Licenciement pour faute grave : enjeux de preuve et obligations contractuelles.

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Licenciement pour faute grave : enjeux de preuve et obligations contractuelles.

L’Essentiel : La SARL GRASSE CONFORT a licencié M. [H] [Y] pour faute grave, invoquant des manquements aux horaires, des heures supplémentaires non autorisées, et un comportement nuisible. Contestant son licenciement, M. [H] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes, demandant la requalification de son contrat et des indemnités. Le conseil a déclaré l’instance éteinte, décision contestée en appel. La cour a requalifié le contrat en CDI, allouant une indemnité de requalification, tout en confirmant le licenciement pour faute grave. M. [H] [Y] a été débouté de ses autres demandes, et la SARL a été condamnée à payer des frais irrépétibles.

Contexte de l’affaire

La SARL GRASSE CONFORT, exploitant un fonds de commerce de meubles sous l’enseigne INTERIORA, a embauché M. [H] [Y] en tant que vendeur téléacteur. Son contrat initial à durée déterminée a été prolongé en un contrat à durée indéterminée. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale du négoce de l’ameublement et un accord relatif au travail dominical.

Licenciement pour faute grave

M. [H] [Y] a été licencié pour faute grave par lettre datée du 26 février 2014. Les motifs invoqués incluaient des manquements aux horaires de travail, des heures supplémentaires non autorisées, une insubordination, et un comportement nuisible à l’entreprise, notamment en refusant de servir les clients et en dénigrant la société.

Réclamations de M. [H] [Y]

Contestant son licenciement, M. [H] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes, demandant la requalification de son contrat, le paiement d’heures supplémentaires, des dommages pour travail dissimulé, et des indemnités pour licenciement abusif. Il a également contesté la régularité de la notification de la décision de licenciement.

Décision du conseil de prud’hommes

Le conseil de prud’hommes a constaté la péremption de l’instance engagée par M. [H] [Y] et a déclaré l’instance éteinte, condamnant le salarié aux dépens. Cette décision a été contestée par M. [H] [Y] en appel.

Arguments de l’employeur

La SARL GRASSE CONFORT a soutenu que M. [H] [Y] avait manqué à ses obligations contractuelles, notamment en matière de performance commerciale, et a demandé la confirmation du jugement initial. L’employeur a également évoqué des comportements nuisibles et une insubordination répétée.

Analyse de la cour d’appel

La cour a examiné les éléments de preuve fournis par les deux parties. Elle a noté que l’employeur n’avait pas établi la péremption de l’instance et a requalifié le contrat de M. [H] [Y] en contrat à durée indéterminée, lui allouant une indemnité de requalification.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé la validité du licenciement pour faute grave, tout en déboutant M. [H] [Y] de ses autres demandes. Elle a également rejeté la demande de l’employeur pour dommages et intérêts, condamnant la SARL GRASSE CONFORT à payer des frais irrépétibles à M. [H] [Y].

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de la péremption d’instance dans le cadre d’un litige prud’homal ?

La péremption d’instance est une notion juridique qui désigne l’extinction d’une action en justice en raison de l’inaction d’une des parties pendant un certain délai.

Selon l’article 2224 du Code civil, « l’instance est périmée lorsque, pendant un délai de deux ans, aucune des parties n’a accompli d’acte de procédure ».

Dans le cas présent, l’employeur a soutenu que le salarié n’avait pas respecté ce délai, mais la cour a retenu que le calendrier de procédure fixé par le bureau de conciliation ne pouvait pas faire courir le délai de péremption.

Ainsi, la péremption d’instance a été écartée, permettant au salarié de poursuivre son action en justice.

Quelles sont les obligations de l’employeur concernant la visite médicale d’embauche ?

L’article R. 4624-12 du Code du travail précise que « sauf si le médecin du travail l’estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, un nouvel examen médical d’embauche n’est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies :

1° Le salarié est appelé à occuper un emploi identique ;

2° Le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d’aptitude établie en application de l’article D. 4624-47 ;

3° Aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours :

a) Soit des douze mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur ;

b) Soit des six derniers mois lorsque le salarié change d’entreprise. »

Dans cette affaire, la cour a constaté que les conditions étaient remplies, et a donc débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche.

Quelles sont les conditions de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ?

L’article L. 1245-2 du Code du travail stipule que « lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. »

Dans le cas présent, le salarié a demandé la requalification de son contrat, arguant que l’employeur ne justifiait pas d’un accroissement temporaire d’activité. La cour a constaté que le contrat à durée déterminée était irrégulier et a donc accordé l’indemnité de requalification demandée.

Comment sont régies les heures supplémentaires dans le cadre d’un contrat de travail ?

L’article L. 3121-22 du Code du travail précise que « les heures supplémentaires sont celles qui sont effectuées au-delà de la durée légale de travail, soit 35 heures par semaine.

Le salarié doit être rémunéré pour ces heures supplémentaires, sauf si un accord collectif prévoit des modalités différentes. »

Dans cette affaire, le salarié a réclamé des heures supplémentaires, mais la cour a retenu que l’employeur avait prouvé que le salarié ne se tenait pas à sa disposition durant ses pauses et que les horaires de travail étaient conformes aux dispositions contractuelles.

Ainsi, le salarié a été débouté de sa demande de paiement d’heures supplémentaires.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement pour faute grave ?

Le licenciement pour faute grave est régi par l’article L. 1234-1 du Code du travail, qui stipule que « le licenciement pour faute grave ne donne pas droit à un préavis ni à une indemnité de licenciement. »

Dans cette affaire, l’employeur a invoqué plusieurs motifs de licenciement pour faute grave, notamment l’insubordination et le refus d’exécuter les tâches pour lesquelles le salarié avait été embauché.

La cour a jugé que les faits reprochés justifiaient le licenciement pour faute grave, et le salarié a été débouté de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.

Quelles sont les conditions pour obtenir des dommages et intérêts pour procédure abusive ?

La responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, comme le précise la jurisprudence.

Dans cette affaire, l’employeur a demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive, mais la cour a retenu qu’aucune faute lourde n’avait été établie.

Ainsi, l’employeur a été débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et exécution déloyale du contrat de travail.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2025

N°2025/008

Rôle N°20/06217

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGADA

[H] [Y]

C/

S.A.R.L. GRASSE CONFORT

Copie exécutoire délivrée

le : 17/01/2025

à :

– Me Jean-Pierre RAYNE de l’ASSOCIATION RAYNE – SALOMEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

– Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 28 Mai 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F14/00346.

APPELANT

Monsieur [H] [Y], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Jean-Pierre RAYNE de l’ASSOCIATION RAYNE – SALOMEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.R.L. GRASSE CONFORT, sise [Adresse 1]

représentée par Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 19 Novembre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller.

Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.

Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSÉ DU LITIGE

[1] La SARL GRASSE CONFORT exploite un fonds de commerce de détails de meubles sous l’enseigne INTERIORA dans la zone commerciale de [Localité 2]. Elle a embauché M.'[H] [Y] suivant contrat de travail à durée déterminée de 18’mois pour accroissement temporaire d’activité, du 9 novembre 2010 au 9’mai 2012, afin d’exercer les fonctions de vendeur téléacteur. La relation de travail s’est poursuivie pour une durée indéterminée suivant avenant du 10’mai 2012. Les relations contractuelles des parties se trouvent régies par la convention collective nationale du négoce de l’ameublement et par l’accord PUCE (périmètre d’usage de consommation exceptionnel) du 27 novembre 2009 relatif au travail dominical dans la zone de [Localité 2].

[2] L’employeur a licencié le salarié pour faute grave par lettre du 26 février 2014 ainsi rédigée’:

«’Pour faire suite à l’entretien préalable que nous avons eu le 5 février 2014 à 14h30, nous vous signifions votre licenciement pour faute grave. Ainsi que nous vous l’avons exposé lors de notre entretien, les motifs de votre licenciement sont les suivants’: Vous avez été embauché par notre société en qualité de vendeur téléacteur groupe 2 niveau 1 dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à plein temps le 9 novembre 2010, ce contrat a été transformé en contrat à durée indéterminée le 10 mai 2012. Conformément aux articles 6 ‘ 7 et 8 de votre contrat de travail rappelés ci-dessous’:

Article 6′: Horaire de travail

«’L’intéressé(e) observera soigneusement les horaires de travail qui seront fixés par la société et s’engage à accepter les modifications d’horaire nécessitées par les éventuelles augmentations de programme. La durée de travail de l’intéressé sera de 35’heures hebdomadaires. Dans le cas où le salarié serait amené à faire un nombre d’heures supérieures, il devra préalablement avoir obtenu l’accord écrit de la direction.’»

Article 7′: Fonctions

«’L’intéressé(e) sera employé(e) en qualité de vendeur(se)-téléacteur(trice), groupe 2 niveau’1. Dans le cadre de ses fonctions de Vendeur(se)-Téléacteur(trice), il est convenu que l’intéressé(e) sera chargé(e) de l’exécution des tâches suivantes’:

 »prendre contact avec la future clientèle,

 »prise de rendez-vous durant la campagne promotionnelle,

 »recevoir la clientèle,

 »percevoir les règlements tant en espèces que par chèques,

 »monter les dossiers de financement (y,c. pièces nécessaires),

 »respecter les procédures informatiques,

 »il est évident que cette dernière définition de fonction ne saurait être considérée comme étant exhaustive.

L’intéressé(e) exercera ses fonctions dans le cadre des directives écrites ou verbales qui lui seront données par M. [J] ou par toute personne qui pourrait lui être substituée.’»

Article 8′: Rémunération ‘ Obligations

«’Les deux parties conviennent que compte tenu du CA réalisé en magasin, l’intéressé s’engage à faire un CA de 38’113’€.’»

Concernant les heures de travail’:

Conformément à l’article 6 de votre contrat de travail, vous devez observer soigneusement les horaires de travail qui sont fixés par la société et obtenir préalablement l’accord écrit de la direction pour effectuer des heures supplémentaires. En 2011, nous avons mis en place dans l’ensemble de nos magasins un système de pointeuse afin de contrôler les présences en remplacement des feuilles de présence. Cependant, suite à l’apparition rapide de dysfonctionnements de la pointeuse du magasin, notre informaticien a pu constater que les branchements avaient été délibérément débranchés. L’appareil a été rebranché, il a fonctionné quelque temps puis est de nouveau tombé en panne. Ceci est d’autant plus étrange puisque seul, 3’personnes ont accès à cette pointeuse, la directrice, M. [M] et vous-même. Malgré les tests effectués à distance et sur place, par le service de maintenance de la pointeuse, celui-ci nous a confirmé qu’elle avait vraisemblablement été «’manipulée’», et qu’il lui était impossible de recueillir les données qu’elle contenait. C’est la raison pour laquelle il vous a été présenté courant septembre 2013 des relevés afférents aux heures de travail effectuées que vous avez décidé, sans explication, de ne pas signer, sans pour autant évoquer une quelconque erreur dans ces relevés. Le 27 novembre 2013 vous nous avez réclamé par mail un montant de 21’362’€ pour des heures supplémentaires que vous auriez effectuées à raison de 45’heures par semaine, sans plus de détail, et ce depuis votre entrée dans la société. Le 28 janvier 2013, vous nous avez transmis un nouveau décompte d’heures pour les années de 2010 à 2013, réclamant un nombre d’heures farfelu puisque vous auriez travaillé sans jamais prendre aucune pause ni même pour déjeuner’!!!!!! Nous sommes étonnés que vous ayez attendu presque 4’ans pour nous faire part votre réclamation. Devant notre contestation, votre attitude a changé ainsi que celle de votre collègue, M. [M]. C’est à ce stade qu’il est utile de vous rappeler que pour toute heure supplémentaire, il vous est nécessaire d’obtenir l’accord écrit de la direction (cf. article 6 de votre contrat de travail), pourtant aujourd’hui vous prétendez avoir effectué de nombreuses supplémentaires que la direction ne vous a pas demandé de faire. Vous avez signé un contrat de travail de 35’heures par semaine pour un objectif mensuel de 38’113’€. Objectif qui est normal et réalisable pour les vendeurs dans notre profession. Au vu de vos chiffres d’affaires pour 2013, savoir 11’000’€ en mars et avril, 1’400’€ en juillet, 6’800’€ en août, 10’000’€ en décembre’, il parait aberrant de prétendre à des heures supplémentaires. Si vous aviez réellement effectué ces heures, on devrait trouver trace de bons de commande, de devis ou tout autre qui justifieraient ces heures. Compte tenu de vos chiffres d’affaires mensuels, nous n’aurions jamais accepté d’avoir une charge supplémentaire de salaire en vous demandant d’effectuer des heures supplémentaires, sachant que vous n’arrivez même pas en 35’h à réaliser le chiffre d’affaires minimum et qu’il faut donc vous réajuster tous les mois, ce qui représente déjà un coût important. Vos décomptes sont purement farfelus’! puisqu’ils sont copie conforme à ceux de M. [M] où, comme lui, vous avez effectué avec la régularité d’une horloge suisse 43,33’h toutes les semaines depuis votre embauche en 2010. Si on considère que vous pouvez réaliser un chiffre d’affaires annuel de 457’356’€ (38’113’€ x 12) en 35’heures, comment peut-on expliquer que vous ayez réalisé 50’% de ce chiffre minimum, soit 250’000’€ avec 416’heures de plus sur une année’! En cas d’afflux de clients ou une augmentation conséquente du chiffre d’affaires, on pourrait comprendre que vous ayez effectué des heures supplémentaires même sans l’accord de la direction, mais faire des heures pour des clients imaginaires, ce n’est pas possible.

Concernant votre insubordination et votre comportement fautif’:

Le 11 janvier 2014, Mme [R] très inquiète nous a averti de votre collusion avec M.'[M] et que vos comportements devenaient intolérables et très critiques. En effet, malgré les mises en garde de votre directrice concernant votre attitude dans le magasin et votre chiffre d’affaires en baisse régulière très en dessous des objectifs contractuels, vous avez continué de refuser de servir les clients tout comme M. [M] et c’est votre responsable qui a dû les accueillir à votre place, définir leurs besoins et finaliser leurs achats, alors que c’était votre travail. Le 2 janvier 2014, vous n’êtes pas venu travailler et n’avez donné aucune explication, votre Directrice a cherché à vous joindre sans succès, elle s’est donc retrouvée seule au magasin sans vendeur puisque c’était le jour de repos de M. [M]. Votre directrice est constamment obligée d’aller vous chercher tous les deux pour prendre en charge les clients du magasin, car vous êtes régulièrement en pause en train de fumer. Vous avez également refusé d’appliquer le planning horaire du magasin demandé par votre directrice. Ce planning est constitué de deux équipes une qui débute à 10’h l’autre à 11’h avec une pause repas à tour de rôle de 1’h en dehors du magasin. Vous avez refusé d’appliquer ce planning d’horaires d’ouverture et de fermeture, car il ne vous convenait pas pour une simple raison c’est que vous êtes en colocation avec M. [M] et que vous profitez de sa voiture pour venir travailler. Vous avez également refusé de sortir déjeuner à l’extérieur du magasin pour votre pause déjeuner. Vous avez également refusé de respecter la stratégie commerciale en vigueur dans le magasin qui consiste à appeler votre responsable au moment de la signature du bon de commande. Depuis plusieurs semaines, l’assistante commerciale se plaint également de votre travail et de votre attitude. Elle a été témoin de votre manque de respect, d’insultes et de refus d’obéissance vis-à-vis de votre directrice allant même jusqu’à la faire pleurer. Lorsque qu’elle vous demande de prendre en charge vos commandes parce qu’il manque des éléments (mauvaises dimensions, problème de coloris ou de livraison), ou au besoin d’appeler le client pour des renseignements complémentaires, vous ne le faites pas alors que ce sont des tâches qui font partie de vos fonctions, et c’est bien souvent elle qui doit le faire à votre place pour sauver la vente. Et même lorsque vous daignez vous occuper des clients du magasin, vous leur donnez des renseignements incomplets ou erronés n’hésitant pas à les diriger vers la concurrence voisine. Plusieurs clients se plaignent d’avoir été mal accueillis voire pas du tout. C’est le cas par exemple d’une cliente qui souhaitait faire l’achat de deux fauteuils STRESSLESS pour compléter une première commande. Lorsqu’elle s’est présentée avec son mari au magasin, vous étiez tranquillement assis dans un fauteuil tout comme M. [M] et c’est son mari qui s’est vu obliger de venir vers vous. Nous vous rappelons que votre tâche principale est de vendre, pour cela vous devez accueillir le client, le renseigner et l’accompagner jusqu’à la livraison, et non rester affalé dans un fauteuil attendre que l’horloge tourne pour réclamer des heures. Toujours en restant assis, votre collègue a répondu à son mari qu’il n’avait pas ce qu’ils recherchaient et les a dirigés vers le magasin Home Salon de la zone, réaction normale puisque votre but était de vous faire «’virer’» (selon votre langage). Pourtant dépositaire de la marque STRESSLESS, notre magasin était tout à fait dans la capacité de répondre à la demande de nos clients. Le magasin a donc bien perdu la vente puisqu’elle a été réalisée par le magasin Home Salon. Vous n’êtes même pas intervenu pour contredire votre collègue et par conséquent vous avez adhéré ainsi complètement à ces agissements fautifs. Quelque temps après, votre directrice a reçu cette cliente, car elle cherchait une table basse, c’est à cette occasion que la cliente vous a reconnus et a relaté à votre directrice les faits énumérés ci-dessus, faits qu’elle nous rapportait par mail le 11 janvier 2014. Mais cela ne s’arrête pas là’!!!! Lorsque le directeur commercial, le 24 janvier 2014 vous a remis votre convocation à l’entretien préalable au licenciement, vous avez tenté de subtiliser des documents appartenant à la société (agendas, bons de commandes, notes de service). Pris sur le fait, le directeur commercial vous a demandé de les restituer, ce que vous avez fait. Pour des raisons que nous savons aujourd’hui stratégiques, vous n’avez pas hésité un seul instant à mettre la société en danger. Pour pouvoir toucher des heures supplémentaires imaginaires dont vous faites état, il vous fallait provoquer le licenciement rapidement, pour cela vous avez pris l’initiative de ne plus servir les clients avec la complicité de votre collègue M. [M]. Cela s’est vite ressenti sur vos résultats et ceux du magasin sans qu’il n’y ait d’incidence sur votre salaire puisque vous étiez assuré de percevoir le minimum garanti sans rien faire. Juste pour l’année 2013 la perte sèche que nous avons dû subir rien que pour votre chiffre d’affaires s’élève à plus de 200’000’€. Cette attitude fautive et volontaire est particulièrement nuisible pour la société et lui cause un préjudice économique évident et nuit gravement à son image.

Défaut de loyauté’:

Plus grave encore, l’assistante commerciale a reçu plusieurs appels de clients lui indiquant que vous les aviez mal reçus et que vous dénigriez la société, en leur disant qu’il ne fallait pas acheter chez INTERIORA. C’est encore là une façon de nuire au magasin. En application de votre contrat de travail, vous avez une obligation de fidélité et de non–concurrence envers votre employeur, obligation qui consiste de façon générale à ne pas nuire à la réputation ou au bon fonctionnement de la société durant toute l’exécution de votre contrat de travail, notamment par des actes de dénigrement ou de concurrence contraires à l’intérêt de l’entreprise, ce que vous n’avez pas respecté. En envoyant des clients à la concurrence, en dénigrant le magasin auprès des clients, et tenu des propos préjudiciables, vous avez manqué à toutes vos obligations contractuelles et de loyauté. Nous nous réservons le droit de demander à titre reconventionnel des dommages et intérêts pour avoir mis volontairement la société en difficulté.

Concernant le chiffre d’affaires’:

Comme stipulé à l’article 8 de votre contrat de travail, vous vous êtes engagé à réaliser un chiffre d’affaires de 38’113’€. C’est dès l’instant ou vous nous avez réclamé des heures supplémentaires que nous avons contestées que les choses se sont dégradées conséquence directe de votre collusion avec M. [M] pour nuire à la bonne marche du magasin. Un premier avertissement vous a été notifié le 16 mai 2013 pour manque de résultats. Malgré cet avertissement et au vu des résultats, trois autres avertissements oraux vous ont été faits par le directeur commercial et notés dans votre dossier personnel. On rappellera ici que les mois de juillet et août’2013, mois des soldes qui sont les plus importants de l’année durant lesquels votre chiffre d’affaires doit largement dépasser votre objectif minimum, vous n’avez réalisé qu’un CA de 1’405’€ pour le mois de juillet et un CA de 6’838’€ pour le mois d’août 2013. Ces deux mois de soldes sont pour tous les magasins de meubles et pour tous les vendeurs les mois les plus importants de l’année sur lesquels nous comptons puisqu’ils garantissent la pérennité et la survie économique de la société. Pendant 10’mois, vous n’avez pas atteint vos objectifs, outre la perte du chiffre d’affaires du magasin, il a fallu maintenir votre salaire au minimum conventionnel par des avances sur commission conséquentes, ce qui a engendré un coût supplémentaire de salaires et de charges sans contrepartie pour la société et donc une perte sèche, ce qui a été également le cas de votre collègue M. [M]. M. [M] qui fait également l’objet d’une procédure pour les mêmes motifs et vous- même. Sachant pertinemment que ce minimum de salaire vous serait assuré, malgré nos avertissements vous n’avez pas changé d’attitude. Chiffres d’affaires réalisés durant l’année 2013′:

01/2013′: 41’897’€’;

02/2013′: 15’854’€’;

03/2013′: 11’532’€’;

04/2013′: 11’962’€’;

05/2013′: 23’167’€’;

06/2013′: 27’516’€’;

07/2013′: ‘1’405’€’;

08/2013′: ‘6’831’€’;

09/2013′: 22’017’€’;

10/2013′: 59’201’€’;

11/2013′: 23’034’€’;

12/2013′: 10’049’€.

En conclusion’:

Vous n’avez pas respecté les horaires en vigueur de la société, vous réclamez des heures supplémentaires non justifiées et sans accord écrit de la direction, vous refusez d’exécuter les tâches pour lesquelles vous avez été embauché, vous n’atteignez pas les objectifs fixés d’un commun accord sur le contrat de travail. Vous vous êtes ligué avec les deux autres vendeurs du magasin contre votre directrice en faisant preuve d’insubordination créant ainsi une mauvaise ambiance de travail et de résultat, le but étant de vous faire licencier. Comme en atteste l’assistante commerciale qui a surpris une conversation entre vous et M. [M] dans laquelle vous disiez’: «’je ne comprends pas malgré tout ce qu’on leur fait subir, qu’ils ne nous aient pas encore viré’», votre collègue a répondu’: «’moi à leur place je nous l’aurais fait depuis longtemps’». Vous avez également manqué à vos obligations de loyauté en dénigrant la société auprès de clients et en les envoyant à la concurrence. Vos comportements ont eu de graves conséquences et ont mis en danger la santé économique de la société. Nous vous avons donc convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 février 2014 à 14h30. Lors de cet entretien où vous vous êtes présenté accompagné de votre collègue M. [M], nous avons recueilli vos explications sur les faits reprochés, vous avez simplement répondu que vous n’étiez pas d’accord avec les faits reprochés en répondant’: «’Je ne suis pas d’accord avec tout ce qui a été dit’ vous nous cherchez des poux c’est normal vu ce qui se passe »». C’est au regard’:

 »du non-respect de vos obligations contractuelles,

 »de votre insubordination vis-à-vis de votre supérieure,

 »de votre application à «’saboter’» votre chiffre d’affaires et par conséquent celui du magasin,

 »de votre refus de signer vos heures de présence sans aucune explication,

 »de votre volonté de ne pas effectuer les tâches qui vous sont confiées à savoir’: accueillir la clientèle, la renseigner, conclure la vente,

 »du non-respect de la procédure commerciale en vigueur,

 »d’envoyer nos clients à des concurrents,

 »de votre attitude fautive volontaire,

 »d’avoir tenté de subtiliser des documents internes à la société,

 »de votre manque de loyauté,

que nous ne pouvons tolérer de tels agissements qui ont mis la société en difficulté. Nous n’avons pas modifié notre appréciation au sujet des faits reprochés qui rendent impossible le maintien de votre contrat de travail. En conséquence, nous vous licencions pour faute grave, sans préavis, ni indemnité de licenciement. Nous vous précisions qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle vous avez fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé. Cette mesure prend effet à la date d’envoi de ce courrier recommandé, à savoir 26 février 2014. Par ailleurs, en application de l’article L. 6323-19 du code du travail, nous vous informons que, compte tenu des heures acquises et non utilisées au titre du droit individuel à la formation, vous pouvez bénéficier d’un crédit de 594,75’€ (soit 65’h x 9,15’€) vous permettant de mettre en ‘uvre une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation. À défaut de préavis de licenciement, vous pourrez faire valoir vos droits auprès de Pôle Emploi ou d’un futur employeur dans les conditions prévues par les textes régissant la portabilité du droit individuel à la formation. Nous vous rappelons qu’à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice des régimes de prévoyance en vigueur au sein de notre société aux conditions détaillées dans la notice d’information ci-jointe. Vous avez jusqu’au 25 mars 2014 pour renoncer à cette portabilité en nous en informant par écrit. Concernant votre solde de tout compte, votre certificat de travail et l’attestation ASSEDIC, ils seront à votre disposition à compter du jeudi 6 mars 2014 à partir de 14’h dans le bureau de l’assistante commerciale du magasin.’»

[3] Contestant notamment son licenciement, M. [H] [Y] a saisi le 12 mars 2014 le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, section commerce, lequel, par jugement rendu le 28’mai 2020, a’:

reçu l’incident d’instance soulevé par l’employeur’;

constaté la péremption de l’instance engagée par le salarié à l’encontre de l’employeur’;

déclarée éteinte l’instance introduite par le salarié’;

condamné le salarié aux dépens.

[4] Cette décision n’a pas été notifiée régulièrement à M. [H] [Y] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 8 juillet 2020. L’instruction a été clôturée par ordonnance du 18’octobre’2024.

[5] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 7 octobre 2020 aux termes desquelles M. [H] [Y] demande à la cour de’:

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions’;

débouter l’employeur de sa demande de péremption’;

constater l’absence de péremption de l’instance’;

fixer la moyenne des six derniers mois de salaire à la somme de 1’780’€’;

condamner l’employeur à lui payer la somme 1’780’€ à titre d’indemnité spéciale de requalification’;

condamner l’employeur à lui payer la somme de 1’000’€ pour absence de visite médicale d’embauche’;

constater la réalité des heures supplémentaires’;

condamner l’employeur à lui payer la somme de 37’551’€, outre 3’755’€ de congés payés afférents au titre des heures supplémentaires majorées pour partie à 25’% et pour partie à 50’%, les jours fériés majorés et des dimanches majorés conformément à l’accord PUCE’;

condamner l’employeur à lui payer la somme de 10’680’€ à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé’;

constater que le licenciement pour faute grave ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse’;

condamner l’employeur à lui payer les indemnités suivantes’:

dommages et intérêts pour licenciement abusif’: 20’000’€’;

indemnité de préavis (2’mois)’: 3’560’€’;

congés payés sur préavis’: 356’€’;

indemnité conventionnelle de licenciement’: 1’068’€’;

rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire [sic]’: 1’780’€’;

congés payés y afférents’: 178’€’;

fixer les intérêts courant à compter de la demande en justice, la capitalisation de ceux-ci’;

condamner l’employeur à lui payer la somme de 1’500’€ au titre des frais irrépétibles’;

condamner l’employeur aux entiers dépens.

[6] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 5 janvier 2021 aux termes desquelles la SARL GRASSE CONFORT demande à la cour de’:

confirmer le jugement entrepris’;

à titre principal,

constater l’absence de diligence du demandeur durant 3’ans et 8’mois’;

prononcer la péremption de l’instance’;

subsidiairement sur le fond,

débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes’;

en tout état de cause,

condamner le salarié à lui verser la somme de 10’000’€ à titre de procédure abusive et exécution déloyale du contrat de travail’;

condamner le salarié à lui verser la somme de 3’000’€ au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la péremption d’instance

[7] L’employeur soutient que la première instance s’est trouvée atteinte par la péremption dès lors qu’à l’audience de conciliation du 10 avril 2014, il avait été demandé au salarié de communiquer ses pièces et conclusions au plus tard le 30 juin 2014 et qu’il ne s’est exécuté que le 5’décembre 2017. Le salarié répond que les diligences prescrites par le bulletin de renvoi devant le bureau de jugement remis par le greffier n’émanent pas de la juridiction et que seule la notification de la décision de radiation avait commencé à faire courir le délai de péremption mais qu’il a pris des conclusions de ré-enrôlement moins de deux ans après cette dernière.

[8] La cour retient qu’aux termes de son bulletin de renvoi devant le bureau de jugement, le bureau de conciliation n’a fixé qu’un calendrier de procédure précisant à chacune des parties des dates auxquelles elles devraient se communiquer leurs pièces et conclusions. En conséquence, faute de diligences expresses mises à la charge des parties, cette fixation de calendrier ne pouvait faire courir le délai de péremption (Soc. 23 mai 2017, n° 16-15.194). La péremption d’instance sera dès lors écartée.

2/ Sur la visite médicale d’embauche

[9] Le salarié reproche à l’employeur de ne pas l’avoir soumis à une visite médicale d’embauche et sollicite en réparation la somme de 1’000’€ à titre de dommages et intérêts. L’employeur répond que le salarié exerçait déjà la fonction de vendeur dans une autre société avant son recrutement et qu’il se trouvait dès lors dispensé d’organiser une visite médicale d’embauche et subsidiairement que le salarié ne prouve pas son préjudice.

[10] L’article R. 4624-12 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 1er’juillet 2012, disposait que’:

«’Sauf si le médecin du travail l’estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, un nouvel examen médical d’embauche n’est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies’:

1° Le salarié est appelé à occuper un emploi identique’;

2° Le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d’aptitude établie en application de l’article D. 4624-47′;

3° Aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours’:

a) Soit des douze mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur’;

b) Soit des six derniers mois lorsque le salarié change d’entreprise.’»

[11] La cour retient que le salarié ne conteste pas que les trois conditions cumulatives du texte précité sont bien établies. Dès lors, il n’apparaît pas que l’employeur ait manqué à son obligation et le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

3/ Sur l’indemnité de requalification

[12] Le salarié sollicite la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée au motif que l’employeur ne justifie pas d’un accroissement temporaire d’activité et qu’il occupait un poste permanent dans l’entreprise. Il sollicite en réparation la somme de 1’780’€, soit un mois de rémunération. L’employeur répond que l’indemnité de requalification n’est pas due dès lors que la relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée.

[13] L’article L. 1245-2 du code du travail dispose que’:

«’Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.’»

En application de texte, lorsque le contrat à durée déterminée devient un contrat à durée indéterminée du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l’échéance de son terme, le salarié ne peut prétendre à une indemnité de requalification, hors les cas où sa demande en requalification s’appuie sur une irrégularité du contrat à durée déterminée initial ou de ceux qui lui ont fait suite.

[14] En l’espèce, l’employeur ne justifie pas de l’accroissement temporaire d’activité visé au contrat de travail à durée déterminée de 18’mois du 9 novembre 2010, lequel apparaît dès lors irrégulier et sera requalifié en contrat de travail à durée indéterminée. Il sera alloué au salarié la somme sollicitée de 1’780’€ à titre d’indemnité de requalification. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Ces intérêts seront capitalisés pour autant qu’ils soient dus pour une année entière.

4/ Sur les heures supplémentaires

[15] Le salarié fait grief à l’employeur de lui avoir fait accomplir des heures supplémentaires sans le rémunérer dès lors qu’il exigeait sa présence de 10’heures à 19h30, 5’jours par semaine. Il soutient qu’il ne bénéficiait pas de pause déjeuner puisque le magasin restait ouvert entre 12’h et 14’h et qu’il était amené à prendre ses repas dans la surface de vente, directement devant les clients, et d’abandonner immédiatement son repas dès lors qu’un client se présentait. Il produit un ce sens un relevé horaire qu’il a établi ainsi que les témoignages de MM [V] et [A] et de Mme [W] [C].

[16] En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments et après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant. Mais la charge de la preuve de l’octroi et du respect des temps de pause quotidienne repose uniquement sur l’employeur qui doit prouver que durant son temps de pause le salarié ne se tenait pas à sa disposition sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. La cour retient qu’en l’espèce, le salarié produit des éléments suffisamment précis permettant à l’employeur d’y répondre.

[17] L’employeur répond qu’aucune heure supplémentaire n’a été demandée au salarié pour les motifs indiqués dans la lettre de licenciement, que Mme [W] [C] qui avait elle-même sollicité le paiement d’heures supplémentaires pour les mêmes raisons a déjà été déboutée de cette réclamation par la cour de céans, et que, comme retenu alors, les salariés bénéficiaient bien d’une pause méridienne d’une heure. Il explique que deux équipes avaient été mises en place pour permettre une présence continue durant toute la période d’ouverture du magasin, une première équipe présente de 10’h à 18h30 et disposant d’une heure de pause de 12’h à 13’h et une seconde équipe présente de 11’h à 19h30 et disposant également d’une heure de pause de 13’h à 14’h. Il précise que si la société est ouverte 6’jours par semaine (fermeture hebdomadaire le lundi), les salariés doivent poser, à leur convenance, un jour de repos dans la semaine, comme en attestent les six salariés de la société dont la déléguée du personnel de l’époque. Il produit en ce sens les témoignages de Mme [S] [R], responsable du magasin, de Mme [Z] [X], assistante commerciale et déléguée du personnel, de Mme [F] [K], vendeuse, de Mme'[O] [U], vendeuse, de Mme [D] [B], vendeuse, et de M. [P] [L], vendeur.

[18] Au vu de ces derniers témoignages précis et concordants, que les seules attestations de MM. [V] et [A] et de Mme [W] [C] ne parviennent pas à affaiblir, l’employeur rapporte la preuve que le salarié ne se tenait pas à sa disposition durant sa pause méridienne qui était bien d’une heure et durant laquelle il pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles. L’employeur établit de la même manière que le salarié travaillait selon des horaires d’équipe, soit de 10’h à 18h30 soit de 11’h à 19h30, mais pas de 10’h à 19h30 et uniquement 5’jours par semaine et non 6. En conséquence, le salarié sera débouté de sa demande de paiement d’heures supplémentaires.

5/ Sur les majorations des jours fériés et des dimanches

[19] Le salarié soutient qu’il a été amené à travailler le dimanche de façon continue et qu’il n’a pas bénéficié de l’accord PUCE du 27 novembre 2009. Aussi réclame-t-il la majoration de 100’% du SMIC horaire appliquée aux heures de travail effectif instituée par l’accord au bénéfice des salariés justifiant d’une ancienneté inférieure à 18’mois. Il reproche encore à l’employeur de ne pas avoir rémunéré les jours fériés.

[20] Mais la cour retient, avec l’employeur, qu’il résulte de l’examen des bulletins de paie que le salarié a bien bénéficié de la majoration prévue par l’accord PUCE sur une ligne distincte intitulée «’compensation pour dimanche’» alors même qu’il ne conteste pas que les soldes portés sur les bulletins de paie lui ont bien été versés. De plus, l’accord PUCE ne prévoit pas de majoration concernant les jours fériés. En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef de demande.

6/ Sur le travail dissimulé

[21] Le salarié sollicite la somme de 12’690’€ à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, mais il n’apparaît pas que l’employeur ait manqué à son obligation de rémunérer et de déclarer l’activité du salarié. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à ce chef de demande.

7/ Sur le licenciement pour faute grave et la mise à pied conservatoire

[22] Il appartient à l’employeur qui invoque une faute grave au soutien d’une mesure de licenciement de rapporter la preuve des allégations figurant à la lettre de licenciement ou au courrier d’explication complémentaire, lesquels griefs doivent rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle.

[23] L’employeur reproche au salarié son insubordination, son refus de signer ses heures de présence sans explication, sa volonté de ne pas accueillir la clientèle, la renseigner et conclure la vente, l’envoi de clients à des concurrents ainsi qu’une tentative de vol de documents internes à la société. Il produit dans le sens de ces griefs, à l’exclusion du dernier, les attestations de Mme'[S] [R], directrice du magasin et de Mme [Z] [G], déléguée du personnel.

[24] La cour retient que si la tentative de vol n’est pas établie par témoignage, par contre, l’employeur rapporte la preuve de ce que le salarié a fait montre d’insubordination de manière réitérée et de ce qu’il s’est volontairement abstenu d’accueillir et de renseigner correctement les clients. Ces faits s’opposaient à la poursuite de la relation contractuelle et justifiaient la mise à pied conservatoire qui a été prononcée. En conséquence, le salarié sera débouté de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, étant relevé qu’il n’a été nullement l’objet d’une mise à pied disciplinaire, mais bien conservatoire.

8/ Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et exécution déloyale du contrat de travail

[25] L’employeur sollicite la somme globale de 10’000’€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et exécution déloyale du contrat de travail reprochant au salarié concernant l’année 2013, d’avoir réalisé un chiffre d’affaires mensuel moyen de 15’451,52’€ TTC alors que son objectif était de 38’113’€ TTC, soit un manque à gagner pour la société de 22’661,48’€ TTC.

[26] Mais la cour retient que la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde et non de sa faute grave. Dès lors, l’employeur qui n’invoque ni n’établit de faute lourde sera débouté de sa demande formée au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail. De plus, il n’apparaît pas que le salarié ait laissé sa liberté d’ester en justice et d’appeler dégénérer en abus. En conséquence, l’employeur sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

9/ Sur les autres demandes

[27] Il convient d’allouer au salarié la somme de 1’500’€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’employeur supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que la péremption d’instance n’est pas acquise.

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée de 18’mois du 9 novembre 2010 en contrat de travail à durée indéterminée.

Condamne la SARL GRASSE CONFORT à payer à M. [H] [Y] la somme de 1’780’€ à titre d’indemnité de requalification.

Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Dit que les intérêts seront capitalisés pour autant qu’ils soient dus pour une année entière.

Dit que le licenciement est bien fondé sur une faute grave.

Déboute M. [H] [Y] de ses autres demandes.

Déboute la SARL GRASSE CONFORT de sa demande de dommages et intérêts.

Condamne la SARL GRASSE CONFORT à payer à M. [H] [Y] la somme de 1’500’€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Condamne la SARL GRASSE CONFORT aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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