L’Essentiel : Mme [T] [S] a été embauchée par la SAS Pylones en 2010 et a évolué au sein de l’entreprise jusqu’à sa déclaration d’inaptitude en 2020, suite à un arrêt de travail. Son licenciement pour inaptitude a été contesté devant le conseil de prud’hommes, qui a jugé qu’il était justifié. En appel, Mme [T] [S] a demandé la reconnaissance de son licenciement comme abusif, mais la cour a confirmé le jugement initial, rejetant ses demandes et soulignant que les preuves fournies n’établissaient pas de lien entre son état de santé et ses conditions de travail.
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Embauche et évolution de carrièreMme [T] [S] a été embauchée le 26 octobre 2010 par la SAS Pylones en tant qu’assistante de boutique, avec un contrat à durée indéterminée. Au fil des années, plusieurs avenants ont modifié ses horaires et son temps de travail. Un nouveau contrat signé le 23 novembre 2016 l’a promue adjointe au responsable de boutique, avec une augmentation de salaire et une prime de mission. Arrêt de travail et inaptitudeDu 28 novembre 2019 au 26 juin 2020, Mme [T] [S] a été en arrêt de travail pour des raisons de santé. À la suite d’une visite de reprise le 1er juillet 2020, le médecin du travail a déclaré son inaptitude à son poste, indiquant que son état de santé empêchait tout reclassement. Licenciement et contestationLa SAS Pylones a convoqué Mme [T] [S] à un entretien préalable le 16 juillet 2020 et lui a notifié son licenciement pour inaptitude le 21 juillet 2020. En réponse, Mme [T] [S] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon le 19 novembre 2020 pour contester son licenciement et demander des indemnités. Jugement du conseil de prud’hommesLe 28 septembre 2022, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement de Mme [T] [S] était justifié par une cause réelle et sérieuse, déboutant la salariée de toutes ses demandes et mettant les dépens à sa charge. Appel et demandes de Mme [T] [S]Mme [T] [S] a interjeté appel le 27 octobre 2022, demandant à la cour d’infirmer le jugement et de reconnaître son licenciement comme abusif. Elle a réclamé diverses sommes, y compris des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et atteinte à la santé. Arguments de la SAS PylonesLa SAS Pylones a contesté les demandes de Mme [T] [S], affirmant qu’elle avait respecté ses obligations contractuelles et que les demandes de la salariée étaient prescrites. L’entreprise a également souligné que Mme [T] [S] n’avait jamais signalé de surcharge de travail ou de conditions de travail dégradées. Éléments de preuve et décisions judiciairesLes éléments présentés par Mme [T] [S] pour prouver ses allégations n’ont pas été jugés suffisants par la cour. Les témoignages de collègues et les certificats médicaux n’ont pas établi de lien direct entre son inaptitude et son travail. La cour a confirmé que le licenciement était justifié et que l’employeur avait respecté ses obligations. Conclusion de la courLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant les demandes de Mme [T] [S] et condamnant cette dernière à verser des frais à la SAS Pylones. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité et de santé au travail ?L’article L4121-1 du Code du travail stipule que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur doit également veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. L’article L4121-2 précise que l’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Éviter les risques ; 2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié. Quelles sont les conséquences d’un licenciement pour inaptitude ?Le licenciement pour inaptitude est régi par l’article L1226-4 du Code du travail, qui stipule que lorsque le licenciement est prononcé pour inaptitude d’origine non professionnelle, l’employeur n’est pas tenu de verser d’indemnité compensatrice de préavis. L’employeur doit également respecter la procédure de licenciement, qui inclut la convocation à un entretien préalable. Dans le cas de Mme [T] [S], le licenciement a été notifié après un avis d’inaptitude du médecin du travail, qui a déclaré que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Il est important de noter que si l’inaptitude est d’origine professionnelle, des protections supplémentaires s’appliquent. L’employeur doit démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter l’inaptitude et qu’il a connaissance de l’origine professionnelle de celle-ci au moment du licenciement. Dans le cas présent, la cour a constaté que l’inaptitude de Mme [T] [S] n’était pas d’origine professionnelle, ce qui a conduit à la confirmation de la légitimité de son licenciement. Quels sont les droits des salariés concernant les heures complémentaires et les congés payés ?L’article L3121-22 du Code du travail précise que les heures complémentaires sont celles effectuées au-delà de la durée de travail prévue dans le contrat de travail à temps partiel. Ces heures doivent être rémunérées selon les modalités prévues par la convention collective ou le contrat de travail. Concernant les congés payés, l’article L3141-1 stipule que tout salarié a droit à un congé payé d’une durée minimale de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif chez un même employeur. Les congés non pris doivent être rémunérés lors de la rupture du contrat de travail. Dans le cas de Mme [T] [S], elle a demandé des dommages et intérêts pour le non-paiement de ses heures complémentaires et des congés payés non pris. Cependant, la cour a constaté que les demandes étaient prescrites et que l’employeur avait régularisé sa situation en répondant à ses sollicitations. Comment se détermine la cause réelle et sérieuse d’un licenciement ?L’article L1232-1 du Code du travail stipule que le licenciement doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse. Cela signifie que l’employeur doit justifier d’un motif objectif et vérifiable. La jurisprudence a établi que la cause réelle et sérieuse peut être appréciée au regard des faits et des circonstances entourant le licenciement. Dans le cas de Mme [T] [S], la cour a jugé que son licenciement pour inaptitude était justifié par l’avis du médecin du travail, qui a déclaré son inaptitude à son poste et l’impossibilité de reclassement. Il appartient à l’employeur de prouver que le licenciement repose sur des éléments tangibles et non sur des considérations subjectives. Dans cette affaire, la cour a confirmé que les éléments présentés par l’employeur étaient suffisants pour établir la cause réelle et sérieuse du licenciement. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/03479 – N° Portalis DBVH-V-B7G-ITL6
CRL/DO
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON
28 septembre 2022
RG :20/00432
[S]
C/
S.A.S. PYLONES
Grosse délivrée le 13 JANVIER 2025 à :
– Me MICHEL
– Me VAJOU
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 13 JANVIER 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVIGNON en date du 28 Septembre 2022, N°20/00432
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 Octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Janvier 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [T] [S]
née le 21 Mai 1985 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Barbara MICHEL, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A.S. PYLONES
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Janvier 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
Mme [T] [S] a été embauchée le 26 octobre 2010 par la SAS Pylones en qualité d’assistante de boutique, statut employée, pour 120 heures moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 223,97 euros suivant contrat de travail à durée indéterminée. La relation de travail est soumise à la convention collective du commerce de détail non alimentaire
Plusieurs avenants vont se succéder ayant pour effet de modifier les horaires et temps de travail de la salariée.
Un nouveau contrat de travail a été signé le 23 novembre 2016, avec reprise d’ancienneté à octobre 2010, par lequel Mme [S] a été nommée adjointe au responsable de boutique, statut agent de maîtrise, avec un volume horaire de 151,67 heures pour une rémunération de 1.632,34 euros et une prime de mission d’un montant de 267,65 euros bruts mensuels.
Du 28 novembre 2019 au 26 juin 2020, la salariée a été placée en arrêt de travail au titre de l’assurance maladie.
Le 01 juillet 2020, dans le cadre d’une visite de reprise, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude en ces termes : ‘inapte à son poste. Son état fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’.
La SAS Pylones a convoqué Mme [T] [S] à entretien préalable fixé le 16 juillet 2020 puis par courrier daté du 21 juillet 2020, lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête réceptionnée le 19 novembre 2020, Mme [T] [S] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon pour contester son licenciement et voir condamner l’employeur au paiement de diverses sommes.
Par jugement en date du 28 septembre 2022, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :
– dit que le licenciement de Mme [S] en date du 21 juillet 2020 est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,
– débouté Mme [S] de l’ensemble de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens de l’instance ainsi que les éventuels frais d’exécution à la charge de Mme [S].
Par acte du 27 octobre 2022, Mme [S] a régulièrement interjeté appel de la décision.
Par ordonnance en date du 29 mai 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 septembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 22 octobre 2024.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 18 janvier 2023, Mme [T] [S] demande à la cour de :
– la recevoir en son appel et l’y déclarer bien fondée,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon du 28 septembre 2022,
– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– juger que le licenciement revêt un caractère abusif,
– condamner la société Pylones au paiement des sommes suivantes :
* exécution fautive du contrat de travail :15 000,00 euros (heures complémentaires non majorées et congés payés posés d’office),
* rappel de salaires sur la base de la classification agent de maîtrise : 7 189,59 euros,
* congés payés sur rappel de salaire : 718,95 euros,
* complément indemnité de licenciement : 876,98 euros,
* dommages et intérêts atteinte à la santé : 15 000,00 euros,
* dommages et intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8 725,00 euros,
* dommages et intérêts rupture abusive : 28 000,00 euros,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– condamner la société Pylones au paiement des intérêts de droit à compter de la demande,
– condamner la société Pylones au droit de recouvrement ou d’encaissement en application de l’article 10 du décret du 12 décembre 1996,
– condamner la société Pylones au paiement de la somme de 4 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Pylones aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses demandes, Mme [T] [S] fait valoir que :
– elle a sollicité à de multiples reprises le paiement de ses heures complémentaires et supplémentaires, en vain, ainsi que pour le paiement des congés qu’elle n’avait pu prendre en raison de sa charge de travail,
– la SAS Pylones bien qu’alertée des conditions de travail difficiles imposées dans ses boutiques n’a jamais apporté la moindre amélioration,
– la déclaration d’inaptitude est la conséquence de ces conditions de travail détériorées et de l’absence de réaction de son employeur,
– malgré sa désignation comme responsable adjointe de boutique, ses bulletins de salaire n’ont jamais repris cette qualification, ni la rémunération correspondante,
– la SAS Pylones a également manqué à son obligation de sécurité à son encontre, en ne prenant pas en compte ses multiples alertes sur sa souffrance au travail, laquelle a eu des conséquences importantes sur son état de santé,
– au contraire, la SAS Pylones n’a nullement pris en compte ses besoins au sein de la boutique d'[Localité 6] tout en maintenant ses exigences en quantité et qualité de travail,
– elle a fini par déclencher un burn-out en raison de ses conditions de travail, et la SAS Pylones doit être considérée comme étant à l’origine de son inaptitude,
– elle produit de multiples éléments qui établissent des conditions de travail qui ne sont pas dignes d’une marque nationale, et une totale indifférence de sa hiérarchie,
– elle produit des justificatifs médicaux incontestables qui établissent le lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail,
– ses demandes indemnitaires sont par suite intégralement fondées en raison de l’importance de son préjudice.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 11 avril 2023, la SAS Pylones demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Avignon le 28 septembre 2022 en ce qu’il a débouté Mme [T] [S] de l’ensemble de ses demandes,
– en conséquence, débouter Mme [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
– y ajoutant, condamner Mme [S] à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SAS Pylones fait valoir que :
– en novembre 2019, elle a lancé un processus interne et externe de recrutement pour le poste de responsable de la boutique d'[Localité 6] et la candidature de Mme [T] [S] n’a pas été retenue, ce dont elle a été informée le 20 novembre 2019,
– Mme [T] [S] était ensuite placée en arrêt de travail au titre de l’assurance maladie à compter du 28 novembre 2019 et jusqu’à sa déclaration d’inaptitude,
– concernant la demande présentée au titre des congés payés posés d’office, Mme [T] [S] ne produit aucun élément concret et les périodes découlant de son décompte établi pour les besoins de la cause sont manifestement prescrites,
– elle a été remplie de l’ensemble de ses droits en matière de congés payés, le solde lui ayant été réglé avec le solde de tout compte,
– s’agissant de la demande présentée au titre des heures complémentaires et supplémentaires, Mme [T] [S] étant à temps plein depuis octobre 2016, les demandes relatives aux heures complémentaires sont prescrites,
– aucun élément probant n’est produit concernant les heures supplémentaires non rémunérées alléguées, et les seules heures supplémentaires que Mme [T] [S] a exécutées lui ont été rémunérées, soit en février, avril, juillet, septembre et octobre 2019,
– Mme [T] [S] n’apporte aucun élément au soutien de sa demande de rappel de salaire en raison de la non-prise en compte de son statut d’agent de maîtrise, l’avenant au contrat de travail prévoyant une rémunération de 1.900 euros mensuels à l’issue d’une période probatoire, et cette augmentation de salaire a été prise en compte dès décembre 2019, la mention erronée du statut sur les bulletins de salaire étant sans impact sur le salaire,
– Mme [T] [S] n’apporte aucun élément pour établir le manquement à l’obligation de sécurité, les difficultés évoquées en CSE ne mentionnent jamais la boutique d'[Localité 6] qui est une petite boutique,
– le chiffre d’affaires de la boutique d'[Localité 6] a baissé de 38,36% entre 2015 et 2019, ce qui signifie également une baisse de fréquentation, et Mme [T] [S] ne peut pas sérieusement soutenir que la charge de travail aurait augmenté et qu’il existait un problème de sous-effectif,
– le conseil de prud’hommes a justement relevé que pendant ses 10 années de travail, Mme [T] [S] n’a jamais alerté sa hiérarchie sur ses conditions de travail ou une éventuelle surcharge de travail,
– le médecin du travail n’a pas retenu l’origine professionnelle de l’inaptitude, et fait état d’un ‘manque de reconnaissance professionnelle ressenti’, ce qui démontre que le refus de sa candidature au poste de responsable de boutique est à l’origine de ses arrêts de travail successifs
– le médecin de Mme [T] [S] mentionne également une dégradation de l’état de santé en novembre 2019, soit au moment où le poste de responsable de boutique lui a été refusé,
– elle a tout mis en oeuvre pour assurer la sécurité et la santé de ses salariés, les DUER de chaque boutique listent les nombreux risques évalués pour les salariés, Mme [T] [S] a été reçue à intervalles régulier par le médecin du travail qui l’a toujours déclarée apte, elle a bénéficié d’entretiens individuels au cours desquels sa charge de travail a été évoquée sans qu’elle ne dénonce quoi que ce soit,
– les difficultés matérielles ponctuelles que la boutique a pu connaître ont été immédiatement gérées,
– Mme [T] [S] ne produit aucun élément qui permettrait d’établir un lien entre son inaptitude et son travail,
– elle ne justifie par ailleurs d’aucun préjudice distinct de celui résultant de la rupture de son contrat de travail qui justifierait de lui allouer des dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail,
– la demande de complément d’indemnité de licenciement n’est pas fondée, Mme [T] [S] ayant perçu une indemnité conventionnelle d’un montant supérieur au minimum légal,
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.
Demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
* dommages et intérêts pour ‘exécution fautive du contrat de travail’
Au visa de l’article L 1222-1 du code du travail qui dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi, Mme [T] [S] sollicite la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts en faisant valoir qu’elle a vainement sollicité de son employeur le paiement des heures complémentaires et supplémentaires qu’elle a été contrainte d’effectuer et des congés payés qu’elle n’a pu prendre en raison de ses conditions de travail et du manque de personnel.
Au soutien de ses demandes, Mme [T] [S] produit :
– la description des fonctions d’adjoint boutique,
– un tableau présenté comme étant le planning de la boutique d'[Localité 6],
– un décompte de temps de travail pour le mois de janvier 2019 qui mentionne la concernant 155,50 heures,
– un décompte manuscrit listant des jours de congés acquis et pris depuis 2011 pour arriver à une erreur en sa faveur de 2,76 jours,
– un décompte manuscrit d’heures complémentaires entre 2010 et 2014, avec mention en face de l’année 2014 ‘ de janvier à septembre avenant temps plein signé , remplacement congé maternité »’,
– un courrier daté du 22 octobre 2015 dans lequel l’employeur lui indique en réponse à sa demande du 15 octobre 2015 qu’il reste redevable à son profit suite à l’accord de branche désormais applicable dans l’entreprise depuis avril 2015 d’une somme de 305,88 euros ‘ résultant d’erreurs matérielles’ d’une somme de 68,40 euros,
– des échanges de courriels antérieurs à ce courrier, avec la gestionnaire paie qui lui précise que la somme de 305,88 euros lui est due, en fonction des règles de calcul propres à chaque période, pour ses heures complémentaires entre 2010 et 2014,
– des échanges de courriels avec la gestionnaire paie concernant le décompte des jours de congés payés, cette dernière reprenant les décomptes sur 8 années, pour conclure à un décalage de 2,76 jours,
– les comptes-rendus des réunions du comité d’entreprise de la SAS Pylones entre février 2015 et mai 2018 étant observé qu’aucun d’entre eux ne mentionne spécifiquement la situation de la boutique d'[Localité 6] ou la situation de Mme [T] [S].
La SAS Pylones conteste tout manquement de sa part et fait valoir que Mme [T] [S] a été intégralement réglée de l’ensemble de ses heures complémentaires, pour lesquelles la demande serait en tout état de cause prescrite puisqu’antérieur de plus de 3 ans à la rupture du contrat de travail compte-tenu de la date de son passage à temps plein, heures supplémentaires et congés payés.
Elle se réfère en ce sens aux bulletins de salaire de Mme [T] [S] et au solde de tout compte dont les termes ne sont pas contestés par Mme [T] [S].
De fait, Mme [T] [S] ne sollicite pas le règlement d’un rappel de salaire au titre d’heures de travail qui ne lui auraient pas été réglées ou de jours de congés non pris ou rémunérés, mais uniquement des dommages et intérêts pour leur non paiement sans toutefois préciser le volume horaire ou le nombre de jours de congés concernés.
Les échanges de courriels produits par Mme [T] [S] établissent en revanche que lorsqu’elle a interrogé le service paie sur des erreurs dans le paiement de ses heures complémentaires ou sur le solde de ses congés payés, elle a eu immédiatement une réponse et une régularisation de sa situation étant rappelé que concernant les salaires, il est question d’une somme de l’ordre de 400 euros sur une période de 5 années au titre des heures complémentaires, et concernant les congés il s’agit de 2,76 jours de congés sur une période de 10 ans. Le caractère marginal de ces erreurs ne saurait caractériser une volonté de l’employeur de ne pas exécuter loyalement le contrat de travail.
Concernant le décompte horaire du mois de janvier 2019, il mentionne pour Mme [T] [S] une durée de travail de 155,5 heures et le bulletin de salaire correspondant mentionne une majoration de 100% pour 3,83 heures en sus de l’horaire mensuel, soit la juste rémunération du temps de travail supplémentaire sur la période concernée.
Les débats en comité d’établissement n’établissent aucun comportement déloyal de l’employeur vis-à-vis de Mme [T] [S], dès lors qu’ils relatent des difficultés globales au sein de la société en lien notamment avec ses baisses de chiffre d’affaires.
Par suite, aucun manquement de l’employeur à ce titre n’est caractérisé et Mme [T] [S] a justement été déboutée de cette demande par le premier juge.
* rappel de salaire au titre de la classification professionnelle
Mme [T] [S] sollicite à ce titre la somme de 7.189,59 euros au motif que l’employeur ne lui a pas réglé le salaire minimal auquel elle pouvait prétendre dès lors qu’elle a accédé au statut d’agent de maîtrise.
Elle produit au soutien de sa demande ses bulletins de salaire sur lesquels n’est pas mentionné son statut d’agent de maîtrise et son contrat de travail en date du 23 novembre 2016 qui mentionne son embauche au statut d’agent de maîtrise.
La SAS Pylones conteste cette demande et fait valoir que Mme [T] [S] a été rémunérée conformément à son contrat de travail et sur la base du salaire conventionnel conforme à son statut.
La cour ne peut que constater que Mme [T] [S] n’apporte aucune explication sur la méthode de calcul appliquée pour aboutir à un rappel de salaire de 7.189,59 euros.
Ceci étant, le contrat de travail en date du 23 novembre 2016 mentionne en son article 6 – Rémunération que : ‘ Madame [T] [S] percevra une rémunération mensuelle brute de 1.632,34 euros sur douze mois pro ratée au temps de présence, à laquelle s’ajoutera une prime de mission, liée à cette nouvelle mission d’adjointe au responsable de boutique, d’un montant de 267,66 euros bruts mensuels à compter du 1er décembre 2016.
Il est convenu entre les parties que la prime de mission d’un montant de 267,65 euros bruts mensuels sera intégrée au salaire de base à l’issue de la période probatoire si celle-ci s’avère concluante. Ainsi, le montant de la rémunération brute mensuelle sera de 1900 euros sur 12 mois soit une rémunération annuelle de 22.800 euros.(…)’
L’avenant à la convention collective applicable au contrat de travail prévoit pour les salaires de l’année 2016 un minimum conventionnel de 1.780 euros pour les emplois de catégorie 6 auxquels le contrat rattache le poste de Mme [T] [S].
La seule grille des salaires interne à la SAS Pylones produite par Mme [T] [S] mentionne pour l’année 2015 une fourchette de rémunération pour les adjoints responsables de boutique comprise entre 1.900 et 2.091 euros mensuels en fonction de la taille de la boutique.
Les bulletins de salaires de Mme [T] [S] à compter de décembre 2016, s’ils ne mentionnent pas son statut d’agent de maîtrise, mentionnent en revanche sa fonction ‘ adjointe resp de boutique’ son niveau de classification ‘ 6″ et la rémunération prévue au contrat de travail, conforme à la grille de salaire de l’entreprise qu’elle produit, et supérieure au minimum conventionnel, soit 1.900 euros mensuels bruts hors prime et majorations.
Par suite, aucun rappel de salaire n’est dû à ce titre et Mme [T] [S] a justement été déboutée de cette demande par le premier juge.
* obligation de sécurité
Selon l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L.4121-2 précise que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.»
Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.
Mme [T] [S] expose qu’elle a alerté à de multiples reprises sa direction sur sa souffrance au travail et renvoie en ce sens aux pièces produites au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Elle produit également :
– un courriel en date du 8 juin 2019 par lequel elle informe qu’elle rencontre des problèmes électriques ‘ dans la seconde salle les lumières des étagères ne s’allument plus (…) J’espèce qu’il n’y a pas de risque d’incendie pour le magasin ou d’électrocution pour nous’,
– des échanges de courriels en date du 21 octobre 2019 concernant une fuite d’eau, son interlocuteur lui recommandant de ‘ mettre en OFF’ les connecteurs des prises électriques concernées sur le tableau électriques et assurer l’éclairage en recourant à d’autres prises non concernées par la fuite d’eau,
– les arrêts de travail au titre de l’assurance maladie qui mentionnent un surmenage professionnel,
ou un burn out professionnel,
– une attestation de son médecin traitant, le Dr [R], établie le 08/01/2021 qui mentionne un suivi depuis novembre 2018, avec surmenage professionnel ‘ patiente très investie dans son travail dont la charge était importante, son état de santé s’est dégradé avec un état anxio-dépressif à partir de novembre 2019. Elle a été en arrêt maladie pour burn out professionnel du 28/11/2019 au 30/06/2020″,
– une attestation du Dr [C], qui atteste avoir déclaré l’inaptitude de l’appelante et indique que celle-ci était ‘ directement liée à un épuisement professionnel associé à un manque de reconnaissance professionnel ressenti’.
La SAS Pylones conteste tout manquement de sa part à son obligation de sécurité et justifie sans être contredit par Mme [T] [S] :
– de l’évaluation des risques professionnels sous forme de DUER,
– des suivis réguliers de Mme [T] [S] auprès de la médecine du travail, laquelle a toujours été déclarée apte à son poste, sans aucune restriction ou alerte, en 2011, 2013, 2015, 2018,
– des entretiens individuels réguliers au cours desquels Mme [T] [S] ne s’est jamais plainte de ses conditions de travail,
et concernant les deux problèmes de maintenance sur la boutique d'[Localité 6], des démarches immédiatement entreprises pour y remédier.
De fait, outre les mesures générales et régulières mise en oeuvre par la SAS Pylones pour s’assurer de la sécurité et de la santé de Mme [T] [S] dans le cadre de son travail, force est de constater qu’elle n’a jamais été alertée par la salariée sur une surcharge de travail ou une dégradation de ses conditions de travail.
Les mentions portées sur les certificats médicaux ne font que reprendre les déclarations de la salariée, et les volets présentés pour les arrêts de travail au titre de l’assurance maladie ne sont pas communiqués en l’état à l’employeur qui n’a pas connaissance des mentions relatives à la pathologie.
Il a par ailleurs été statué sur les éléments relatifs à l’exécution déloyale du contrat de travail supra.
En conséquence, aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est démontré et c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [T] [S] de sa demande présentée à ce titre.
Demandes relatives à la rupture du contrat de travail
Mme [T] [S] a été licenciée pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement par courrier daté du 21 juillet 2020 rédigé dans les termes suivants:
‘ Madame,
Vous avez été engagée au sein de notre société en qualité de vendeuse le 26 octobre 2010 en contrat de travail à durée indéterminée sur la base d’un temps partiel, et occupez en dernier état les fonctions d’ ‘adjointe au responsable de boutique’ à temps complet au sein de notre établissement secondaire situé au [Adresse 2] à [Localité 6].
Par courrier en date du 8 juillet 2020, nous vous avons convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour le jeudi 16 juillet 2020 à 12h00 au sein de notre établissement principal situé au [Adresse 4] à [Localité 5].
Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien au cours duquel nous souhaitions vous exposer les motifs qui nous conduisent à prononcer votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Pour rappel, au terme de votre examen médical de reprise du 1er juillet 2020, qui avait été précédé d’un échange avec l’employeur et d’une étude de votre poste et des conditions de travail le 28 janvier 2020, le médecin du travail a constaté votre inaptitude à votre poste d’Adjointe au responsable dans les termes suivants :
‘ Inapte à son poste. Son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.’
Dans la rubrique ‘cas de dispense de l’obligation de reclassement’, le médecin a coché :
‘ l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’.
Ne vous étant pas présentée à l’entretien du 16 juillet dernier, vous n’avez pas apporté plus de précisions.
Par conséquent, en raison de votre inaptitude constatée le 1er juillet 2020 par le médecin du travail et de l’impossibilité de vous reclasser, compte tenu de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement.
Votre contrat de travail prend fin à la date de l’envoi de cette lettre, soit le 21 juillet 2020. Conformément à l’article L 1226-4 du code du travail, vous ne percevrez pas d’indemnité compensatrice de préavis.
Nous vous adresserons par voie postale votre solde de tout compte, votre attestation Pôle Emploi et votre certificat de travail, ainsi que les sommes afférentes.
Conformément à l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, vous pouvez bénéficier du maintien des garanties santé et prévoyance à compter de la date de cessation de votre contrat de travail et sous réserve de justifier d’une prise en charge par le régime d’assurance chômage.
La durée de ce maintien est équivalente à la durée d’indemnisation par l’assurance chômage dans la limite de la durée de votre contrat de travail au sein de l’entreprise et en tout état de cause sans pouvoir excéder 12 mois.
Pour votre information, vous avez la possibilité de renoncer, par écrit, à la portabilité de la prévoyance sans perdre le bénéfice de la portabilité de la mutuelle.
Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Nous avons la faculté d’y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l’initiative d’apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.
Regrettant d’avoir été amenés à prendre une telle décision, nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de nos salutations distinguées.’
* sur l’origine de l’inaptitude
Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Puisque le droit du travail est autonome par rapport au droit de la sécurité sociale, l’application de ces dispositions protectrices n’est pas liée à la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie par un organisme de sécurité sociale . De la même manière, la circonstance qu’un salarié ait été au moment du licenciement déclaré consolidé de son accident du travail par la caisse primaire d’assurance maladie et pris en charge par les organismes sociaux au titre de la maladie n’est pas de nature à faire perdre au salarié le bénéfice de la législation protectrice des accidentés du travail .
En conséquence, la mise en oeuvre du régime protecteur est seulement subordonnée à l’origine professionnelle de l’inaptitude et à sa connaissance par l’employeur. Ainsi, une décision de prise en charge ne constitue qu’un élément de preuve parmi d’autres laissés à l’appréciation du juge prud’homal auquel il appartient de rechercher lui-même l’existence d’un lien de causalité entre l’inaptitude et l’accident du travail ou la maladie professionnelle . De même, une décision de refus de prise en charge ne suffit pas davantage à écarter ce lien de causalité.
Ainsi, dès lors que l’accident est survenu au temps et au lieu du travail, la législation professionnelle s’applique, peu important la décision de refus prise par la caisse primaire d’assurance maladie et la connaissance ou non par l’employeur de l’exercice d’un recours du salarié. La protection s’applique également dès que l’employeur a eu connaissance de la nature professionnelle de la maladie ou de l’accident, même si la constatation par la sécurité sociale n’est pas encore intervenue ou n’a pas été sollicitée . De même, l’employeur qui est informé, au moment du licenciement, qu’une procédure avait été engagée par le salarié pour faire reconnaître le caractère professionnel de son accident ou de sa maladie doit mettre en oeuvre la législation professionnelle.
Les juges du fond ont obligation de rechercher eux mêmes l’existence de ce lien de causalité et la connaissance qu’avait l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie.
En l’espèce, Mme [T] [S] a été placée en arrêt de travail au titre de l’assurance maladie à compter du 28 novembre 2019. .
L’avis d’inaptitude a été rendu par le médecin du travail le 1er juillet 2020 dans le cadre d’une seule visite, après étude du poste, des conditions de travail et échanges avec l’employeur en date du 28 janvier 2020. Il ne comporte aucune mention relative à l’origine de l’inaptitude, et indique ‘ inapte à son poste. Son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’.
Pour établir l’origine professionnelle de son inaptitude, Mme [T] [S] se prévaut du fait que ‘ Les plannings qui étaient imposés entrainant des heures complémentaires non payées, les congés payés que Madame [S] ne parvenait pas à prendre (pièces N° 15 & 50) le manque chronique de personnel et les attentes de chiffre (pièces N° 54 55) de la Société PYLONES, outre l’absence de reconnaissance ont été les facteurs déclenchant d’un burn-out (pièces N° 60 61 63 à 71, 73) directement lié aux conditions de travail’.
Il a été rappelé supra que les heures complémentaires dont se prévaut Mme [T] [S] se rapporte à la période où elle travaillait à temps partiel, soit entre 2010 et 2014, ce qui correspond en tout état de cause à une période trop ancienne pour justifier d’une dégradation de son état de santé 5 ans plus tard ; et que la question des congés non pris concerne 2,78 jours sur une période de dix ans, ce qui ne saurait être à l’origine d’une dégradation de l’état de santé dans les proportions décrites.
Concernant le manque chronique de personnel, les attentes de chiffre, et l’absence de réaction de l’employeur, Mme [T] [S] se réfère aux comptes-rendus des réunions du CSE qui, si elles décrivent des relations sociales potentiellement difficiles, ne permettent pas de caractériser une quelconque dégradation des conditions de travail propres à l’appelante.
S’agissant du manque de reconnaissance, Mme [T] [S] produit :
– l’attestation du médecin du travail qui mentionne ‘ un épuisement professionnel associé à un manque de reconnaissance ressenti’, étant observé qu’il n’a pas retenu une inaptitude d’origine professionnelle et n’a jamais alerté l’employeur suite aux visites médicales régulières d’une quelconque difficulté en ce sens,
– les arrêts de travail au titre de l’assurance maladie qui mentionnent un épuisement professionnel ou un burn-out, étant rappelé que le médecin traitant ne fait que reprendre les éléments factuels rapportés par son patient,
– un certificat médical du Dr [R] en date du 12 août 2021 qui mentionne notamment un état de surmenage, et pour la consultation du 28 novembre 2019 ‘ état d’épuisement physique et moral suite à des tensions importantes avec son employeur,
– les attestations de son concubin, sa mère et son frère, qui ne font que reprendre ce qu’elle a pu leur décrire de ses conditions de travail,
– une attestation établie par M. [Y] [E], qui se présente comme ancien collègue de travail de Mme [T] [S], en fait le responsable de la boutique d'[Localité 6], lequel dénonce les conditions de travail et les exigences de résultat qui ont motivé son départ, et indique que Mme [T] [S] était ‘ déjà très épuisée par ces conditions ainsi que de nombreuses mesquineries de notre hiérarchie … [T] a totalement craqué ( pleurs, insomnies et autres …) En quelques mois j’ai vu la santé et le moral de [T] se dégrader fortement jusqu’au point de non retour, le burn out’,
– une attestation établie par Mme [L] [I] qui se présente comme ancienne collègue et indique avoir travaillé avec Mme [T] [S] à compter de 2016, elle dénonce des conditions de travail difficiles, un manque de personnel, un ‘ rythme effréné’, un épuisement de tout le personnel, elle explique que suite au départ de M. [E], Mme [T] [S] a postulé pour le remplacer et s’est ‘ effondrée quand elle a su qu’elle n’avait pas le poste, le lendemain elle n’avait plus de voix, les larmes lui montaient en travaillant, elle partait pleurer en réserve’.
La SAS Pylones conteste toute origine professionnelle à l’inaptitude de Mme [T] [S] et fait valoir que cette dernière ne justifie pas des conditions de travail qu’elle dénonce, et considère que c’est la déception de ne pas avoir le poste pour lequel elle avait candidaté qui est à l’origine de son arrêt de travail.
La SAS Pylones rappelle qu’elle n’a fait que respecter l’avis de la médecine du travail en procédant au licenciement de Mme [T] [S].
Force est de constater que les témoignages des anciens collègues de travail de Mme [T] [S], empreints de reproches personnels envers la SAS Pylones, interrogent sur leur sincérité. Au surplus, M. [E], en sa qualité de supérieur hiérarchique de Mme [T] [S] aurait laissé cette dernière dans un état de souffrance au travail sans alerter la direction de la société, et ce pendant plusieurs années.
Mme [T] [S] qui se présente comme étant en état de grande difficulté en raison de l’absence de reconnaissance de sa hiérarchie et de conditions de travail éprouvantes, postule pour occuper les fonctions de responsable de boutique, et donc accroître ses responsabilités et sa charge de travail, ce qui est également contradictoire, mais reconnait dans ses écritures qu’elle a été déçue de ne pas obtenir ce poste, sa collègue évoquant même qu’elle s’est effondrée.
De fait, les éléments médicaux confirment que c’est en novembre 2019 que Mme [T] [S] a vu son état de santé se dégrader au point de devoir être arrêtée, le médecin traitant ayant en revanche établi uniquement des arrêts de travail au titre de l’assurance maladie et aucune démarche n’étant ensuite entreprise pour obtenir une prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Ainsi, si Mme [T] [S], qui se décrit comme particulièrement impliquée dans son travail, a présenté une dégradation de son état de santé importante lorsqu’elle a appris qu’elle n’occuperait pas le poste de responsable de boutique pour lequel elle avait postulé qui a conduit à son inaptitude, elle ne rapporte pas en revanche d’éléments pertinents permettant de considérer que cette inaptitude est d’origine professionnelle et que l’employeur en aurait eu connaissance au moment du licenciement.
La décision déférée qui a débouté Mme [T] [S] de sa demande de voir qualifier son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires subséquentes sera confirmée.
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 septembre 2022 par le conseil de prud’hommes d’Avignon,
Condamne Mme [T] [S] à verser à la SAS Pylones la somme de 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [T] [S] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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