Licenciement pour faute grave : validation des motifs par l’employeur

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Licenciement pour faute grave : validation des motifs par l’employeur

L’Essentiel : M. [Y] [M] a été embauché par l’AAHJ le 12 juin 2017 en tant qu’agent de maintenance, promu responsable le 14 août. Le 3 juillet 2020, il a été convoqué à un entretien préalable pour un licenciement, notifié le 20 juillet pour faute grave. Contestant cette décision, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse le 30 juin 2022. L’AAHJ a interjeté appel, arguant de la faute grave liée à des remboursements non déclarés. La cour a finalement infirmé le jugement initial, confirmant le licenciement de M. [M].

Embauche et évolution de M. [M]

M. [Y] [M] a été embauché par l’ASSOCIATION D’ACCUEIL ET D’HÉBERGEMENT POUR LES JEUNES, LES MÉNAGES ET LES PERSONNES EN DIFFICULTÉ (AAHJ) le 12 juin 2017 en tant qu’agent de maintenance, puis promu responsable de maintenance par un avenant le 14 août 2017.

Licenciement pour faute grave

Le 3 juillet 2020, l’AAHJ a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, suivi d’une mise à pied conservatoire. Le 20 juillet 2020, l’association a notifié à M. [M] son licenciement pour faute grave.

Contestation du licenciement

M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg le 19 juillet 2021 pour contester son licenciement. Le 30 juin 2022, le conseil a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l’AAHJ à verser plusieurs indemnités à M. [M].

Appel de l’AAHJ

L’AAHJ a interjeté appel le 27 juillet 2022. L’instruction a été clôturée le 18 juin 2024, et l’affaire a été fixée pour plaidoirie le 15 novembre 2024, avec délibéré prévu pour le 17 janvier 2025.

Arguments des parties

L’AAHJ a demandé à la cour d’infirmer le jugement en raison de la faute grave de M. [M], tandis que ce dernier a demandé la confirmation du jugement, sauf pour le montant des dommages et intérêts. M. [M] a également formulé des demandes subsidiaires.

Motifs du licenciement

L’AAHJ a justifié le licenciement par des remboursements non déclarés d’appareils électroménagers, totalisant 7 495 euros. M. [M] a reconnu les remboursements mais a expliqué qu’ils étaient nécessaires en raison de l’urgence des achats. Les explications de M. [M] ont été jugées peu crédibles par la cour.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant que le licenciement reposait sur une faute grave. M. [M] a été débouté de ses demandes, et la cour a condamné M. [M] aux dépens ainsi qu’à verser 1 000 euros à l’AAHJ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la faute grave dans le cadre d’un licenciement ?

La faute grave est définie par l’article L. 1234-1 du Code du travail, qui stipule que « la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. »

Pour qu’un licenciement soit considéré comme fondé sur une faute grave, l’employeur doit prouver que les faits reprochés au salarié sont suffisamment graves pour justifier une rupture immédiate du contrat de travail, sans préavis ni indemnité.

Dans l’affaire en question, l’AAHJ a invoqué des faits de remboursements non déclarés d’appareils électroménagers, représentant un montant total de 7 495 euros. Ces faits, s’ils sont prouvés, peuvent constituer une violation des obligations contractuelles du salarié, justifiant ainsi un licenciement pour faute grave.

Il est important de noter que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige. L’employeur doit apporter la preuve de la réalité des griefs reprochés au salarié, ce qui a été fait dans cette affaire par la production de justificatifs et d’attestations.

Comment le juge apprécie-t-il la régularité de la procédure de licenciement ?

Selon l’article L. 1235-1 du Code du travail, « en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. »

Dans le cas présent, M. [M] a contesté la régularité de la procédure de licenciement, arguant que l’entretien préalable n’avait pas été correctement organisé. Cependant, l’employeur a démontré qu’il avait respecté son obligation de convoquer le salarié à cet entretien, en lui adressant une convocation par courrier recommandé.

Le salarié n’a pas pu prouver qu’il était en congés à la date de la convocation, et la cour a rappelé que la convocation en dehors du temps de travail ne constitue pas une irrégularité de procédure. Ainsi, le juge a confirmé la régularité de la procédure suivie par l’employeur.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

L’article L. 1235-2 du Code du travail prévoit que « si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut condamner l’employeur à verser au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire. »

Dans cette affaire, le conseil de prud’hommes avait initialement jugé le licenciement de M. [M] sans cause réelle et sérieuse, ce qui a entraîné des condamnations financières à l’égard de l’AAHJ. Toutefois, la cour d’appel a infirmé ce jugement, considérant que le licenciement reposait sur une faute grave.

Ainsi, les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse incluent le versement d’indemnités au salarié, mais dans ce cas précis, la requalification du licenciement en faute grave a permis à l’employeur d’éviter ces sanctions.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que « la partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, l’AAHJ a demandé à la cour de condamner M. [M] à lui verser une somme au titre de l’article 700. La cour a décidé de condamner M. [M] à payer 1 000 euros à l’AAHJ, en raison de l’issue favorable de la procédure pour l’employeur.

Cette disposition permet de compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses intérêts en justice, et elle est souvent utilisée dans les litiges du travail pour équilibrer les charges financières entre les parties.

GLQ/KG

MINUTE N° 25/36

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 17 JANVIER 2025

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/02990

N° Portalis DBVW-V-B7G-H4S5

Décision déférée à la Cour : 30 Juin 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

ASSOCIATION D’ACCUEIL ET D’HÉBERGEMENT POUR LES JEUNES LES MÉNAGES ET LES PERSONNES EN DIFFICULTÉ – AAHJ

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 353 751 431 00084

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Emmanuel ANDREO, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIME :

Monsieur [Y] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Christine ATHANASSI, avocat au barreau de STRASBOURG

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002521 du 15/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. LE QUINQUIS, Conseiller, en l’absence du Président de Chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WOLFF

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par M. LE QUINQUIS, Conseiller, en l’absence du Président de Chambre empêché,

– signé par M. LE QUINQUIS, Conseiller, et Mme BESSEY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat à durée indéterminée en date du 12 juin 2017, M. [Y] [M] a été embauché par l’ASSOCIATION D’ACCUEIL ET D’HÉBERGEMENT POUR LES JEUNES, LES MÉNAGES ET LES PERSONNES EN DIFFICULTÉ (AAHJ) en qualité d’agent de maintenance puis de responsable de maintenance par avenant du 14 août 2017.

Par courrier du 03 juillet 2020, l’AAHJ a convoqué M. [M] pour un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 20 juillet 2020, l’AAHJ a notifié à M. [M] son licenciement pour faute grave.

Le 19 juillet 2021, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg pour contester le licenciement.

Par jugement du 30 juin 2022, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamné l’AAHJ au paiement des sommes suivantes :

* 3 629,62 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 4 839,50 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 483,95 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 7 259,25 euros nets en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné l’AAHJ à délivrer une attestation Pôle emploi rectifiée sans astreinte,

– débouté M. [M] de sa demande sur le fondement de l’article L. 1235-2 al 5 du code du travail,

– débouté M. [M] de ses demandes au titre de l’exécution provisoire,

– débouté M. [M] de sa demande d’intérêt au taux légal,

– débouté l’AAHJ de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’AAHJ aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.

L’AAHJ a interjeté appel le 27 juillet 2022.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 juin 2024. L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 15 novembre 2024 et mise en délibéré au 17 janvier 2025.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 octobre 2022, l’AAHJ demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamné l’AAHJ au paiement des sommes suivantes :

* 3 629,62 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 4 839,50 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 483,95 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 7 259,25 euros nets en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné l’AAHJ à délivrer une attestation Pôle emploi rectifiée sans astreinte,

– condamné l’AAHJ au paiement de la somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a :

– débouté M. [M] de sa demande sur le fondement de l’article L. 1235-2 al 5 du code du travail,

– débouté M. [M] de ses demandes au titre de l’exécution provisoire,

– débouté M. [M] de sa demande d’intérêt au taux légal.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– dire que le licenciement repose sur une faute grave,

– débouter M. [M] de ses demandes,

– condamner M. [M] aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 janvier 2023, M. [M] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, excepté quant au montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a débouté de sa demande sur le fondement de l’article L.1235-2 al 5 du code du travail ainsi que de ses demandes d’intérêts au taux légal.

Il demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner l’AAHJ au paiement de la somme de 9 679 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire, il demande à la cour de condamner l’AAHJ au paiement d’une indemnité de 2 419,75 euros nets sur le fondement de l’article L. 1235-2, al. 5 du code du travail.

En tout état de cause, il demande à la cour de :

– rappeler que les créances déclaratives portent intérêts au taux légal à compter de la convocation par le greffe et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

– condamner l’AAHJ à payer à Maître Christine ATHANASSI, avocate du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme de 2 400 euros sur le fondement de l’article 700 2°) du code de procédure civile, augmentée des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

– condamner l’AAHJ aux dépens.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le licenciement

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige et il appartient à l’employeur qui invoque la faute grave d’en rapporter la preuve.

Dans la lettre de licenciement du 20 juillet 2020, l’AAHJ explique que, depuis l’été 2019, M. [M] procédait à des achats d’appareils électroménagers en espèces en remettant au service de comptabilité la facture et le reliquat d’argent liquide. Elle ajoute que, suite aux informations d’un fournisseur qui s’étonnait de la fréquence des retours, elle a constaté qu’à 17 reprises depuis le mois de septembre 2019, le salarié avait retourné les appareils au fournisseur contre un remboursement en espèces sans remettre à la comptabilité les factures correspondant à ces remboursements ni l’argent liquide perçu. L’employeur précise que l’ensemble des remboursements non déclarés représentent un montant de 7 495 euros.

Pour justifier de la réalité de ce grief, l’AAHJ produit le justificatif des sommes remises en espèces au salarié ainsi que les justificatifs des factures annulées et des remboursements correspondants. Elle produit également une attestation de la comptable de l’association qui déclare qu’elle a remis l’argent liquide à M. [M], que le salarié lui transmettait les factures correspondantes mais qu’il ne lui a jamais remis d’avoirs ni d’espèces correspondant à des remboursements effectués par des fournisseurs.

Pour contester son licenciement, M. [M] explique qu’il avait pour mission d’équiper les appartements mis à la disposition des usagers de l’association, qu’à ce titre, il déterminait les équipements à acheter, établissait un budget et formulait une demande de paiement à la comptabilité, validée par le directeur de l’association, qu’il se faisait remettre les espèces correspondantes, procédait aux achats dans différents magasins et remettait ensuite systématiquement les factures à la comptabilité.

M. [M] ne conteste pas être à l’origine des remboursements litigieux. Il explique qu’il devait souvent agir dans l’urgence et qu’il devait demander le remboursement lorsque le produit acheté n’était pas disponible dans les délais suite à un retard du fournisseur ou lorsque l’article n’était pas adapté. Il précise que, dans ce cas, il achetait le matériel dans un autre magasin avec la somme remboursée.

Si le salarié soutient que toutes les factures correspondant à ces nouveaux achats sont en possession de l’employeur, il ne produit aucun élément pour en justifier, cette affirmation étant par ailleurs contredite par l’attestation établie par la comptable de l’association qui n’a manifestement pas été informée d’un quelconque remboursement par le fournisseur initial.

Les explications du salarié sur la nécessité de se faire rembourser un achat qui n’était finalement pas présent dans le stock du magasin apparaissent en outre peu crédibles compte tenu du nombre de remboursement effectués (17 sur une période de 10 mois) étant relevé que les factures initiales établies par le magasin CONFORAMA précisent la date de disponibilité du produit qui était donc connue au moment de l’achat. Une salariée de l’enseigne BOULANGER atteste à ce titre qu’elle a constaté au mois de juin 2020 que des achats au nom de l’AAHJ étaient régulièrement ramenés et remboursés en espèce et qu’elle a alerté l’association parce qu’elle trouvait cela étrange.

L’absence de détournement des sommes remboursées à M. [M] ne peut par ailleurs pas se déduire du fait que l’employeur ne se serait pas aperçu que les matériels remboursés ne se trouvaient pas dans les logements. En effet, aucune des parties ne fait état d’un système de contrôle du stock des appareils ménagers qui aurait été mis en place par l’employeur. Ce dernier produit ainsi un inventaire de ce stock qui n’a été réalisé que le 1er juillet 2020, après l’alerte donnée par la salariée de la société BOULANGER qui fait état dans son attestation d’un courriel adressé à l’association du 22 juin 2020. Il résulte en outre des propres conclusions du salarié que celui-ci effectuait entre six et dix achats par semaine, qu’aucun registre ne permettait de lier les matériels achetés et les factures correspondant à un logement donné et qu’aucun inventaire du stock n’était réalisé. En l’absence d’un système de contrôle efficient et au vu du nombre important de ces achats, l’employeur n’était donc pas en mesure de détecter la différence entre le nombre de factures remises par le salarié et le nombre d’appareils ménagers présents dans les appartements.

L’AAHJ démontre ainsi que M. [M] a procédé à des remboursements en espèces de matériels achetés pour le compte de l’employeur et à l’insu de celui-ci. Aucun élément ne permet par ailleurs de considérer que ces sommes auraient été réutilisées par le salarié au profit de l’employeur. Ce dernier justifie donc de la réalité des griefs reprochés à M. [M] dans la lettre de licenciement, leur gravité faisant par ailleurs obstacle au maintien du salarié dans l’association pendant la durée du préavis.

Il convient en conséquence de dire que le licenciement repose sur une faute grave et de débouter M. [M] de ses demandes relatives à la contestation du licenciement. Le jugement sera par ailleurs infirmé en ce qu’il dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a condamné l’AAHJ au paiement de l’indemnité conventionnelle de licenciement, des indemnités compensatrices de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné l’employeur à délivrer une attestation Pôle emploi rectifiée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure

Vu l’article L. 1235-2 du code du travail,

En l’espèce, M. [M] reproche à l’employeur de ne pas avoir organisé d’entretien préalable et de lui avoir adressé la convocation à cet entretien préalable pendant son absence pour congés.

L’employeur justifie toutefois que le courrier de convocation à l’entretien préalable prévu le 15 juillet 2020 a été adressé à M. [M] par courrier recommandé avec accusé de réception et présenté le 06 juillet 2020, ce courrier n’ayant pas été réclamé par le salarié.

M. [M] soutient qu’il aurait été en congés à cette date, ce dont il ne justifie pas. Cet élément est en toute hypothèse sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que l’employeur démontre qu’il a respecté son obligation de convoquer le salarié à l’entretien préalable au licenciement et que la convocation du salarié en dehors du temps de travail ne constitue pas une irrégularité de procédure (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 07-42.551). Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de cette demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’AAHJ aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 alinéa 2du code de procédure civile.

Compte tenu de l’issue du litige, il convient de condamner M. [M] aux dépens de première instance et d’appel. Par équité, il sera en outre condamné à payer à l’AAHJ la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera par ailleurs débouté de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 30 juin 2022 en ce qu’il a :

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamné l’ASSOCIATION D’ACCUEIL ET D’HÉBERGEMENT POUR LES JEUNES, LES MÉNAGES ET LES PERSONNES EN DIFFICULTÉ au paiement des sommes suivantes :

* 3 629,62 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 4 839,50 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 483,95 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 7 259,25 euros nets en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné l’ASSOCIATION D’ACCUEIL ET D’HÉBERGEMENT POUR LES JEUNES, LES MÉNAGES ET LES PERSONNES EN DIFFICULTÉ à délivrer une attestation Pôle emploi rectifiée sans astreinte,

– condamné l’ASSOCIATION D’ACCUEIL ET D’HÉBERGEMENT POUR LES JEUNES, LES MÉNAGES ET LES PERSONNES EN DIFFICULTÉ aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ;

CONFIRME le jugement sur le surplus de ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement repose sur une faute grave ;

DÉBOUTE M. [Y] [M] de ses demandes ;

CONDAMNE M. [Y] [M] aux dépens de première instance et d’appel ;

CONDAMNE M. [Y] [M] à payer à l’ASSOCIATION D’ACCUEIL ET D’HÉBERGEMENT POUR LES JEUNES, LES MÉNAGES ET LES PERSONNES EN DIFFICULTÉ la somme de 1 000 euros (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [Y] [M] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025, signé par M. Gurvan LE QUINQUIS, Conseiller, en l’absence du Président de Chambre empêché et Madame Claire BESSEY, Greffier.

Le Greffier, Le Conseiller,


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