L’Essentiel : M. [L] a engagé une procédure judiciaire contre ses sœurs pour la liquidation de la succession de [D] [L]. Un juge a ordonné un sursis à statuer, en attendant la résolution d’un litige dans une autre juridiction. Mmes [V] et [F] [L] ont fait appel de cette ordonnance, ce qui a soulevé des questions sur la compétence de la cour d’appel. M. [L] a argué que l’appel était inapproprié sans l’autorisation du premier président. La cour d’appel a annulé l’ordonnance, mais a omis de relever l’irrecevabilité de l’appel, entraînant une décision de la Cour de cassation sur la procédure.
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Contexte de l’affaireM. [L] a engagé une procédure judiciaire contre ses sœurs, Mmes [V] et [F] [L], pour demander l’ouverture des opérations de compte, la liquidation et le partage de la succession de [D] [L]. Ordonnance de sursis à statuerUn juge de la mise en état a ordonné, par une ordonnance du 15 octobre 2021, un sursis à statuer en attendant la résolution d’un litige en cours devant une autre juridiction civile. Appel de l’ordonnanceMmes [V] et [F] [L] ont fait appel de cette ordonnance, contestation qui a conduit à un examen des modalités de l’appel et de la compétence de la cour d’appel. Arguments de M. [L]M. [L] a soutenu que la cour d’appel avait excédé ses pouvoirs en rejetant sa demande de sursis à statuer, arguant que l’appel d’une décision de sursis ne pouvait être interjeté que sur autorisation du premier président de la cour d’appel, et seulement pour des motifs graves et légitimes. Réponse de la CourLa Cour a rappelé que l’ordonnance du juge de la mise en état prononçant un sursis à statuer est susceptible d’appel, mais uniquement avec l’autorisation du premier président, en cas de motif grave et légitime. Elle a également souligné que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a annulé l’ordonnance du juge de la mise en état, mais a commis une erreur en ne relevant pas d’office l’irrecevabilité de l’appel, en l’absence d’autorisation du premier président. Conséquences de la cassationLa Cour de cassation a décidé de statuer au fond, considérant que l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifiait. Elle a conclu que l’appel était irrecevable, en raison de la méconnaissance des règles de procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’appel d’une ordonnance de sursis à statuer ?L’appel d’une ordonnance de sursis à statuer est régi par les articles 380 et 795 du code de procédure civile. Selon l’article 380, l’ordonnance du juge de la mise en état prononçant un sursis à statuer est susceptible d’appel dans le mois de son prononcé. Cependant, cet appel ne peut être interjeté que sur autorisation du premier président de la cour d’appel, et ce, uniquement lorsqu’il est justifié d’un motif grave et légitime. L’article 795 précise que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours. Ainsi, en l’absence d’autorisation du premier président, l’appel est irrecevable, ce qui a été confirmé par la cour de cassation dans l’affaire examinée. Quelles sont les conséquences d’une irrecevabilité d’appel ?L’irrecevabilité d’un appel a des conséquences significatives sur le déroulement de la procédure. Lorsque la cour d’appel constate que l’appel est irrecevable, elle doit relever cette irrecevabilité d’office, conformément à l’article 795 du code de procédure civile. Cela signifie que la cour ne peut pas examiner le fond de l’affaire, et l’appelant ne peut pas obtenir de décision sur le bien-fondé de sa demande. Dans le cas présent, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs en statuant sur un appel qui était irrecevable, ce qui a conduit à une cassation de sa décision. La Cour de cassation, en application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, a décidé de statuer au fond, soulignant l’importance d’une bonne administration de la justice. Ainsi, l’appel a été déclaré irrecevable, ce qui a des implications sur la possibilité pour M. [L] de poursuivre ses demandes relatives à la succession. |
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 novembre 2024
Cassation sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1082 F-D
Pourvoi n° E 22-20.838
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024
M. [R] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 22-20.838 contre l’arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d’appel de Nîmes (chambre civile – 1re chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à Mme [V] [L], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Mme [F] [L], épouse [B], domiciliée [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [L], de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mmes [V] et [F] [L], et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 19 mai 2022), M. [L] a assigné Mmes [V] et [F] [L], ses soeurs, devant un tribunal de grande instance afin de voir ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [D] [L].
2. En cours d’instance, par une ordonnance du 15 octobre 2021, un juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l’attente de l’issue d’un litige pendant devant une autre juridiction civile.
3. Mmes [V] et [F] [L] ont relevé appel de cette ordonnance.
Enoncé du moyen
4. M. [L] fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer, alors « qu’excèdent leurs pouvoirs les juges qui statuent sur un recours qui n’était pas ouvert ; qu’à cet égard, une décision de sursis à statuer ne peut être frappée d’appel que sur autorisation du premier président de la cour d’appel, saisi selon la procédure accélérée au fond, et s’il est justifié d’un motif grave et légitime ; qu’en ce cas, la cour d’appel examine l’affaire à l’audience fixée par le premier président et statue comme en matière de procédure à jour fixe ; qu’en l’espèce, l’appel interjeté contre une ordonnance du juge de la mise en état ayant uniquement prononcé un sursis à statuer a été interjeté selon les modalités des articles 904-1 et suivants du code de procédure civile ; qu’en se prononçant ainsi sur une décision de sursis dont elle ne pouvait être saisie que sur autorisation de son premier président, après justification d’un motif grave et légitime, et selon les modalités de la procédure à jour fixe, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs, en violation des articles 380 et 795 du code de procédure civile. »
Vu les articles 380, 795, dans sa rédaction issue du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, et 125 du code de procédure civile :
5. Il résulte de la combinaison des deux premiers de ces textes que l’ordonnance du juge de la mise en état prononçant un sursis à statuer est susceptible d’appel dans le mois de son prononcé, sur autorisation du premier président lorsqu’il est justifié d’un motif grave et légitime.
6. Selon le troisième, les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office, lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.
7. La cour d’appel infirme l’ordonnance du juge de la mise en état qui ordonne un sursis à statuer.
8. En statuant ainsi, alors qu’en l’absence d’autorisation du premier président, elle devait relever d’office l’irrecevabilité de l’appel de la décision de sursis, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Tel que suggéré par le demandeur au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 8 que l’appel est irrecevable.
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