Licenciement pour inaptitude : obligations de sécurité et indemnités en question

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Licenciement pour inaptitude : obligations de sécurité et indemnités en question

L’Essentiel : M. [D] [F] a été embauché par la Sas Isor Holding en décembre 2016, évoluant vers un contrat à durée indéterminée en juillet 2017. Après deux accidents du travail, il a été déclaré inapte en novembre 2018 et licencié le 19 décembre. Contestant son licenciement, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement fondé. En appel, M. [F] a demandé la réformation de la décision, tandis que la société a sollicité la confirmation du jugement. La cour a finalement infirmé certains points, condamnant la société à verser des indemnités à M. [F].

Embauche et évolution de M. [F]

M. [D] [F] a été embauché par la Sas Isor Holding en tant qu’agent de propreté avec un contrat à durée déterminée du 6 décembre 2016 au 31 janvier 2017, renouvelé par la suite. Il a ensuite obtenu un contrat à durée indéterminée à temps plein à partir du 1er juillet 2017.

Accidents du travail

M. [F] a subi un premier accident du travail le 13 octobre 2017, après quoi il a repris son poste le 22 octobre. Cependant, il a été victime d’un second accident le 11 avril 2018, ce qui a conduit à son inaptitude à reprendre son emploi.

Licenciement pour inaptitude

Lors de la visite de reprise le 20 novembre 2018, le médecin du travail a déclaré M. [F] inapte à tout emploi. Suite à un entretien préalable au licenciement, il a été licencié le 19 décembre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestation du licenciement

M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 6 juin 2019 pour contester son licenciement et demander des indemnités à la Sas Isor Holding. L’affaire a été radiée puis réinscrite, et le jugement a été rendu le 8 décembre 2022.

Décisions du conseil de prud’hommes

Le conseil a constaté que M. [F] ne prouvait pas ses demandes de rappels de salaire, que la Sas Isor avait respecté ses obligations, et a déclaré le licenciement fondé. M. [F] a été débouté de toutes ses demandes, tandis que la Sas Isor a été déboutée de sa demande de remboursement pour trop-perçu.

Appel de M. [F]

M. [F] a interjeté appel du jugement le 5 janvier 2023, demandant la réformation de la décision sauf en ce qui concerne le remboursement du trop-perçu. Il a réclamé plusieurs sommes, y compris des rappels de salaire et des dommages et intérêts.

Réponse de la société Isor Holding

La société Isor Holding a demandé la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et a également demandé à M. [F] d’être débouté de ses demandes.

Conclusions de la cour

La cour a examiné les éléments de la cause, notamment les manquements à l’obligation de sécurité, les indemnités liées à l’inaptitude, et la remise tardive des documents de fin de contrat. Elle a finalement infirmé le jugement de première instance sur certains points, condamnant la société à verser des sommes à M. [F].

Indemnités et frais

La cour a statué sur les indemnités dues à M. [F], y compris des rappels de salaire, une indemnité compensatrice, et des dommages pour remise tardive des documents. Elle a également condamné la société aux dépens et à payer des frais irrépétibles à l’avocat de M. [F].

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail ?

L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, qui est régie par les articles L4121-1 et suivants du Code du travail.

L’article L4121-1 stipule que :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1. L’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs ;
2. La mise en œuvre d’une organisation et de moyens adaptés. »

L’article L4121-2 précise que l’employeur doit également :

« Prendre en compte l’évolution de la technique, l’organisation du travail, le travail dans une équipe, l’environnement de travail, et la relation entre les travailleurs. »

Dans le cas de M. [F], il a été allégué que son inaptitude était due à un surmenage lié à une surcharge de travail.

Cependant, la société a démontré avoir pris des mesures, notamment en diligentant une enquête par le CHSCT, qui a conclu à l’absence d’anomalies organisationnelles.

Ainsi, la cour a considéré que l’employeur n’avait pas méconnu son obligation de sécurité.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle ?

Le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle est encadré par l’article L1226-14 du Code du travail, qui dispose que :

« La rupture du contrat de travail pour inaptitude suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle ouvre droit pour le salarié à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L1234-5 et à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité prévue par l’article L1234-9. »

Dans le cas de M. [F], il a été licencié pour inaptitude physique d’origine professionnelle.

Il a donc droit à une indemnité compensatrice de préavis, qui a été calculée sur la base de son dernier salaire, ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement.

La cour a reconnu son droit à une indemnité compensatrice de 3 227,54 euros, correspondant à deux mois de salaire, mais a débouté sa demande d’indemnité spéciale de licenciement, car l’employeur avait déjà versé une indemnité supérieure à celle réclamée.

Quels sont les droits des salariés concernant la remise des documents de fin de contrat ?

L’article L1234-20 du Code du travail impose à l’employeur de remettre au salarié, lors de la rupture du contrat de travail, un certain nombre de documents, dont le solde de tout compte.

Cet article précise que :

« L’employeur doit remettre au salarié, à la fin de son contrat de travail, un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte. »

Dans le cas de M. [F], il a dénoncé la remise tardive de ces documents, ce qui a eu un impact sur son indemnisation par Pôle emploi.

La cour a reconnu que les documents auraient dû être remis dans un délai raisonnable après la rupture du contrat, et a accordé à M. [F] des dommages et intérêts de 1 000 euros pour ce préjudice.

Quelles sont les implications des demandes de remboursement pour trop-perçu d’indemnité de licenciement ?

La demande de remboursement pour trop-perçu d’indemnité de licenciement est régie par le principe de la répétition de l’indu, qui est prévu par l’article 1235 du Code civil.

Cet article stipule que :

« Celui qui a reçu une prestation sans droit est tenu de la restituer. »

Dans cette affaire, la société Isor a demandé le remboursement d’un trop-perçu dans le règlement de l’indemnité de licenciement versée à M. [F].

Cependant, la cour a déclaré cette demande irrecevable, car la société n’a pas réussi à prouver que le montant versé était effectivement un trop-perçu.

Ainsi, M. [F] a été débouté de cette demande, et la société a été condamnée à payer les sommes dues au salarié.

10/01/2025

ARRÊT N°2025/3

N° RG 23/00058 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PFZJ

MD/CD

Décision déférée du 08 Décembre 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F21/01024)

D. ROSSI

Section Commerce chambre 2

[D], [U] [F]

C/

S.A.S. ISOR HOLDING

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [D], [U] [F]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Claude YEPONDE, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2023/000427 du 16/01/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIM »E

S.A.S. ISOR HOLDING

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien BOUZERAND de la SELARL JURIS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, faisant fonction de présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DARIES, conseillère, faisant fonction de présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

AF. RIBEYRON, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DARIES, conseillère, faisant fonction de présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [D] [F] a été embauché du 6 décembre 2016 au 31 janvier 2017 par la Sas Isor Holding en qualité d’agent de propreté suivant contrat de travail à durée déterminée, renouvelé, régi par la convention collective nationale des salariés des entreprises de propreté et services associés.

M. [F] a été embauché à durée indéterminée et à temps plein selon avenant du 1er juillet 2017.

M. [F] a été victime d’un accident du travail le 13 octobre 2017 et a repris son poste le 22 octobre 2017.

Il a de nouveau été victime d’un accident du travail le 11 avril 2018 et n’a pas réintégré son emploi.

Lors de la visite de reprise du 20 novembre 2018, le médecin du travail a déclaré M. [F] inapte à tout emploi, l’état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Après avoir été convoqué par courrier du 4 décembre 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 décembre 2018, il a été licencié par courrier du 19 décembre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 6 juin 2019 pour contester son licenciement, demander la condamnation de la Sas Isor Holding pour avoir manqué à son obligation de sécurité, et demander le versement de diverses sommes.

L’affaire a été radiée par décision du 8 juillet 2021 et réinscrite au rôle le jour même.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce chambre 2, par jugement du 8 décembre 2022, a :

– constaté que M. [F] ne démontre pas ses demandes au titre des rappels de salaire,

– dit que la Sas Isor a respecté les délais de remise des documents sociaux,

– dit que la Sas Isor a respecté son obligation de sécurité,

– dit que le licenciement de M. [F] pour impossibilité de reclassement consécutive à son inaptitude,

– déclaré irrecevable la demande de la Sas Isor au titre du remboursement pour trop perçu dans le règlement de l’indemnité de licenciement versée à M. [F].

En conséquence,

– débouté M. [F] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté la Sas Isor de sa demande au titre du remboursement du trop perçu dans le règlement de l’indemnité de licenciement versée à M. [F],

– débouté la Sas Isor de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [F] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 5 janvier 2023, M. [F] a interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 4 avril 2023, M. [D] [F] demande à la cour de :

– réformer le jugement dont appel sauf en ce qu’il a débouté la Sas Isor de sa demande au titre du remboursement du trop-perçu dans le règlement de l’indemnité de licenciement et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant, à nouveau,

– condamner la Sas Isor Holding à lui payer les sommes suivantes :

Rappels de salaire : 1 762,49 euros

Congés payés sur rappels de salaire : 176,25 euros

Indemnité compensatrice de préavis : 3 227,54 euros

Indemnité spéciale de licenciement : 1 613,77 euros

Dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat:

4 000 euros

Dommages intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 5 000 euros

Dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 5 600 euros.

– rappeler que les salaires et congés payés afférents, l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et indemnité de licenciement seront assortis des intérêts de retard au taux légal à compter de la réception par la Sas Isor Holding de la convocation à l’audience de conciliation et d’orientation du 9 juillet 2019,

– condamner la Sas Isor Holding à payer à Me Yéponde la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700, 2° du code de procédure civile,

– condamner la Sas Isor Holding aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 juin 2023, la société Isor Holding et la société Isor Exploitation demandent à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter M. [F] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [F] à verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 4 octobre 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la procédure

Il y a lieu de constater l’intervention volontaire de la société Isor Exploitation ayant constitué avocat le 09-03-2023 aux côtés de la société Isor Holding, toutes deux domiciliées à la même adresse.

I/ Sur la demande de rappel de salaires pour la période du 28 août 2017 au 08 février 2018

Aux termes de l’article 4 de l’annexe relative aux classifications (avenant du 25 juin 2002) de la convention collective des entreprises de propreté et services associés:

« Dans le cas où un salarié est appelé à assurer, au sein de l’entreprise, de façon habituelle, des emplois relevant d’échelons différents, il sera procédé de la façon suivante :

– les salariés effectuant habituellement au moins 20 % de leur temps mensuel inscrit au contrat, dans l’emploi le plus élevé en classement, seront classés dans l’échelon correspondant à cet emploi ;

– les salariés effectuant habituellement moins de 20 % de leur temps mensuel inscrit au contrat, dans l’emploi le plus élevé en classement, ne seront pas classés dans l’échelon le plus élevé mais percevront, pendant le temps consacré à cet emploi, une prime correspondant à la différence entre le salaire horaire de l’échelon le plus élevé et leur salaire horaire ».

M.[F] était affecté à temps plein à compter du 01 juillet 2017 sur le site UTC de [Localité 5] du lundi au vendredi de 14 heures 30 à 20 heures 30 et le samedi de 8 heures à 13 heures.

Par avenant au contrat de travail signé le 19 août 2017, à effet du 28 août 2017 au 08 février 2018, les horaires de travail de M. [F] ont été modifiés temporairement sur une plage horaire de 7 heures 30 à 13 heures 30 du lundi au vendredi et de 8 heures à 13 heures le samedi, pour un total de 35 heures par semaine ( pièce 5 employeur).

M. [F] affirme qu’il a pendant cette période, en plus de ses fonctions habituelles d’agent très qualifié de service à temps plein, remplacé Mme [N] chef d’équipe sur le site de [Localité 5] au moins à hauteur de 17,5 heures, soit 50% de son temps de travail hebdomadaire.

Il a perçu une prime mensuelle de 60 euros dite d’encadrement ou de responsabilité alors qu’en application de l’article pré-cité de la convention collective, il estimait devoir être classé dans l’échelon correspondant à celui de chef d’équipe, niveau 2 et bénéficier du taux horaire de 12,12 euros.

Il a par lettre du 20 octobre 2017 réclamé mais sans effet la régularisation de sa situation.

Il prétend au paiement d’un rappel de salaires bruts de 1.762,49 euros selon décompte en pièce 10 (correspondant à la différence entre ce qu’il auraît du percevoir soit 26.370,80 euros et la somme versée de 22.865,02 euros) outre les congés payés afférents.

La société conclut au débouté. Elle réplique que si l’avenant avait pour but un réaménagement des horaires, M. [F] assurait non la totalité des tâches de Mme [N] qui travaillait sur le site UTC de [Localité 5] pour 17 H 30 mais seulement les tâches oeuvrantes, car les tâches non oeuvrantes étaient prises en charge par Mme [T], autre salariée, en heures supplémentaires, laquelle intervenait également sur les missions dévolues à Mme [N] sur le site UTC de [Localité 6].

La cour constate que l’employeur ne conteste pas que l’avenant, bien que ne mentionnant pas le motif du réaménagement horaire, est lié au remplacement de Mme [N], chef d’équipe. L’avenant ne précise pas plus la nature et la proportionnalité des tâches à effectuer par M.[F].

Les parties s’accordent sur le fait que les missions de Mme [N] sur le site de [Localité 5] équivalaient à tout le moins à 17 h 30 hebdomadaires.

Alors que la société ne remet pas en cause une intervention de M. [F] sur toute la période de septembre 2017 à début février 2018, elle produit deux cahiers de pointage UTC [Localité 6] et UTC [Localité 5] incomplets quant à la période concernée.

Le cahier pour septembre et jusqu’au 04 octobre 2017 porte intervention de M. [F] les 03 et 04 octobre pour 13 heures sur seulement 2 jours et une de 5 heures en septembre de Mme [T], laquelle travaille régulièrement sur le secteur [Localité 6].

L’avenant versé au contrat de travail de Mme [T] de réaménagement des horaires précisément pour remplacement de Mme [N] sur le site de [Localité 5] concerne la seule période du 11 et 12-05-2017 et non celle en litige.

S’il n’est pas établi par M.[F] qu’il a remplacé Mme [N] en sus de son travail à temps complet, du fait du réaménagement horaire, de l’absence d’heures supplémentaires et de la présence d’autres salariés mentionnés sur le site, la cour considère que M. [F] a accompli un équivalent de temps de travail de 17 h 30 sur les 35 heures de travail hebdomadaires ( soit plus de 20% de son temps de travail) en remplacement de Mme [N] pendant plusieurs mois, de telle sorte qu’il doit bénéficier de l’application de l’article 4 de la convention collective.

La société Isor sera donc condamnée à payer un rappel de salaire de 1762,49 euros.

euros outre 176,25 euros de congés payés afférents par infirmation du jugement déféré.

II/ Sur la rupture du contrat de travail

* Sur le manquement à l’obligation de sécurité

En vertu des articles L 4121-1 et suivants du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

M. [F] argue que son inaptitude a pour origine un surmenage lié à une surcharge de travail dénoncée par mail du 16-10-2017 au directeur d’agence M. [J] par M. [G], responsable du site UTC de [Localité 5] et supérieur hiérarchique, à la suite de son accident du travail du 13 octobre 2017, en ces termes : ‘ Pour te signaler que [D] [F] est arrêté jusqu’au 22 octobre 2017 suite à un AT, constat du médecin : surmenage, la surcharge de travail et autre chose qu’il a dû supporter ces derniers temps [ses tâches habituelles + 1 heure pour le showroon] peuvent en être la cause’.

M. [G], également représentant au CHSCT informait d’un état de sous-effectif continuel, d’une situation devenue préoccupante et dangereuse, d’une détérioration de l’état physique et psychique des équipes au vu du manque de moyen, afin que des actions correctives soient mises en place à la lumière de l’obligation de sécurité et résultat (pièce 22).

L’appelant précise que le 22 février 2018, M [G] a pris acte de la rupture du contrat de travail qui le liait à la SAS Isor notamment pour manquement de l’entreprise à ses obligations de sécurité et une transaction est intervenue entre les parties.

Il indique que la société ne démontre pas avoir pris les mesures nécessaires à la suite de cette alerte et il a été victime d’un second accident du travail.

La société réfute tout manquement à l’obligation de sécurité.

S’agissant de l’accident de travail du 13-10-2017, elle rappelle que l’avis de déclaration

mentionne un malaise comme cause de l’accident ( pièce 6 salarié), M. [F], à la prise de poste ne s’étant pas senti bien et que M. [G], lors des échanges avec le directeur d’agence, a écrit que le salarié a déclaré être victime d’une hausse de tension et que le médecin traitant a évoqué un terrain familial propice.

Elle fait valoir également que dès réception de l’alerte de M. [G], elle a répondu demander un point très factuel de la situation pour trouver la meilleure organisation et qu’elle a diligenté une enquête menée par le CHSCT sur le site UTC, au cours de laquelle tous les agents dont M. [F] ont été auditionnés et qui a révélé seulement une tension entre le chef de site et le chef de secteur (pièce 19).

Aussi elle dénie tout lien entre l’accident du travail du 11-04-2018 et une surcharge de travail alléguée dans le cadre de la procédure, à défaut par M. [F] de l’avoir alertée.

Sur ce

Hormis la déclaration d’accident du travail du 13-10-2017, à la suite duquel il a repris son poste le 22 octobre 2017, le salarié ne produit aucun document médical concernant cette période.

A la suite de l’alerte de M. [G], la société a réagi rapidement puisqu’une enquête a été mise en oeuvre par le CHSCT, dont il est produit le rapport du 19-04-2018 sur le site UTC ayant conclu à l’absence d’anomalies organisationnelles au niveau des postes et préconisé une mise au point entre le chef de secteur et le chef de site pour dissiper les tensions existantes entre eux.

Dans la période intermédiaire de 6 mois entre les deux accidents de travail, M. [F] n’a pas interpellé l’employeur, les instances représentatives ou le médecin du travail.

Le fait que M. [G] ait adressé une prise d’acte en février 2018 et aurait signé une transaction ne peut caractériser un contexte permanent de surcharge de travail à la date de l’accident de travail de M. [F] le 11-04-2018, à défaut d’éléments circonstanciés contredisant les conclusions d’enquête du CHSCT, l’appelant ne communiquant pas de témoignages des autres salariés intervenant sur le site UTC.

Aucune heure supplémentaire n’a été réclamée.

Par ailleurs, il n’est communiqué aucune pièce par les parties permettant à la cour d’appréhender le contexte dans lequel l’accident du travail est intervenu, ni élément médical évoquant un lien entre des conditions de travail dégradées et l’état de santé du salarié.

Aussi, du fait des diligences engagées par la société à la suite de l’alerte de M. [G] , des conclusions de l’enquête et du défaut d’éléments de contradiction, la cour considère que l’inaptitude n’est pas en lien avec un manquement de la société à son obligation de sécurité.

M. [F] sera débouté de ses demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, par confirmation du jugement déféré.

* Sur les indemnités afférentes à l’inaptitude d’origine professionnelle

L’attestation destinée à Pôle emploi comporte au titre de la rupture du contrat de travail: ‘licenciement pour inaptitude physique d’origine professionnelle’.

En ce cas, s’applique le régime protecteur du licenciement pour inaptitude professionnelle avec allocation d’indemnités spécifiques.

L’article L1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail pour inaptitude suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle ouvre droit pour le salarié à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L1234-5 et à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité prévue par l’article L 1234-9 du code du travail.

– Sur l’indemnité compensatrice

M. [F] dispose d’une ancienneté de 24 mois.

Sur la base du dernier salaire perçu de 1613,77 euros avant accident de travail et qu’il aurait perçu s’il avait continué à travailler, il réclame une indemnité compensatrice de 3.227,54 euros (soit 2 mois de salaire) .

La société conclut au débouté.

La société a établi une première attestation pour Pôle emploi mentionnant que le préavis a été effectué pour la période du 22-12-2018 au 31-01-2019 mais ne l’a pas été pour la période du 01-02 au 22-02-2019 mais a été payé.

Puis elle a transmis une attestation rectifiée portant préavis non effectué mais payé, sans précision de montant, pour la période du 20-12-2018 au 20-02-2019.

Or ni le solde de tout compte ni le bulletin de salaire du 11-02-2019 pour un montant de 6405,07 euros ne mentionnent paiement d’une indemnité compensatrice.

Il sera donc fait droit à la demande de l’appelant.

Sur l’indemnité spéciale de licenciement

L’appelant prétend au paiement de 1613,77 euros ( 1613,77€x 1/4 x 2 x2) au titre du double de l’indemnité de licenciement. La société s’oppose à la prétention.

En effet, il ressort tant de l’attestation Pôle emploi que du bulletin de salaire de février 2019 joint au solde de tout compte que l’employeur a versé une indemnité de licenciement de 1816,86 euros soit supérieure à celle réclamée.

M.[F] sera débouté de sa demande.

* Sur la délivrance tardive des documents de fin de contrat

M. [F] fait grief à la société de ne pas lui avoir adressé, après notification du licenciement le 19 décembre 2018, les documents de fin de contrat et le solde de tout compte avec la paye du mois de décembre 2018. Il réclamait par courriers des 11, 16 janvier et 31 janvier 2019 le solde de tout compte.

Il dénonce que de ce fait, l’instruction de sa demande d’indemnisation par Pôle emploi a été suspendue et il a été privé de revenus du 20 décembre 2018 au 12 février 2019 et son compte bancaire était débiteur en décembre puis janvier suivant (pièces 15 à 19).

A la suite de la saisine le 28 janvier 2019 de la formation de référé du conseil de prud’hommes de Toulouse, les documents de fin de contrat et le solde de tout compte datés du 08 février 2019 ont été remis (pièce 20).

Aussi pour le préjudice subi, il sollicite 4000,00 euros de dommages et intérêts.

La société s’oppose à la prétention.

Sur ce

Le solde de tout compte doit être remis dès la fin du contrat de travail et en cas de licenciement, le dernier jour de travail effectif.

En l’espèce le préavis était de 2 mois mais le licenciement ayant été prononcé pour inaptitude, M. [F] n’a pu l’effectuer.

Il a été licencié le 19 décembre 2018, date de fin de contrat.

Les documents de fin de contrat et le paiement de l’indemnité compensatrice auraient dû être transmis dans un temps proche de la rupture du contrat de travail.

Or la société a établi les documents à la date du 08 février 2019 et le paiement du solde de tout compte a eu lieu à cette date, ce qui a eu une incidence sur l’indemnisation des droits à l’allocation retour à l’emploi qui a débuté le 03 avril 2019, selon notification de l’organisme Pôle emploi du 05-03-2019.

Aussi il sera alloué une somme de 1000,00 euros de dommages et intérêts à M. [F] par infirmation du jugement déféré.

Sur les demandes annexes

Les intérêts au taux légal dus en application de l’article 1231-6 du code civil sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispositif.

La société Isor Holding, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Le jugement de première instance sera réformé en ce qu’il a condamné M. [F] aux dépens et l’a débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

M. [F] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure.

Il sollicite 3500,00 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale.

La société Isor Holding sera condamnée à payer à Maître Claude Yéponde avocat du bénéficiaire de l’aide qui en fait la demande, la somme de 2000,00 euros pour la procédure. Il convient de rappeler qu’en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le Conseil dispose d’un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée pour demander le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat, à défaut, il est réputé avoir renoncé à celle-ci.

Les sociétés Isor Holding et Isor Exploitation seront déboutées de la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes afférentes à des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’indemnité de licenciement,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant:

Dit que le licenciement est fondé,

Condamne la société Isor Holding à payer à M. [D] [F] les sommes de:

– 1762,49 euros de rappel de salaire outre 176,25 euros de congés payés afférents,

– 3227,54 euros d’indemnité compensatrice égale au montant de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 1000,00 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

Dit que les intérêts au taux légal sont dus sur la créance salariale (rappel de salaires) à compter de la date de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du 09-07-2019 et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.

Condamne la société Isor Holding aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Maître Claude Yéponde avocat du bénéficiaire de l’aide, au titre des frais irrépétibles d’appel à la somme de 2000,00 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.

En application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, Maître Claude Yéponde dispose d’un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée pour demander le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat, à défaut, il est réputé avoir renoncé à celle-ci.

Déboute les sociétés Isor Holding et Isor Exploitation de la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, Conseillère, faisant fonction de présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER M. DARIES

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