L’Essentiel : M. [Y] a été embauché par Easy Jet en avril 2010 en tant que personnel navigant commercial. Licencié pour faute simple en avril 2019 après un entretien préalable, il a contesté la légitimité de son licenciement devant le conseil de prud’hommes. Ce dernier a rejeté ses demandes, conduisant M. [Y] à interjeter appel. En appel, il a soutenu que les faits reprochés étaient prescrits et sans preuve suffisante. Cependant, la cour a confirmé le jugement initial, rejetant la demande de requalification du licenciement et condamnant M. [Y] à rembourser les frais irrépétibles de l’employeur.
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Engagement et licenciement de M. [Y]La société Easy Jet a embauché M. [Y] en avril 2010 en tant que personnel navigant commercial, sous un contrat à durée indéterminée. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale du personnel navigant commercial. Au moment de son licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 9 ans et percevait une rémunération mensuelle brute de 2 800 euros. Après un entretien préalable le 28 mars 2019, il a été licencié pour faute simple le 17 avril 2019. Actions en justice de M. [Y]Le 8 juillet 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny, contestant la légitimité de son licenciement. Il a demandé la requalification de son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que le versement de diverses indemnités, y compris des dommages et intérêts pour licenciement abusif. En réponse, l’employeur a demandé le remboursement de ses frais irrépétibles. Jugement du conseil de prud’hommesLe 21 juin 2021, le conseil de prud’hommes a rejeté toutes les demandes de M. [Y]. Ce dernier a alors interjeté appel de ce jugement le 21 octobre 2021, contestant le rejet de ses demandes. Prétentions et moyens des parties en appelDans ses conclusions du 26 avril 2022, M. [Y] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a également demandé sa réintégration ou, à défaut, le versement de dommages et intérêts. De son côté, Easy Jet a demandé la confirmation du jugement initial et a soulevé l’irrecevabilité de certaines demandes de M. [Y]. Arguments des partiesM. [Y] a soutenu que les faits reprochés étaient prescrits et ne constituaient pas une faute. Il a contesté les griefs en affirmant qu’il n’y avait pas de preuve suffisante. Easy Jet a, quant à elle, affirmé que le comportement de M. [Y] justifiait le licenciement, en soulignant que l’usage de son téléphone pendant une réunion était inapproprié et que ses comportements avaient été signalés à plusieurs reprises. Décision de la courLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant la demande de M. [Y] de faire déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également écarté la demande de nullité du licenciement pour disproportion de la sanction. En conséquence, M. [Y] a été condamné à rembourser les frais irrépétibles de l’employeur, tant en première instance qu’en appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour faute simple selon le Code du travail ?Le licenciement pour faute simple doit respecter certaines conditions de validité, notamment la nécessité d’une cause réelle et sérieuse. Selon l’article L1232-1 du Code du travail : « Tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. » Cela signifie que l’employeur doit prouver que le salarié a commis une faute, et que cette faute est suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail. En l’espèce, la société Easy Jet a invoqué plusieurs comportements inappropriés de M. [Y], notamment l’utilisation de son téléphone portable durant un briefing de sécurité, ce qui a été considéré comme un manquement à ses obligations contractuelles. Il est également important de noter que l’article L1232-2 précise que : « L’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable, et lui notifier par écrit les motifs de son licenciement. » Dans le cas présent, un entretien préalable a bien eu lieu, et la lettre de licenciement a été notifiée, respectant ainsi la procédure légale. Comment se détermine la charge de la preuve dans le cadre d’un licenciement contesté ?La charge de la preuve dans le cadre d’un licenciement contesté est régie par l’article L1235-1 du Code du travail, qui stipule : « Il appartient à l’employeur de prouver la cause réelle et sérieuse du licenciement. » Cela signifie que c’est à l’employeur de démontrer que les faits reprochés au salarié justifient le licenciement. Dans le cas de M. [Y], la société Easy Jet a produit des témoignages et des rapports d’incidents pour étayer ses accusations. De plus, le juge doit apprécier les éléments de preuve fournis par les deux parties. Dans cette affaire, la cour a constaté que M. [Y] n’avait pas contesté les faits rapportés par l’employeur, mais avait simplement donné une interprétation différente des événements. Ainsi, la cour a conclu que les preuves fournies par l’employeur étaient suffisantes pour justifier le licenciement. Quelles sont les conséquences d’un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse ?Lorsqu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, l’article L1235-2 du Code du travail prévoit que : « Le salarié a droit à une indemnité dont le montant est fixé par le juge, dans la limite d’un plafond. » Cette indemnité est destinée à compenser le préjudice subi par le salarié en raison de la perte de son emploi. Dans le cas de M. [Y], il a demandé des dommages et intérêts pour licenciement abusif, mais la cour a confirmé que le licenciement était justifié. Il est également important de noter que l’article L1235-3 précise que : « Le montant de l’indemnité ne peut excéder un certain plafond, qui est déterminé en fonction de l’ancienneté du salarié. » Dans cette affaire, la cour a également rappelé que le barème légal d’indemnisation avait été validé par les juridictions supérieures, ce qui a conduit à l’écartement de la demande de M. [Y] concernant le montant des dommages et intérêts. Quelles sont les implications de la disproportion de la sanction dans le cadre d’un licenciement ?La disproportion de la sanction est un argument souvent avancé pour contester un licenciement. Selon l’article L1235-1 du Code du travail, la nullité du licenciement peut être prononcée si la sanction est manifestement disproportionnée par rapport aux faits reprochés. Cependant, la cour a précisé que la disproportion de la sanction ne peut pas entraîner la nullité du licenciement si les faits justifient la mesure. Dans le cas de M. [Y], bien que les comportements reprochés aient pu sembler moins graves, la cour a estimé que la répétition des manquements et leur impact sur la sécurité et l’image de la compagnie justifiaient le licenciement. Ainsi, la cour a rejeté la demande subsidiaire de M. [Y] tendant à prononcer la nullité du licenciement pour disproportion de la sanction, confirmant ainsi le jugement de première instance. Quelles sont les conséquences des frais irrépétibles dans le cadre d’une procédure judiciaire ?Les frais irrépétibles, régis par l’article 700 du Code de procédure civile, permettent à une partie de demander le remboursement de ses frais d’avocat et autres frais liés à la procédure. Cet article stipule : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans cette affaire, la société Easy Jet a demandé le remboursement de ses frais irrépétibles, et la cour a décidé de condamner M. [Y] à payer une somme pour couvrir ces frais, en raison de sa défaite dans la procédure. Cela souligne l’importance de la stratégie juridique dans les litiges, car la partie qui succombe peut être tenue de rembourser les frais engagés par l’autre partie, ce qui peut représenter un coût significatif. |
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08823 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERPT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 19/01990
APPELANT
Monsieur [T] [Y]
Né le 18 mai 1976 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Elodie CHEVREUX HANAFI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Société EASYJET AIRLINE COMPAGNY LIMITED , prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
LU 2 9PF ROYAUME-UNI
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant et par Me Olivier HAINAUT, avocat au barreau du MANS, toque : 1
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Marie-Lisette SAUTRON, présidente
Véronique MARMORAT, présidente
Christophe BACONNIER, président
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Lisette SAUTRON, Présidente et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société Easy Jet airline company limited (la société Easy jet) a engagé M. [Y] par contrat de travail à durée indéterminée à compter d’avril 2010 en qualité de personnel navigant commercial.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel navigant commercial.
La société Easy Jet occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
La rémunération mensuelle brute moyenne s’élevait en dernier lieu à la somme de 2 800 euros.
Après entretien préalable fixé au 28 mars 2019, M. [Y] a été licencié pour faute simple le 17 avril 2019.
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 9 ans.
Le 8 juillet 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny de demande tendant à :
– faire dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– faire condamner principalement l’employeur à lui payer les sommes suivantes :
. 31 635 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement abusif,
. 5 516,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 551,67 euros à titre de congés payés afférents,
. 7031,28 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– faire prononcer subsidiairement la nullité du licenciement,
– faire condamner l’employeur à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices moral et financier,
– faire condamner l’employeur à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code
À titre reconventionnel, l’employeur a sollicité 2 500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire rendu le 21 juin 2021 et notifié le 23 juin 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Bobigny a rejeté toutes les demandes.
M. [Y] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 21 octobre 2021, en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes.
L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 10 septembre 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience du 15 octobre 2024.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 26 avril 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, M. [Y] demande à la cour, par infirmation totale du jugement :
– de dire que le licenciement pour faute est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
A titre principal,
– de le réintégrer à son poste de personnel navigant commercial ;
A titre subsidiaire, en cas de refus de réintégration,
– de condamner la société Easy Jet au paiement de la somme de 50 400 euros de dommages et
intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre infiniment subsidiaire,
– de prononcer la nullité du licenciement pour disproportion de la sanction ;
En tout état de cause,
– de condamner la société Easy Jet au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de préjudices moral et financier ;
– de condamner la société Easy Jet à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner la société intimée aux dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 septembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, la société Easy Jet demande à la cour :
A titre liminaire,
– de déclarer irrecevables les prétentions tendant à la réintégration du salarié à son poste de personnel navigant, à la nullité du licenciement et au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier ;
A titre principal,
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– de condamner le salarié à lui payer la somme de 2 500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles exposés en première instance ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour entrait en voie de condamnation à son encontre,
– de juger que le montant de l’indemnité prévue à l’article L.1235-3 du code du travail ne pourra excéder 8 400 euros bruts et débouter le salarié du surplus de ses demandes indemnitaires ;
En tout état de cause,
– de débouter le salarié l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
– de condamner le salarié à lui payer la somme de 4 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
– de condamner le salarié aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés par Me Audrey Hinoux, SELARL Lexavoue Paris-Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
1- la recevabilité
L’intimée soutient que l’appelant n’a pas respecté le principe de concentration des prétentions édictées par l’article 910-4 du code de procédure civile en faisant figurer dans ses conclusions n°2 une demande de réintégration avec condamnation en réparation d’un préjudice moral et financier distinct de la perte d’emploi, une demande de nullité du licenciement pour disproportion de la sanction, de sorte que ces nouvelles prétentions figurant dans le deuxième jeu de conclusions à hauteur d’appel doivent être déclarées irrecevables.
L’appelant ne conclut pas sur ce point.
Selon les dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile en vigueur à la date de la déclaration d’appel, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Dans ses premières écritures du 3 janvier 2022 le salarié a demandé par infirmation du jugement, de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse de lui allouer des sommes à titre d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement abusif ainsi qu’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans son deuxième jeu d’écriture datée du 26 avril 2022 il y ajoute une demande subsidiaire tenant à la nullité du licenciement pour disproportion de la sanction, outre des dommages-intérêts en réparation de préjudices moral et financier distincts de la perte d’emploi, qu’il avait formulé en première instance, outre une demande de réintégration.
Or, dans ses écritures du 30 mars 2022 la partie intimée avait fait observer que l’appelant avait abandonné sa demande en nullité du licenciement de sorte que le 2ème jeu d’écritures de l’appelant vise à répliquer aux conclusions de la partie intimée sur ce point et est donc recevable.
Les autres demandes, qui ne sont pas destinées à répliquer aux premières écritures ou aux pièces déposées par l’intimée, laquelle n’a fait que motiver sa décision de licencier et contester l’inconventionnalité du barème légal d’indemnisation, qui ne sont pas nées postérieurement aux premières écritures de l’appelant, contreviennent aux principes de concentration des prétentions, et doivent être déclarées irrecevables.
2- le fond
L’appelant soutient que les faits du 8 janvier 2019 sont prescrits et qu’en tout état de cause ils ne peuvent caractériser une faute, s’agissant d’un usage de son téléphone pour envoyer, en l’absence d’interdiction, un SMS. Il conteste les autres griefs qui lui sont faits en soulignant l’absence de preuve, en rappelant que le doute profite au salarié tout en donnant sa version des événements à l’origine des griefs qui lui sont faits. Il soutient que le licenciement est nul en raison de la disproportion de la sanction.
Il demande à la cour de ne pas faire application du barème légal d’indemnisation, contraires selon lui aux dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, de l’article 10 de la convention numéro 158 de l’organisation internationale du travail. Il prétend que la perte de son emploi l’a injustement privé de nombreux avantages tels la réduction des prix des billets d’avion, une absence de cotisation à la caisse de retraite du personnel navigant commercial, et une perte de revenus pendant une période de chômage de 14 mois avant de retrouver un contrat précaire.
L’intimée soutient que la prescription des faits les plus anciens ne saurait lui être opposée en présence d’un comportement qui s’est poursuivi dans le temps. Sur le fond, elle rappelle que l’usage du téléphone portable en cours de service est autorisé sous réserve de respecter certaines conditions liées à la sécurité, et qu’en l’occurrence le salarié a fait usage de son téléphone portable pendant une réunion sur la sécurité marquant ainsi son manque d’intérêt sur un sujet qui requérait toute son attention. Elle prétend apporter la preuve des griefs qui, par leur répétition, justifierait selon elle la mesure de licenciement, sans qu’il ne soit obligatoire pour elle de procéder à des sanctions graduées préalables. Elle souligne le caractère exorbitant des dommages-intérêts sollicités et rappelle que la contestation du barème légal selon une argumentation basée sur l’article 24 de la Charte sociale européenne et de l’article 10 de la convention numéro 158 de l’organisation international du travail a déjà été écartée à trois reprises par les plus hautes juridictions françaises.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
» Le 8 janvier 2019 vous avait eu une attitude inappropriée vis-à-vis de votre chef de cabine et avez démontré un manque d’intérêt pour certains sujets abordés lors du briefing pré-vol (notamment my journey et our plan). Vous vous êtes également permis d’utiliser votre téléphone portable durant le briefing, ce qui est contraire à notre procédure.
Le 30 janvier 2019, l’un de vos collègues a également fait part de son malaise quant à votre attitude autoritaire et irrespectueuse lors de cette journée, notamment lorsque vous avez pris son menton entre vos mains pour diriger sa tête vers la cabine et l’obliger à regarder devant elle. Cette attitude portant atteinte à son intégrité physique n’est pas tolérée par la compagnie. Nous évoluons dans un cadre de respect.
Le 3 février 2019, vous avez eu de nouveau une attitude inappropriée vis-à-vis de vos collègues. L’une de vos collègues nous a fait part de son découragement et du sentiment d’humiliation qui a pesé sur elle à cause de vos remarques désobligeantes et négatives sur son travail. En effet, alors que vous lui aviez recommandé de se mettre avec vous à l’avant pour qu’elle suive » votre exemple » en vue de futures sélections chef de cabine, vous lui aurez dit devant les passagers de la rangée 1 : » arrête de montrer tes fesses à tout le monde « , alors qu’elle se penchait pour préparer la boutique. Nous vous confirmons que ce n’est absolument pas l’exemple que nous souhaitons voir promouvoir par nos chefs de cabine !
Le 28 février 2019, vous avez été débarqué d’un vol sur décision conjointe du commandant de bord et de votre chef de cabine ! Cette décision a fait suite à des attitudes et comportements à nouveau inappropriés. Trois rapports de l’équipage à votre encontre nous ont été adressés pour cette journée (deux CSRS et un ASR). Lors de l’escale à [Localité 4], votre chef de cabine vous a refusé l’autorisation de sortir de l’avion pour aller fumer. Alors que l’embarquement débutait et que vous n’êtes pas sans savoir l’importance de l’accueil de nos clients à bord, vous vous êtes précipité aux toilettes, en prenant soin de récupérer votre trousse de toilette au passage. Votre chef de cabine, inquiet, s’est fait remplacer par un CM up-ranker à la porte avant pour assurer l’embarquement pour aller vérifier votre état. La CC2 lui a indiqué que vous aviez un comportement inquiétant sur le secteur précédent et l’a informée de vos absence prolongée et répétée aux toilettes. Le chef de cabine a décidé d’ouvrir la porte afin de voir ce qu’il s’y passait, inquiet de votre santé. Il vous a alors trouvé assis sur la cuvette des toilettes avec votre téléphone portable dans une main et votre e-cigarette dans l’autre. Vous êtes alors brusquement sorti des toilettes, très agité et au bord des larmes en disant que c’était votre moment de détente et que vous enfermer dans les toilettes en faisait partie. Interloqué, votre chef de cabine vous a indiqué que ce n’était pas le moment approprié pour faire une pause mais a cependant écouté vos explications. Vous avez finalement reconnu avoir utilisé votre téléphone portable mais avez nié avoir utilisé votre e-cigarette. Vous avez alors repris votre poste en cabine pour l’embarquement.
À la fin de l’embarquement et face à votre attitude désobligeante, votre chef de cabine vous a instamment demandé de le suivre dans le poste de pilotage afin d’échanger avec le commandant de bord. Une fois dans le cockpit, vous avez indiqué au commandant de bord et à votre chef de cabine qu’il vous arrivait de fumer la e-cigarette sur des vols long-courriers et que cela n’était pas grave. La décision a donc été prise par le commandant de bord de vous débarquer et de vous remplacer. Là encore, nous ne pouvons qu’être étonnés de votre manque de prise au sérieux des consignes de sécurité : vapoter comme fumer est interdit à bord d’un avion.
Le vol a eu 1 heure de retard et l’équipage a dû expliquer aux passagers témoins de cette situation que les raisons du retard étaient liées à un problème au sein de l’équipage. Votre attitude a porté atteinte à l’image de la compagnie. Lors de l’entretien vous n’avez pas reconnu les faits et n’avez fait preuve d’aucune remise en question. Nous vous rappelons que vous avez récemment été promus chef de cabine et que votre comportement est en totale opposition avec les attentes du rôle qui requiert au contraire, exemplarité, respect des collègues et des clients, respect de la hiérarchie, esprit d’équipe, soutien de l’équipage, respect des valeurs de l’entreprise et de son image de marque.
Au regard de l’ensemble de ces faits, nous sommes contraints de vous licencier pour faute simple.
Notre décision prend effet à la date de première présentation de cette lettre à votre domicile qui fixera le point de départ du préavis d’une durée de 45 jours, au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.
Nous vous précisons que nous vous dispensons de l’exécution du préavis à compter de la première présentation de ce courrier. Vous percevrez une indemnité compensatrice qui correspondra au salaire que vous auriez reçu si vous aviez travaillé.
Votre solde de tout compte, certificat de travail et attestations pôle emploi vous seront adressées dans les meilleurs délais à votre domicile. »
C’est à tort que le salarié invoque la prescription des faits du 8 janvier 2019 dans la mesure où l’employeur se prévaut d’une succession d’attitudes inappropriées, qui auraient eu lieu pour la plupart moins de deux mois avant l’entretien préalable au licenciement.
Sur la demande principale en contestation du licenciement, il faut rappeler que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou à l’autre partie et que le juge forme sa conviction à partir des pièces produites par l’une et l’autre partie.
L’employeur verse au débat divers courriels en anglais, traduits librement, dans lesquels les collègues de M. [Y] dénoncent son comportement, dans les termes de la lettre de licenciement.
M. [Y], qui ne verse au dossier aucune pièce de nature à en combattre la réalité, ne conteste pas les événements à l’origine des griefs, mais en donne une interprétation exempte selon lui de caractère fautif.
Ainsi, il prétend, sans en justifier, que l’usage du sms pendant une réunion n’était pas interdit, qu’il n’a pas pris le menton de sa collègue mais a montré du doigt la cabine à débarrasser par l’hôtesse qui s’est sentie vexée, qu’il a demandé à sa collègue hôtesse d’adopter une posture de sorte à éviter de positionner ses fesses à hauteur de la tête des passagers, et qu’il a été arbitrairement débarqué du vol par le commandant et le chef de cabine alors qu’il s’est rendu aux toilettes parce qu’il était souffrant emportant avec lui sa trousse de toilettes dans laquelle se trouvait sa cigarette électronique.
Il ressort de ces éléments, sans doute possible, la preuve des griefs invoqués dans la lettre de licenciement.
Ces faits, qui touchent à la sécurité du vol, à la santé du personnel, sont des manquements du salarié à ses obligations contractuelles justifiant la mesure de licenciement prise par l’employeur.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande tendant à faire dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La disproportion de la sanction, qui au demeurant ne peut entraîner la nullité du licenciement, est donc écartée par la cour de sorte que la demande subsidiaire de nullité doit être rejetée par confirmation du jugement.
Succombant au sens de l’article 696 du code de procédure civile, le salarié supportera les dépens de première instance ainsi que les frais irrépétibles, par infirmation du jugement, ainsi que ceux de la procédure d’appel. Aussi, le salarié sera condamné à payer à l’employeur la somme de 1500 euros en remboursement des frais irrépétibles de première instance, et la même somme en remboursement des frais irrépétibles d’appel.
la cour, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
déclare irrecevables en appel les demandes de réintégration et de dommages-intérêts en réparation de préjudices moral et financier distincts de la perte d’emploi ;
déclare recevable la demande de nullité du licenciement ;
confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau, dans la limite des chefs d’infirmation,
Condamne M [T] [Y] à payer à la société Easy jet la somme de 1 500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et 1 500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel ;
Condamne M [T] [Y] aux dépens de première instance et d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Audrey Hinoux, SELARL Lexavoue Paris-Versailles.
Le greffier La présidente
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