L’Essentiel : La société Aéropass, spécialisée dans le transport routier de voyageurs, a licencié M. [O] pour faute en raison de l’expiration de son permis de conduire. Malgré un entretien préalable, M. [O] a été informé de son licenciement le 16 novembre 2018. Il a contesté cette décision devant le conseil de prud’hommes, qui a jugé son licenciement justifié. En appel, M. [O] a demandé la requalification de son licenciement, mais la cour a confirmé le jugement initial, soulignant que M. [O] n’avait pas respecté ses obligations professionnelles. La cour a également condamné M. [O] à rembourser des frais de justice à Aéropass.
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Présentation de la société AéropassLa société Aéropass est une société par actions simplifiée à associé unique (SASU) immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Pontoise. Elle est spécialisée dans le transport routier de voyageurs, tant public que privé, et emploie plus de 11 salariés. Engagement de M. [O]M. [C] [O] a été engagé par Aéropass par un contrat de travail à durée indéterminée le 8 septembre 2003 en tant que conducteur. À la fin de sa relation de travail, il occupait le poste de régulateur, avec un salaire brut moyen de 2 642,17 euros par mois, incluant une part variable. Procédure de licenciementLe 17 octobre 2018, Aéropass a convoqué M. [O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 31 octobre 2018. Le 16 novembre 2018, la société a notifié à M. [O] son licenciement pour faute, en raison de l’expiration de son permis de conduire et de son utilisation d’un véhicule de transport de passagers sans être en possession d’un permis valide. Motifs du licenciementLe licenciement a été justifié par plusieurs éléments : M. [O] avait été informé de l’expiration de son permis de conduire, il avait omis de le renouveler à temps, et il avait effectué des transports de passagers alors qu’il n’était plus en possession de son permis. La société a également souligné que M. [O] avait une responsabilité en tant qu’agent de maîtrise d’exploitation pour s’assurer que les conducteurs étaient en règle. Demande de M. [O]M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency le 14 mars 2019, demandant que son licenciement soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement rendu le 8 mars 2022 a débouté M. [O] de ses demandes, considérant que son licenciement était justifié. Appel de M. [O]M. [O] a interjeté appel de ce jugement le 15 avril 2022. Dans ses conclusions, il a demandé à la cour d’infirmer le jugement de première instance et de reconnaître son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, tout en réclamant des indemnités. Position de la société Aéropass en appelAéropass a demandé à la cour de confirmer le jugement de première instance, arguant que M. [O] n’avait pas respecté ses obligations professionnelles et que son licenciement était fondé sur des motifs sérieux. La société a également contesté la régularité de la déclaration d’appel de M. [O]. Décision de la courLa cour a déclaré régulière la déclaration d’appel de M. [O] et a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency en toutes ses dispositions. Elle a également condamné M. [O] à verser une somme à Aéropass au titre des frais de justice, tout en déboutant les parties de leurs demandes respectives. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour motif personnel selon le Code du travail ?Le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L.1232-1 du Code du travail. Cet article stipule que : « Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. » Cela signifie que l’employeur doit fonder son licenciement sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié. En cas de litige, l’article L.1235-1 précise que : « En cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. » Ainsi, la charge de la preuve concernant le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement incombe à l’employeur, qui doit fournir des faits précis et matériellement vérifiables. Quels sont les éléments constitutifs d’une faute justifiant un licenciement ?Dans le cas présent, la société Aéropass a invoqué deux fautes à l’encontre de M. [O] pour justifier son licenciement. La première est liée à la négligence dans le renouvellement de son permis de conduire, et la seconde à la conduite sans permis d’un véhicule affecté au transport collectif de personnes. L’article L.1232-1 du Code du travail impose que les fautes soient clairement établies. La société a démontré que M. [O] avait été informé de l’expiration de son permis et qu’il avait la responsabilité de le renouveler. L’employeur a également souligné que M. [O] avait conduit des passagers alors qu’il n’était plus en possession de son permis valide, ce qui constitue une violation des règles de sécurité et de responsabilité professionnelle. L’article R2121-11 du Code de la route, applicable dans ce contexte, stipule que : « Nul ne peut conduire un véhicule à moteur sans être titulaire d’un permis de conduire en cours de validité. » Ces éléments montrent que M. [O] a commis une faute grave, justifiant ainsi son licenciement. Comment la bonne foi du salarié peut-elle influencer la décision de licenciement ?La bonne foi du salarié peut être un argument en sa faveur, mais elle ne suffit pas à elle seule à annuler un licenciement si les fautes sont établies. M. [O] a soutenu qu’il avait agi de bonne foi en pensant que son aptitude à la conduite, attestée par un examen médical, lui permettait de conduire. Cependant, l’article L.1232-1 du Code du travail exige que le salarié respecte ses obligations contractuelles, notamment celle de maintenir à jour ses documents administratifs. Le conseil des prud’hommes a constaté que M. [O] avait été informé à plusieurs reprises de l’expiration de son permis et qu’il avait eu suffisamment de temps pour le renouveler. Ainsi, même si M. [O] a invoqué sa bonne foi, le fait qu’il ait été informé de l’expiration de son permis et qu’il n’ait pas agi en conséquence a été déterminant dans la décision de maintenir le licenciement. Quelles sont les conséquences d’un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse ?Si un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, l’article L.1235-2 du Code du travail prévoit que le salarié a droit à une indemnité. Cet article stipule que : « En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité dont le montant est fixé par le juge. » Dans le cas de M. [O], il a demandé une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais le conseil des prud’hommes a confirmé que son licenciement était justifié. Ainsi, M. [O] n’a pas droit à l’indemnité qu’il réclamait, et la société Aéropass a été exonérée de cette obligation. En conclusion, la décision de la cour de maintenir le licenciement de M. [O] repose sur l’existence de fautes avérées et sur le respect des procédures légales par l’employeur. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-3
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 JANVIER 2025
N° RG 22/01244 –
N° Portalis DBV3-V-B7G-VEQI
AFFAIRE :
[C] [O]
C/
S.A.S.U. AEROPASS
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 08 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MONTMORENCY
N° Section : C
N° RG : 19/00170
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Elise BENISTI
Me Annie GULMEZ
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
Monsieur [C] [O]
né le 01 Décembre 1957 à [Localité 10] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentant : Me Elise BENISTI de la SELEURL SELARL BENISTI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2553
****************
INTIMÉE
S.A.S.U. AEROPASS
N° SIRET : 432 683 456
Prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Annie GULMEZ de la SELARL AAZ, avocat au barreau de MEAUX, vestiaire : 31
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Mme Florence SCHARRE, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
Greffier placé lors du prononcé : Madame Solène ESPINAT
La société Aéropass est une société par actions simplifiée à associé unique (SASU) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Pontoise sous le n° 432 683 456.
La société Aéropass a pour activité le transport routier, public et privé, de voyageurs et emploie plus de 11 salariés.
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 8 septembre 2003, M. [C] [O] a été engagé par la société Aéropass en qualité de conducteur.
Au dernier état de la relation de travail, M. [O] exerçait les fonctions de régulateur, en contrepartie d’un salaire moyen brut de 2 642,17 euros par mois, assorti d’une part de rémunération variable.
Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 octobre 2018, la société Aéropass a convoqué M. [O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s’est tenu le 31 octobre 2018.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 16 novembre 2018, la société Aéropass a notifié à M. [O] son licenciement pour faute, en ces termes :
« Le 17 septembre dernier, dans votre bureau situé au bâtiment 6141 sur l’Aéroport [9], Madame [X] [V], formatrice, vous a demandé si vous aviez effectué le renouvellement de votre permis D ‘ transport en commun. Vous lui avez répondu : » Non ». Elle vous a alors indiqué que votre permis de conduire était expiré depuis le 16 septembre 2018. Votre réponse a été la suivante : » Ok alors je vais prendre rendez-vous ».
D’une part, il est de votre responsabilité de veiller à ce que vos documents administratifs vous permettant d’exercer votre activité dans les règles établies par l’administration soient à jour.
D’autre part, il est affiché dans votre bureau depuis le 10 avril 2018, la liste des salariés dont le permis D arrive à expiration au cours du second semestre 2018, liste sur laquelle votre nom, prénom et date de fin de validité de votre permis apparaissent.
[‘]
Le 8 octobre 2018 aux alentours de 20h45 vous avez débarqué les passagers du vol [Numéro identifiant 4] en provenance de [Localité 7] du parking 33 au terminal F et ce même jour, vers 21h50 vous avez transporté les passagers du vol [Numéro identifiant 5] à destination de [Localité 6] du terminal E au terminal G, alors que vous n’étiez plus en possession de votre permis transport en commun.
En effet, vous avez passé l’examen médical de votre permis D en date du 29 septembre et vous avez transmis par internet aux autorités compétentes votre demande de renouvellement le 17 octobre 2018 soit un mois après la date d’expiration de votre permis. Aussi, vous avez perdu le droit de conduire les véhicules affectés au transport de personnes comportant plus de huit places assises en dehors de celle du conducteur jusqu’à la délivrance du nouveau titre.
De plus, en décidant d’utiliser un véhicule de société avec des passagers à bord, en cas d’accident non seulement vous engagez votre propre responsabilité mais également celle de l’entreprise, mais en outre, vous vous mettez personnellement en faute au regard de la loi.
Enfin, en tant qu’agent de maîtrise d’exploitation (AME) il relève notamment de votre responsabilité que les conducteurs de bus soient en possession des documents administratifs en cours de validité nécessaires à leur activité.
Ceci est parfaitement inacceptable, vous avez manqué à vos obligations professionnelles.
Au cours de l’entretien, vous avez admis votre entière responsabilité. »
Par requête introductive reçue au greffe le 14 mars 2019, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement rendu en formation de départage le 8 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :
– dit que M. [C] [O] manque dans sa démonstration tendant à voir requalifier son licenciement pour faute simple en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Par suite,
– débouté M. [C] [O] des demandes indemnitaires par lui présentées lesquelles se trouvent être dépourvues de tout fondement ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif, en ce compris celle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire.
Par déclaration d’appel reçue au greffe le 15 avril 2022, M. [O] a interjeté appel de ce jugement.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 octobre 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 28 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [O], appelant, demande à la cour de :
– juger qu’elle est bien saisie de l’ensemble des chefs de jugement de première instance par l’effet dévolutif de l’appel et statuer sur ces demandes ;
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montmorency en ce qu’il a :
* dit que M. [C] [O] manque dans sa démonstration tendant à voir requalifier son licenciement pour faute simple en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* débouté M. [C] [O] des demandes indemnitaires par lui présentées lesquelles se trouvent être dépourvues de tout fondement ;
* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif, en ce compris celle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau :
– juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société à verser :
* l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 51 651,72 euros;
* au titre des frais et aux dépens sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 3 600,00 euros;
– débouter la société de ses demandes.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 27 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Aéropass, demande à la cour de :
A titre principal :
– constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel, la cour n’étant saisie d’aucun objet ;
– confirmer le jugement déféré.
A titre subsidiaire :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de ses demandes ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Aéropass de sa demande au titre de l’article 700 du code du procédure civile ;
Statuant à nouveau :
– juger M. [O] mal fondé en ses demandes ;
En tout état de cause,
– débouter M. [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner M. [O] à verser à la société Aéropass la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [O] aux entiers dépens.
Sur la régularité de la déclaration d’appel
A titre principal, la société sollicite que la cour constate l’absence de l’effet dévolutif de l’appel. Se fondant sur les articles 54, 542, 562 et 954 du code de procédure civile, l’intimée fait valoir que l’appelant n’a pas mentionné dans sa déclaration d’appel la nature de son appel (appel réformation et/ou appel annulation et/ou appel nullité). Elle considère que l’appelant opère une confusion entre l’objet de la demande tel que prévu à l’article 54 du code de procédure civile et les chefs de jugement expressément critiqués. Elle conclut à la nécessaire confirmation du jugement querellé.
M. [O] invoquant les dispositions des articles 561,562 et 901 du code de procédure civile et les dispositions prises par la Cour de cassation dans son arrêt du 25 mai 2023, soutient que si la déclaration d’appel doit mentionner les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, elle n’a pas contrairement au dispositif des premières conclusions, à mentionner l’infirmation demandée.
La déclaration d’appel formé par M. [O] est rédigée en ces termes :
objet/portée de l’appel :
« Dit que M. [C] [O] manque à sa démonstration tendant à voir requalifier son licenciement pour faute simple en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; par suite,
déboute M. [C] [O] des demandes indemnitaires par lui présentées lesquelles se trouvent dépourvues de tout fondement ; déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif en ce compris celle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; dit n’y avoir lieu d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire »
En application de l’article 901,4°, du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret numéro 2017 ‘ 891 du 6 mai 2017, la déclaration d’appel doit contenir, à peine de nullité, « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à la nullité du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »
En application des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du même décret, seul l’acte d’appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Aucun de ces textes, ni aucune autre disposition n’exige que la déclaration d’appel ne mentionne s’agissant des chefs de jugement expressément critiqués qu’il en est demandé l’infirmation.
Dès lors que M. [O] énonce dans sa déclaration d’appel les chefs du jugement qu’il critique, la déclaration d’appel est régulière même si elle ne comporte pas de demande d’infirmation d’annulation.
Sur le licenciement pour motif personnel
En vertu des dispositions de l’article L.1232-1 du Code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La société souligne d’abord que le licenciement n’étant pas fondé sur une insuffisance professionnelle les développements relatifs au professionnalisme du salarié sont sans objet et invoque l’égard du salarié deux fautes à l’appui de son licenciement pour motif personnel.
En premier lieu, elle lui reproche une négligence fautive du salarié dans le renouvellement de son permis de conduire. Elle précise que les fonctions d’agent de maîtrise d’exploitation amenaient ponctuellement le salarié à conduire des bus et qu’en conséquence la possession du permis de conduire lui était indispensable, de la même manière qu’au conducteur. Elle ajoute que le salarié était informé de l’expiration de son permis depuis le 17 septembre 2018, par la contrôleuse, par un affichage existant depuis le 10 avril 2018 et par la mention figurant sur les plannings du salarié qui lui était remis. En ne renouvelant pas son permis de conduire avant plusieurs semaines après le terme de validité du 16 septembre 2018, l’employeur considère qu’il existe une négligence fautive de sa part.
L’employeur allègue un second grief relatif à la conduite sans permis d’un véhicule affecté au transport collectif de personnes. Il reproche au salarié d’avoir le 8 octobre 2018, effectué deux transports de voyageurs alors qu’il savait qu’il n’était plus en possession de son permis. L’employeur conteste avoir exigé du salarié de réaliser cette conduite sans permis et affirme que M. [O] n’ignorait rien de la situation en raison des démarches qu’il avait commencées à régulariser notamment auprès du médecin du travail.
L’employeur estime que le licenciement est fondé et demande la confirmation du jugement de première instance.
M. [O] fait valoir en exergue de ses observations qu’il a toujours été un salarié exemplaire sérieux et impliqué, et qui en 15 ans de carrière, ne s’est jamais vu reprocher une quelconque négligence. Il soutient que c’est l’intervention d’un changement législatif qui a occasionné des difficultés ayant conduit au licenciement.
Il indique avoir été diligent puisqu’informé le 17 septembre 2018 de l’échéance de son permis, il a obtenu son renouvellement le 6 novembre 2018.
Il estime que ses fonctions de régulateur n’étaient pas empêchées par l’absence de permis, que son contrat de travail n’était pas suspendu. Il en veut pour preuve le refus opposé par la préfecture des Hauts-de-Seine à sa demande de délivrance de carte professionnelle de conducteur de voiture avec chauffeur le 15 juillet 2020.
Il considère en outre que son information postérieurement à la date d’expiration de son permis constitue un manquement de l’employeur tenu d’une obligation de formation et de certification des compétences des conducteurs.
Il invoque ensuite sa bonne foi puisqu’ayant atteint l’âge de 60 ans le 1er décembre 2017, la périodicité de renouvellement quinquennal se trouvait réduite à un an et qu’il n’avait pas anticipé cette nouvelle disposition réglementaire.
S’agissant de la conduite sans permis, il ne conteste pas les faits du 8 octobre 2018 mais estime qu’en ayant effectuée la visite médicale déclarant son aptitude à la conduite le 29 septembre 2018, il pouvait légitimement penser qu’il pouvait conduire. Il ajoute que le fait de n’avoir pas été conducteur a contribué à entretenir la confusion puisque son contrat de travail n’a pas été suspendu.
Il estime n’avoir commis aucune faute mais simplement une erreur en raison de la méconnaissance du texte modifié. Il prétend qu’avec un autre agent de maîtrise, il a en réalité été licencié pour un motif fallacieux, soit pour satisfaire aux exigences du projet d’accord de compétitivité en négociation au moment de la rupture.
Au vu des éléments versés aux débats en cause d’appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d’une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d’appel, ont à bon droit retenu dans les circonstances particulières de l’espèce, l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En effet, le conseil après analyse du contrat de travail et de son avenant du 1er mars 2006 a justement constaté que le salarié occupait depuis 2006 un poste de régulateur mais que l’avenant souscrit à ce titre citait de manière limitative des modifications apportées au contrat de travail initial et ne modifiait pas l’article 10 qui prévoyait l’obligation de posséder le permis D, un badge et un permis TZ, l’obligation de maintenir ces documents officiels en cours de validité et d’effectuer la prorogation ou leur mise à jour avant leur expiration, étant précisé qu’à défaut le salarié s’exposait à une suspension voir une rupture du contrat travail de son fait.
La cour constate en conséquence de ces motifs que le salarié était contractuellement tenu de l’obligation de détenir un permis à jour.
Si les dispositions législatives et réglementaires spécifiques au permis de conduire professionnel compte tenu notamment de l’âge du salarié pouvaient permettre de considérer le grief allégué par l’employeur comme une simple erreur, ce n’est qu’à la condition que le salarié n’ait pas été alerté de la difficulté.
Or, c’est également par de justes motifs que le conseil a pu constater que la société avait pris le soin de rappeler au salarié la fin de validité à venir de son permis de catégorie D. La cour constate que l’employeur communique le planning du 10 septembre 2018 transmis à M. [O] qui dans la case « Observations » mentionne : « permis expiré ou sur le point d’expirer : permis de conduire 16/09/2018 », attestant par la même que lors de la communication de ce planning au moins une semaine avant l’échéance, le salarié savait qu’il ne disposait plus que de six jours avant l’expiration de son permis.
L’employeur transmet également le 17 septembre 2018, un message aux termes duquel il établit que l’information au salarié avait été effective plusieurs mois avant l’échéance puisque « la liste est affichée en base bus devant lui depuis le 10 avril 2018 ». L’existence de cette liste établissant les dates de validité des permis et leurs échéances est confirmée par la responsable correspondant sûreté dans son attestation.
La responsable atteste de ce que le salarié informé de l’expiration de la validité de son permis a répondu qu’il envisageait de prendre rendez-vous auprès du médecin du travail. Cette consultation médicale est intervenue le 29 septembre 2018. Ce témoignage contredit le caractère diligent dont se prévaut le salarié.
Ces éléments permettent de conclure que c’est à juste titre que le conseil des prud’hommes a relevé que le non-renouvellement de son permis par le salarié lui était exclusivement imputable et qu’il a conclu à une négligence fautive du salarié.
S’agissant de la conduite sans permis, au vu des éléments versés aux débats en cause d’appel, il apparaît là encore que les premiers juges, à la faveur d’une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d’appel, ont à bon droit retenu dans les circonstances particulières de l’espèce la faute du salarié.
Le conseil se fonde à juste titre sur les dispositions de l’article R2121 ‘ 11 du code de la route dans sa version en vigueur depuis le 29 avril 2016 en considérant que ce texte est applicable au contentieux en cours, pour retenir que l’aptitude à la conduite constatée par le médecin du travail le 29 septembre 2018 ne pouvait permettre au salarié de considérer que la validité du permis avait été prorogée.
C’est par de justes motifs que le conseil a rejeté l’argument de la bonne foi du salarié dès lors qu’il a été informé à multiples reprises de l’expiration de son titre de conduite et qu’il a écarté le moyen tiré de l’ordre donné par l’employeur en constatant qu’aucun élément de preuve ne venait corroborer cette assertion.
De la même manière, la cour constate que le salarié ne justifie pas du lien entre l’existence d’un projet d’accord de compétitivité en cours de négociation et son licenciement.
La cour constate au vu des débats des pièces et des motifs allégués devant elle que le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency du 8 mars 2022 doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [O] au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, la demande au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sera également rejetée.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:
DÉCLARE régulière la déclaration d’appel formée par M. [O] ;
CONFIRME le jugement du conseil des prud’hommes de Montmorency du 8 mars 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
CONDAMNE M. [O] à verser à la société Aéropass la somme de 800 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties pour le surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE M. [O] aux entiers dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Solène ESPINAT, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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