L’Essentiel : Mme [H] [P], devenue épouse [X], a été employée par la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux depuis 1993, promue responsable développement ressources humaines en 2018. En septembre 2020, elle a été placée en arrêt maladie, suivi d’un licenciement pour faute grave en juin 2021, lié à une utilisation abusive de sa carte carburant. Contestant ce licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes, qui a reconnu la cause réelle du licenciement, mais pas la faute grave. La cour d’appel a finalement confirmé la faute grave, infirmant ainsi le jugement précédent et déboutant les demandes des parties.
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Faits de l’affaireMme [H] [P], devenue épouse [X], a été embauchée par la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux en tant qu’agent de bureau à partir du 13 septembre 1993. Son contrat a été prolongé et elle a été engagée en contrat à durée indéterminée à partir du 14 mars 1994. En janvier 2018, elle a été promue responsable développement ressources humaines pour la région Sud-Ouest, avec un salaire mensuel de 4 656,65 euros. Arrêt de travail et licenciementMme [X] a été placée en arrêt de travail pour maladie à partir du 21 septembre 2020, avec des prolongations jusqu’en mai 2021. Le 12 mai 2021, la SCA Veolia a convoqué Mme [X] à un entretien préalable au licenciement pour motif disciplinaire, qui a eu lieu le 27 mai 2021. Le Conseil de discipline a émis un avis favorable à la sanction de faute grave, et le licenciement a été notifié le 14 juin 2021 pour utilisation abusive de la carte carburant à des fins personnelles pendant son arrêt maladie. Contestations et décisions judiciairesContestant son licenciement, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 26 juillet 2021, demandant la requalification de son licenciement et le paiement de diverses indemnités. Le jugement du 12 décembre 2022 a reconnu la cause réelle et sérieuse du licenciement, mais pas la faute grave, et a condamné la SCA Veolia à verser plusieurs indemnités à Mme [X]. Appels et conclusions des partiesLa SCA Veolia a interjeté appel le 11 janvier 2023, demandant la confirmation de certaines décisions et l’infirmation d’autres, notamment concernant la faute grave. Mme [X] a également interjeté appel, demandant des dommages et intérêts pour dégradation de ses conditions de travail et licenciement sans cause réelle et sérieuse. Motifs de la décisionLa cour a examiné les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail, notamment la violation de l’obligation de sécurité par l’employeur et les demandes de rappel de primes. Elle a conclu que la violation de l’obligation de sécurité n’était pas établie et a confirmé les montants dus à Mme [X] au titre des primes. Concernant le licenciement, la cour a jugé que les faits reprochés constituaient une faute grave, justifiant ainsi le licenciement de Mme [X]. Conclusion de la courLa cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes sur plusieurs points, a confirmé la faute grave de Mme [X] et a débouté les parties de leurs demandes excédentaires. Elle a également condamné Mme [X] aux dépens de l’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail ?L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, qui est inscrite dans le Code du travail. Selon l’article L. 4121-1, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : – L’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Il est important de noter que cette obligation est une obligation de résultat, ce qui signifie que l’employeur doit prouver qu’il a mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité de ses employés. En l’espèce, Mme [X] a soutenu que son employeur avait manqué à cette obligation, mais la cour a jugé que la violation de cette obligation n’était pas établie, car les éléments présentés ne démontraient pas un manquement de la part de l’employeur. Quelles sont les conditions de la faute grave dans le cadre d’un licenciement ?La faute grave est définie par le Code du travail, notamment dans l’article L. 1234-1, qui stipule que la faute grave est un fait ou un ensemble de faits qui rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Pour qu’un licenciement soit considéré comme fondé sur une faute grave, l’employeur doit prouver : – La matérialité des faits reprochés au salarié. Dans le cas de Mme [X], la cour a conclu que son licenciement était justifié par la faute grave, en raison de l’utilisation de la carte carburant à des fins personnelles pendant son arrêt maladie, ce qui constituait un manquement à ses obligations contractuelles. Quels sont les droits du salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ?En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des indemnités, conformément à l’article L. 1235-3 du Code du travail. Cet article précise que le salarié peut obtenir une indemnité qui varie en fonction de son ancienneté dans l’entreprise. Les droits du salarié incluent : – Le paiement d’une indemnité de licenciement. Dans le cas de Mme [X], le conseil de prud’hommes avait initialement jugé que son licenciement n’était pas fondé sur une faute grave, ce qui aurait pu lui donner droit à ces indemnités. Cependant, la cour d’appel a infirmé cette décision, considérant que le licenciement était justifié. Comment se déroule la procédure disciplinaire avant un licenciement ?La procédure disciplinaire est encadrée par le Code du travail, notamment par l’article L. 1332-2, qui impose à l’employeur de respecter certaines étapes avant de procéder à un licenciement disciplinaire. Les étapes incluent : 1. La convocation du salarié à un entretien préalable, où il peut se faire assister. Dans le cas de Mme [X], la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux a respecté ces étapes en convoquant Mme [X] à un entretien préalable et en lui notifiant les motifs de son licenciement par courrier recommandé. La cour a jugé que la procédure avait été correctement suivie. |
ARRÊT N°2025/11
N° RG 23/00124 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PGDF
NB/CD
Décision déférée du 12 Décembre 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 21/01090)
A. DJEMMAL
Section Encadrement
[H] [X]
S.C.A. SCA VEOLIA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX
C/
[H] [X]
S.C.A. SCA VEOLIA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
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ARRÊT DU DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ
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APPELANTES/INTIM »ES
Madame [H] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Nathalie CLAIR de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE
S.C.A. SCA VEOLIA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean ABBO, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM »ES/APPELANTES
Madame [H] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Nathalie CLAIR de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE
S.C.A. SCA VEOLIA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean ABBO, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonc, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffière, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
Mme [H] [P], devenue épouse [X], a été embauchée à compter du 13 septembre 1993 par la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux en qualité d’agent de bureau suivant contrat de travail à durée déterminée de trois mois régi par la convention collective nationale des entreprises des services d’eau et d’assainissement.
Le 13 décembre 1993, le contrat de Mme [X] a été prolongé pour une période allant du 15 décembre 1993 au 13 mars 1994. Mme [X] a ensuite été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 mars 1994 en qualité d’agent de bureau stagiaire.
Depuis un avenant du 23 janvier 2018 et dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [X] occupait le poste de responsable développement ressources humaines pour la région Sud-Ouest.
Son salaire mensuel s’élevait à la somme de 4 656,65 euros.
Mme [X] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 21 septembre 2020. Cet arrêt a été prolongé à plusieurs reprises jusqu’en mai 2021.
Par courrier recommandé du 12 mai 2021, la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux a convoqué Mme [X] à un entretien préalable au licenciement, envisagé pour un motif disciplinaire, et fixé au 27 mai 2021.
Lors d’une réunion du 8 juin 2021, le Conseil de discipline de la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux a émis son avis sur la sanction de faute grave envisagée :
*représentants de la direction : 4 votes favorables ;
*représentants du personnel : 1 vote défavorable, 3 abstentions.
Son licenciement a été notifié à Mme [X] par courrier recommandé du 14 juin 2021 pour faute grave. La lettre de licenciement est ainsi motivée : ‘Lors de l’entretien préalable du 27 mai 2021 auquel vous êtes venue assistée par Madame [K] [Z], nous sommes revenus sur les raisons de cette procédure et avons souhaité entendre vos explications concernant les faits qui vous sont reprochés et qui sont les suivants :
– Utilisation de la carte carburant / péage TOTAL mise à votre disposition en dehors de l’accomplissement de vos fonctions processionnelles, en violation de vos obligations contractuelles.
Cette carte carburant / péage TOTAL ayant été utilisée par vos soins à de très nombreuses reprises pour assurer le règlement de frais de péages et de carburant à l’occasion de trajets personnels sur [Localité 7], [Localité 8], [Localité 4], [Localité 5], [Localité 6], [Localité 9] et régulièrement sur [Localité 3], notamment lors de vos arrêts maladie.
Durant cet entretien vous avez reconnu ces faits en essayant de les minimiser, tout en proposant le remboursement de ces dépenses, ce qui ne saurait constituer une cause d’exonération de ces fautes réitérées, ne s’agissant pas d’un comportement isolé commis par inadvertance.
C’est pour ces faits qui vous sont imputables que nous avons mis en oeuvre cette procédure.
Conformément a votre demande expresse formulée par courrier en date du 18 mai 2021, et comme le prévoit l’article IV de notre règlement intérieur, ainsi que l’article 2.4 de notre Accord Interentreprises de l’UES Veolia Eau – Générale des Eaux, vous avez été convoquée, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er juin 2021, devant le Conseil de discipline lequel a été invité à rendre un avis sur le projet de licenciement envisagé à votre égard, précision faite que votre entier dossier comportant les griefs reprochés ainsi que la nature de la sanction envisagée à votre encontre a été tenu à disposition des membres de ce Conseil de discipline.
Vous vous êtes présentée à ce Conseil de discipline, qui s’est réuni le 8 juin 2021 a 14h00 en nos bureaux de la Direction Régionale Sud-Ouest de [Localité 3] assistée de Madame [K] [Z].
Durant ce Conseil de discipline, vous avez réitéré les propos tenus lors de l’entretien préalable du 27 mai 2021 en ajoutant que vous n’aviez pas pris la mesure de vos actes.
Aujourd’hui, connaissance prise de l’avis du Conseil de discipline qui a émis 4 votes favorables, 1 vote défavorable et 3 abstentions au projet de sanction envisagée à votre encontre, nous sommes contraints de vous notifier par la présente et, conformément aux dispositions de l’article L. 1232-6 du Code du travail, la rupture de votre contrat de travail en raison des éléments suivants constitutifs d’une faute grave :
– Utilisation frauduleuse de la carte carburant / péage TOTAL, pour des déplacements d’ordre personnel, en totale violation des obligations contractuelles nées de votre contrat de travail.
– Utilisation de cette carte en totale contradiction avec les règles éthiques en vigueur dans notre entreprise, d’autant que votre ancienneté et vos fonctions imposent une exemplarité dans votre comportement personnel et professionnel, dont vous vous êtes affranchie.
Vous ne sauriez méconnaître ces règles du fait d’une part de votre statut de cadre, et d’autre part de votre positionnement au sein de la Direction des Ressources Humaines, notamment du fait de votre participation à l’élaboration et à la relecture des contrats de travail des cadres qui contiennent les règles d’utilisation des cartes carburant.
Il s’agit de manquements renouvelés à votre obligation de loyauté inhérente à l’exécution du contrat de travail, obligation qui persiste durant l’arrêt de travail, et qui sont constitutifs de faute grave notamment au regard du préjudice financier causé a l’entreprise.’
Contestant son licenciement, Mme [X] a saisi le 26 juillet 2021 le conseil de prud’hommes de Toulouse pour entendre juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en paiement de dommages et intérêts, de rappels de salaires et de diverses indemnités de rupture.
Par jugement du 12 décembre 2022, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section encadrement, a :
– fixé le salaire moyen brut à 4 622 euros,
– jugé que le licenciement de Mme [X] repose sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave,
– condamné en conséquence la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux prise en la personne de son représentant légal es-qualités au paiement à Mme [X] des sommes suivantes :
* 51 575,22 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
* 13 866,39 euros brut à titre d’indemnité de préavis, outre la somme de 1 386,63 euros brut correspondant aux congés payés afférents.
– condamné la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux prise en la personne de son représentant légal es-qualités à payer à Mme [X] les sommes suivantes :
* 2 907,50 euros brut à titre de rappel de prime pour 2018 outre 290,75 euros brut pour congés payés afférents,
* 3 407,50 euros brut à titre de rappel de prime pour 2019 outre 340,75 euros brut pour congés payés afférents,
* 2 405 euros brut à titre de rappel de prime pour 2020 outre 240,50 euros brut pour congés payés afférents.
– dit la dégradation des conditions de travail non liée à la violation de l’obligation de sécurité,
– rejeté le surplus des demandes,
– condamné la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux prise en la personne de son représentant légal es-qualités aux entiers dépens,
– condamné la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux prise en la personne de son représentant légal es-qualités à payer à Mme [X] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit.
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Par déclaration du 11 janvier 2023, la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 2 janvier 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées. (n° 23/00124).
Par déclaration du 16 janvier 2023, Mme [H] [X] a également interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 31 décembre 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées. (N°23/00176).
Par ordonnance du 3 février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction des procédures et dit que ces instances seront sont désormais appelées sous le seul numéro 23/00124.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 11 avril 2023, la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux demande à la cour de:
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* débouté Mme [X] de sa demande de 30 000 euros de dommages et intérêts pour prétendue dégradation de ses conditions de travail et violation de l’obligation de sécurité,
* reconnu que le licenciement de Mme [X] repose sur une cause réelle et sérieuse de licenciement et l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts de 87 820,47 euros,
– infirmer le jugement en ce qu’il :
* a jugé que le licenciement ne repose pas sur une faute grave et l’a condamnée à régulariser le préavis de 13 866,39 euros bruts et les congés payés afférents, ainsi que l’indemnité de licenciement pour la valeur de 51 575,22 euros,
* a jugé qu’elle devait régulariser les sommes de 2 907,50 euros bruts, 3 407,50 euros bruts, 2 405 euros bruts, et leurs congés payés afférents,
* l’a condamnée à la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– en conséquence, ordonner à Mme [X] de restituer le montant de 41 598 euros versé dans le cadre de l’exécution provisoire,
– débouter Mme [X] de sa demande de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– la condamner aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste le fait, allégué par Mme [X], que celle-ci ait été dépouillée d’une partie de ses fonctions en février 2019, lors de la nomination de Mme [N] au poste de directrice des ressources humaines ; elle indique en effet que si Mme [X] a été affectée au suivi du plan de départ volontaire qu’a connu l’UES VEOLIA-Eau, c’est avec son accord, cette mission relevant des attributions d’un responsable du développement RH ; que son poste ne s’est pas cantonné à des tâches administratives classiques ou de reporting ; que sa fonction était stratégique dès lors qu’il lui incombait de participer à la construction du plan de développement des compétences en fonction des orientations nationales et régionales, de participer à la détermination des budgets, de suivre leur déploiement et de présenter tout cela lors des commissions formations dédiées ; que durant la période de confinement liée au COVID 19, des points ont été régulièrement organisés par Mme [N] à destination de l’ensemble des salariés de la DRH afin de garder le contact et préserver le lien d’équipe.
Elle ajoute qu’au cours de l’année 2021, une proposition de poste de DRH dans le groupe a été adressée à Mme [X], qui l’a refusée ; que contrairement à ce que soutient Mme [X], la salariée n’a pas été victime d’une agression verbale en mars 2019, le mail qu’elle dénonce étant destiné à un homonyme ; que si l’entretien annuel d’évaluation de Mme [X] ne s’est pas tenu en juillet 2020, c’est en raison de l’hospitalisation de Mme [N] à cette date ; que Mme [X] a connu une progression de sa rémunération en tenant compte de l’incidence des versements annuels de primes variables ; qu’elle a toujours bénéficié d’un véhicule de fonction, et dans le dernier état de la relation contractuelle, d’un véhicule C3 Air Cross Citroën, d’une gamme supérieure au véhicule Renault Clio dont elle disposait jusqu’à présent, sa fonction étant éligible à un véhicule de type A, et non B ;
Sur le licenciement, la SCA Veolia Eau- Compagnie Générale des eaux, fait valoir qu’il est justifié par les manquements graves commis par la salariée, dont elle rapporte la preuve par les pièces qu’elle verse aux débats.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 13 juin 2023, Mme [H] [X] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité.
Statuant à nouveau,
– condamner la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux à la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail et violation de l’obligation de sécurité,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau,
– condamner la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux à la somme de 87 820,47 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application du barème de l’article L 1235-3 du code du travail,
– le confirmer pour le surplus.
Y ajoutant,
– condamner la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris le remboursement d’émoluments et recouvrement résultant des dispositions de l’article A444-32 du code du commerce que la requérante serait amenée à régler dans l’hypothèse d’un recours à l’exécution forcée de la décision à intervenir.
Mme [X] soutient que la société employeur a gravement manqué à son obligation de sécurité, en ce qu’elle a réduit, à partir du mois de février 2019, le champ de responsabilité et les missions du responsable RH, toutes les missions en lien avec les opérationnels lui ayant été enlevées ; qu’en septembre 2019, souffrant d’un manque d’échange, elle a demandé à Mme [N] d’avoir un point bimensuel avec elle pour avoir accès à l’information nécessaire afin de lui permettre d’exercer ses missions ; que sa proposition a été acceptée mais honorée de manière très aléatoire ; que le contenu de son poste accepté en 2018 a été vidé de toute sa substance ; qu’elle n’a pas été remplie de l’intégralité de ses droits en matière de primes.
Elle dénonce une agression de la part de M. [S] [D], directeur de l’établissement, et indique que lors du renouvellement de la voiture de fonction, il devait être attribué un véhicule Peugeot 308 de catégorie B ; qu’il lui a finalement été attribué un véhicule de catégorie A commandé pour un autre salarié, alors qu’elle disposait auparavant d’un véhicule de même catégorie ; que les agissements de l’employeur l’ont conduite à une situation d’épuisement professionnel, n’ayant jamais repris son travail depuis le 21 septembre 2020.
Sur le licenciement, elle admet avoir utilisé la carte carburant de la société pendant sa période d’arrêt maladie, et indique avoir proposé le remboursement de ces sommes ; elle rappelle avoir 27 ans d’ancienneté au sein de la société Veolia sans passif disciplinaire. En tout état de cause, elle indique que la société Veolia ne démontre pas à quelle date les faits qui lui sont reprochés auraient été découverts, de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer si la procédure disciplinaire a bien été respectée ; que lors de la commission des faits qui lui sont reprochés, elle était sous traitement antidépresseur et anxiolytique, de sorte qu’elle ne se trouvait pas en pleine conscience de ses actes ; qu’eu égard à son ancienneté et à son état de santé, le licenciement apparaît comme une sanction totalement disproportionnée et doit être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.
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La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 11 octobre 2024.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
– Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail :
Mme [X] dénonce une violation par l’employeur de son obligation de sécurité, et une absence de règlement de l’intégralité des primes auxquelles elle ouvrait droit.
* la violation par l’employeur de son obligation de sécurité :
Mme [H] [X], responsable des ressources humaines de la direction Régionale depuis le 1er juin 2014, a été nommée, à compter du 22 janvier 2018, responsable du développement RH au sein de l’établissement de [Localité 3] de la société Veolia (pièce n° 14 de l’appelante). Cette nomination est intervenue dans le cadre du plan de réorganisation de l’Eau France au sein de l’UES Veolia Eau-Générale des eaux et du plan de sauvegarde de l’emploi homologué par la DIRECCTE d’Ile de France, unité territoriale de Seine Saint Denis le 21 décembre 2017, étant précisé que Mme [X] a présenté le 10 janvier 2018 sa candidature à une mobilité volontaire au poste de responsable du développement RH au sein de l’établissement de [Localité 3]. Son entretien d’évaluation pour l’année 2018 fait état du plaisir pris par la salariée à travailler avec toute l’équipe qui a été soudée face aux difficultés (pièce n° 16).
Son entretien d’évaluation de l’année 2020, programmé en juillet 2020, n’a pu se tenir en raison de la crise sanitaire et de l’hospitalisation de Mme [N] à cette période.
Le ton des échanges entre Mme [X] et Mme [N] apparaît, au vu des échanges de mails versés aux débats, tout à fait courtois et professionnel (pièces n° 19 et 21de la salariée).
Mme [X] invoque une agression verbale de M. [S] [D] sans apporter aucun élément à l’appui de sa demande. Elle verse aux débats un mail de Mme [N] du 22 mars 2019 qui lui indique : ‘ je viens de trouver le problème. Ce n’est pas la bonne [X] dans le mail!’, sans que soit portée à la connaissance de la cour la teneur de ce mail ni l’identité de l’expéditeur.
Force est en outre de constater que ses arrêts de travail, à compter du 20 septembre 2020 sont intervenus pour maladie simple, sans rapport avec l’activité professionnelle, et que le certificat médical du docteur [B] [V], psychiatre, qu’elle produit, qui fait état d’un syndrome anxio-dépressif important dans un contexte de difficultés au travail, ne fait que relater les propres dires de la patiente sur l’origine de son état (pièce n° 22). Ce faisant, la violation par l’employeur de son obligation de sécurité n’est pas établie en l’espèce.
* la demande de rappel de primes :
Le conseil de prud’hommes de Toulouse a alloué à Mme [X] un rappel de primes pour les années 2018, 2019 et 2020.
Aux termes du courrier de l’employeur du 1er juin 2014, Mme [X] devait percevoir, outre son salaire de base annuel fixé à 48 000 euros bruts, une prime variable dont le montant sera déterminé chaque année sur appréciation de sa performance dans le contexte de celle réalisée par la région où elle est affectée et de celle plus globale de l’entreprise et du groupe. Elle pourra varier entre 0 et 15% de son salaire annuel.
L’avenant à son contrat de travail du 23 janvier 2018 précise que sa rémunération sera maintenue selon les mêmes modalités qu’actuellement.
Mme [X] verse aux débats ses bulletins de salaire des années 2019, 2020 et 2021, qui révèlent qu’elle a perçu :
– au titre de la prime variable de l’année 2018, la somme brute de 4 600 euros en mars 2019,
– au titre de la prime variable de l’année 2019 la somme brute de 4 100 euros en mars 2020,
— au titre de la prime variable de l’année 2020, la somme brute de 2 600 euros en mars 2021.
L’entretien individuel d’évaluation pour l’année 2018 prévoit l’attribution à la salariée d’une prime de 7 507,50 euros en cas d’atteinte de 100% des objectifs qui lui étaient fixés. Or, si le pourcentage d’atteinte des objectifs est de 100% pour la prise de poste et le déploiement de la politique Dev RH sur la région, ainsi que pour la réalisation + consolidation du plan de formation, elle est de 90% pour le recrutement et la relance de l’accueil des nouveaux embauchés, et de 75% pour la revue des effectifs sur les territoires + région. Il s’ensuit que le montant de la prime variable aurait du s’élever à la somme de 6 901,12 euros et non 4 600 euros, soit un restant du à la salariée de 2 301,12 euros, outre 230,11 euros au titre des congés payés y afférents.
Pour l’année 2019, le taux d’atteinte des objectifs n’est pas mentionné dans l’entretien individuel qui s’est déroulé le 3 juin 2019. En tenant compte du montant de la prime pour l’année 2018 et de la somme de 4100 euros par elle perçue, il lui reste du une somme de 2 801, 12 euros, outre 280,11 euros au titre des congés payés y afférents.
Pour l’année 2020, la salariée s’est trouvée en arrêt de travail les 5 et 6 janvier,
du 10 au 14 février, du 18 au 28 août, puis à compter du 21 septembre 2020, soit prés de 4 mois. La cour estime en conséquence que le montant de sa rémunération variable pour l’année 2020 doit s’entendre de 8/12èmes de sa prime de référence pour l’année 2018, soit 4600,75 euros et non 2 600 euros, soit un solde restant du à la salariée de 2 000,75 euros, outre 200 euros au titre des congés payés y afférents.
– Sur le licenciement :
Mme [H] [X] a été licenciée pour faute grave.
La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.
Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié. Le contrôle de la matérialité des faits reprochés auquel le juge doit procéder implique une appréciation de leur imputabilité au salarié, de leur caractère objectivement fautif et sérieux justifiant la rupture du contrat de travail, ainsi que de leur gravité rendant impossible le maintien dans l’entreprise.
La lettre de licenciement du 14 juin 2021 qui fixe les limites du litige fait état de l’utilisation par la salariée de la carte de carburant /péage Total mise à sa disposition pour assurer le règlement de frais de péage et de carburant à l’occasion de trajets personnels, alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie.
Ces faits ont, selon la société Veolia, ont été découverts lors d’un contrôle de gestion interne effectué début mai 2021.
Par courrier du 4 juin 2014, la société Veolia a confirmé à Mme [X] sa nomination, à compter du 1er juin 2014, en tant que responsable ressources humaines de la Direction Régionale (cadre autonome, emploi repère : Responsable Domaine RH, classification 7.1) au sein de l’établissement sud ouest de l’UES de Veolia Eau. Il est expressément précisé que : ‘Pour les besoins de votre activité professionnelle liée à votre affectation, vous continuerez à disposer d’un véhicule de fonction de catégorie A selon la grille en vigueur dans l’entreprise.
Vous serez autorisée à utiliser ce véhicule à des fins personnelles mais il vous incombera de prendre directement à votre charge les frais liés à une telle utilisation privative (carburant, parking, péage…). Un avantage en nature lié à l’utilisation privée du véhicule sera réintégré dans l’assiette des cotisations de Sécurité Sociale’ (pièce n° 12 de l’appelante).
Il est en outre précisé, dans le courrier du 20 janvier 2015 de mise à disposition de la salariée d’un véhicule de fonction, qu’une carte nominative de carburant lui est fournie avec le véhicule pour l’usage professionnel (pièce n° 13).
Il est constant que Mme [X], en conflit avec Mme [N], directrice des ressources humaines depuis le mois de janvier 2019, a été en arrêt de travail du 18 août 2020 au 28 août 2020, puis à compter du 21 septembre 2020. Elle n’a jamais repris son travail depuis cette date.
Le contrôle de gestion effectué par la société Veolia met en évidence une utilisation par Mme [X] de sa carte nominative de carburant /péage à des fins personnelles et pendant son arrêt maladie : le 20 août 2020, puis de manière habituelle, du 21 septembre 2020 au 11 mai 2021 (pièces n° 64 et 69). En tout état de cause, l’utilisation par Mme [X] de sa carte de carburant/péages Total à des fins personnelles pendant son arrêt maladie, si elle a débuté plusieurs mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, a perduré jusqu’au 11 mai 2021, veille de l’engagement de cette procédure. Il en résulte que les faits reprochés à la salariée ne sont pas prescrits.
Au cours de cette période, elle a parcouru 11 502 km et s’est rendue à plusieurs reprises à [Localité 7], [Localité 8], [Localité 4], [Localité 5], [Localité 6] et [Localité 9] en utilisant la carte professionnelle pour régler ses frais de péage. Ses frais personnels de carburant et de péage, réglés avec sa carte professionnelle, se sont élevés à la somme de 912,92 euros.
Mme [X] ne conteste pas cette utilisation, mais invoque une erreur, liée à son état de santé dégradé.
Au cours de la période comprise entre le 21 septembre 2020 et le 11 mai 2021, Mme [X] a fait usage à 34 reprises de sa carte de carburant/péages Total et ne peut sérieusement invoquer une erreur. Son comportement caractérise un détournement au préjudice de la société Veolia qui est constitutif d’une faute grave, contrairement à l’appréciation portée sur ce point par le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse.
– Sur la demande de remboursement par la salariée des sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement :
Le présent arrêt constitue un titre exécutoire qui ouvre droit à restitution de la somme versée au titre de l’exécution provisoire de droit du jugement du conseil de prud’hommes, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le remboursement des sommes versées à ce titre.
– Sur les autres demandes :
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [H] [X], qui succombe pour l’essentiel de ses prétentions, sera condamnée aux dépens de l’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Eu égard à la disparité existant entre les situations économiques respectives des parties, aucune considération particulière d’équité ne commande en l’espèce qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Veolia Compagnie Générale des Eaux.
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 12 décembre 2022, sauf en ce qu’il a dit la dégradation des conditions de travail de la salariée non liée à la violation par l’employeur de son obligation de sécurité et a laissé les dépens de première instance à la charge de la SCA Veolia Compagnie Générale des Eaux.
Et, statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Dit que le licenciement de Mme [H] [X] est justifié par la faute grave commise par la salariée.
Déboute Mme [H] [X] de ses demandes formées au titre des indemnités de préavis et de licenciement, ainsi que de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail.
Condamne la société Veolia Compagnie Générale des Eaux à payer à Mme [H] [P], épouse [X], les sommes suivantes :
– 2 301,12 euros bruts à titre de rappel de la prime variable pour l’année 2018, outre 230,11 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– 2 801, 12 euros bruts à titre de rappel de la prime variable pour l’année 2019, outre 280,11 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– 2 000,75 euros bruts à titre de rappel de la prime variable pour l’année 2020. outre 200 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
Condamne Mme [H] [X] aux dépens de l’appel.
Le présent arrêt a été signé par C.BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C. DELVER C.BRISSET
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