L’Essentiel : L’établissement [Localité 7], enregistré au RCS de Nanterre, se consacre à la promotion immobilière et à la gestion d’infrastructures. M. [M], directeur général adjoint depuis mai 2016, a été licencié le 14 février 2018 pour insuffisance professionnelle. Contestant cette décision, il a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. [M] a interjeté appel, arguant d’un licenciement discriminatoire lié à son statut de lanceur d’alerte. La cour d’appel a confirmé le jugement initial, condamnant l’établissement à verser des indemnités et à rembourser les frais de chômage.
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Présentation de l’établissementL’établissement [Localité 7] est un établissement public à caractère industriel et commercial, enregistré au RCS de Nanterre sous le numéro 833 718 794. Il se spécialise dans la promotion immobilière, la gestion d’infrastructures, l’aménagement d’espaces publics et la fourniture de services d’intérêt général, employant plus de 50 salariés. Engagement de M. [M]M. [Y] [M] a été recruté le 13 mai 2016 en tant que directeur général adjoint en charge de l’aménagement, avec un salaire brut mensuel de 10 000 euros. Sa relation de travail était régie par le statut du personnel de l’établissement public. Procédure de licenciementLe 30 janvier 2018, l’établissement a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un licenciement, qui a eu lieu le 9 février 2018. Le 14 février 2018, M. [M] a été licencié pour insuffisance professionnelle, avec des motifs détaillés concernant son attitude et son opposition à la fusion des établissements. Contestation du licenciementM. [M] a contesté son licenciement par courrier le 8 mars 2018. Il a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre le 22 janvier 2019, demandant la nullité de son licenciement ou, à défaut, qu’il soit jugé sans cause réelle et sérieuse. Jugement du conseil de prud’hommesLe 6 janvier 2022, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, fixant le salaire de référence à 10 000 euros et condamnant l’établissement à verser des indemnités à M. [M]. Appel de M. [M]M. [M] a interjeté appel le 16 mars 2022, demandant la confirmation de certaines décisions et la requalification de son licenciement en licenciement nul pour motif discriminatoire, en raison de sa dénonciation de faits de corruption. Réponse de l’établissement [Localité 7]L’établissement a également interjeté appel, demandant la confirmation de la nullité de la demande de M. [M] concernant la discrimination et l’infirmation du jugement sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Arguments de M. [M]M. [M] soutient avoir été licencié en raison de son statut de lanceur d’alerte, ayant dénoncé des pratiques illégales et une mainmise politicienne lors de la fusion des établissements. Il demande des dommages et intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse. Arguments de l’établissementL’établissement conteste le statut de lanceur d’alerte de M. [M] et affirme que le licenciement repose sur une insuffisance professionnelle, citant des comportements non constructifs et des engagements pris sans consultation. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, considérant que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, et a ordonné le remboursement des indemnités de chômage à M. [M]. L’établissement a été condamné à verser des frais au salarié. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de nullité d’un licenciement pour motif discriminatoire selon le Code du travail ?La nullité d’un licenciement pour motif discriminatoire est régie par l’article L. 1132-1 du Code du travail, qui stipule que « nul ne peut être écarté d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. » En cas de litige, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé, comme le précise l’article L. 1132-3-3 du même code. Ainsi, pour qu’un licenciement soit déclaré nul pour motif discriminatoire, il faut que le salarié démontre qu’il a effectivement dénoncé des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, et que son licenciement est en lien direct avec cette dénonciation. Comment prouver l’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement selon le Code du travail ?L’article L. 1232-1 du Code du travail stipule que « tout licenciement doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse. » De plus, l’article L. 1235-1 précise que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties, mais que le doute doit profiter au salarié. Pour prouver l’absence de cause réelle et sérieuse, le salarié doit démontrer que les motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement ne reposent pas sur des éléments concrets et objectifs. Cela implique que l’employeur doit apporter des preuves tangibles des griefs qu’il avance, tels que des documents, des témoignages ou des éléments de contexte. En l’absence de preuves suffisantes de la part de l’employeur, le licenciement peut être jugé sans cause réelle et sérieuse, entraînant des conséquences financières pour l’employeur, comme le versement d’indemnités au salarié. Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?Les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont régies par l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui prévoit que le salarié a droit à une indemnité dont le montant est déterminé en fonction de plusieurs critères, notamment l’ancienneté du salarié et son âge au moment du licenciement. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut également demander des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, en vertu de l’article 1240 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Ainsi, le salarié peut obtenir une indemnisation pour la perte de son emploi ainsi que pour les circonstances vexatoires entourant son licenciement, à condition de prouver l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi. Quelles sont les protections accordées aux lanceurs d’alerte selon le Code du travail ?Les protections accordées aux lanceurs d’alerte sont définies par l’article L. 1132-3-3 du Code du travail, qui stipule qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Pour bénéficier de cette protection, le salarié doit démontrer qu’il a relaté de bonne foi des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime. En cas de litige, il incombe à l’employeur de prouver que la décision de licenciement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage du salarié. En cas de licenciement jugé nul pour motif discriminatoire ou en raison de la qualité de lanceur d’alerte, le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts, ainsi qu’à la réintégration dans son poste, selon les circonstances du cas d’espèce. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-3
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/00860 –
N° Portalis DBV3-V-B7G-VCGL
AFFAIRE :
[Y] [M]
C/
Etablissement [Localité 7]
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 06 Janvier 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : 19/00175
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Eve DREYFUS
Me Grégory CHASTAGNOL
Expédition numérique délivrée à FRANCE TRAVAIL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [Y] [M]
né le 04 Juillet 1967 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Eve DREYFUS de la SELAS DF ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1814
Substitué à l’audience par : Me Eva WAKNINE, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
Etablissement [Localité 7]
N° SIRET : 833 718 794
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentant : Me Grégory CHASTAGNOL de la SELAS FACTORHY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107
Substitué à l’audience par : Me Emmanuel GAUTRET, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Septembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Mme Florence SCHARRE, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
L’établissement [Localité 7] est un établissement public à caractère industriel et commercial immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Nanterre sous le n° 833 718 794.
L’établissement [Localité 7] exploite des activités de promotion immobilière, des ouvrages de bâtiment ou d’infrastructure des bâtiments, d’aménagement et de gestion des ouvrages et espaces publics, ainsi que les services d’intérêt général.
Elle emploie plus de 50 salariés.
Par contrat à durée indéterminée en date du 13 mai 2016, M. [Y] [M] a été engagé par l’EPIC Etablissement [Localité 7], venant aux droits de l’Etablissement Public d’Aménagement de [Localité 7] Seine Arche (ci-après désigné l’Epadesa), en qualité de directeur général adjoint en charge de l’aménagement.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [M] percevait un salaire moyen brut de 10 000 euros par mois.
La relation de travail était régie par les dispositions du statut du personnel de l’établissement public.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 janvier 2018, l’établissement [Localité 7] a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 février 2018, assorti d’une dispense d’activité.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 février 2018, l’établissement [Localité 7] a notifié à M. [M] son licenciement pour insuffisance professionnelle en ces termes :
« Je vous ai convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement par courrier du 30 janvier 2018. Lors de cet entretien, qui s’est tenu le 9 février 2018, je vous ai exposé les motifs qui me conduisent à envisager cette mesure de licenciement.
Les explications que vous nous avez apportées ne m’ont pas permis de modifier mon appréciation de la situation.
Je me vois donc contrainte de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour insuffisance professionnelle, en considération des motifs que je vous rappelle ci-après.
Vous avez été recruté par l’Etablissement Epadesa à compter du 1er juin 2016 en qualité de Directeur Général adjoint en charge de l’aménagement, catégorie Directeur.
Ce poste figurait parmi les plus élevés de l’organigramme de l’établissement.
Dans le cadre de vos fonctions, vous étiez en charge de piloter, sous l’autorité du Directeur Général, l’ensemble des projets d’aménagement, en collaboration étroite avec les grands acteurs publics et privés sur le périmètre d’intervention de L’Epedesa.
Vos missions impliquaient en outre de participer à la direction de l’Etablissement, et à la définition de sa stratégie.
A ce titre, vous étiez membre du directoire et du Comité Exécutif de l’Etablissement Epadesa, puis du Comité Exécutif de l’Etablissement [Localité 7].
Or, vous avez contribué à entretenir un climat d’opposition au principe de la fusion et de la défiance vis-à-vis de la Direction générale de [V] et de son président. Votre attitude a ainsi contribué à détériorer le climat social et à compliquer le travail engagé par les deux directeurs généraux pour rapprocher les deux équipes et partager pleinement les informations entre les deux directions.
Ainsi au sein des Comex communs mis en place, vous vous êtes opposé aux décisions des deux directeurs généraux, notamment concernant les modalités, le calendrier et la construction de la stratégie et de l’organisation du nouvel établissement. Dans ces conditions, le climat de confiance et de sérénité nécessaire à ce type d’instance n’a jamais pu s’instaurer.
Par ailleurs vos avez pris des engagements vis-à-vis de tiers, sur des sujets sous compétence [V], engagements que doit reprendre aujourd’hui [Localité 7] sans que la Directrice Générale de [V] ait été associée aux discussions, alors même qu’elle avait déjà été désignée DG intérimaire de [Localité 7].
A titre d’exemple, vous avez mené des négociations avec l’opérateur de la Tour Pascal à la fois sur la vente de charges foncières relevant de L’Epedesa, mais également sur les occupations du domaine public pour les besoins des bases chantiers nécessaires à l’opération, en prenant des engagements, y compris financiers, pour le compte de [V] sans en parler à la Direction Générale de [V]. Ceci vous a amené à proposer à la Direction Générale de [V] une répartition du montant total des redevances entre les deux établissements, qui ne reflétait ni les périmètres de responsabilité des deux établissements, ni les tarifs en vigueur chez [V].
Cette proposition a dû être rejetée par [V] dans la mesure où elle n’était pas ajustée sur les emprises et les tarifs respectifs de chacun des deux établissements.
Cette absence de concertation a été préjudiciable à [V] dans le cadre de la fusion, et à [Localité 7] qui doit aujourd’hui reprendre ses engagements.
De surcroît, ce n’est que dans un second temps, après nous avoir donné cette position, que vous nous avez informés que les discussions avec l’opérateur prévoyaient également sur des emprises sous responsabilités de [V], une redevance capitalisée pour des volumes en surplomb.
Cette situation a évidemment semé le trouble chez l’opérateur, qui a pris contact avec [V]. Il a alors précisé que L’Epedesa, par votre intermédiaire, s’était toujours présenté comme mandaté par [V] pour négocier pour son propre compte ce qui est inexact.
Lorsque nous avons évoqué votre positionnement au sein du nouvel établissement [Localité 7], je vous ai proposé un poste de Directeur de la stratégie urbaine, que vous avez refusé.
Aujourd’hui, la fusion ayant été réalisée, nous avons pu constater que vous demeurez dans une attitude non constructive quant à la fusion, et aux orientations proposées pour l’organisation du nouvel Etablissement [Localité 7].
Je constate également une attitude de défiance par rapport à la Direction générale actuelle de l’Etablissement, issue de l’ancien établissement [V].
Dans ces conditions, compte tenu de votre opposition aux orientations définies par la Direction de l’Etablissement [Localité 7], à la Direction elle-même, et du caractère stratégique de votre poste, je me vois contrainte de vous notifier votre licenciement.
La date de la première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis d’une durée de 3 mois. Ce préavis, que je vous dispense d’effectuer, vous sera payé aux échéances habituelles de paie.
Votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation destinée au pôle emploi vous seront transmis à l’issue de votre préavis. (‘). »
Par courrier du 8 mars 2018, M. [M] a contesté les griefs mentionnés dans le courrier de notification de son licenciement.
Par requête introductive reçue au greffe le 22 janvier 2019, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre d’une demande tendant à ce que son licenciement pour insuffisance professionnelle soit jugé nul, ou à défaut, sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 6 janvier 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– dit que le licenciement prononcé par l’établissement [Localité 7] à l’égard de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– fixé le salaire de référence à 10 000 euros mensuel ;
– condamné l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] la somme de :
* 10 000 euros à titre d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les créances de nature salariale ;
– condamné l’établissement [Localité 7] aux entiers dépens.
Par déclaration remise au greffe de la cour d’appel de Versailles, le 16 mars 2022, M. [Y] [M] a interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 21 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [M], appelant et intimé à titre incident, demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il fixe la rémunération mensuelle moyenne du salarié à 10 000 euros bruts ;
A titre principal :
– infirmer le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande formulée à titre principal de nullité de son licenciement et de la condamnation afférente ;
Statuant à nouveau :
– juger que le licenciement de M. [M] est nul car fondé sur un motif discriminatoire (à savoir sa dénonciation de faits de corruption) ;
En conséquence :
– condamner l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] des dommages et intérêts pour licenciement nul : 120 000 euros ;
A titre subsidiaire :
– confirmer le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a reconnu l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement notifié à M. [M] ;
– infirmer le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a condamné l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] la somme de 10 000 euros au titre d’indemnité sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau :
– condamner l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] des dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse : 80 000 euros à titre principal ou 20 000 euros à titre subsidiaire ;
A titre infiniment subsidiaire :
– infirmer le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il ne reconnait pas le licenciement verbal ;
Statuant à nouveau :
– juger que le licenciement de M. [M] est verbal, de sorte qu’il produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] des dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse : 80 000 euros à titre principal ou 20 000 euros à titre subsidiaire ;
En tout état de cause :
– infirmer le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il déboute M. [M] du surplus de ses demandes ;
Statuant à nouveau :
– condamner l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] des dommages et intérêts pour indemniser son préjudice moral lié aux circonstances brusques et vexatoires de la rupture (3 mois de salaire) : 30 000 euros ;
– infirmer le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a condamné l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
– condamner l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause, en cause d’appel :
– condamner l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile ;
– condamner l’établissement [Localité 7] aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 25 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’établissement [Localité 7], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a :
* débouté M. [M] de sa demande au titre de la nullité de son licenciement sur un motif discriminatoire.
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a :
* jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
* condamné l’établissement [Localité 7] à verser à M. [M] 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* débouté l’établissement [Localité 7] de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, statuant de nouveau, :
– juger le licenciement pour insuffisance professionnelle intervenu justifié et reposant sur une cause réelle et sérieuse ;
– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
– en l’absence d’élément, et compte tenu de la faible ancienneté de M. [M], ramener la demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions, soit 1 mois de salaire ;
– condamner M. [M] à verser à l’établissement [Localité 7], 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [M] aux entiers dépens d’action et d’instance.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 26 juin 2024.
Sur la nullité du licenciement
Sur la protection liée à la qualité de lanceur d’alerte
M. [M], se fonde sur les dispositions de l’article L.1132-3-3 du code du travail et revendique le statut de lanceur d’alerte pour conclure à la nullité de son licenciement. Il fait valoir le fait qu’il a dénoncé d’une part la « main mise politicienne » à l’occasion de la fusion des EPIC et de la création de l’EPIC [Localité 7] et d’autre part le non-respect des règles propres aux marchés publics qu’il aurait constaté.
Au contraire, l’EPIC [Localité 7] conteste le statut du lanceur d’alerte et soutient que le licenciement repose sur une insuffisance professionnelle en relevant que le salarié n’a dénoncé aucun délit.
Selon l’article L. 11323-3-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, à savoir celle en vigueur du 11 décembre 2016 au 1er septembre 2022, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En cas de litige relatif à l’application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou qu’elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. ».
L’article L. 1132-4 du même code dispose que toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.
En l’espèce, le salarié présente les éléments de fait suivants :
La main mise politicienne opérée sur le nouvel établissement créé le 1er janvier 2018
A la lecture des pièces versées aux débats par le salarié, ni la lecture du rapport de la Cour des comptes du 18 janvier 2018, ni les articles de presse produits qui concernent tant la nomination de M. [G] en qualité de nouveau président du conseil d’administration de l’EPIC [Localité 7], que celle de Mme [S] [P] [I] en qualité de directrice de cet établissement, ne mentionnent que M. [M] puisse être à l’origine, directement ou indirectement, de faits à caractère délictuel qui auraient été ainsi relatés ou dont il aurait été le témoin.
De plus, les mails produits aux débats par M. [M], datant de mai 2017, s’ils permettent de constater que celui-ci a, dans le cadre de ses fonctions commenté avec ses interlocuteurs la répartition des surfaces de la Tour Pascal, le montant des redevances de l’occupant ou encore le calendrier des chantiers, ils ne permettent pas davantage de constater que M. [M] ait pu dénoncer de manière directe ou indirecte des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
Il doit en être déduit que le salarié ne démontre pas qu’il ait dénoncé, dans le cadre du rôle de lanceur d’alerte qu’il s’attribue, la « main mise politicienne » à l’occasion de la fusion des EPIC et de la création de l’EPIC [Localité 7].
Le non-respect des règles propres aux marchés publics
Il résulte de l’examen des pièces produites à ce titre que M. [M] invoque un « choc des cultures et des gouvernances ». Il indique que des pressions ont été exercées sur les « ex-Epedesa » dont lui-même, considérant que l’éthique et les pratiques de l’Epedesa étaient ressenties comme « ne cadrant pas » avec celles du personnel dirigeant de [V] jalonnée de scandales ».
Or, la cour relève que le salarié affirme sans l’établir avoir été le témoin, dans le cadre de ses fonctions, de pratiques ayant cours chez les anciens dirigeants de [V] et dont il se serait ému car elles ne respecteraient pas les règles l’attribution des marchés publics.
Le salarié n’établit donc pas, au vu des pièces produites qu’il aurait été amené à refuser de se voir imposer des candidatures sur des marchés publics qu’il considérait irréguliers.
Sa production aux débats d’un article de presse relatif à la situation du stade [4] de [Localité 7] ne permet pas davantage d’en déduire que M. [M] aurait été là encore à l’origine, directement ou indirectement, de faits qui auraient été ainsi relatés ou dont il aurait été témoin.
Il doit en être déduit que le salarié ne démontre ni les pressions qu’il considère avoir subi, ni qu’il ait dénoncé dans le cadre du rôle de lanceur d’alerte qu’il s’attribue le non-respect des règles propres aux marchés publics qu’il aurait constaté.
En définitive, les éléments de faits allégés par M. [M] ne permettent pas de présumer qu’il ait relaté de bonne foi des faits constitutifs des délits qu’il soutient avoir identifiés.
La cour en déduit que M. [M] ne disposait pas du statut de lanceur d’alerte.
Sur la discrimination
M. [M], se fonde ensuite sur les dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail et estime avoir été victime d’une discrimination de la part de son employeur pour conclure à la nullité de son licenciement. Le salarié expose, qu’en sa qualité de membre de l’équipe dirigeante de l’Epadesa, il a été victime d’une « purge » puisque convoqué à un entretien préalable dans le contexte de la fusion-absorption de l’Epadesa par [V].
Il considère que la structure nouvellement créée, parce qu’elle est composée majoritairement de représentants du conseil départemental des Hauts de Seine, dont M. [W] [G], révèle le climat à fort connotation politicienne qui a précédé son élaboration
L’employeur conteste toute mesure discriminatoire sur la personne de M. [M] et estime que le licenciement repose sur une cause objective. Il considère que le salarié s’est en réalité rapidement positionné dans une opposition passive et une attitude non constructive. L’employeur fait observer que le salarié n’a jamais évoqué la moindre situation de discrimination pendant et juste après la procédure de licenciement.
Pour une meilleure compréhension de litige, il est nécessaire de rappeler que le 1er janvier 2018, l’Epadesa, qui avait la mission d’aménager le site de [Localité 7], et dans lequel M. [M] exerçait la fonction de directeur général adjoint, a été absorbé par un autre établissement public, à savoir [V] (établissement public de gestion et d’animation de [Localité 7]), lequel avait quant à lui pour mission de gérer le site.
Dans ce contexte un nouvel EPIC a été créé sous la désignation de « [Localité 7] » et s’est vu confier l’aménagement et la gestion du quartier de [Localité 7] dans le cadre du projet dit du Grand Paris.
En l’espèce, le salarié invoque une situation de discrimination et présente les éléments de fait suivants :
La mise au placard du salarié dès la fusion (janvier 2018)
M. [M] considère avoir été « rétrogradé de ses fonctions et positionné sans poste défini sur l’organigramme dans la nouvelle organisation mise en place par la nouvelle Direction le 1er janvier 2018 ». Il ajoute que sa signature électronique a été modifiée, que ses responsabilités n’étaient plus précisées, et qu’il n’a plus bénéficié d’une assistante.
Or, la cour observe qu’il n’est pas contesté que le salarié ait été positionné eu égard à ses fonctions dans un premier temps membre du directoire et du comité exécutif de l’Epedesa, puis à compter de janvier 2018, membre du comité exécutif de l’EPIC [Localité 7].
Le laps de temps séparant cet organigramme provisoire du licenciement du salarié ne permet pas en tant que tel, de retenir une rétrogradation, dès lors que le contour des attributions du salarié n’était pas encore, à cette date, défini et qu’il avait été proposé à M. [M] un poste de directeur sur un autre portefeuille.
Il ne peut dès lors être considéré que les attributions et les conditions de travail de M. [M] puissent relever d’une rétrogradation en raison du fait que sa fiche de poste était en cours de construction et que dans ce cadre il n’est pas démontré que l’employeur ait pu abuser de la prérogative qui était la sienne.
Quant à la pétition, qui évoque le « traitement inhumain des salariés » et qui dénonce la « purge » dont aurait victime M. [M], celle-ci ne mentionne aucun élément objectif qui serait relatif à la placardisation évoquée.
En l’état des pièces produites, il ne saurait résulter du seul mail adressé le 11 janvier 2018 que le salarié ait été ainsi mis au placard avant que ne débute le 30 janvier 2018 sa procédure de licenciement par l’envoi de sa lettre de convocation à l’entretien préalable.
Il doit en être déduit que le salarié ne transmet pas d’élément suffisant permettant de matérialiser le fait qu’il invoque soit d’avoir été mis au placard courant janvier 2018 et partant avoir eu à subir un traitement différencié par rapport à ses collègues.
Par ailleurs, répondant au moyen invoqué par le salarié pour solliciter la condamnation de son employeur à des dommages et intérêts en raison du licenciement verbal dont il a été victime dans ce contexte de « placardisation », la cour, par confirmation du jugement entrepris, écarte le fait que le licenciement critiqué puisse être requalifié en licenciement verbal et déboute le salarié de la demande indemnitaire qui en découlerait.
En définitive, considérant que le salarié ne présente pas d’élément de fait suffisant pour bénéficier tant du statut protecteur du lanceur d’alerte que des dispositions propres à la discrimination, la cour en déduit que le moyen tiré de la nullité du licenciement doit être écarté et déboute, par confirmation du jugement critiqué, M. [M] de ses demandes à ce titre.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
L’article L. 1232-6 du code du travail rappelle que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
Il résulte des articles L. 1232-1 et L.1235-1 que tout licenciement doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, l’article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties mais que le doute doit profiter au salarié.
En l’espèce, les parties s’opposent sur la qualification qu’il convient de donner à la lettre de licenciement.
Au cas d’espèce, l’employeur considère dans ses écritures que le licenciement du salarié relève d’une insuffisance professionnelle caractérisée par son opposition aux directives générales de l’EPIC Epadesa et de l’établissement [V] avant leur fusion, par sa prise d’engagements vis-à-vis de tiers sur des sujets relevant de l’EPIC [V] et non de sa responsabilité et enfin par son attitude non constructive.
M. [M] conteste le licenciement dont il a fait l’objet. Il relève le manque de sérieux et la multiplication des griefs mentionnés à cette occasion. Il considère que son licenciement relève non pas d’une insuffisance professionnelle mais d’une perte de confiance.
Il ajoute que la rupture de son contrat de travail a été faite sur la base de « faux prétextes », il invoque la « purge » dont il a été victime et le contexte politique dans lequel son licenciement est intervenu. Il souligne qu’il a toujours donné entièrement satisfaction à son employeur et que son investissement a conduit à ce que l’Epadesa aient de très bons résultats financiers comme souligné par la Cour des comptes dans son rapport.
La lettre de licenciement évoque :
– le fait que le salarié ait contribué à entretenir un climat d’opposition au principe de la fusion ;
– une opposition dans le cadre des Comex communs aux décisions des deux directeurs généraux, notamment concernant les modalités, le calendrier et la construction de la stratégie et de l’organisation du nouvel établissement. Ce qui aurait pour effet de détériorer le climat de confiance et de sérénité nécessaire à ce type d’instance ;
– une attitude de défiance vis-à-vis de la Direction générale de [V] et de son président ce qui a contribué à détériorer le climat social et à compliquer le travail engagé par les deux directeurs généraux pour rapprocher les deux équipes et partager pleinement les informations entre les deux directions ;
– une attitude non constructive dans le cadre la fusion ;
– le fait que le salarié ait pris des engagements vis-à-vis de tiers, sur des sujets sous compétence [V], engagements sans que la Directrice Générale de [V] ait été associée aux discussions ainsi que le trouble chez l’opérateur.
La cour souligne, comme relevé à juste titre par les premiers juges, que l’employeur ne verse aux débats aucune pièce propre, se contente de commenter sa propre lettre de licenciement ainsi que les pièces versées aux débats par le salarié.
Il en est ainsi :
du mail du 3 mai 2017 adressé par M. [V] à M. [M] dans lequel il est fait état d’un échange téléphonique sur « la répartition de COT sur la base des périmètres respectifs des deux établissements »,
du mail du même jour de M. [M] à M. [A] dans lequel il évoque la « position officielle de [V], sans surprise. L’écart de recettes pour l’Epadesa entre la situation actuelle et l’option de fin de mise à disposition d’une partie des surfaces est de l’ordre de 400 K€. Donnons la priorité à l’établissement des deux COT respectives et à l’estimation du coût total »,
du compte rendu d’entretien préalable de M. [M] du 9 février 2018,
de la lettre de contestation du licenciement adressé le 8 mars 2018 par le salarié à son employeur,
de la réponse qui a été apportée le 3 avril 2018 à celle-ci,
du courrier de M. [M] à son employeur du 24 avril 2018.
La cour en déduit que l’employeur échoue donc à apporter la preuve des griefs invoqués dans la lettre de licenciement tant au regard du climat d’opposition au principe de la fusion, que de l’attitude de défiance vis-à-vis de la Direction générale de [V] et de son président, que du point de vue de la détérioration du climat social.
En l’absence de pièce relative au travail des Comex, il ne saurait davantage être reproché au salarié une opposition à ce titre.
Enfin, aucune pièce objective ne permet de retenir une attitude non constructive dans le cadre la fusion ni le fait que des engagements vis-à-vis de tiers, sur des sujets sous compétence [V] aient été pris et qu’ils aient semé le trouble chez l’opérateur.
En outre, le fait que le salarié ait refusé un poste de directeur ne saurait être un motif de licenciement.
Il y a donc lieu de retenir qu’aucun des griefs invoqués à l’appui du licenciement ne repose des éléments concrets et que le licenciement résulte d’une appréciation purement subjective de l’employeur.
En conséquence, les griefs invoqués à l’appui du licenciement ne sont pas établis, ce qui a pour conséquence, par confirmation du jugement critiqué, de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [M] sollicite, en réparation du préjudice subi, la condamnation de son employeur à lui verser somme de 80 000 euros à titre principal à ce titre et celle de 20 000 euros à titre subsidiaire. Il expose le barème de l’article L.1235-3 du code du travail ne l’indemniserait pas suffisamment. Il invoque l’inconstitutionnalité dudit barème et le fait que celle-ci soit contraire tant aux dispositions de l’article 10 de la convention OIT n°158 que de l’article 24 de la charte sociale européenne.
L’employeur lui oppose que le barème précité a un caractère impératif et s’applique à tout licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour rappelle que la Cour de cassation a jugé dans ses avis des 17 juillet 2019 (n°15012 et 15013) que les dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne n’ont pas d’effet direct en droit interne. Par ailleurs, l’article L.1235-3 du code du travail contient des dispositions qui sont parfaitement compatibles avec les dispositions de l’article 10 de la convention OIT n°158.
En conséquence, le salarié peut donc prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au visa des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n 2017-1387 du 22 septembre 2017.
Dès lors, en considération de l’âge du salarié au moment de son licenciement (51 ans), de son ancienneté à la date de la rupture de son contrat de travail (1 an et 9 mois) et de l’absence de pièce relatives à un préjudice spécifique (en dehors d’une promesse d’embauche en date du 4 mai 2018, pour un poste de directeur délégué territoire Grand-Est de l’EPIC Grand Paris Aménagement, dont la cour ignore si elle a ou non été suivie d’effet), il y a lieu par confirmation du jugements entrepris, de condamner l’EPIC [Localité 7] à verser à M. [M] la somme de 10 000 euros à ce titre.
– Sur les dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire
Le salarié considère qu’il a été évincé brutalement de l’EPIC dès lors que la fusion a été faite et sollicite la somme de 30 000 euros à ce titre.
Il résulte de l’article 1240 du code civil que le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation (Soc 4 octobre 2023, n°21-20.889).
En application de cette jurisprudence, le salarié qui argue des circonstances vexatoires ayant accompagné la rupture et justifie d’un préjudice distinct de la perte de son emploi peut en demander réparation, y compris lorsque le licenciement repose sur une cause réelle sérieuse ou une faute grave.
En l’espèce, le salarié ne se prévaut pas d’un préjudice distinct de celui qui a été réparé par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sa demande à ce titre sera donc, par confirmation du jugement entrepris, rejetée.
Sur le remboursement des indemnités chômage
En application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail qui l’imposent, et sont donc dans le débat, il convient d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées à au salarié, dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Il sera également condamné à payer au salarié la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. La somme allouée à ce titre en première instance sera confirmée.
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME en toutes ces dispositions le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre,
Y ajoutant,
ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées à au salarié, dans la limite de six mois d’indemnités ;
CONDAMNE l’EPIC [Localité 7] à verser à M. [M] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande fondée sur ce texte ;
CONDAMNE l’EPIC [Localité 7] aux dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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