Licenciement et Validité des Sanctions Disciplinaires : Enjeux de la Cause Réelle et Sérieuse

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Licenciement et Validité des Sanctions Disciplinaires : Enjeux de la Cause Réelle et Sérieuse

L’Essentiel : La société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a licencié M. [L] pour faute en avril 2016, invoquant des erreurs répétées dans le traitement des travaux et un manque de rigueur dans le suivi des dossiers des locataires. M. [L] a contesté ce licenciement devant le conseil de prud’hommes, arguant que les faits reprochés n’étaient pas constitutifs d’une faute et que la mise à pied était irrégulière. Cependant, la cour a confirmé le jugement des prud’hommes, considérant que les manquements de M. [L] étaient sérieux et justifiaient la rupture de son contrat de travail.

Contexte de l’affaire

La société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis, immatriculée à Paris, est spécialisée dans la construction et la gestion d’immeubles d’habitation à loyer modéré. Elle emploie plus de 11 salariés, dont M. [S] [L], engagé en tant que gardien d’immeuble hautement qualifié depuis le 2 septembre 2013. M. [L] et sa femme exerçaient leurs fonctions dans deux résidences, percevant une rémunération mensuelle brute de 1 646 euros, incluant un logement de fonction.

Sanctions disciplinaires et licenciement

Après un rappel à l’ordre en janvier 2015, M. [L] a reçu une mise à pied disciplinaire de trois jours en décembre 2015. En mars 2016, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement potentiel. Le 20 avril 2016, la société a notifié son licenciement pour faute, invoquant de nombreuses erreurs dans le traitement des travaux et un manque de rigueur dans le suivi des dossiers des locataires, malgré des remarques répétées de la hiérarchie.

Procédure judiciaire

M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency en avril 2018, demandant que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse. Le jugement rendu en mars 2022 a débouté M. [L] de toutes ses demandes, tout en déclarant la sanction disciplinaire prescrite. M. [L] a interjeté appel de cette décision.

Arguments des parties

M. [L] a soutenu que la mise à pied était sans effet en raison d’une notification non conforme et que les faits reprochés ne constituaient pas une faute disciplinaire. Il a également contesté la légitimité de son licenciement, arguant que les erreurs étaient ponctuelles et que la société n’avait pas fourni de formation adéquate. En revanche, la société a justifié le licenciement par des négligences répétées et des erreurs documentées, soutenant que la poursuite de la relation de travail était impossible.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement des prud’hommes, considérant que les éléments de preuve fournis par la société démontraient des manquements sérieux de M. [L]. Elle a également rejeté la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, estimant que la rupture de la relation de travail était une conséquence inhérente au licenciement. M. [L] a été condamné à payer des frais à la société sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la sanction disciplinaire et sa validité ?

La sanction disciplinaire, en l’espèce la mise à pied de M. [L] notifiée le 23 décembre 2015, soulève des questions quant à sa validité. Selon l’article L.1332-2 du Code du travail, « la sanction doit être notifiée au salarié par écrit et doit mentionner les motifs qui la justifient ».

Dans le cas présent, M. [L] soutient n’avoir pas reçu cette notification par lettre recommandée, mais par courrier simple, ce qui pourrait affecter la validité de la sanction.

Il est également important de noter que l’article L.1332-4 du même code stipule que « la sanction ne peut être prononcée que dans un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits ».

Ainsi, si la notification n’a pas été effectuée conformément aux exigences légales, la sanction pourrait être considérée comme nulle.

En l’espèce, la cour a retenu que M. [L] avait bien reçu la notification, ce qui a conduit à la conclusion que la sanction était valide et non prescrite.

Le licenciement de M. [L] est-il justifié ?

Pour qu’un licenciement soit considéré comme justifié, il doit reposer sur une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L.1232-1 du Code du travail, qui précise que « tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ».

Dans cette affaire, la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a invoqué plusieurs motifs, notamment des erreurs répétées dans le traitement des travaux et un manque de rigueur dans le suivi des dossiers des locataires.

L’article L.1235-1 du même code stipule que « le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ».

La cour a constaté que les éléments de preuve fournis par l’employeur, tels que des échanges de courriels et des rapports d’évaluation, démontraient des manquements avérés de M. [L].

Ainsi, la cour a jugé que le licenciement était fondé sur des motifs sérieux et a confirmé la décision des premiers juges.

Quelles sont les conséquences du licenciement sur le préjudice moral de M. [L] ?

M. [L] a demandé des dommages-intérêts pour préjudice moral, arguant que la perte de son logement de fonction lui avait causé un préjudice. Cependant, selon l’article 1149 du Code civil, « le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son fait personnel ».

Dans ce cas, la cour a souligné que la rupture de la relation de travail entraînait la fin de l’attribution du logement, ce qui est une conséquence inhérente au licenciement.

De plus, le salarié n’a pas réussi à prouver l’existence d’une faute de l’employeur ni à établir le préjudice qu’il prétendait avoir subi.

Ainsi, la cour a confirmé la décision des premiers juges en déboutant M. [L] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, considérant que le licenciement était justifié et que les conséquences qui en découlaient ne constituaient pas un préjudice réparable.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JANVIER 2025

N° RG 22/01130 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VDXP

AFFAIRE :

[S] [L]

C/

S.A. ENTREPRISE SOCIALE POUR L’HABITAT DOMNIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 07 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : 18/00287

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anne-sophie REVERS

Me Antoine GROU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [S] [L]

né le 07 Août 1981 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne-sophie REVERS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 4

Plaidant : Me Valérie BOREK-CHRETIEN, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 68

APPELANT

****************

S.A. ENTREPRISE SOCIALE POUR L’HABITAT DOMNIS

N° SIRET : 592 001 648

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Antoine GROU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1083

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis est une société anonyme (SA) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris sous le n° 592 001 648.

La société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a pour activités la construction et la gestion d’immeubles d’habitation à loyer modéré.

Elle emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée en date du 26 août 2013, M. [S] [L] a été engagé par la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis, venant aux droits de la société Le Foyer Pour Tous, en qualité de gardien d’immeuble hautement qualifié, à compter du 2 septembre 2013.

Au dernier état de la relation de travail, M. [L] et sa femme, Mme [J] [M], exerçaient leurs fonctions au sein de la résidence Nungesser et Coli située à [Localité 6], ainsi qu’au sein de la résidence l’Oiseau Blanc, située [Adresse 7] dans la même ville.

M. [L] percevait une rémunération moyenne brute de 1 646 euros par mois, comprenant la mise à disposition d’un logement de fonction.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeubles.

Après un rappel à l’ordre le 25 janvier 2015, la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a notifié aux époux [L], par courrier simple daté du 23 décembre 2015, une mise à pied disciplinaire d’une durée de trois jours.

Par courrier daté du 25 mars 2016, la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a convoqué

M. [L] à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.

L’entretien s’est tenu le 5 avril 2016.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 avril 2016, la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a notifié à M. [L] son licenciement pour faute, en ces termes :

« (…) les motifs de ce licenciement sont les suivants :

– De nombreuses erreurs constatées, à nouveau, dans le traitement et le suivi des travaux malgré les remarques répétées de hiérarchie

Dans le cadre de votre contrat, vous êtes chargé d’établir et de suivre les bons de travaux sur informatique et de gérer les travaux courants. Pourtant, nous constatons de nombreux manquements, malgré les remarques de votre hiérarchie.

Ainsi, depuis le 5 février 2016 de multiples erreurs ont été observées, telles que :

– Travaux réalisés sans bon de travaux préalable

– Bons de travaux édités en double

– Erreurs de saisie

– Informations non communiquées ou transmises tardivement à la hiérarchie

– Retards dans l’édition des bons de travaux et la réalisation des prestations

Le suivi des travaux faisait pourtant partie des axes d’amélioration définis dans vos entretiens d’évaluation 2014 et 2015. Par ailleurs, ce point avait, une nouvelle fois, été relevé dans le cadre de la sanction qui vous a notifiée le 23 décembre 2015. Malgré cela, de nouveaux manquements ont été observés.

De la même façon, malgré les instructions et les remarques répétées de votre hiérarchie ainsi que les formations destinées, notamment, à faciliter la saisie des données, vous ne remplissez pas pleinement ces missions de saisies (…).

Le manque de réactivité dans le traitement des dossiers et les manquements répétés, qui génèrent une importante perte de temps, sont susceptibles de nuire à l’image de l’entreprise et de conduire à des dépenses injustifiées générant des pertes financières pour l’entreprise (…).

– Une légèreté et un manque de rigueur répétés dans le traitement des dossiers des locataires

Dans le cadre de votre contrat, vous êtes chargé d’assurer le suivi des dossiers des locataires notamment en ce qui concerne :

– les états de lieux,

– la visite des logements vacants aux candidats locataires,

– l’accueil des nouveaux locataires et information de ceux-ci sur la vie de la résidence,

– le recensement et le suivi des assurances locataire sur informatique,

– le suivi des réclamations locataires (réception, analyse et solution, etc.) et la répercussion de celles-ci aux services concernés (Service Patrimoine et/ou Service Commercial) le cas échéant,

– les relevés des compteurs d’eau froide.

Malgré cela, pendant la période du 4 février au 24 mars 2016, de nombreux manquements ont été constatés :

– Manque de rigueur et de suivi lors de la réalisation d’un état des lieux entraînant un surcoût pour l’entreprise pour des travaux légitimement à la charge du locataire mais ne lui ayant pas été imputés,

– Erreur lors de la visite d’un logement ayant conduit au désistement d’un candidat locataire et entraînant potentiellement un allongement de la période de vacance et donc une perte de loyer

– Manque d’organisation dans le suivi et la communication des pièces issues des dossiers de locataires,

– Erreur dans la saisie des données identifiant les boxes, entraînant une confusion au moment de l’attribution,

– Absence de suivi des assurances des locataires entraînant un risque juridique et financier pour l’entreprise,

– Erreurs répétées dans la saisie des consommations des compteurs d’eau, malgré la formation dispensée le 5 mars 2015 (…), entraînant, notamment, un risque, pour les locataires, de se voir appliquer des forfaits injustifiés

Nous vous rappelons votre légèreté et votre manque de rigueur dans le traitement des dossiers avaient déjà été relevés dans le cadre de la sanction notifiée le 23 décembre 2015.

Outre les nombreux allers-retours et la perte de temps au sein de DOMNIS, nous déplorons que vous ne remplissiez pas pleinement ces missions. Cette situation nuit à la qualité de service, à la satisfaction des locataires et peut également contribuer à accroître la vacance, source de manque à gagner important pour l’entreprise.

Les erreurs – fréquentes et répétées ‘, et l’absence de prise en compte des remarques formulées par votre hiérarchie qui caractérise un refus de prendre en compte les instructions de votre employeur ne sont pas acceptables et entravent le bon fonctionnement de l’entreprise.

Lors de l’entretien vous avez reconnu les faits et n’avez donné aucune justification à votre attitude.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de mettre un terme à notre collaboration pour faute simple. (…)

Par requête introductive reçue au greffe le 23 avril 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 7 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :

– débouté M. [S] [L] de l’intégralité de ses demandes ;

– débouté la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de sa demande d’irrecevabilité ;

– débouté la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de sa demande de prescriptions liée au licenciement de M. [S] [L] ;

– dit que la sanction disciplinaire du 23 décembre 2015 est prescrite ;

– débouté la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de ses demandes reconventionnelles ;

– laissé les dépens à la charge des parties.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 7 avril 2022, M. [L] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 5 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [S] [L], appelant, demande à la cour de :

– déclarer M. [S] [L] recevable et bien fondé en son appel ;

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* dit que la sanction disciplinaire du 23 décembre 2015 était prescrite ;

* débouté M. [S] [L] de l’intégralité de ses demandes ;

* débouté M. [S] [L] de son action en nullité de la sanction disciplinaire prise à son encontre le 23 décembre 2015 ;

* déclaré que le licenciement de M. [S] [L] est justifié et n’est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* débouté M. [S] [L] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* débouté M. [S] [L] de sa demande d’indemnité au titre du préjudice moral qu’il a subi ;

* débouté M. [S] [L] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

* laissé les dépens à la charge des parties.

Statuant à nouveau :

– juger que l’action en contestation de la mise à pied disciplinaire du 23 décembre 2015 de M. [S] [L] n’est pas prescrite comme reposant sur une demande de remboursement de salaire du fait de l’absence de notification de la mise à pied disciplinaire ;

– juger que la sanction disciplinaire du 23 décembre 2015 est nulle comme étant injustifiée et en tout cas mal fondée ;

– condamner la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis à payer à M. [S] [L] la somme de 220,19 euros brute en remboursement des salaires perçus à tort pour la période des 20, 21 et 22 janvier 2016 ressortant de la mise à pied conservatoire injustifiée ;

– juger que le licenciement de M. [S] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis à payer à M. [S] [L] la somme de 19 752,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 12 mois de salaire ;

– condamner la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis à payer à M. [S] [L] :

* la somme de 3 000,00 euros à titre d’indemnité pour compenser le préjudice moral subi ;

* la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel ;

– ordonner à la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de remettre à M. [S] [L], et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification de l’arrêt à intervenir, l’attestation Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir ;

– condamner la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis à rembourser à Pôle Emploi du lieu du domicile de M. [L] la totalité des indemnités de chômage payées à son bénéfice du jour de son licenciement au jour de la décision à intervenir ;

– débouter la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de toutes ses demandes contraires ou plus amples ;

– rappeler l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 23 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis, intimée, demande à la cour de :

– constater la prescription du délai de saisine concernant l’action à l’encontre de la mise à pied à titre disciplinaire ;

– constater les négligences, l’inorganisation, le manque d’intérêt pour son travail de la part de

M. [L] ;

– constater l’absence d’un quelconque élément de preuve relatif au préjudice lié au licenciement ;

– constater l’absence d’un quelconque élément de preuve relatif au préjudice moral ;

Par conséquent,

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que M. [L] est déchu de son droit d’agir en justice à l’encontre de la sanction disciplinaire prononcé par société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis le 23 décembre 2015 ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [L] pour faute simple fondé ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté de M. [L] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [L] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [L] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la prescription de la mise à pied disciplinaire du 23 décembre 2015.

M. [L] sollicite la nullité de la mise à pied disciplinaire prononcée le 23 décembre 2015 et le remboursement des salaires perçus à tort pour les 20, 21 et 22 janvier 2016.

Il soutient, en premier lieu, n’avoir pas reçu la notification par lettre recommandée avec accusé de réception de la mise à pied disciplinaire mais simplement par courrier simple. Il indique en conséquence que la sanction est sans effet faute de notification.

Il soutient ensuite que la prescription applicable est celle relative aux rappels de salaire et non pas celle relative à l’exécution ou la rupture du contrat de travail.

Il estime également que cette sanction est irrégulière, faute pour la société de justifier du règlement intérieur la prévoyant.

Il considère au fond que les faits reprochés ne constituent pas une faute disciplinaire mais simplement une insuffisance professionnelle et qu’en outre elle est disproportionnée au regard des faits imputés.

La société se fonde sur la prescription biennale relative à l’exécution du contrat de travail pour demander à la cour la confirmation du jugement qui a reconnu que l’action en nullité est prescrite.

Elle ajoute que si la cour entendait retenir la prescription triennale, la demande de rappel de salaire ayant été formulé le 6 décembre 2021, elle a été formée hors délai.

Aux termes de l’article 1471 ‘ 1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

C’est à tort que le salarié se fonde sur la prescription triennale relative aux rappels de salaire pour solliciter la nullité de la sanction disciplinaire du 23 décembre 1015. En effet, avant même de pouvoir statuer sur le remboursement des salaires perdus en raison de la mise à pied, le juge doit apprécier la validité de la sanction et la proportionnalité des faits reprochés par rapport à cette sanction. Tous ces éléments procèdent de l’exécution du contrat de travail. Ainsi, c’est bien la prescription biennale qui s’applique en l’espèce.

Dès lors que la société justifie que le 8 janvier 2016, M. [L] a bien été destinataire de la notification de la sanction et en tout état de cause le salarié reconnaît l’avoir également obtenu par lettre simple,

M. [L] ne peut donc prétendre que le délai de prescription n’a pas couru. Avec une prescription biennale et une saisine prud’homale le 23 avril 2018, l’action en contestation de la mise à pied disciplinaire du 23 décembre 2015 est prescrite. Par voie de conséquence, les demandes financières qui y sont attachées le sont également.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l’article L.1232-1 du Code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La société fonde son licenciement sur plusieurs négligences fautives de M. [L] :

– De nombreuses erreurs constatées dans le traitement et le suivi des travaux malgré des remarques répétées de la hiérarchie ;

– Un manque de réactivité dans le traitement des dossiers et des manquements répétés, qui génèrent une importante perte de temps ;

– Une légèreté et un manque de rigueur répétés dans le traitement des dossiers des locataires.

Elle transmet des échanges de courriels entre M. [L] et M.[T], gestionnaire de patrimoine, pour justifier d’erreur dans le traitement et le suivi des travaux malgré des remarques répétées de la hiérarchie. Elle ajoute que le suivi des travaux faisait partie des axes d’amélioration qui avaient été notifiés à M. [L] dans le cadre de son entretien d’évaluation annuelle 2014/2015. Sur le deuxième motif du licenciement relatif à la légèreté et le manque de rigueur répétée dans le traitement des dossiers des locataires, la société transmet également plusieurs mails pour justifier de ces griefs. Elle indique avoir dû élaborer une requête le 31 mars 2016 dans laquelle figure l’intégralité des suivis d’assurance habitation et relevant les lacunes dans ce suivi par le salarié, elle expose les risques importants encourus pour l’employeur en cas de dommages. Elle soutient que malgré multiples alertes lors de l’entretien annuel 2014/2015, lors d’un rappel à l’ordre du 27 janvier 2015 et d’une mise à pied disciplinaire du 23 décembre 2015, elle s’est trouvée contrainte de licencier le salarié.

M. [L] sollicite l’infirmation du jugement et demande à la cour que son licenciement soit considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il fait valoir, en premier lieu, que les faits relevés dans la lettre de licenciement sont abstraits et imprécis. Il ajoute, en second lieu, qu’il s’agit de faits ponctuels qui ne justifient pas une cause sérieuse de licenciement, précisant qu’il n’a jamais fait l’objet d’une moindre critique avant 2015 et que ses primes lui ont été versées. Il considère ensuite que la société, faute de lui avoir octroyé une formation pour combler ses lacunes sur l’utilisation de l’outil informatique, a contribué aux retards et aux défaillances des missions qu’elle allègue à son encontre. Enfin, il relève que les faits ne sont pas de nature à affecter le bon fonctionnement de la société. Il conclut qu’en réalité, il s’agit d’un licenciement économique destiné à réduire la masse salariale et en veut pour preuve le fait d’avoir était partiellement remplacé.

Analysant les pièces produites par l’employeur, M. [L] estime que les échanges de mails prouvent que la société connaissait ses difficultés en matière informatique et n’en a pas tiré les conséquences puisque la seule formation qui lui a été proposée date du 14 et 15 janvier 2016 postérieurement à la mise à pied. S’agissant des difficultés avec les locataires, il considère que la société se fonde sur des faits ponctuels alors qu’une pétition signée par 119 locataires vient prouver son professionnalisme. S’agissant enfin du préjudice allégué par la société, le salarié estime que pour les travaux effectués sans bon de commande, aucun préjudice financier n’existe puisque les travaux ont bien été réalisés. Les surcoûts allégués à la suite d’une erreur dans un état des lieux ou après le désistement d’un locataire ne sont pas justifiés.

Au vu des éléments versés aux débats en cause d’appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d’une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d’appel, ont à bon droit retenu l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En effet, le conseil des prud’hommes, après avoir relevé que la société versait aux débats une quinzaine de mails faisant apparaître divers manquements de M. [L] dans l’exécution de ses tâches et notamment celui du 24 mars 2016 démontrant des erreurs dans l’attribution des box ou celui du 12 février 2016 faisant apparaître des erreurs dans l’attribution de logements ou d’autres messages attestant du manque de suivi dans le traitement administratif des dossiers des locataires, a justement retenu que M. [L] avait déjà été sanctionné par une mise à pied disciplinaire le 23 décembre 2015 pour de nombreux retards dans le traitement de ses dossiers et en a conclu que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement étaient avérés.

Il y a lieu d’ajouter que dans la situation particulière du salarié, la société justifie bien de l’ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement par des échanges de mails qui contrairement aux allégations du salarié ne sont ni abstraits ni imprécis mais comportent au contraire des dates et des références précises et sont même, pour ce qui concerne le suivi des assurances ou les anomalies de compteur d’eau étayés par des tableaux récapitulatifs.

La cour considère que le salarié invoque à tort la responsabilité de la société dans les difficultés qu’il rencontrait dans la gestion informatique des missions qui lui étaient confiées. En effet, outre le fait que la société justifie de plusieurs formations du salarié entre novembre 2014 et janvier 2016, la dernière formation orientée spécifiquement sur la prise en main de son ordinateur est antérieure aux griefs allégués dans la lettre de licenciement et notamment les erreurs de saisie dont la société justifie dans ses pièces 9 à 13 et qui concernent des messages transmis entre le 4 février et 11 mars 2016.

La pétition du 23 juin 2016, si elle confirme la serviabilité et la gentillesse de Monsieur et Madame [L] n’est pas de nature à contredire les défaillances relevées par l’employeur. Il en est de même pour le versement de primes. Outre le fait que les sanctions pécuniaires sont prohibées, les primes inscrites au bulletin de salaire de juin 2016 n’étant pas liées aux résultats, le maintien de ces primes ne peut venir dédouaner le salarié de ses fautes.

En outre contrairement aux allégations du salarié, le sérieux des griefs allégués par la société n’est pas contestable notamment en ce qui concerne les fautes commises dans le suivi de la couverture assurance-habitation des locataires dont le salarié avait la charge qui font courir un risque majeur en termes de responsabilité à la société. De la même manière, les défaillances dans les justificatifs des bons travaux ont un impact non négligeable sur la gestion comptable de la société. L’absence de suivi concernant les compteurs d’eau qui empêche la facturation des régularisations prouve aussi que l’impact des erreurs commises par le salarié à l’égard de la société est sérieux.

Enfin, c’est à juste titre que le conseil des prud’hommes a souligné l’existence d’une précédente mise à pied et la cour relève qu’en janvier 2015, les époux ont été sanctionnés une première fois par un rappel à l’ordre comportant des griefs de même nature que ceux sanctionnés dans le cadre du licenciement. Ces éléments permettent de considérer que la poursuite de la relation de travail s’avérait impossible.

En conséquence de ces motifs, il y a lieu de confirmer la décision prud’homale qui a débouté le salarié de sa demande relative à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et les demandes financières subséquentes.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral

M. [L] fait valoir que du jour au lendemain, la famille s’est retrouvée sans logement et que la société a exercé des pressions pour qu’elle quitte les lieux. Il estime que la perte de son logement occupé à titre gratuit lui crée nécessairement un préjudice et sollicite la somme de 3000 € en réparation de son préjudice moral.

La société estime que le salarié ne justifie pas de son préjudice qu’elle considère rattaché au licenciement et sollicite le rejet de la demande de dommages-intérêts.

Il est incontestable que la rupture de la relation de travail a généré la fin de l’attribution du logement de fonction attribué aux époux dans la cadre de leur contrat de travail. Il s’agit là d’une conséquence inhérente au licenciement. Dès lors que le licenciement est fondé, le salarié ne peut invoquer sur ce point une faute de l’employeur à l’origine de sa demande en réparation.

Pour le surplus le salarié n’établit ni l’existence d’une faute, ni le préjudice qui lui est attaché.

Il convient en conséquence de confirmer la décision prud’homale qui a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en nullité de la sanction disciplinaire du 23 décembre 2015 et débouté M. [L] de l’intégralité de ses

demandes ;

Y ajoutant ;

VU l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [L] à payer à la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [L] aux dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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