Licenciement pour désorganisation de l’entreprise fondé

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Licenciement pour désorganisation de l’entreprise fondé

 

Si l’article L.1132-1 du code du travail prohibe le licenciement d’un salarié en raison de son état de santé, le licenciement peut être motivé non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d’un salarié dont l’absence prolongée ou les absences répétées perturbent le fonctionne-ment.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la société Cordier soutient qu’étant une petite structure dont l’effectif est inférieur à 11 salariés, son carnet de commandes était déjà plein lorsque M.[V] a été placé en arrêt de travail à compter du 26 mars 2018, à la suite duquel elle a constamment été à la recherche de personnel temporaire compétent et expérimenté pour le remplacer. Mme [N] aurait été dans l’obligation d’aller elle-même rejoindre les équipes ou de recruter un temps un membre de sa famille. Compte tenu de la tension sur le marché du travail et des difficultés de recrutement, cela a causé

des retards sur certains chantiers et le mécontentement de clients. En fin d’année 2018, un nouveau marché a été conclu, de grande importance et M.[V] n’annonçant pas son retour, la société Cordier indique avoir été dans l’obligation de licencier ce dernier pour embaucher le 18 janvier 2019 un autre salarié dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps plein. Enfin, la société Cordier souligne que M.[V] a indiqué aux services enquêteurs qu’il  » avait décidé de ne plus reprendre ».

M.[V] réplique que la désorganisation de l’entreprise qu’a causé son absence prolongée ne serait pas démontrée, l’employeur indiquant lui-même qu’il a procédé à des recrutements de salariés en intérim, soulignant qu’une embauche proposée par une agence aurait même été refusée, invoquant le choix délibéré de l’employeur de ne pas recourir à l’intérim dans l’attente de son retour.

La société Cordier produit deux attestations d’agences d’intérim qui fait état de recherches de peintres pour le compte de l’entreprise Cordier sur l’année 2018. Si, comme le relève M.[V], une proposition de l’agence Temporis a été refusée le 8 novembre 2018, l’entreprise est revenue vers l’agence dès le 16 novembre 2018, date à laquelle le salarié n’était plus disponible, ce qui démontre la difficulté de recrutement des intérimaires peintres et que la société Cordier n’a aucunement choisi de ne pas recruter d’intérimaires, alors que le registre d’entrée et de sortie du personnel atteste de recrutements ponctuels d’intérimaires pendant la période d’absence de M.[V].

Par ailleurs, plusieurs courriers de clients font état d’un retard dans l’exécution de certains chantiers et de la nécessité de respecter les délais d’exécution, rappelée par nombre d’interlocuteurs.

Enfin, la société Cordier produit des éléments sur un chantier important sur un bâtiment destiné à devenir l’office de tourisme de [Localité 5], pour un chiffre d’affaires de 64 299 euros HT, dont les travaux devaient impérativement commencer le 8 janvier 2019. Cela a rendu nécessaire l’embauche de M.[O] le 18 janvier 2019, juste après le licenciement de M.[V].

Il est donc démontré que l’absence de M.[V], effective lors de son licenciement depuis presque 10 mois, a causé des perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise, notamment compte tenu de la survenance de ce nouveau chantier à [Localité 5], d’une importance certaine et qui ne pouvait supporter les aléas du recrutement aléatoire de salariés intérimaires.

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Cour d’appel d’Orléans, Chambre Sociale, 6 avril 2023, 21/01360 C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 06 AVRIL 2023 à

la SELARL O’DOHERTY & SCHMIT

la SELARL 2BMP

XA

ARRÊT du : 06 AVRIL 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 21/01360 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GLQY

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE BLOIS en date du 15 Avril 2021 – Section : INDUSTRIE

APPELANTE :

S.A.R.L. CORDIER prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Suzanne O’DOHERTY de la SELARL O’DOHERTY & SCHMIT, avocat au barreau de BLOIS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [H] [V]

né le 27 Octobre 1973 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Guillaume PILLET de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 26 janvier 2023

Audience publique du 21 Février 2023 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Puis le 06 Avril 2023, Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M.[H] [V] a été engagé par la société Cordier (SARL) selon à durée déterminée à compter du 12 mai 2014, en qualité de compagnon professionnel (peintre). La relation contractuelle s’est poursuivie à durée indéterminée à compter du 25 décembre 2014.

M.[V] a été l’objet d’un avertissement notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2017, puis d’un autre du 6 juillet 2017 et enfin d’une mise à pied disciplinaire de 5 jours notifiée, après un entretien préalable du 4 août 2017, par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 août 2017.

M.[V] a été placé en arrêt maladie à compter du 26 mars 2018 sans discontinuité jusqu’à ce qu’il soit, par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 décembre 2018, convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 décembre 2019. La société Cordier lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2019 son licenciement pour absence prolongée entraînant des perturbations pour l’entreprise.

Par requête enregistrée au greffe le 15 février 2019, M.[V] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois pour contester la mise à pied et son licenciement, invoquant leur nullité en raison de l’existence d’un harcèlement moral dont il aurait été victime, et obtenir le paiement de diverses indemnités, ainsi qu’un rappel d’indemnité de panier.

Par jugement rendu le 15 avril 2021, la formation de départage du conseil de prud’hommes de Blois a :

– Débouté M.[V] de sa demande de rappel d’indemnité de panier

– Annulé la mise à pied disciplinaire notifiée à M.[V] par lettre du 10 août 2017,

– Condamné la société Cordier à payer à M.[V] la somme de 461,03 euros à titre de rappel de salaire consécutif à l’annulation de la mise à pied ,

– Prononcé la nullité du licenciement de M.[V],

– Condamné la société Cordier à verser à M.[V] :

– 8 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

– 15 000 euros d’indemnité pour licenciement nul ;

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Ordonné la remise par la société Cordier à M.[V] des bulletins de salaire afférents aux créances salariales ainsi qu’un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, se réservant la faculté de procéder à sa liquidation,

– Débouté M.[V] de toutes ses demandes,

– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Cordier,

– Ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– Condamné la société Cordier aux dépens, en ce compris les frais éventuels d’exécution de la décision.

La société Cordier a relevé appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 27 avril 2021 au greffe de la cour d’appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 1er juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société Cordier demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Blois en ce qu’il a :

– Annulé la mise à pied disciplinaire notifiée à Monsieur [V] et condamné en conséquence la société Cordier à payer à Monsieur [V] la somme de 461,03 Euros bruts (414,65 Euros nets) à titre de rappel de salaire,

– Condamné la société Cordier à payer à Monsieur [V] la somme de 8 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– Prononcé la nullité du licenciement de Monsieur [V] et condamné la société Cordier à payer à Monsieur [V] les sommes de 15 000 Euros à titre d’indemnité pour licenciement nul et 1 500 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Ordonné la remise par la société Cordier des bulletins de paie afférents aux créances salariales ainsi qu’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle Emploi, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision à peine d’astreinte de 50 Euros par jour de retard et par document, se réserve la faculté de liquider l’astreinte,

– Débouté la société Cordier de toutes ses demandes,

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Statuant à nouveau :

– Dire que la mise à pied notifiée à Monsieur [V] le 10 août 2017 était justifiée, que l’employeur n’a commis aucun agissement de harcèlement moral à l’encontre de Monsieur [V], que le licenciement prononcé le 11 janvier 2019 est régulier et bien fondé,

– Dire que les indemnités de repas dues à Monsieur [V] lui ont été régulièrement versées,

En conséquence :

– Débouter Monsieur [V] de l’intégralité de ses demandes et prétentions,

– Condamner Monsieur [V] à rembourser à la société Cordier la somme de 414,65 Euros au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied notifiée le 10 août 2017,

– Le condamner à verser à la Société Cordier au titre de l’article 700 du Code de procédure civile une somme de 3 000 Euros.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 27 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M.[V] demande à la cour de :

– A titre principal, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Blois le 15 avril 2021 en ce qu’il a reconnu l’existence d’un harcèlement moral, jugé le licenciement nul et condamné la société Cordier à verser à Monsieur [V] :

– 461,06 euros bruts à titre de rappel de salaire,

– 46,10 € au titre des congés payés afférents,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– L’infirmer en ce qu’il a débouté Monsieur [H] [V] de sa demande de rappel d’indemnité de panier.

– En conséquence, statuant à nouveau, condamner la société Cordier à verser à Monsieur [H] [V] les sommes suivantes :

– 3.611,72 € à titre de rappel de l’indemnité de panier,

– 15.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 3 879,18 euros d’indemnité de préavis,

– 387,91 euros de congés payés afférents,

– 20.000 € à titre d’indemnité pour licenciement nul.

A titre subsidiaire, condamner la société Cordier à verser à Monsieur [V] :

– 3 611,72 euros à titre d’indemnité de repas,

– 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 461,03 euros au titre de l’annulation d’une mise à pied disciplinaire,

– 46,10 € au titre des congés payés afférents,

– 3 879,18 euros d’indemnité de préavis,

– 387,91 euros de congés payés afférents,

– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée indéterminée

– Ordonner sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document la remise d’un bulletin de paie et d’une attestation Pôle Emploi conformes à l’arrêt à intervenir.

– Condamner la société Cordier à verser à Monsieur [H] [V] la somme de 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers de dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais éventuels d’exécution.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur la demande d’indemnités de repas

L’article 8.15 de la convention collective du bâtiment, applicable en l’espèce, prévoit que l’indemnité de repas a pour objet d’indemniser le supplément de frais occasionné par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l’ouvrier. Elle n’est pas due notamment lorsque l’ouvrier prend effectivement son repas à sa résidence habituelle.

La société Cordier expose qu’elle versait à M.[V] une indemnité de repas lorsqu’il était affecté sur des chantiers situés à l’extérieur de la ville de [Localité 7] mais pas lorsqu’il était affecté sur des chantiers dans cette ville. Si M.[S], autre salarié, en bénéficiait dans tous les cas, c’était parce qu’il résidait à 22 kilomètres de [Localité 7] alors que M.[V] n’habitait qu’à 10 kilomètres.

M.[V] affirme ne pas avoir été bénéficiaire de l’indemnité de repas contrairement à certains de ses collègues dont le domicile était situé à une distance de l’entreprise équivalente au sien, comme M.[S] et M.[O], et qu’il ne pouvait pas  » techniquement  » rentrer chez lui déjeuner.

M.[V] produit un décompte des indemnités de panier qu’il réclame, qui ne couvre pas tous ses jours de travail, puisqu’il ne conteste pas quelles lui ont bien été payées lorsque les chantiers étaient situés à l’extérieur de la ville de [Localité 7].

La cour constate que M.[V] affirme lui-même habiter à 9,5 kilomètres de [Localité 7], pour 11 minutes de trajet, ce qui rendait  » techniquement  » possible pour lui de prendre son déjeuner pendant l’heure et demi qui lui étaient impartie.

Son collègue M.[O], qui habitait selon M.[V] à 15 kilomètres de [Localité 7] pour 15 minutes de trajet, apparaît, au vu des éléments produits par la société Cordier, que M.[V] ne conteste pas, ne pas avoir non plus bénéficié tous les jours d’indemnités de repas, mais seulement lorsqu’il était en chantiers extérieurs, ce qui démontre qu’il était soumis au même régime que lui.

S’agissant de M.[S], qui atteste avoir bénéficié  » avec un autre salarié  » d’une indemnité de repas  » tout au long de l’année  » et  » peu importe l’endroit du chantier « , il habitait selon l’employeur à 22 kilomètres de [Localité 7], ce qui rendait plus compliqué la prise de ses déjeuners à son domicile.

La différence de traitement entre M.[S] et M.[V] s’explique donc par un élément objectif.

C’est pourquoi l’employeur pouvait légitimement s’opposer à la réclamation posée par M.[V] visant à obtenir une indemnité de repas.

Sa demande à ce titre sera, par voie de confirmation, rejetée.

– Sur les sanctions disciplinaires dont M.[V] été l’objet avant le licenciement

L’article L.1331-1 du code du travail définit la sanction disciplinaire comme suit :  » Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération « .

L’avertissement constitue une sanction disciplinaire au sens de ce texte.

L’article L1333-1 du code du travail prévoit :

 » En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. « 

Enfin, l’article L1333-2 du code du travail prévoit :  » Le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise « .

– L’avertissement du 4 juillet 2017

Le courrier d’avertissement du 4 juillet 2017 est motivé par un retard de 20 minutes à la reprise du travail l’après-midi, le jour même.

La société Cordier indique que M.[V] a reconnu ce retard et que sa gérante, Mme [N], avait déjà rappelé à l’ordre M.[V] à ce sujet par courrier du 10 mars 2017.

M.[V] reconnaît dans un courrier du 31 juillet 2017 ce retard (pour 15 minutes), qu’il explique par la lenteur du  » service de restauration  » où il a pris son repas. Il indique aussi que ce retard a été rattrapé le soir même.

Au vu de ces éléments, la cour relève que M.[V] apparaît, entre le 10 mars 2017 et le 4 juillet 2017, ne pas avoir été sujet à des retards récurrents.

Par ailleurs, cet avertissement a été infligé sans que M.[V] ait été en mesure de fournir des explications sur ce retard, possiblement recevable, puisqu’il lui a été adressé le jour même des faits, sachant que la société Cordier ne conteste pas que ce retard ait été récupéré en fin de journée.

Dans ces conditions, l’avertissement litigieux apparaît injustifié.

– L’avertissement du 6 juillet 2017

Cet avertissement est justifié par le fait que le 6 juillet 2017, M.[V] aurait été surpris  » une cigarette allumée à la bouche « , alors qu’il est fait interdiction de fumer sur ce chantier en milieu hospitalier.

La société Cordier relève que M.[V] ne conteste pas ce fait.

M.[V] réplique qu’il tenait sa cigarette roulée éteinte et qu’il ne l’a rallumée qu’à la porte de secours.

Aucun élément ne démontre que M.[V] ait tenu cette cigarette allumée sur le chantier, de sorte que, le doute devant profiter au salarié, l’avertissement qui lui a été infligé apparaît injustifié.

– La mise à pied disciplinaire du 10 août 2017

Les motifs invoqués dans ce courrier de sanction ont trait d’une part, à des  » indisciplines et fautes de comportement  » pour lesquelles la gérante de l’entreprise, Mme [N], affirme a été  » obligée d’infliger deux avertissements, une lettre de rappel à l’ordre ainsi qu’un courrier vous mettant en garde contre toute nouvelle tentative d’intimidation sur ma personne « . D’autre part, la sanction est motivée par ses  » agissements sur le chantier du centre Gibotteau de l’hôpital de [Localité 7] « , qui  » ont occasionné de graves difficultés en 2016 et nous ont valu un premier courrier du directeur de l’hôpital de l’époque « . M.[V] aurait, selon le courrier,  » reconnu l’intégralité des faits reprochés « .

La société Cordier précise dans ses conclusions que la lettre du 10 août 2017 ne visait pas les  » faits précédemment sanctionnés « , mais seulement un  » incident  » qui s’était produit  » récemment  » au centre hospitalier de [Localité 7], où  » M.[V] et l’un de ses collègues ont décidé de s’amuser en faisant tourner une personne âgée en chaise roulante dans les couloirs de l’hôpital, faits rapportés par le personnel hospitalier « .

M.[V] relève que la lettre de mise à pied fait référence à des faits déjà sanctionnés antérieurement et ne mentionne pas l’incident évoqué dans les écritures de la société Cordier ; il conteste au demeurant avoir participé à ces faits, dont la date n’est pas précisée.

La cour constate en effet que la lettre prononçant la mise à pied disciplinaire de M.[V] mentionne, comme le reconnaît la société Cordier, deux avertissements et un  » rappel à l’ordre « , sans d’ailleurs en rappeler les motifs, et des faits anciens, datant de 2016, que la société Cordier n’évoque pas dans ses écritures. Ces faits sont donc insusceptibles de justifier la sanction. S’agissant de l’incident de la chaise roulante, il n’est pas évoqué dans le courrier de notification de la mise à pied disciplinaire, alors qu’aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui et que l’article R.1332-2 du code du travail prévoit que la sanction doit faire l’objet  » d’une décision écrite et motivée « , le simple renvoi aux propos tenus lors de l’entretien préalable étant insuffisant à la motivation (Soc 25 novembre 1998, pourvoi n°96-41.832).

En l’absence de motivation, la mise à pied disciplinaire infligée à M.[V] sera, par voie de confirmation, annulée (Soc., 25 mai 2004, pourvoi n° 02-41.900, Bull., 2004, V, n° 136). Il en de même du rappel de salaire afférent octroyé à ce dernier, soit 461,03 euros, outre 46,03 euros d’indemnité de congés payés afférents, omise par le jugement entrepris.

– Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il appartient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M.[V] invoque en premier lieu les sanctions injustifiées dont il a été l’objet et affirme que l’employeur a abusé de son pouvoir disciplinaire. Il évoque un comportement agressif de ce dernier à son encontre, qui s’est manifesté notamment à l’occasion des entretiens préalables à sanction des 7 juillet 2017 et 4 août 2017, la poursuite de son travail dans une atmosphère pesante, générant du stress et de l’angoisse constatés par son médecin. Il reproche enfin à l’employeur les conditions dans lesquelles son licenciement a été prononcé, alors que rien ne pouvait lui être reproché.

Par ailleurs, M.[V] invoque d’autres accusations injustifiées dont il aurait été l’objet : il aurait été accusé d’avoir épié des habitants d’appartements durant l’exécution de travaux, aurait fait une réflexion déplacée à une salariée de l’hôpital, aurait utilisé un véhicule de l’entreprise à des fins personnelles, ce qui a motivé la géolocalisation de ce véhicule, sans déclaration à la CNIL et aux salariés, ou poussé des hurlements lors d’un chantier. Il aurait été dénoncé par son employeur pour une surconsommation d’alcool auprès du médecin du travail. Selon lui, il aurait été poussé à la démission ou à la rupture conventionnelle par ce dernier.

Enfin, il indique qu’il a dû déposer plainte contre son employeur pour harcèlement moral, laquelle, si elle a été classée sans suite faute  » d’éléments tangibles « , laisse la cour libre de son appréciation sur les faits dénoncés. A l’occasion de l’enquête qui a eu lieu, il relève que Mme [N] a reconnu que  » excédée, je lui avais dit qu’il me faisait chier  » et que si les dépositions de ses collègues ne sont pas en sa faveur, c’est qu’il pouvait critiquer leur travail souvent bâclé et que ceux qui n’appréciaient pas l’employeur avaient quitté l’entreprise.

Il produit, outre les pièces déjà examinées afférentes aux deux avertissements, considérés comme injustifiés par la cour, et à la mise à pied disciplinaire, annulée :

– Un courrier de Mme [N] du 25 juillet 2017 dans lequel, sans notifier d’avertissement, elle lui reproche d’avoir, alors que M.[V] avait sollicité un entretien avec elle,  » exigé que l’on s’isole dans une des salles en travaux de l’hôpital  » pour  » faire pression  » sur elle et l’intimider, et que son assistante avait été témoin une autre fois  » du même procédé « ,  » en plus grave puisque vous aviez fermé la porte à clé « . Une attestation de Mme [K], assistante de Mme [N], confirme les dires de cette dernière.

– Le compte-rendu de l’entretien préalable au licenciement établi par le conseiller du salarié, qui rapporte que Mme [N] a évoqué des  » propos déplacés  » que M.[V] aurait eu à l’encontre des femmes de ménage de l’hôpital, évoquant même un  » harcèlement sexuel « , ce que M.[V] a contesté en désignant un de ses collègues, de même que la question du bruit causé par des maçons ou celle des paniers repas ou de la mise à pied, injustifiée selon lui.

– Un certificat médical du docteur [L] indiquant que M.[V]  » décrit depuis le début du conflit avec son employeur, en septembre 2017, une dépression réactionnelle avec troubles du sommeil, anxiété et diminution de l’élan vital avec des idées noires, nécessitant une prise en charge médicale « 

– Un certificat médical du docteur [R] mentionnant que M.[V] lui a fait part de ses difficultés au travail, qu’il serait l’objet de critiques permanentes, d’injures, que les salaires seraient payés en retard, que des heures supplémentaires seraient impayées, de même que des primes. Ce médecin fait état de  » stress post-traumatique avec anxiété permanente avec des crises d’angoisse fréquentes déclenchées par l’évocation du travail, des cauchemars quotidiens axés sur la problématique professionnelle, état dépressif avec perte de l’allant, isolement familial, apparition d’idées noires, voire des évocations de suicide « .

La cour a considéré comme injustifiés les deux avertissements dont il a été l’objet et a annulé la mise à pied disciplinaire du 10 août 2017. Par ailleurs, les éléments produits par M.[V] établissent une relation manifestement conflictuelle entre ce dernier et Mme [N], gérante de l’entreprise, qui a engendré une dégradation de son état de santé médicalement constatée.

Les éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, compte tenu des documents médicaux produits, qui révèlent à tout le moins la dégradation de l’état de santé psychologique de M.[V], en arrêt maladie depuis mars 2018, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

La société Cordier réplique qu’il n’existe aucun lien entre le travail de M.[V] et la dégradation de son état de santé, critiquant les médecins qui ont établi un certificat médical en ce qu’ils se sont contentés de constater les dires de leur patient, au mépris de leurs obligations déontologiques et soulignant que M.[V] était déjà en arrêt de travail depuis plusieurs mois lorsque les constatations médicales ont été établies.

Elle ajoute que M.[V] s’était vu reprocher dès avril 2015 d’épier des personnes, et surtout des femmes, à l’intérieur de leur domicile, empruntant les balcons plutôt que l’échafaudage, entraînant une plainte de l’architecte chargé du chantier.

Ce courrier ne désigne aucun salarié en particulier, mais les feuilles d’heures établissent que M.[V] se trouvait à cette période sur ce chantier, avec un autre salarié.

M.[V] s’est vu reprocher par l’employeur, par courrier du 15 février 2016, des faits ayant fait l’objet d’un signalement de l’hôpital, mentionnant un  » problème de comportement inapproprié  » à l’encontre  » d’un professionnel de l’hôpital « , qui  » s’apparente à du harcèlement sexuel « .

Le 10 mars 2017, il est mentionné dans un  » rappel à l’ordre  » à M.[V] qu’il est interdit d’utiliser le véhicule de société à des fins personnelles, après que, selon ce que l’employeur indique dans ses écritures, il ait été surpris en train de l’utiliser pour effectuer des travaux de peinture pour son propre compte, l’information sur l’existence d’une géolocalisation ayant été signée de ce dernier le 17 avril 2017.

S’agissant de la mise à pied disciplinaire du 4 août 2017, elle a été annulée pour un motif de forme, mais les éléments qu’elle concernait apparaissent cependant établis : en effet, la société Cordier produit certes un courrier de l’ingénieur de l’établissement hospitalier sur lequel se déroulait un chantier, daté du 7 juillet 2017, indiquant que  » le personnel soignant a rapporté qu’il avait surpris vos salariés en train de faire tourner un résident dans une chaise roulante à proximité de la machine à café. L’infirmière est intervenue sur le champ et leur a demandé de quel droit ils se permettaient de profiter de la faiblesse d’une personne âgée. Vos salariés lui ont répondu qu’ils ne le faisaient pas tourner vite ! « .

M.[V] a contesté avoir commis cet acte, mais les feuilles d’heures produites établissent qu’il était affecté pendant la première semaine de juillet 2017 sur le chantier de l’hôpital et il ne conteste pas que seuls deux salariés étaient présents sur ce chantier. Le courrier de l’ingénieur emploie le pluriel, de sorte que M.[V] apparaît pour le moins impliqué dans cet incident et la société Cordier pouvait légitimement s’interroger sur le comportement de ce dernier, d’autant que le 20 juillet 2017, l’ingénieur du centre hospitalier lui écrivait un email faisant état de  » hurlements venant de la zone de travaux  » entendus la veille, ce qui a occasionné la convocation de deux salariés de la société Cordier et de deux salariés d’une autre entreprise. Or, le 19 juillet 2017, M.[V] travaillait bien sur le chantier de l’hôpital, selon sa feuille d’heures de travail. Enfin, un courriel du 12 décembre 2017 mentionne :  » après les moqueries, les blagues déplacées, voici l’alcool  » et il est joint à cet email des photographies de bouteilles d’alcool dans le réfrigérateur de la salle de pause.

Le 9 mars 2018, Mme [N] alertait le médecin du travail de ses soupçons de ce que M.[V] se livrait à une  » consommation anormale d’alcool, qui nuit à son jugement et fait prendre des risques pour lui et ceux avec lequel il travaille « , sollicitant un rendez-vous urgent. Le 26 mars 2018, M.[V] était placé en arrêt de travail. Il produit ses arrêts de travail, mais également un bulletin de situation de la fondation  » l’Elan retrouvé, Centre Malvau  » d'[Localité 4], établissant qu’il a été hospitalisé du 15 octobre 2018 au 24 novembre 2018 dans cet établissement, qui, selon le certificat du docteur [L], qui y travaille, se trouve être une  » Centre de soins de suite et de réadaptation en addictologie « , ce qui démontre que les interrogations de l’employeur sur la consommation d’alcool de son salarié n’étaient pas dénuées de fondement, quoiqu’aucun élément ne démontre qu’il ait été surpris en état d’ivresse sur son lieu de travail.

A la suite de la plainte de M.[V] pour harcèlement moral le 10 décembre 2018, Mme [N] a été interrogée et a fait part des  » problèmes de comportement  » de M.[V] :  » il ne respectait pas les horaires, il utilisait le véhicule de l’entreprise pour effectuer des tâches personnelles, ce qui m’a obligé à géo-localiser des véhicules (‘) depuis que je l’ai embauché, j’ai des ennuis. Il est ingérable, j’ai eu des problèmes, les clients se plaignaient de son comportement « . Elle évoque les faits de 2016 sur les remarques à caractère sexuel faites à la femme de ménage, l’épisode du fauteuil de juillet 2017 et son retard au travail, ainsi que le fait qu’il fumait sur les chantiers. Elle indique que son comportement lui faisait peur, qu’il se sentait persécuté, qu’il lui est arrivé de pleurer au travail car sa femme voulait partir.

Plusieurs collègues de M.[V] ont été auditionnés, et tous forment une description concordante de ce dernier : il n’était  » jamais content  » se sentait « persécuté à tort « ,  » avait tendance à critiquer facilement le travail des autres « ,  » avait toujours à redire sur tout « . Mme [N] est décrite comme une personne gentille,  » compréhensive, sociable « ,  » trop sympa même « , M.[V] faisant  » déprimer la patronne « , qui a été vue en train de pleurer après un entretien avec ce dernier qui ne s’était pas bien passé. Aucun ne constate ou ne relate de faits de harcèlement moral exercé sur M.[V], ou des insultes. L’un d’eux décrit M.[V] comme un « obsédé « , l’autre comme ayant  » une attitude envers les femmes qui me déplaisait, il faisait des remarques aux serveuses, il faisait des remarques aux collègues célibataires, on peut dire qu’il était lourd. Des fois il me faisait honte quand nous allions au restaurant, il n’avait pas de limite dans ses blagues avec les femmes « .

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la plupart des reproches émis à plusieurs reprises par l’employeur à M.[V] sur son attitude ou son comportement étaient en réalité justifiés, ce qui explique qu’on les lui ait opposés ou à tout le moins que des explications lui soient demandées. L’employeur apparaît plutôt avoir fait preuve de patience et de compréhension à l’égard de M.[V] par rapport à ces faits qui s’étalent sur plusieurs mois, même si l’avertissement du 4 juillet 2017 a été infligé de manière précipitée, et que celui du 6 juillet 2017 a été reconnu injustifié au bénéfice du doute ou que la mise à pied a été annulée pour avoir été insuffisamment motivée, mais pour des faits avérés.

Il est donc établi par les éléments recueillis par l’employeur que les agissements invoqués par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs et ne sont pas constitutifs de harcèlement moral.

C’est pourquoi le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du licenciement de M.[V] en raison de l’existence d’un harcèlement moral dont il aurait été victime et en ce qu’il a condamné l’employeur à lui verser la somme de 8000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de ce harcèlement moral, outre 15 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

– Sur le licenciement pour désorganisation de l’entreprise et nécessité de remplacer le salarié absent

Si l’article L.1132-1 du code du travail prohibe le licenciement d’un salarié en raison de son état de santé, le licenciement peut être motivé non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d’un salarié dont l’absence prolongée ou les absences répétées perturbent le fonctionne-ment.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la société Cordier soutient qu’étant une petite structure dont l’effectif est inférieur à 11 salariés, son carnet de commandes était déjà plein lorsque M.[V] a été placé en arrêt de travail à compter du 26 mars 2018, à la suite duquel elle a constamment été à la recherche de personnel temporaire compétent et expérimenté pour le remplacer. Mme [N] aurait été dans l’obligation d’aller elle-même rejoindre les équipes ou de recruter un temps un membre de sa famille. Compte tenu de la tension sur le marché du travail et des difficultés de recrutement, cela a causé

des retards sur certains chantiers et le mécontentement de clients. En fin d’année 2018, un nouveau marché a été conclu, de grande importance et M.[V] n’annonçant pas son retour, la société Cordier indique avoir été dans l’obligation de licencier ce dernier pour embaucher le 18 janvier 2019 un autre salarié dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps plein. Enfin, la société Cordier souligne que M.[V] a indiqué aux services enquêteurs qu’il  » avait décidé de ne plus reprendre ».

M.[V] réplique que la désorganisation de l’entreprise qu’a causé son absence prolongée ne serait pas démontrée, l’employeur indiquant lui-même qu’il a procédé à des recrutements de salariés en intérim, soulignant qu’une embauche proposée par une agence aurait même été refusée, invoquant le choix délibéré de l’employeur de ne pas recourir à l’intérim dans l’attente de son retour.

La société Cordier produit deux attestations d’agences d’intérim qui fait état de recherches de peintres pour le compte de l’entreprise Cordier sur l’année 2018. Si, comme le relève M.[V], une proposition de l’agence Temporis a été refusée le 8 novembre 2018, l’entreprise est revenue vers l’agence dès le 16 novembre 2018, date à laquelle le salarié n’était plus disponible, ce qui démontre la difficulté de recrutement des intérimaires peintres et que la société Cordier n’a aucunement choisi de ne pas recruter d’intérimaires, alors que le registre d’entrée et de sortie du personnel atteste de recrutements ponctuels d’intérimaires pendant la période d’absence de M.[V].

Par ailleurs, plusieurs courriers de clients font état d’un retard dans l’exécution de certains chantiers et de la nécessité de respecter les délais d’exécution, rappelée par nombre d’interlocuteurs.

Enfin, la société Cordier produit des éléments sur un chantier important sur un bâtiment destiné à devenir l’office de tourisme de [Localité 5], pour un chiffre d’affaires de 64 299 euros HT, dont les travaux devaient impérativement commencer le 8 janvier 2019. Cela a rendu nécessaire l’embauche de M.[O] le 18 janvier 2019, juste après le licenciement de M.[V].

Il est donc démontré que l’absence de M.[V], effective lors de son licenciement depuis presque 10 mois, a causé des perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise, notamment compte tenu de la survenance de ce nouveau chantier à [Localité 5], d’une importance certaine et qui ne pouvait supporter les aléas du recrutement aléatoire de salariés intérimaires.

Par ailleurs il est établi que M.[O] a été recruté le 18 janvier 2019 à durée indéterminée, quelques jours après le licenciement de M.[V], et qu’il est d’ailleurs resté dans l’entreprise de manière durable, et au moins jusqu’en octobre 2020, selon les bulletins de salaire produits.

C’est pourquoi le licenciement de M.[V] apparaît pourvu d’une cause réelle et sérieuse.

M.[V] sera débouté de ses demandes afférentes à son licenciement, y compris de sa demande d’indemnité de préavis et de sa demande d’indemnité de congés payés afférents, puisqu’il a effectué son préavis, selon les termes de la lettre de licenciement et de son dernier bulletin de salaire de mars 2019.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande d’infirmer la décision de première instance afférente à l’indemnité allouée à M.[V] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de le débouter de sa demande à ce titre pour les frais irrépétibles engagés en appel.

S’agissant de la demande de condamnation aux frais d’exécution, il sera rappelé que le titre servant de fondement aux poursuites permet le recouvrement des frais de l’exécution forcée qui sont à la charge du débiteur.

La société Cordier sera également déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 15 avril 2021 par le conseil de prud’hommes de Blois en ce qu’il a :

– annulé la mise à pied disciplinaire notifiée le 10 août 2017 et en ce qu’il a condamné la société Cordier à payer à M.[H] [V] la somme de 461,03 euros à titre de rappel de salaire consécutif à cette la mise à pied ;

– débouté M.[H] [V] de sa demande de rappel d’indemnité de repas ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant des chefs infirmés, et ajoutant,

Condamne la société Cordier à payer à M.[H] [V] la somme de 46,10 euros d’indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire sur la période de mise à pied ;

Déboute M.[H] [V] de ses demandes afférentes au harcèlement moral et de sa demande de nullité du licenciement ;

Dit que le licenciement est pourvu d’une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M.[H] [V] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute M.[H] [V] de sa demande d’indemnité de préavis et d’indemnité de congés payés afférents ;

Déboute M.[H] [V] de ses autres demandes ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Cordier aux dépens de première instance et d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Karine DUPONT Laurence DUVALLET  

Questions / Réponses juridiques

Quel était le motif du licenciement de Mme [S] par la société Mr Bricolage ?

Le licenciement de Mme [S] par la société Mr Bricolage a été notifié pour faute grave. Les raisons invoquées incluaient des incidents sur le déploiement de plusieurs logiciels, ainsi qu’une négligence dans la sécurité des serveurs.

Ces manquements comprenaient l’absence de mises à jour et de sauvegardes des fichiers utilisateurs, ce qui a été considéré comme une insubordination. Mme [S] a été accusée de ne pas avoir solutionné les dysfonctionnements sur lesquels elle avait été alertée, ce qui a conduit à la décision de l’employeur de la licencier.

Quelles ont été les décisions du conseil de prud’hommes concernant le licenciement de Mme [S] ?

Le conseil de prud’hommes d’Orléans a rendu un jugement le 8 mars 2021, déclarant que le licenciement de Mme [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il a fixé son salaire de référence à 3.311,65 euros brut et a condamné la société Mr Bricolage à verser plusieurs indemnités, dont 29.804,85 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 6.623,30 euros brut pour indemnité compensatrice de préavis, et 10.845,64 euros nets pour indemnité légale de licenciement.

Le jugement a également ordonné la remise de documents de fin de contrat à Mme [S].

Quels étaient les arguments de la société Mr Bricolage pour justifier le licenciement ?

La société Mr Bricolage a soutenu que Mme [S] avait négligé ses responsabilités, notamment en ne suivant pas l’évolution des anomalies et des incidents informatiques.

Elle a été accusée de ne pas avoir informé son supérieur des problèmes rencontrés avec le logiciel SSO et de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour le déploiement du logiciel Varonis. L’employeur a également mentionné que Mme [S] avait fait preuve d’inaction concernant la sécurité des serveurs, mettant ainsi en péril le système informatique de l’entreprise.

Ces éléments ont été présentés comme des fautes graves justifiant son licenciement.

Comment Mme [S] a-t-elle réagi aux accusations portées contre elle ?

Mme [S] a contesté les accusations de la société Mr Bricolage, affirmant que son licenciement était le résultat d’une décision stratégique de l’entreprise plutôt que de fautes commises.

Elle a soutenu que sa charge de travail était excessive et qu’elle avait été assignée à des missions supplémentaires qui dépassaient ses responsabilités d’agent de maîtrise. Concernant le logiciel SSO, elle a précisé qu’elle n’était pas responsable de la communication avec l’éditeur et qu’un prestataire extérieur était chargé de résoudre les problèmes.

Elle a également contesté les allégations de négligence en matière de sécurité des serveurs, affirmant avoir effectué les sauvegardes nécessaires.

Quelles ont été les conclusions de la cour d’appel d’Orléans concernant le licenciement ?

La cour d’appel d’Orléans a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant que le licenciement de Mme [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle a examiné les différents griefs formulés par l’employeur et a conclu qu’aucun d’eux n’était suffisamment fondé pour justifier le licenciement. La cour a également statué sur les conséquences financières du licenciement, condamnant la société Mr Bricolage à verser à Mme [S] une indemnité de 35.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d’autres indemnités liées à la période de mise à pied.

La cour a également ordonné la remise de documents de fin de contrat conformes à la décision.


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