L’Essentiel : Monsieur [F] [L] a été engagé par Fekra Consulting en tant que training manager-consultant en 2013. En 2016, il a déménagé dans le Haut-Rhin et a obtenu un accord de télétravail. Après un arrêt maladie en 2020, il a été déclaré inapte à son poste. En février 2021, il a été licencié pour inaptitude. Contestant ce licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé sa demande infondée. Cependant, la cour d’appel a reconnu le harcèlement moral et a déclaré le licenciement nul, ordonnant à l’employeur de verser des indemnités à Monsieur [F] [L].
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Engagement de Monsieur [F] [L]Selon un contrat de travail non daté, la société Fekra Consulting a engagé Monsieur [F] [L] en tant que training manager-consultant à partir du 1er avril 2013. Le salarié, de statut cadre, devait travailler principalement à [Localité 5] et en région parisienne, avec des déplacements possibles en province et à l’étranger. La convention collective applicable était celle du personnel des bureaux d’études techniques (Syntec). Déménagement et accord de télétravailEn 2016, Monsieur [F] [L] a informé son employeur de son intention de déménager dans le Haut-Rhin et a proposé de démissionner. L’employeur a accepté qu’il conserve son poste en télétravail, avec une présence de deux à trois jours par semaine auprès des clients parisiens. Les bulletins de salaire ultérieurs mentionnaient un poste de responsable formation. Arrêt maladie et inaptitudeMonsieur [F] [L] a été placé en arrêt maladie du 14 décembre 2020 au 15 janvier 2021. Lors de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste, indiquant que son maintien dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Procédure de licenciementLe 5 février 2021, l’employeur a convoqué Monsieur [F] [L] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, notifiant qu’aucun reclassement n’était envisageable. Le 19 février 2021, la société a notifié son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement. Demande devant le conseil de prud’hommesMonsieur [F] [L] a saisi le conseil de prud’hommes le 11 juin 2021, demandant la nullité de son licenciement pour harcèlement moral, ou subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que diverses indemnités. Jugement du conseil de prud’hommesLe 19 janvier 2023, le conseil de prud’hommes a déclaré la demande recevable mais infondée, jugeant la procédure de licenciement régulière et que le salarié n’avait pas été victime de harcèlement moral. L’employeur a été condamné à verser certaines sommes à Monsieur [F] [L], mais ce dernier a été débouté de la plupart de ses demandes. Appel de Monsieur [F] [L]Monsieur [F] [L] a interjeté appel le 10 février 2023, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de la nullité de son licenciement, ainsi que le paiement de diverses indemnités. Arguments de l’employeurLa société Fekra Consulting a demandé la confirmation du jugement initial, arguant qu’elle n’avait pas isolé le salarié et que ce dernier avait connu une évolution de carrière favorable. Elle a également évoqué des difficultés de gestion dues à la croissance rapide de l’entreprise. Décisions de la cour d’appelLa cour a infirmé le jugement en ce qui concerne le harcèlement moral, déclarant que Monsieur [F] [L] avait effectivement été victime de harcèlement. Elle a également déclaré le licenciement nul et a condamné l’employeur à verser plusieurs indemnités, y compris pour licenciement nul et harcèlement moral. Indemnités et rectificationsLa cour a ordonné le paiement de diverses sommes à Monsieur [F] [L], y compris des dommages-intérêts pour licenciement nul, des indemnités compensatrices de préavis, et des montants pour primes impayées. Elle a également ordonné la rectification des documents de fin de contrat. Remboursement des indemnités de chômageLa cour a ordonné le remboursement par la société Fekra Consulting des indemnités de chômage versées à Monsieur [F] [L] dans la limite de trois mois, conformément aux dispositions du code du travail. ConclusionLa cour a confirmé certaines décisions du jugement initial tout en infirmant d’autres, condamnant la société Fekra Consulting à verser des indemnités significatives à Monsieur [F] [L] et à rectifier ses documents administratifs. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour inaptitude ?Le licenciement pour inaptitude est régi par plusieurs dispositions du Code du travail, notamment les articles L. 1232-1 et L. 1233-3. L’article L. 1232-1 stipule que « le licenciement d’un salarié ne peut intervenir que pour une cause réelle et sérieuse ». En ce qui concerne l’inaptitude, l’article L. 1233-3 précise que « l’employeur doit, avant de procéder au licenciement, rechercher un reclassement du salarié dans un autre emploi ». Dans le cas présent, le médecin du travail a déclaré Monsieur [F] [L] inapte à son poste, ce qui a conduit l’employeur à envisager un licenciement. Cependant, l’employeur doit prouver qu’aucun reclassement n’était possible, ce qui a été contesté par le salarié. Il est donc essentiel que l’employeur respecte ces obligations pour que le licenciement soit considéré comme valide. Quelles sont les conséquences d’un licenciement déclaré nul ?Les conséquences d’un licenciement déclaré nul sont régies par l’article L. 1235-3 du Code du travail. Cet article stipule que « le salarié a droit à une indemnité correspondant à la période de préavis, ainsi qu’à une indemnité de licenciement ». En cas de licenciement nul, le salarié peut également demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Dans le cas de Monsieur [F] [L], la cour a déclaré son licenciement nul, ce qui lui a permis de réclamer des indemnités conséquentes, y compris des dommages-intérêts pour licenciement nul et des sommes pour préjudice moral. Ainsi, la nullité du licenciement entraîne des obligations financières pour l’employeur, qui doit compenser le salarié pour la perte de son emploi. Comment prouver le harcèlement moral au travail ?La preuve du harcèlement moral est encadrée par l’article L. 1154-1 du Code du travail. Cet article stipule que « lorsqu’un salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement ». Dans le cas de Monsieur [F] [L], il a présenté des éléments tels que l’isolement professionnel et la perte de prérogatives, ce qui a conduit la cour à considérer qu’il y avait des présomptions de harcèlement. L’employeur, de son côté, doit démontrer que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs et non liés à un harcèlement. La charge de la preuve est donc inversée, ce qui rend la tâche plus difficile pour l’employeur en cas de litige. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité et de santé au travail ?Les obligations de l’employeur en matière de sécurité et de santé au travail sont énoncées dans l’article L. 4121-1 du Code du travail. Cet article stipule que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Cela inclut l’évaluation des risques et la mise en place de mesures préventives. Dans le cas de Monsieur [F] [L], le médecin du travail a déclaré que le maintien dans l’emploi serait préjudiciable à sa santé, ce qui engageait l’employeur à agir en conséquence. Le non-respect de ces obligations peut entraîner des conséquences juridiques, y compris des dommages-intérêts pour le salarié en cas de préjudice. Quelles sont les conséquences d’un défaut d’information sur l’impossibilité de reclassement ?Le défaut d’information sur l’impossibilité de reclassement est encadré par l’article L. 1233-4 du Code du travail. Cet article impose à l’employeur de « fournir au salarié des informations claires sur les possibilités de reclassement ». En cas de manquement à cette obligation, le salarié peut demander des dommages-intérêts. Dans le cas de Monsieur [F] [L], la cour a jugé que l’employeur n’avait pas respecté cette obligation, ce qui a conduit à une indemnisation pour défaut d’information. Ainsi, l’employeur doit être transparent et proactif dans la communication des options de reclassement pour éviter des conséquences financières. |
EP/KG
MINUTE N° 24/1094
Copie exécutoire
aux avocats
le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 31 DECEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 23/00643
N° Portalis DBVW-V-B7H-IAIX
Décision déférée à la Cour : 19 Janvier 2023 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE
APPELANT :
Monsieur [F] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Marc STAEDELIN, avocat au barreau de MULHOUSE
INTIMEE :
S.A.R.L. FEKRA
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 507 .69 3.7 37
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie LARROQUE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. PALLIERES, Conseiller, en l’absence du Président de Chambre, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme BESSEY
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par M. PALLIERES, Conseiller, en l’absence du Président de Chambre empêché,
– signé par M. PALLIERES, Conseiller et, Mme WOLFF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon contrat de travail, non daté, la société Fekra Consulting a engagé Monsieur [F] [L], avec effet à compter du 1er avril 2013, en qualité de training manager-consultant, statut cadre, coefficient 150, position 2.3,avec un lieu de travail à [Localité 5] et région parisienne, le salarié pouvant être amené à se déplacer en province et à l’étranger.
La convention collective applicable est celle nationale du personnel des bureaux d’études techniques (Syntec).
Courant 2016, pour des motifs personnels, Monsieur [F] [L] a informé son employeur qu’il entendait déménager dans le Haut-Rhin à compter du mois de septembre, et s’est proposé de quitter la société dans le cadre d’une démission.
En accord avec l’employeur, il a été proposé au salarié de conserver son poste de travail à distance, et d’assurer deux à trois jours de présence par semaine auprès des clients parisiens.
En dernier état, les bulletins de salaire mentionnent un poste de responsable formation, statut cadre.
Monsieur [F] [L] a été placé en arrêt maladie à compter du 14 décembre 2020 jusqu’au 15 janvier 2021.
Dans le cadre de la visite de reprise, par avis du 19 janvier 2021, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste de travail, avec comme mention que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 février 2021 l’employeur a convoqué Monsieur [F] [L] à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement, en lui notifiant qu’au regard de la mention du médecin du travail, aucun reclassement n’était envisageable.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 février 2021, la société Fekra Consulting a notifié à Monsieur [F] [L] son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement
Par requête du 11 juin 2021, Monsieur [F] [L] a saisi le conseil de prud’hommes, section encadrement, de Mulhouse d’une demande, de nullité de son licenciement pour harcèlement moral, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et aux fins d’indemnisations subséquentes, outre d’indemnité pour défaut préalable d’information sur l’impossibilité de reclassement, d’indemnité pour harcèlement moral, de solde d’indemnité de licenciement, d’indemnité pour travail dissimulé, de rappels de salaire pour primes impayées, au titre du salaire du mois de mars 2020, et de rappel au titre de remboursement de frais.
Par jugement du 19 janvier 2023, le conseil de prud’hommes a :
– déclaré la demande recevable mais infondée,
– dit et jugé que la procédure de licenciement était régulière,
– dit et jugé que le salarié n’avait pas été victime de harcèlement moral,
– dit et jugé que l’employeur avait respecté son obligation de sécurité de résultat,
– dit et jugé que le licenciement n’était pas nul,
– dit et jugé que le licenciement était dû à l’inaptitude totale et définitive,
– condamné la société Fekra Consulting à payer à Monsieur [F] [L] les sommes suivantes :
* 500 euros à titre de dommages-intérêts consécutifs à l’envoi tardif des documents de fin de contrat,
* 276,55 euros à titre de solde de remboursement de frais,
* 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Monsieur [F] [L] de l’ensemble de ses demandes afférentes au « harcèlement et carence de paiement »,
– débouté Monsieur [F] [L] du surplus de ses demandes,
– constaté que l’exécution provisoire est de droit pour les sommes accordées à titre de créances salariales, et ordonné cette exécution provisoire pour le surplus,
– condamné la société Fekra Consulting aux dépens.
Par déclaration du 10 février 2023, Monsieur [F] [L] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions sauf le rejet de la demande de la société Fekra Consulting au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par écritures transmises par voie électronique le 5 mai 2023, Monsieur [F] [L] sollicite l’infirmation de la décision entreprise, et que la cour, statuant à nouveau, :
– dise et juge que la procédure de licenciement est irrégulière,
– dise et juge que son licenciement est nul, subsidiairement dénué de cause réelle et sérieuse,
– condamne la société Fekra Consulting à lui payer les sommes suivantes :
* 6 250 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d’information préalable sur l’impossibilité de reclassement,
*19 956,33 euros titre de solde d’indemnité de licenciement,
*24 000 euros nets au titre des montants salariaux impayés, hors mois de mars 2020,
*47 776,37 euros nets au titre de la prime impayée,
*75 000 euros à titre de dommages-intérêts, net de charges sociales, pour licenciement nul, subsidiairement 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, net de charges sociales, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
*18 750 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
*80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour envoi tardif erronné de documents de fin de contrat et de fiche de paie restant à rectifier,
* 300 euros net à titre de solde de salaire du mois de mars 2020,
*37 500 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
– condamne la société Fekra Consulting a rectifié les fiches de paie, l’attestation Pole emploi, le certificat de travail, en y portant les montants réellement dûs et la fonction de directeur Business Unit,
– condamne la société Fekra Consulting à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens.
Par écritures transmises par voie électronique le 2 août 2023, la société Fekra Consulting sollicite la confirmation du jugement entrepris, et la condamnation de Monsieur [F] [L] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 7 février 2024.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Sur le harcèlement moral
Selon l’article L 1554-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, Monsieur [F] [L] fait valoir comme faits de harcèlement moral que :
– après 2016, l’employeur l’a totalement isolé et fait perdre toutes ses prérogatives.
Il résulte du courriel du 7 juin 2013 de Monsieur [Z] [O], dirigeant social de la société Fekra Consulting, que Monsieur [F] [L] s’est vu attribué la responsabilité du pôle Services, en charge la formation et E-learning, avec une équipe de 3 personnes sous sa responsabilité ; l’organigramme, envoyé par l’employeur, positionnait Monsieur [F] [L] comme directeur des Services.
Selon attestation de travail du 19 septembre 2017, établie par l’employeur, le poste occupé par Monsieur [F] [L], était alors de « directeur d’Unité de Service ».
Il est un fait constant que Monsieur [F] [L] n’occupait plus ces fonctions avant son arrêt de travail et son licenciement pour inaptitude.
La diminution des prérogatives et responsabilités attribuées à Monsieur [F] [L] est matériellement établie.
Par ailleurs, il résulte d’un échange de courriels, entre Monsieur [F] [L] et Monsieur [Z] [O], dirigeant social de la société Fekra Consulting, du mois de décembre 2019, que le loyer n’était plus payé par la société Fekra Consulting, pour les locaux situés à [Localité 4], et que M. [O] entendait résilier le bail relatif aux locaux en cause,
– après avoir promis oralement le paiement de prime, et acté le principe d’une rupture conventionnelle début janvier 2020, l’employeur a laissé « pourrir la situation » ne donnant pas suite aux rappels et correspondances adressées.
Il est justifié par un échange de courriels du 10 décembre 2019, entre Monsieur [F] [L] et Monsieur [Z] [O], que le principe d’une prime, versée à Monsieur [F] [L], était acquis, alors que Monsieur [F] [L] envoyait un fichier excel sur le calcul de la prime (M. [O] : « par contre, pour la prime, j’avais des questions sur l’excel, et je vais reprendre avant notre Rdv »), de telle sorte que la prime était devenue un élément de rémunération conventionnel.
En conséquence, la matérialité du défaut de paiement de la prime conventionnelle, est établi.
– il n’avait plus d’entretien annuel, ni de formation, et n’avait plus d’équipe, devant se débrouiller avec les clients dont il était l’interlocuteur direct.
La matérialité du fait d’absence de formation et de suppression d’une formation en 2019, est établie par l’échange de courriels, produit par l’employeur, et le salarié 2019, entre les mois d’octobre et décembre 2019.
– les frais professionnels n’étaient plus réglés, et aucun rapport d’activité ne lui était demandé.
La matérialité du fait de défaut de règlement de l’ensemble des frais, exposés par Monsieur [F] [L], est établie, dès lors que la société Fekra Consulting sollicite la confirmation du jugement l’ayant condamnée au paiement d’un solde de 267,50 euros.
Il appartient, dès lors, à l’employeur d’établir que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout acte de harcèlement moral.
L’employeur réplique que :
– il n’a jamais eu l’intention d’isoler le salarié, qui a souhaité vivre à [Localité 4] en 2016,
– le salarié a subi une évolution de carrière passant d’une rémunération annuelle de 38 000 euros, en 2013, jusqu’à 75 000 euros en 2019,
– elle a accepté la localisation, de Monsieur [F] [L], à plus de 500 km de son siège, et lui a fourni de véritables missions importantes pour l’entreprise,
– Monsieur [F] [L] s’est inventé une position de cadre dirigeant « business unit director », alors qu’il n’a jamais dégradé l’activité du salarié qui restait toujours la même,
– aucun élément de rémunération variable n’a été consenti,
– la progression vertigineuse de l’entreprise, en quelques années, a généré une crise de croissance et des difficultés de gestion des ressources humaines, ce qui explique le problème de remboursement des frais et de suppression d’une formation.
La société Fekra Consulting produit :
– une attestation de témoin de son dirigeant social, Monsieur [O], dont la force probante ne peut être retenue, pas plus que celle du document de synthèse établi par le salarié, nul ne pouvant se constituer à lui-même un élément de preuve,
– l’échange de courriels, précité, relatif à une formation annulée en 2019,
– un courriel de Monsieur [F] [L], du 13 mars 2020, listant les missions réalisées par ce dernier depuis avril 2019.
Ce faisant, l’employeur ne justifie pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En effet, la cour relève, comme indiqué précédemment, qu’une rémunération variable, sous forme de prime, calculée selon un tableau Excel fourni par le salarié, avait été convenue entre les parties, en cours d’exécution du contrat de travail, alors qu’aucune somme n’a été versée à ce titre.
Ainsi, si l’employeur peut se retrancher derrière des difficultés conjoncturelles, pendant la période de crise sanitaire Covid 19, pour l’année 2020, pour le remboursement intégral des frais, il n’en est pas de même de l’absence du paiement de la rémunération variable, faisant manifestement suite à une volonté de Monsieur [O] de ne pas respecter l’engagement de la société.
Par ailleurs, quand bien même des missions, tels que listées sur le courriel du 13 mars 2020 du salarié, ont été confiées à ce dernier, la cour relève que Monsieur [F] [L] s’est vu retirer la fonction de directeur des services, et les responsabilités qui y étaient attachées l’employeur ne pouvant justifier un tel retrait par son augmentation de personnel passant de 5 à 100 salariés, alors que le débat, sur le fait de savoir si le directeur des services relevait du statut de cadre dirigeant ou non, est sans emport.
L’employeur ne renverse pas la présomption de faits de harcèlement moral commis au préjudice de Monsieur [F] [L], de telle sorte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a retenu que Monsieur [F] [L] n’a pas été victime de harcèlement moral.
Sur l’indemnisation pour harcèlement moral
Monsieur [F] [L] produit un arrêt de travail, du 14 décembre 2020, jusqu’au 15 janvier 2021, pour usure professionnelle-burn out.
Il avait également placé en arrêt travail pour les périodes du 2 septembre au 2 octobre 2020, du 19 octobre 2020 au 30 novembre 2020.
Il n’est toutefois pas établi que les arrêts de travail précédents avait un lien de causalité avec le harcèlement moral invoqué.
Monsieur [F] [L] produit une attestation de suivi, établie le 22 mars 2021 par Madame [B], infirmière au service psychiatrie générale du centre hospitalier de [Localité 6], selon laquelle Monsieur [F] [L] a suivi des entretiens à visée psychothérapique à compter du mois de janvier 2021 jusqu’à la date de l’attestation.
En conséquence, au regard du préjudice subi, infirmant le jugement, la cour condamnera l’employeur à payer à Monsieur [F] [L] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, en réparation du préjudice moral.
Sur la nullité du licenciement
Au regard de l’avis du médecin du travail, le harcèlement moral, qui a entraîné la dégradation de l’état de santé du salarié, est à l’origine de l’inaptitude de ce dernier.
En conséquence, le licenciement doit être déclaré nul, en application de l’article L 1152-3 du code du travail.
Dès lors, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de nullité du licenciement.
Sur les dommages-intérêts pour licenciement nul
Monsieur [F] [L] ne produit aucune pièce sur sa situation financière postérieure au licenciement, et produit les pièces précitées sur son état de santé.
En conséquence, au regard de l’article L 1235-3-1 du code du travail, de l’absence de demande de réintégration, du salaire moyen de référence de 6 250 euros brut, et du préjudice subi, infirmant le jugement, la cour condamnera l’employeur à payer au salarié la somme de 37 500 euros, net.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Au regard du salaire moyen de référence précité (pour lequel la période de maladie ne doit pas être prise en compte sous peine de discrimination), et du statut de cadre de Monsieur [F] [L], infirmant le jugement entrepris, la cour condamnera l’employeur à payer au salarié la somme de 18 750 euros brut.
Sur un solde d’indemnité de licenciement
Si Monsieur [F] [L] n’explique pas son calcul et les textes applicables, il produit les dispositions de la convention collective à ce sujet, en sa pièce n°19.
Il justifie d’une ancienneté de 8 ans, 1 mois et 19 jours.
Il a perçu, selon bulletin de paie du mois de février 2021, 14 077 euros net.
La convention collective Syntec stipule une indemnité de licenciement pour les cadres de ‘ de mois de rémunération par année de présence, soit une somme de :
16 666, 67 + 279, 68 = 16 946, 35 euros, soit un solde dû de 2 869, 35 euros net.
Infirmant le jugement, la cour condamnera l’employeur au paiement du solde précité.
Sur l’indemnité pour défaut d’information préalable sur l’impossibilité de reclassement
Au regard de la mention, apposée par le médecin du travail, sur l’avis d’inaptitude, selon laquelle tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, dont avait nécessairement connaissance le salarié, l’employeur n’a commis aucun manquement.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnité à ce titre.
Sur le maintien de salaire pendant les périodes d’arrêt de travail pour maladie, les congés payés pendant les arrêts et les repos compensateurs
Monsieur [F] [L] ne fournit aucun détail, que ce soit textuel ou mathématique, et ne met pas la cour en mesure de calculer un éventuel rappel de salaires, à l’exception des jours de congés payés qui sont acquis pendant les périodes d’arrêt maladie, soit, en l’espèce, 8, 5 jours pour les périodes d’arrêt maladie précitées.
Si la référence au droit local est faite, la cour relève qu’il résulte des propres écritures de Monsieur [F] [L] que bien qu’installé à [Localité 4], dans le Haut-Rhin, son travail consistait, à partir de juillet 2018, en 3 jours sur site d’un client à [Localité 5] et 2 jours à distance (à [Localité 4]), de telle sorte que l’essentiel de l’exécution de son contrat de travail se faisait hors départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, en sorte que les dispositions du droit local, relative au maintien du salaire pendant les arrêts de travail pour cause de maladie, d’une durée relativement sans importance, sont inapplicables.
S’agissant des repos compensateurs, Monsieur [F] [L] ne justifie pas de causes lui permettant d’en acquérir.
En conséquence, infirmant le jugement entrepris, la cour condamnera l’employeur à payer au salarié la somme de 2 125 euros brut.
Sur la prime impayée
Au regard des motifs précités sur l’existence d’une prime conventionnelle, et du tableau excel envoyé à l’employeur, et non contesté en son quantum, infirmant le jugement entrepris, la cour condamnera la société Fekra Consulting à payer à Monsieur [F] [L] la somme de 46 776,37 euros brute, dès lors que la rémunération variable est soumise aux charges sociales, et qu’il n’est pas justifié que la prime devait s’exprimer en net.
Sur l’indemnité pour envoi tardif et erroné des documents de fin de contrat
Monsieur [F] [L] ne justifiant pas d’un préjudice, supérieur à la somme de 500 euros, fixée par les premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point, la cour ajoutant que le retard a causé un préjudice au salarié dans la mise en ‘uvre de l’indemnisation par Pôle emploi, le jugement comprenant, en ses motifs, une contradiction avec son dispositif.
Sur le rappel de salaire au titre du mois de mars 2020
Monsieur [F] [L] ne justifie pas avoir travaillé à temps plein sur la période du mois de mars 2020, mois au cours duquel le confinement a été ordonné à compter du 17, et l’employeur produit une feuille des temps, relative à Monsieur [F] [L], en son annexe n°4, et le bulletin de salaire du mois de mars 2020, dont il résulte que le salarié a été rempli totalement de ses droits.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire à ce titre.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Monsieur [F] [L] ne justifie pas des conditions justifiant le versement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors qu’il a été rempli de ses droits au titre du mois de mars 2020 pour le temps de travail réalisé.
Sur le remboursement de frais
Aucune prétention par l’appelant n’a été émise à ce sujet de telle sorte qu’au regard des écritures de l’intimée, le jugement sera confirmé.
Sur la production des bulletins de paie, d’une attestation destinée à pôle emploi et d’un certificat de travail rectifiés
Au regard du présent arrêt, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de production précitée.
Statuant à nouveau, la cour condamnera la société Fekra Consulting à remettre à Monsieur [F] [L] des bulletins de paie, une attestation destinée à France travail, et un certificat de travail rectifiés conformément à l’arrêt, notamment en précisant la fonction de directeur des services ou directeur business unit.
Sur le remboursement à France Travail
Aux termes de l’article L 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4, L 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé ;
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l’espèce ;
Il conviendra en conséquence d’ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées, en l’espèce, dans la limite de 3 mois.
Sur les demandes annexes
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Succombant pour l’essentiel à hauteur d’appel, la société Fekra Consulting sera condamnée aux dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à Monsieur [F] [L] la somme de 3 000 euros, pour les frais exposés à hauteur d’appel, et sa demande, à ce titre, sera rejetée.
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME, dans les limites de l’appel, le jugement du 19 janvier 2023 du conseil de prud’hommes de Mulhouse SAUF en :
– ce qu’il a dit que la procédure de licenciement était régulière,
– ses dispositions relatives aux dommages et intérêts consécutifs à l’envoi tardif des documents de fin de contrat,
– ses dispositions relatives aux remboursement de frais,
– ce qu’il a débouté Monsieur [F] [L] de sa demande d’indemnité pour défaut d’information préalable sur l’impossibilité de reclassement,
– ce qu’il a débouté Monsieur [F] [L] de sa demande de rappel de salaire au titre du mois de mars 2020,
– ce qu’il a débouté Monsieur [F] [L] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,
– ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le licenciement pour inaptitude est nul ;
CONDAMNE la société Fekra Consulting à payer à Monsieur [F] [L] les sommes suivantes :
* 37 500 euros net (trente sept mille cinq cent euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
* 3 000 euros net (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 18 750 euros brut (dix huit mille sept cent cinquante euros) à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 2 869, 35 euros net (deux mille huit cent soixante neuf euros et trente cinq centimes) à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 2 125 euros brut (deux mille cent vingt cinq euros) à titre de solde de rémunération, hors mois de mars 2020,
* 46 776,37 euros (quarante six mille sept cent soixante seize euros et trente sept centimes) au titre de la prime impayée ;
CONDAMNE la société Fekra Consulting à remettre à Monsieur [F] [L] des bulletins de paie, une attestation destinée à France travail, et un certificat de travail rectifiés conformément à l’arrêt, notamment en précisant la fonction de directeur des services ou directeur business unit ;
ORDONNE le remboursement par la société Fekra Consulting aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées le cas échéant à Monsieur [F] [L] dans la limite de 3 mois à compter de la rupture sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail ;
CONDAMNE la société Fekra Consulting à payer à Monsieur [F] [L] la somme de 3 000 euros (trois mille euros), au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d’appel ;
DEBOUTE la société Fekra Consulting de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d’appel ;
CONDAMNE la société Fekra Consulting aux dépens d’appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024, signé par Monsieur Edgard Pallières, en l’absence du Président de Chambre empêché et Madame LucilleWolff , Greffier.
Le Greffier, Le Conseiller,
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