L’Essentiel : M. [I] a été engagé par NortonLifeLock France en mars 2007 et licencié en juillet 2015 pour avoir refusé un poste d’ingénieur avant ventes. Contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale. La cour d’appel a initialement jugé le licenciement fondé sur des motifs économiques, mais la Cour de cassation a annulé cette décision, soulignant que le refus de M. [I] de modifier son contrat ne constituait pas une cause réelle et sérieuse. L’affaire a été renvoyée devant une autre composition de la cour d’appel, et l’employeur a été condamné aux dépens.
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Engagement et licenciement de M. [I]M. [I] a été engagé en tant qu’ingénieur support technique par la société NortonLifeLock France, anciennement Symantec France, à partir du 5 mars 2007. Il a été licencié le 31 juillet 2015 pour cause réelle et sérieuse, l’employeur lui reprochant d’avoir refusé une proposition de poste d’ingénieur avant ventes dans le cadre d’un projet d’externalisation. Contestation du licenciementContestant la légitimité de son licenciement, M. [I] a saisi la juridiction prud’homale pour réclamer le paiement de diverses sommes. La cour d’appel de Versailles a examiné les moyens de contestation, notamment en ce qui concerne la nature du licenciement. Analyse des motifs de licenciementLa cour a rappelé que, selon le code du travail, un licenciement pour motif économique doit être justifié par des raisons non inhérentes à la personne du salarié, telles que des difficultés économiques ou des mutations technologiques. La lettre de licenciement doit également énoncer clairement les motifs économiques invoqués par l’employeur. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a conclu que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, en se basant sur des difficultés économiques et financières justifiant l’externalisation de certaines fonctions. Cependant, cette décision a été contestée en raison de l’absence de preuves tangibles concernant les difficultés économiques. Violation des textes légauxLa Cour de cassation a constaté que la cour d’appel avait violé les textes en ne tenant pas compte du fait que le refus de M. [I] de modifier son contrat de travail ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. La réorganisation proposée par l’employeur n’était pas justifiée par des difficultés économiques ou des mutations technologiques. Conclusion de la Cour de cassationEn conséquence, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel, sauf en ce qui concerne le débouté de la demande de rappel de salaires et congés payés. L’affaire a été renvoyée devant une autre composition de la cour d’appel de Versailles, et la société NortonLifeLock France a été condamnée aux dépens ainsi qu’à verser une somme à M. [I]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique du licenciement pour motif économique ?Le licenciement pour motif économique est encadré par l’article L. 1233-3 du Code du travail, qui stipule que : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. » Cet article précise que le licenciement doit être justifié par des raisons qui ne sont pas liées à la personne du salarié, mais plutôt à des circonstances économiques ou organisationnelles. Il est également important de noter que l’article L. 1233-16 impose à l’employeur de mentionner dans la lettre de licenciement les motifs économiques invoqués. Cela permet au salarié de comprendre les raisons de son licenciement et de préparer sa défense. Ainsi, un licenciement ne peut être considéré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse que si l’employeur démontre que la modification du contrat de travail proposée est liée à des motifs économiques avérés. Quelles sont les conséquences d’un refus de modification du contrat de travail par le salarié ?Selon la jurisprudence, le refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement. Cela est précisé dans l’arrêt commenté, qui se réfère à l’article 1134 du Code civil, qui dispose que : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » Cela signifie que les parties à un contrat de travail sont tenues de respecter les termes de celui-ci, sauf si une modification est acceptée par le salarié. En conséquence, si un salarié refuse une modification de son contrat de travail proposée par l’employeur pour des motifs non inhérents à sa personne, ce refus peut être considéré comme un licenciement pour motif économique. L’article L. 1233-3, déjà cité, renforce cette idée en stipulant que la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique. Comment la cour d’appel a-t-elle justifié le licenciement dans cette affaire ?La cour d’appel a justifié le licenciement en affirmant que la société avait démontré des difficultés économiques et financières, rendant nécessaire l’externalisation de certaines fonctions, y compris celle occupée par le salarié. Cependant, la Cour de cassation a annulé cette décision, soulignant que la cour d’appel n’avait pas établi que la réorganisation de l’entreprise était effectivement liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. En effet, l’arrêt indique que : « Il n’était allégué, ni dans la lettre de licenciement, ni dans les conclusions de l’employeur, que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques. » Cela signifie que la cour d’appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du Code du travail en ne prouvant pas que le licenciement était justifié par des motifs économiques valables. Quelles sont les implications de la décision de la Cour de cassation ?La décision de la Cour de cassation a des implications significatives pour le salarié et l’employeur. En cassant l’arrêt de la cour d’appel, la Cour de cassation a réaffirmé que le licenciement doit être fondé sur des motifs économiques clairement établis. Elle a également ordonné le renvoi de l’affaire devant une autre formation de la cour d’appel, ce qui signifie que le salarié a la possibilité de contester à nouveau son licenciement. De plus, la Cour a condamné la société NortonLifeLock France à payer des dépens et a rejeté sa demande d’indemnisation, ce qui souligne la responsabilité de l’employeur dans cette affaire. Enfin, la décision rappelle l’importance pour les employeurs de respecter les procédures légales lors de la notification d’un licenciement, notamment en fournissant des motifs clairs et justifiés, conformément aux articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du Code du travail. |
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 8 F-B
Pourvoi n° P 22-23.468
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025
M. [J] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-23.468 contre l’arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d’appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l’opposant à la société NortonLifeLock France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2] anciennement dénommée société Symantec France, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société NortonLifeLock France, après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 29 septembre 2022), M. [I] a été engagé en qualité d’ingénieur support technique à compter du 5 mars 2007 par la société NortonLifeLock France, anciennement Symantec France (la société).
2. Il a été licencié le 31 juillet 2015, pour cause réelle et sérieuse, son employeur lui reprochant d’avoir refusé la proposition qui lui avait été faite d’occuper le poste d’ingénieur avant ventes spécialiste France, basé à [Localité 3], dans le cadre d’un projet d’externalisation des activités de l’entreprise et de suppression du poste qu’il occupait.
3. Contestant le bien-fondé de cette rupture, il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir paiement de diverses sommes.
Sur le second moyen
4. En application de l’article 1014, alinéa 2 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen relevé d’office
5. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 1134 du code civil, L. 1233-3 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l’article L. 1233-16 du même code :
6. Aux termes du deuxième de ces textes, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
7. Selon le troisième, la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur. Cette obligation légale a pour objet de permettre au salarié de connaître les motifs de son licenciement pour pouvoir éventuellement les discuter et de fixer les limites du litige quant aux motifs énoncés.
8. Il en résulte, d’une part, que le seul refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement et, d’autre part, que la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.
9. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que la société justifie de difficultés économiques et financières dont il résulte que la viabilité de l’entreprise nécessitait une externalisation de certaines fonctions, notamment celle occupée par le salarié.
10. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l’employeur d’externaliser ses activités commerciales dans un certain nombre de pays d’Afrique dont le salarié avait la charge depuis 2012 et qu’il n’était allégué, ni dans la lettre de licenciement, ni dans les conclusions de l’employeur qui se bornait à soutenir que le refus par le salarié des postes qui lui avaient été proposés caractérisait une situation intolérable et inacceptable, que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents, l’arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société NortonLifeLock France aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société NortonLifeLock France et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt-cinq.
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