Licenciement pour faute grave : l’absence prolongée justifie la rupture du contrat de travail

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Licenciement pour faute grave : l’absence prolongée justifie la rupture du contrat de travail

L’Essentiel : La société Pull & Bear France a licencié Mme [R] [N] [O] pour faute grave après son absence prolongée à partir du 23 octobre 2018. Malgré une mise à pied conservatoire et un entretien préalable, la salariée n’a pas justifié son absence, ayant été incarcérée sans reprendre son poste après sa libération. Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes, qui a initialement jugé le licenciement abusif. Cependant, en appel, la cour a infirmé ce jugement, considérant l’abandon de poste comme avéré et validant ainsi le licenciement sans indemnité pour la salariée.

Contexte de l’affaire

La société Pull & Bear France, une SARL immatriculée à Paris, est spécialisée dans la vente de vêtements et emploie plus de 11 salariés. Mme [I] [R] [N] [O] a été engagée en tant que vendeuse caissière à temps partiel depuis le 10 février 2014, et a évolué pour devenir caissière principale à temps plein, avec un salaire brut moyen de 1 346,83 euros par mois.

Absence et licenciement

À partir du 23 octobre 2018, Mme [R] [N] [O] ne s’est plus présentée à son poste. La société a alors convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement le 19 décembre 2018, tout en lui notifiant une mise à pied conservatoire. Le licenciement pour faute grave a été notifié le 17 janvier 2019, invoquant un abandon de poste et un non-respect des procédures internes.

Procédure judiciaire

Mme [R] [N] [O] a contesté son licenciement en saisissant le conseil de prud’hommes de Nanterre le 21 octobre 2019, demandant que celui-ci soit déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le jugement du 18 février 2022 a jugé le licenciement abusif et a condamné Pull & Bear à verser plusieurs indemnités à la salariée.

Appel de la société Pull & Bear

La société Pull & Bear a interjeté appel le 15 avril 2022, contestant le jugement de première instance. Elle a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de reconnaître la légitimité de son licenciement pour faute grave, tout en demandant des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Analyse du licenciement

La cour a examiné les éléments de preuve, notamment l’absence de justificatif de la part de Mme [R] [N] [O] concernant son absence prolongée. Il a été établi que la salariée avait été incarcérée, mais qu’elle n’avait pas repris son poste après sa libération. La cour a conclu que l’abandon de poste était avéré et que le licenciement pour faute grave était justifié.

Décision finale

La cour a infirmé le jugement de première instance, déclarant le licenciement de Mme [R] [N] [O] justifié par une faute grave, privant ainsi la salariée de toute indemnité. La demande de la société Pull & Bear concernant des dommages et intérêts pour procédure abusive a également été rejetée, et chaque partie a conservé la charge de ses propres dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du licenciement pour faute grave selon le Code du travail ?

Le licenciement pour faute grave est régi par l’article L.1232-1 du Code du travail, qui stipule que :

« Tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. »

Cela signifie que l’employeur doit prouver que le licenciement repose sur des faits objectifs et vérifiables, imputables au salarié.

En outre, l’article L.1235-1 précise que :

« En cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. »

Il est important de noter que si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave, quant à elle, est définie comme un fait ou un ensemble de faits qui rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. La charge de la preuve incombe à l’employeur.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement jugé abusif ?

Lorsqu’un licenciement est jugé abusif, l’article L.1235-2 du Code du travail prévoit que :

« Le salarié a droit à une indemnité dont le montant est fixé par le juge. »

Cette indemnité peut inclure des sommes pour le préavis, l’indemnité de licenciement, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans le cas présent, le conseil de prud’hommes a condamné la société Pull & Bear France à verser à Mme [R] [N] [O] des indemnités pour préavis, licenciement et dommages pour licenciement abusif, conformément aux dispositions légales.

Il est également à noter que l’article L.1235-3 précise que :

« Le juge peut également ordonner la réintégration du salarié dans l’entreprise. »

Cependant, dans le cas d’une faute grave, cette réintégration est généralement exclue.

Comment se définit l’abandon de poste dans le cadre d’un licenciement ?

L’abandon de poste est un motif de licenciement qui se caractérise par l’absence injustifiée et prolongée d’un salarié à son poste de travail. Selon la jurisprudence, l’employeur doit prouver que le salarié a cessé de se présenter à son travail sans justification.

Dans cette affaire, il a été établi que Mme [R] [N] [O] a été absente de son poste à compter du 23 octobre 2018, sans fournir de justificatif. L’employeur a produit un relevé d’absences et une lettre d’un avocat suisse confirmant son incarcération, ce qui a permis de prouver l’abandon de poste.

L’article L.1232-6 du Code du travail stipule que :

« L’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable avant de prendre une décision de licenciement. »

Dans ce cas, la société Pull & Bear France a respecté cette procédure en convoquant Mme [R] [N] [O] à un entretien préalable le 7 janvier 2019.

Quelles sont les implications de la procédure abusive dans le cadre d’un litige ?

La procédure abusive est régie par l’article 32-1 du Code de procédure civile, qui prévoit que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Cependant, l’appréciation inexacte d’une partie de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute justifiant une telle condamnation. Dans cette affaire, la société Pull & Bear France a demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive, mais la cour a débouté cette demande, considérant que l’appréciation des droits par Mme [R] [N] [O] ne constituait pas une faute.

Il est donc essentiel de démontrer que la partie adverse a agi de manière délibérée et malveillante pour qu’une demande de dommages pour procédure abusive soit acceptée.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JANVIER 2025

N° RG 22/01246 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VEQO

AFFAIRE :

S.A.R.L. PULL & BEAR FRANCE

C/

[I] [R] [T] [O]

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 18 Février 2022 par le Conseil de Prud’hommes de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : F 19/22637

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

[D] [P]

Me Maria Eugenia BOHABONAY BORIBA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTE

S.A.R.L. PULL & BEAR FRANCE

N° SIRET : 480 557 149

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Audrey HINOUX de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2477,

Plaidant : Me Héloïse AYRAULT de la SELARL ESEÏS Avocats, avocat au barreau de PARIS

Substitué : Me Sandra MEKNASSI, avocat au barreau de PARIS

****************

INTIMÉE

Madame [I] [R] [T] [O]

née le 21 Mars 1989 à [Localité 5] (ESPAGNE)

[Adresse 2]

[Localité 4], France

Représentant : Me Maria eugenia BOHABONAY BORIBA de l’AARPI PanAssociés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0088

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Greffier placé lors du prononcé : Madame Solène ESPINAT

FAITS ET PROCÉDURE

La société Pull & Bear France est une société à responsabilité limitée (SARL) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris, sous le numéro 480 557 149, elle a pour activité la commercialisation de tous types de vêtements, tissus pour l’habillement, accessoires du vêtement et d’équipement de la personne et emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée en date du 10 février 2014, Mme [I] [R] [N] [O] a été engagée par la société Pull & Bear France, en qualité de vendeuse caissière, catégorie C, à temps partiel.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [R] [N] [O] exerçait les fonctions de caissière principale, à temps plein, et percevait un salaire moyen brut de 1 346,83 euros par mois, assorti d’une part variable de rémunération.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement.

A compter du 23 octobre 2018, Mme [R] [N] [O] ne s’est pas présentée à son poste de travail.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 décembre 2018, la société Pull & Bear France a convoqué Mme [R] [N] [O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

L’entretien préalable s’est tenu le 7 janvier 2019.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 janvier 2019, la société Pull & Bear France a notifié à Mme [R] [N] [O] son licenciement pour faute grave, en ces termes :

« Par courrier recommandé avec accusé réception et lettre simple en date du 19 décembre 2018, nous vous avons convoqué à un entretien préalable, en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé au 7 janvier 2019.

Vous avez choisi de vous rendre à cet entretien seule.

Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants : nous avons eu à déplorer de votre part un non-respect des procédures relatives à la discipline générale au sein de votre magasin d’affectation.

Il s’avère que vous vous êtes absentée de votre poste de travail de manière brutale et continue depuis le 23 octobre 2018.

Vous êtes donc en abandon de poste.

Or, vous n’avez jamais cherché à contacter le siège social de la société afin de donner la moindre explication ou communiquer un arrêt maladie, un certificat médical ou tout justificatif de nature à nous informer du motif de votre absence et de la date éventuelle de votre retour. Pourtant l’article 48 de la convention collective (‘. ). De même le règlement intérieur (‘). Vous conviendrez qu’un tel comportement nuit au bon fonctionnement de votre magasin d’affectation puisqu’il le prive soudainement d’un de ses salariés à son poste de travail imposant en conséquence à l’équipe en place de pallier dans l’urgence votre absence chaque jour sans qu’aucun motif ni date de retour ne soient connus.

Au vu de ce qui précède nous sommes donc contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave. En effet, l’ensemble de ces faits rend impossible votre maintien dans l’entreprise. Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement (‘). »

Par requête introductive reçue au greffe le 21 octobre 2019, Mme [R] [N] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute grave soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 18 février 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– fixé le montant du salaire brut moyen de Mme [I] [R] [N] [O], à la somme de 1093,84 euros ;

– dit et jugé le licenciement, pour faute grave, prononcé par la société Pull & Bear France, à l’encontre de Mme [I] [R] [N] [O], abusif dénué de cause réelle et sérieuse ;

– condamné en conséquence la société Pull & Bear France à payer à Mme [I] [R] [N] [O] les sommes suivantes :

* 2 187,04 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal, à compter du 18 octobre 2019 ;

* 1 079,4 7 euros à titre d’indemnité légale conventionnelle de licenciement avec intérêts au taux légal, à compter du 18 octobre 2019 ;

* 5 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse abusif, avec intérêts au taux légal, à compter du 22 septembre 2020 ;

* 950 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, avec intérêts au taux légal, à compter du 22 septembre 2020 ;

– ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an à compter du 18 octobre 2019 ;

– condamné la société Pull & Bear France à porter, à Mme [I] [R] [N] [O], l’attestation de fin de contrat destinée à Pôle emploi, le certificat de travail ainsi qu’un bulletin de paie, conformes au dispositif du présent jugement ;

– dit et jugé n’y avoir lieu à prononcer une astreinte ;

– débouté Mme [I] [R] [N] [O] de ses demandes plus amples ou contraires ;

– débouté la société Pull & Bear France de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure et de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– rappelé l’exécution de droit à titre provisoire des condamnations ordonnant le paiement des sommes accordées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité de fin de contrat ou de fin de mission, du complément de salaire et des congés payés y afférents, dans la limite de 9 fois le salaire moyen 9 844,56 euros ainsi que de la condamnation ordonnance le paiement de la somme au titre de l’indemnité de requalification ;

– dit et jugé qu’au-delà de 9 fois salaire moyen, la société Pull & Bear France devra consigner, dans le mois de la notification du présent jugement, à la Caisse des dépôts et consignations, le surplus de complément de salaire auquel elle est condamnée ;

– condamné la société Pull & Bear France aux entiers dépens comprenant notamment les frais éventuels de signification et d’exécution forcée du présent jugement par voie d’huissier ;

– dit n’y avoir lieu à statuer sur l’exécution provisoire.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 15 avril 2022, la société Pull & Bear France a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 octobre 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 12 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Pull & Bear France, appelante, demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondée la société Pull & Bear France en son appel ;

Y faisant droit,

– infirmer le jugement de première instance rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 18 février 2022, en ce qu’il a :

* fixé le montant du salaire brut moyen de Mme [I] [R] [T] [O], à la somme de 1 093,84 euros ;

* dit et jugé le licenciement, pour faute grave, prononcé par la société Pull & Bear France, à l’encontre de Mme [I] [R] [T] [O], abusif dénué de cause réelle et sérieuse ;

* condamné en conséquence la société Pull & Bear France à payer à Mme [I] [R] [T] [O] les sommes suivantes :

– 2 187,04 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal, à compter du 18 octobre 2019 ;

– 1 079,4 7 euros à titre d’indemnité légale conventionnelle de licenciement avec intérêts au taux légal, à compter du 18 octobre 2019 ;

– 5 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse abusif, avec intérêts au taux légal, à compter du 22 septembre 2020 ;

– 950 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, avec intérêts au taux légal, à compter du 22 septembre 2020 ;

* ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an à compter du 18 octobre 2019 ;

* condamné la société Pull & Bear France à porter, à Mme [I] [R] [T] [O], l’attestation de fin de contrat destinée à Pôle emploi, le certificat de travail ainsi qu’un bulletin de paie, conformes au dispositif du présent jugement ;

* débouté la société Pull & Bear France de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure et de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

* condamné la société Pull & Bear France aux entiers dépens comprenant notamment les frais éventuels de signification et d’exécution forcée du présent jugement par voie d’huissier ;

Statuant à nouveau :

– juger que Mme [R] [T] [O] a commis des manquements réels et sérieux ;

– juger que le licenciement pour faute grave de Mme [R] [T] [O] est justifié ;

Par conséquent,

– débouter Mme [R] [T] [O] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner Mme [R] [T] [O] à 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [R] [T] [O] au paiement d’une indemnité de 500 euros pour procédure abusive au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [R] [T] [O] aux entiers dépens.

Mme [R] [T] [O] a constitué avocat le 9 mai 2022 mais celui-ci n’a pas conclu dans le délai imparti par l’article 909 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 472 du code de procédure civile qu’en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

Aux termes de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs (Soc., 18 janvier 2023, pourvoi n 21-23.796, publié).

Sur le licenciement

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. La charge de la preuve repose sur l’employeur qui doit établir l’existence d’une telle faute et le doute profite au salarié.

La lettre de licenciement reproche à la salariée un abandon de poste à compter du 23 octobre 2018.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la société Pull & Bear France a été contactée de manière informelle par les proches de Mme [R] [N] [O] afin de l’informer de l’incarcération de sa salariée en Suisse.

L’employeur expose que, par souci de bienveillance à l’égard de la salariée, il s’est montré patient et demeurait dans l’attente de sa remise en liberté et qu’il a alors reçu un appel téléphonique de Mme [R] [N] [O] le 17 décembre 2018 l’informant de ce qu’elle avait été remise en liberté depuis le 13 décembre 2018.

La société Pull & Bear France indique que Mme [R] [N] [O] a alors affirmé qu’elle ne reprendrait le travail qu’à compter du 24 décembre 2018 et ajoute n’avoir reçu aucun justificatif permettant de régulariser l’absence de la salariée.

Pour établir l’abandon de poste, l’employeur produit aux débats un relevé d’absences sur la période du 23 octobre 2018 au 17 janvier 2019 ainsi, qu’à la demande de la cour, la pièce adverse numéro 4 qui est constituée d’une lettre datée du 15 janvier 2019 du cabinet d’avocats Stoll avocats à [Localité 6] (Suisse), lettre qui mentionne les dates exactes d’incarcération et de libération de la salariée en Suisse.

L’employeur a donc valablement décidé de convoquer Mme [R] [N] [O] le 19 décembre 2023 à un entretien préalable.

En première instance, Mme [R] [N] [O] avait indiqué qu’elle avait toujours donné satisfaction à son employeur et que celui-ci avait été informé de sa détention par son entourage mais également par les autorités judiciaires suisses. Elle en déduisait que son employeur ne pouvait ignorer sa détention.

Or, contrairement à ce qui a été retenu en première instance, il ne saurait être contesté que la salariée a été en abandon de poste au moins à compter de sa libération et alors qu’il est patent qu’elle n’a donc pas repris son poste après sa libération qui est intervenue le vendredi 13 décembre 2019.

Il ressort donc des pièces versées aux débats, à savoir le relevé d’absence et la lettre de l’avocat suisse de la salariée que le grief d’abandon de poste est établi au moins à compter du lundi 16 décembre 2019.

Il y a lieu d’en déduire, infirmant le jugement critiqué, que le grief relatif à l’abandon de poste est établi et que le licenciement de Mme [R] [N] [O] est fondé sur une faute grave, rendant impossible son maintien dans l’entreprise, puisque l’absence d’une caissière en magasin nuit par nature au bon fonctionnement de celui-ci et impose de palier au jour le jour à son remplacement.

Il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Pull & Bear France à payer à la salariée diverses sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité légale conventionnelle de licenciement, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

L’employeur demande à la cour de condamner Mme [R] [T] [O] au paiement d’une indemnité de 500 euros pour procédure abusive au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile.

L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive et il convient de débouter la société de sa demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Pull & Bear France à verser à la salariée une somme de 950 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure.

Il y a lieu de juger que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris et dit que le licenciement de Mme [R] [T] [O] est justifié par une faute grave privative de toute indemnité ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société Pull & Bear France de sa demande formée au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DIT n’y avoir lieu à condamner l’intimée à un article 700 ;

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Solène ESPINAT, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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