu’il n’en décide autrement par une décision motivée.” Cela signifie que, par défaut, la partie qui perd le procès doit supporter les frais de justice. En ce qui concerne l’article 700, il prévoit que : “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.” Le juge doit tenir compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée. Dans cette affaire, le juge a décidé de ne pas faire application de l’article 700, considérant que l’équité ne le commandait pas, et a condamné le syndicat aux dépens. |
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 14 Janvier 2025
DOSSIER N° RG 24/03308 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Y6UY
Minute n° 25/ 08
DEMANDEUR
Syndicat des copropriétaires de la RESIDENCE [Adresse 2] sis [Adresse 2] [Localité 6], représenté par son syndic, la SAS NEXITY LAMY, prise en son établissement secondaire NEXITY BORDEAUX RAVEZIES
dont le siège social est [Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Maître Christine MOREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEUR
S.C.P. SILVESTRI BAUJET, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 345 154 595, prise en la personne de son représentant légal, és-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL AGENCE [I] IMMO
dont le siège social est [Adresse 3] [Localité 4]
représentée par Maître Benjamin BLANC de la SAS DELTA AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 03 Décembre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 14 Janvier 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 14 janvier 2025
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Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
Se prévalant d’une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 16 octobre 2023, le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] représenté par la SAS NEXITY LAMY (ci-après le syndicat) a fait assigner la SARL AGENCE [I] IMMMO représentée par la SCP SILVESTRI BAUJET en sa qualité de liquidateur judiciaire, par acte de commissaire de justice en date du 19 avril 2024 afin de voir liquidée l’astreinte fixée par cette décision et que soit ordonnée la fixation d’une nouvelle astreinte.
A l’audience du 3 décembre 2024 et dans ses dernières conclusions, le syndicat sollicite, au visa des articles L131-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, la liquidation de l’astreinte et l’inscription au passif de la liquidation judiciaire de la somme de 1.800 euros à ce titre. Il demande également la condamnation de la défenderesse à lui communiquer les documents prévus par l’ordonnance de référés du 16 octobre 2023 ainsi que la fixation d’une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir. Enfin, il sollicite que soit inscrit au passif de la liquidation judiciaire les entiers dépens et la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, le syndicat fait valoir que la défenderesse ne s’est jamais exécutée et n’a pas communiqué les documents essentiels à la continuité de l’exercice du nouveau syndic, en dépit de l’injonction judiciaire qui lui avait été faite. Il souligne que la liquidation judiciaire était déjà ouverte lors de la fixation de l’astreinte, la défenderesse ne justifiant d’aucun élément nouveau et ne pouvant remettre en cause la condamnation prononcée à son encontre.
A l’audience du 3 décembre 2024 et dans ses dernières écritures, le SCP SILVESTRI-BAUJET représentant la SARL AGENCE [I] IMMO conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation du demandeur aux dépens et au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La défenderesse fait valoir que le syndic n’établit pas que le nouveau syndic aurait été valablement désigné et indique qu’elle ne dispose en tout état de cause pas des documents sollicités, les gérants de la SARL AGENCE [I] IMMO étant défaillants et ayant quitté le territoire français. Elle indique avoir tenté de contacter une société d’archivage pour que les documents archivés auprès d’elle soient communiqués au syndicat qui ne s’est pas emparé de cette démarche pour la mener à terme. Elle souligne qu’aucune mise en demeure préalable n’a précédé la présente instance alors que la liquidation judiciaire est totalement impécunieuse et que le montant sollicité au titre de l’astreinte apparait excessif. La SCP SILVESTRI-BAUJET souligne l’absence de nécessité et d’opportunité de prononcer une nouvelle astreinte.
L’affaire a été mise en délibéré au 14 janvier 2025.
Sur les demandes principales
– Sur la liquidation de l’astreinte et la fixation d’une astreinte définitive
L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”
L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.
L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir”.
L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère”.
Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fond doit se livrer lors de la liquidation d’une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l’évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci.
Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que:
« Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. »
En l’espèce, l’ordonnance du juge des référés du 16 octobre 2023 condamne la SARL AGENCE [I] IMMO à communiquer au syndicat :
– les documents comptables concernant les exercices 2020 et 2021 qui n’ont pas fait l’objet d’une approbation des comptes par l’assemblée générale
– les fonds disponibles
– les contrats en cours
– le registre des procès-verbaux
– les archives du syndicat des copropriétaires
– le règlement de copropriété
Le dispositif prévoit également une astreinte passé le délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance à raison de 30 euros par jour de retard pendant une durée de 60 jours.
Cette ordonnance a été signifiée à la SCP SILVESTRI-BAUJET par acte du 26 octobre 2023.
La défenderesse justifie d’un échange de mails avec le parquet du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 19 décembre 2023 indiquant que les époux [I], gérants de la SARL AGENCE [I] IMMO sont soupçonnés d’avoir commis de nombreux détournements de fonds et auraient quitté le territoire national de façon définitive pour s’établir en Israël. Les enquêteurs indiquaient en outre qu’ils ne déféraient à aucune convocation. Le liquidateur judiciaire justifie par ailleurs avoir contacté la société AGS ARCHIVAGE AQUTAINE pour tenter de récupérer des documents archivés, une mise en contact étant prévue avec le syndicat sans que l’issue de cette démarche ne soit précisée.
En tout état de cause, si la défenderesse ne conteste pas ne pas s’être exécutée, il doit être constaté qu’une cause étrangère l’a empêché de le faire. Il ne peut être soutenu par le syndicat que l’ordonnance de référé a été rendue en connaissance de cette situation alors que la SARL AGENCE [I] IMMO et son liquidateur n’ont pas comparu à l’audience de référé et n’étaient pas représentés.
Compte tenu de l’existence d’une cause étrangère légitimant l’inexécution de l’injonction judiciaire de communiquer les pièces, il y a lieu de supprimer l’astreinte et de débouter le syndicat de sa demande de liquidation.
Pour la même raison, il n’est pas nécessaire de fixer une nouvelle astreinte, la communication des documents demandés par les gérants de la SARL AGENCE [I] IMMO en fuite à l’étranger étant impossible. Cette demande sera par conséquent également rejetée.
Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Le syndicat, partie perdante, subira les dépens. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] représenté par la SAS NEXITY LAMY de toutes ses demandes ;
DEBOUTE la SCP SILVESTRI BAUJET représentant la SARL AGENCE [I] IMMMO en sa qualité de liquidateur judiciaire de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] représenté par la SAS NEXITY LAMY aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,
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