L’Essentiel : La licéité du réseau de distribution de LVMH repose sur la nécessité de prouver que ce réseau respecte les conditions établies par le droit européen. Un système de distribution sélective est considéré comme licite si trois critères sont remplis : la nature du produit exige une telle distribution, les revendeurs sont choisis selon des critères objectifs et non discriminatoires, et ces critères ne dépassent pas ce qui est nécessaire. Dans l’affaire LVMH, la société a démontré que son réseau de distribution pour les montres Tag Heuer respectait ces conditions, justifiant ainsi sa protection contre la concurrence déloyale.
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Il appartient à celui qui invoque l’existence d’un réseau de distribution sélective, de démontrer que ledit réseau est licite, dès lors qu’il ne justifie pas que sa part de marché serait inférieure à 30 % (seuil pour bénéficier de l’exemption automatique prévue par le règlement européen n° 330/2010 du 20 avril 2000. Licéité des systèmes de distribution exclusiveUn système de distribution exclusive et / ou sélective n’est pas en soi anti-concurrentiel, il ne le devient que s’il limite abusivement la liberté commerciale. Un tel réseau peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l’article 101 du TFUE, si trois conditions sont réunies cumulativement : i) la nature du produit en question doit requérir le recours à un tel système afin d’en préserver la qualité et d’en assurer le bon usage ; ii) les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ; iii) les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire. En conséquence, si ces conditions sont réunies, le système de distribution échappe à l’interdiction de l’alinéa 1 de l’article 101 du TFUE, sauf si une clause anticoncurrentielle est insérée dans le contrat de distribution sélective. Affaire LVMHLes montres de marque Tag Heuer sont des produits de luxe, pour lesquels il est reconnu la spécificité de leur distribution nécessitant une sélectivité des distributeurs indispensable à la préservation de leur image. Par ailleurs, il ressort des termes du contrat de distribution sélective français de la société LVMH que les critères exigés sont objectifs, qualitatifs et proportionnés au regard de la nature des produits. Le contrat ne comporte pas non plus de clauses anticoncurrentielles. Dans ces conditions, la société LVMH justifie de l’existence d’un réseau de distribution sélective pouvant faire l’objet de la protection de l’article L 442-6, I, 6° du code de commerce. Question de l’étanchéité du réseau de distribution sélectiveComme rappelé par les juges, l’étanchéité d’un réseau de distribution sélective n’est pas une condition de sa validité et de son opposabilité aux tiers. Violation du réseau de LVMHDans cette affaire, un site de commerce électronique a été condamné pour avoir mis en place et développé un commerce illicite de vente de montres Tag Heuer dans des conditions dévalorisantes, qui laissaient à penser à la clientèle que « Chic Time » était de surcroît un distributeur agréé. Le revendeur hors réseau engage sa responsabilité délictuelle lorsqu’il se fournit chez un membre du réseau. Mais le fait d’acquérir un produit relevant du réseau auprès d’un tiers au réseau n’est pas un acte illicite. Il appartient au revendeur poursuivi de démontrer qu’il a acquis les montres de marque Tag Heuer auprès d’un tiers au réseau. En l’espèce, la société ne justifiait pas de la licéité de son approvisionnement, ne donnant aucune information sur l’identité du ou de ses fournisseurs. Dès lors, au regard de ces considérations, l’origine licite des montres de marque Tag Heuer proposés à la vente sur le site n’était pas établie. Responsabilité engagéeLe seul fait de commercialiser hors réseau des produits authentiques couverts par un contrat de distribution exclusive et / ou sélective n’est pas fautif dès lors que la revente concerne des produits acquis régulièrement et que par suite, l’action en concurrence déloyale n’est possible que si à la distribution hors réseau s’ajoute une faute imputable au distributeur hors réseau. Toutefois, les conditions de mise en vente des montres Tag Heuer, produits de luxe, portaient atteinte à l’image de marque en ce que les montres étaient commercialisées avec des promotions, selon des critères de prix, sans que la garantie du fabricant ne soit proposée, et dans des emballages dégradés. Par ailleurs, le « certificat de garantie et d’authenticité » délivré par le site, envoyé avec les montres de marques Tag Heuer, tendait à faire croire à l’acheteur qu’il bénéficiait de la garantie du fabricant, ce qui n’était pas le cas. Ce certificat, qui en réalité n’avait aucune valeur, trompait le consommateur quant à l’origine du produits et à sa garantie. De même, la commercialisation des produits Tag Heuer, sans réaliser les investissements indispensables au développement du réseau, en profitant de la notoriété de marques Tag Heuer, constitue des actes de parasitisme économique. Le site de vente en ligne a été condamné à 150.000 euros au titre de la violation du réseau de distribution sélective de LVMH et de 50.000 euros au titre de la concurrence déloyale. Télécharger la décision |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour qu’un réseau de distribution sélective soit considéré comme licite ?Un réseau de distribution sélective peut être considéré comme licite s’il remplit trois conditions cumulatives. Premièrement, la nature du produit doit nécessiter un tel système pour préserver sa qualité et assurer son bon usage. Cela signifie que certains produits, notamment ceux de luxe, requièrent une attention particulière dans leur distribution pour maintenir leur image de marque. Deuxièmement, les revendeurs doivent être sélectionnés selon des critères objectifs, uniformes et appliqués de manière non discriminatoire. Cela garantit que tous les revendeurs potentiels ont une chance équitable d’être choisis, ce qui est essentiel pour éviter toute forme de favoritisme. Troisièmement, les critères de sélection ne doivent pas dépasser ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de qualité et d’image. Si ces conditions sont respectées, le réseau de distribution peut échapper à l’interdiction prévue par l’article 101 du TFUE, sauf si des clauses anticoncurrentielles sont présentes dans le contrat de distribution. Quel est le cas de LVMH concernant la distribution de montres Tag Heuer ?Dans l’affaire LVMH, la société a établi un réseau de distribution sélective pour ses montres de luxe Tag Heuer, en raison de la nécessité de préserver l’image de marque de ces produits. Les critères de sélection des revendeurs étaient objectifs, qualitatifs et proportionnés à la nature des montres. Le contrat de distribution ne contenait pas de clauses anticoncurrentielles, ce qui a permis à LVMH de justifier l’existence de son réseau de distribution sélective. Cette situation a été reconnue comme conforme aux exigences légales, permettant à LVMH de bénéficier de la protection offerte par l’article L 442-6, I, 6° du code de commerce. Cela souligne l’importance de la sélectivité dans la distribution de produits de luxe pour maintenir leur prestige et leur qualité. Qu’est-ce que l’étanchéité d’un réseau de distribution sélective ?L’étanchéité d’un réseau de distribution sélective fait référence à la capacité de ce réseau à empêcher la vente de ses produits par des revendeurs non autorisés. Cependant, les juges ont précisé que cette étanchéité n’est pas une condition nécessaire pour la validité du réseau. Cela signifie qu’un réseau peut être considéré comme valide même s’il existe des ventes en dehors de celui-ci, tant que les conditions de licéité sont respectées. Cette distinction est importante car elle permet aux entreprises de maintenir un certain contrôle sur la distribution de leurs produits sans être pénalisées pour des ventes non autorisées qui ne compromettent pas leur image de marque. Quelles sont les conséquences de la violation du réseau de LVMH ?Dans le cas de LVMH, un site de commerce électronique a été condamné pour avoir vendu des montres Tag Heuer dans des conditions dévalorisantes, laissant croire aux clients qu’il était un distributeur agréé. Le revendeur hors réseau engage sa responsabilité délictuelle s’il se fournit auprès d’un membre du réseau. Toutefois, acheter un produit auprès d’un tiers n’est pas en soi illégal. Dans cette affaire, le revendeur n’a pas pu prouver la licéité de son approvisionnement, ce qui a conduit à la condamnation. La société a été jugée responsable pour avoir commercialisé les montres de manière à nuire à l’image de marque de LVMH, en utilisant des promotions inappropriées et en ne fournissant pas la garantie du fabricant. Cela a entraîné des sanctions financières significatives pour la violation du réseau de distribution sélective. Comment la responsabilité est-elle engagée dans le cadre de la distribution hors réseau ?La responsabilité d’un distributeur hors réseau est engagée lorsqu’il commercialise des produits authentiques d’une marque sous contrat de distribution exclusive ou sélective, mais cela dépend de la manière dont ces produits sont vendus. Si les produits sont acquis légalement et que la revente ne porte pas atteinte à l’image de marque, la responsabilité peut ne pas être engagée. Cependant, dans le cas de LVMH, les conditions de vente des montres Tag Heuer ont été jugées dévalorisantes, ce qui a nui à l’image de la marque. Le site de vente en ligne a été condamné pour avoir trompé les consommateurs avec un faux certificat de garantie et d’authenticité, ce qui a été considéré comme un acte de parasitisme économique. Les sanctions financières imposées reflètent la gravité de la violation du réseau de distribution sélective et de la concurrence déloyale. |
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