Licenciement et absence prolongée : enjeux de la cause réelle et sérieuse

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Licenciement et absence prolongée : enjeux de la cause réelle et sérieuse

L’Essentiel : La société StandardAero France, spécialisée dans la réparation de turbopropulseurs et turboréacteurs, a engagé Mme [I] en tant que cadre acheteur en avril 2009. Après un arrêt de travail pour maladie, elle a été licenciée en juillet 2012 pour motif personnel. Contestant ce licenciement, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé en 2022 que le licenciement était justifié. En appel, elle demande la réintégration et des indemnités pour licenciement discriminatoire. La cour a confirmé le jugement initial tout en condamnant StandardAero à verser des dommages-intérêts pour l’inopposabilité de la convention de forfait.

Présentation de la société StandardAero France

La société StandardAero France est une société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Pontoise sous le numéro 582 136 008. Elle se spécialise dans la réparation et la maintenance des turbopropulseurs et des turboréacteurs, principalement pour l’aviation régionale et d’affaires, et emploie plus de 11 salariés.

Engagement de Mme [I]

Mme [Z] [I] a été engagée par la société StandardAero France par un contrat à durée indéterminée en date du 8 avril 2009, en tant que cadre acheteur, à compter du 20 avril 2009. À la fin de sa relation de travail, elle percevait un salaire brut moyen de 3 469,30 euros par mois, et sa relation de travail était régie par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Arrêt de travail et licenciement

À partir du 10 décembre 2011, Mme [I] a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle. Le 19 mars 2012, la société a convoqué Mme [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 19 juillet 2012 après plusieurs reports. Le 24 juillet 2012, la société a notifié à Mme [I] son licenciement pour motif personnel, invoquant son absence prolongée et les difficultés organisationnelles qu’elle engendrait.

Procédures judiciaires

Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency le 24 septembre 2014 pour contester son licenciement, le qualifiant de dépourvu de cause réelle et sérieuse. Après plusieurs radiations de l’affaire pour absence de conclusions, le conseil a jugé, le 19 janvier 2022, que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [I] de toutes ses demandes.

Appel et demandes de Mme [I]

Mme [I] a interjeté appel de ce jugement le 7 mars 2022. Dans ses dernières conclusions, elle demande à la cour de déclarer ses demandes recevables et fondées, d’infirmer le jugement de 2022, et de condamner la société à la réintégrer, ainsi qu’à lui verser des indemnités pour licenciement discriminatoire et sans cause réelle et sérieuse, entre autres demandes financières.

Réponse de la société StandardAero

La société StandardAero a demandé à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes, en ce qui concerne la cause réelle et sérieuse du licenciement, tout en demandant l’infirmation des décisions qui lui étaient défavorables. Elle a également formulé des demandes subsidiaires concernant le montant des indemnités.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement en ce qui concerne le licenciement de Mme [I] et a déclaré inopposable la convention de forfait jours. Elle a condamné la société StandardAero à verser à Mme [I] des dommages-intérêts pour l’inopposabilité de la convention de forfait, des heures supplémentaires, et pour l’exécution déloyale de son contrat de travail, tout en déboutant les parties du surplus de leurs demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du licenciement de Mme [I] ?

Le licenciement de Mme [I] repose sur l’article L1232-1 du Code du travail, qui stipule que « le licenciement d’un salarié ne peut être prononcé que pour une cause réelle et sérieuse ».

Dans le cas présent, la société StandardAero France a justifié le licenciement par l’absence prolongée de Mme [I] pour maladie, entraînant une désorganisation du service.

L’article L1232-2 précise également que l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable, ce qui a été respecté dans cette affaire.

Il est donc essentiel d’examiner si les motifs avancés par l’employeur constituent une cause réelle et sérieuse, ce qui a été confirmé par le jugement du conseil de prud’hommes.

Quelles sont les conséquences de la nullité de la convention de forfait jours ?

La nullité de la convention de forfait jours a des conséquences significatives sur le contrat de travail de Mme [I].

L’article L3121-44 du Code du travail stipule que « le salarié soumis à un forfait en jours doit bénéficier d’une rémunération au moins égale à celle d’un salarié à temps plein ».

En cas de nullité, le salarié peut revendiquer le paiement des heures supplémentaires effectuées, comme cela a été reconnu dans le jugement.

De plus, l’article L3121-22 précise que « le salarié doit être informé des modalités de la convention de forfait », ce qui n’a pas été respecté dans ce cas.

Ainsi, la société StandardAero France a été condamnée à verser des dommages-intérêts pour le préjudice subi par Mme [I] en raison de cette inopposabilité.

Quels sont les droits de Mme [I] en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

En vertu de l’article L1235-3 du Code du travail, « en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité ».

Cette indemnité est calculée en fonction de l’ancienneté et du salaire du salarié.

Dans le cas de Mme [I], le tribunal a reconnu que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais a également statué sur d’autres demandes, notamment en matière de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire.

L’article L1235-11 ancien du Code du travail prévoit également des dispositions spécifiques concernant les licenciements discriminatoires, ce qui a été pris en compte dans les demandes de Mme [I].

Quelles sont les implications de l’exécution déloyale du contrat de travail ?

L’article L1222-1 du Code du travail stipule que « le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ».

L’exécution déloyale peut entraîner des dommages-intérêts pour le salarié, comme cela a été le cas pour Mme [I].

Le tribunal a reconnu que la société StandardAero France avait manqué à son obligation de loyauté envers Mme [I], ce qui a conduit à une condamnation pour préjudice.

Les implications de cette exécution déloyale peuvent inclure des demandes de réparation financière, comme les dommages-intérêts accordés à Mme [I] pour le préjudice subi.

Quels recours sont disponibles pour Mme [I] suite à son licenciement ?

Mme [I] a plusieurs recours disponibles suite à son licenciement, notamment en vertu de l’article L1235-1 du Code du travail, qui permet de contester la légalité du licenciement devant le conseil de prud’hommes.

Elle a également la possibilité de demander la réintégration dans son poste, comme le prévoit l’article L1235-3, qui stipule que « le juge peut ordonner la réintégration du salarié ».

Dans cette affaire, Mme [I] a demandé la réintégration et des dommages-intérêts, ce qui a été partiellement accordé par le tribunal.

Les recours peuvent également inclure des demandes de paiement de salaires dus et d’indemnités compensatrices, en fonction des circonstances entourant le licenciement.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 NOVEMBRE 2024

N° RG 22/00733 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VBR4

AFFAIRE :

[Z] [I]

C/

S.A.S. STANDARDAERO FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 19 Janvier 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : E

N° RG : 20/00605

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Maud THOMAS

Me Cécile PROMPSAUD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [Z] [I]

née le 26 Juin 1978 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Maud THOMAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0753

APPELANTE

****************

S.A.S. STANDARDAERO FRANCE

N° SIRET : 582 136 008

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Cécile PROMPSAUD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 105

Plaidant : Me Jean-martial BUISSON de la SELARL Littler France, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société StandardAero France est une société par actions simplifiée immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Pontoise sous le n° 582 136 008.

La société StandardAero France exploite une activité de réparation et de maintenance des turbopropulseurs et des turboréacteurs pour l’aviation régionale et l’aviation d’affaires.

Elle emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée en date du 8 avril 2009, Mme [Z] [I] a été engagée par la société StandardAero France, venant aux droits de la société Eads Seca, en qualité de cadre acheteur, position I, indice hiérarchique 92, à compter du 20 avril 2009.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [I] percevait un salaire moyen brut de 3 469,30 euros par mois.

La relation de travail était régie par les dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

A compter du 10 décembre 2011, Mme [I] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie non-professionnelle.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 mars 2012, la société StandardAero France a convoqué Mme [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, initialement fixé au 28 mars 2012.

A l’issue de deux reports successifs de la date de l’entretien préalable, ce dernier s’est tenu le 19 juillet 2012.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 juillet 2012, la société StandardAero France a notifié à Mme [I] son licenciement pour motif personnel, en ces termes :

« Suite à l’entretien préalable du 19 juillet 2012, auquel nous vous avions convoqué le 11 juillet 2012 par courrier recommandé conformément à l’article L1232-2 du Code du travail, et auquel vous n’avez pas souhaité vous présenter, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants :

Vous exercez au sein de notre société les fonctions d’acheteur en charge de la gestion de la sous-traitance hors Europe, fonctions qui requièrent des relations continues avec les opérationnels et un suivi régulier de nos différents sous-traitants hors Europe.

Or, vous êtes absente de l’entreprise de façon continue depuis le 10 Décembre dernier. Afin de pallier votre absence, nous avons été amenés dans un premier temps à procéder à des aménagements de sorte à ce que la gestion de la relation achats sous-traitance dont vous aviez exclusivement la charge puisse être assurée.

Cette situation a perduré depuis plus de six mois dans l’attente de votre retour en dépit des difficultés d’organisation et de suivi qu’elle impliquait et de la surcharge de travail qu’elle générait pour votre hiérarchie et vos collègues qui devaient parallèlement assurer la gestion de leurs propres comptes.

Nous constatons désormais que nous ne pouvons maintenir ce régime précaire compte tenu du caractère prolongé de votre absence et la désorganisation du service qui en résulte n’est aujourd’hui plus viable.

Compte tenu du caractère répétitif et de courte durée de vos arrêts successifs, il ne peut être envisagé de pourvoir à votre remplacement dans le cadre d’intérim ou d’un contrat à durée déterminée, ce d’autant que le caractère sensible des achats requiert des interlocuteurs stables et avisés.

En outre, l’absence de toute prévisibilité sur votre date de retour nous empêche de pouvoir sérieusement envisager une organisation pérenne.

La durée de cette absence et l’imprévisibilité de la date de votre retour ne permet plus aujourd’hui de faire face à la désorganisation qu’elle entraîne pour le fonctionnement de l’entreprise et il est désormais devenu impératif de pourvoir à votre remplacement définitif.

Ces circonstances nous contraignent à vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Conformément aux dispositions légales et conventionnelles, votre préavis, d’une durée de 2 mois, commencera à courir à la date de première présentation de cette lettre.

Étant dans l’incapacité d’exécuter votre préavis jusqu’au 31 juillet 2012 inclus, vous percevrez les indemnités journalières maladie. Nous vous demandons à cet effet de continuer à nous faire parvenir vos avis d’arrêt de travail jusqu’à la date d’expiration de votre préavis à défaut de prolongation d’arrêt de travail, vous serez tenue d’effectuer votre préavis. »

Par requête introductive reçue au greffe le 24 septembre 2014, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency d’une demande tendant à faire juger son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par ordonnance en date du 13 janvier 2016, le conseil de prud’hommes de Montmorency a prononcé la radiation de l’affaire, en l’absence de conclusions et de pièces communiquées par Mme [I].

Par requête reçue au greffe le 30 mars 2018, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency d’une demande de réintroduction de l’affaire au rôle.

Par ordonnance en date du 19 septembre 2018, le conseil de prud’hommes de Montmorency a prononcé la radiation de l’affaire, du fait de la tardiveté de la communication des conclusions et des pièces de Mme [I].

Par courrier reçu au greffe le 16 septembre 2020, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency d’une demande de rétablissement de l’affaire, en communiquant ses conclusions et pièces.

Par jugement en date du 19 janvier 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :

– dit et jugé que le licenciement de Mme [I] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouté Mme [I] de l’intégralité de ses demandes ;

– débouté la société StandardAero France de ses demandes reconventionnelles ;

– laissé les dépens à la charge respective des parties.

Par déclaration remise au greffe de la cour d’appel de Versailles, le 7 mars 2022, Mme [I] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de la mise en état de l’affaire est intervenue le 03 juillet 2024 et une ordonnance de non révocation de l’ordonnance de clôture a été rendue. Cette ordonannce a rejeté les conclusions et pièces de la partie appelante le 13 août 2024 postérieurement à l’ordonnance de clôture.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 26 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [I], appelante, demande à la cour de :

– de dire Mme [I] recevable et bien fondée en ses demandes ;

– d’infirmer le jugement du 19 janvier 2022 en ce qu’il a débouté la salariée de toutes ses demandes et de le confirmer en ce qu’il a débouté la société StandardAero France de ses demandes reconventionnelles ;

Statuant à nouveau :

– fixer le salaire mensuel moyen brut à 3 469,30 euros ;

– à titre principal, ordonner la réintégration de Mme [I] dont le licenciement est nul et condamner la société StandardAero au paiement des salaires depuis le licenciement notifié le 24 juillet 2012 jusqu’à la décision à intervenir soit 499 579,20 euros à ce jour (144 mois), à parfaire outre congés payés (10%) ;

– condamner la société StandardAero France à verser à Mme [I] la somme de 35 000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité d’un licenciement discriminatoire à raison de l’état de santé, en application de l’article L. 1235-11 ancien du code du travail ;

– subsidiairement, condamner la société StandardAero à verser 35 000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

– en toute hypothèse, condamner la société StandardAero à verser à Mme [I] :

* son solde de tout compte, comprenant une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois à hauteur de 10 407,90 euros outre 1 040,79 euros au titre des congés payés afférents pour la période du 26 juillet au 26 octobre 2012 ;

* le rappel de salaire des 24 et 25 juillet 2012 à hauteur de 394,60 euros bruts et 39,46 euros de congés payés afférents 

* 10 407 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche conventionnelle ;

* 3 500 euros nets de dommages et intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait ;

* subsidiairement, 3 500 euros nets de dommages et intérêts au titre de l’inopposabilité de la convention de forfait ;

* 11 468,32 euros de rappel d’heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 outre

1 146,83 euros de congés payés afférents ;

* 21 400 euros d’indemnité pour travail dissimulé en application de l’article L. 8223-1 du code du travail ;

* 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en application de l’article L. 1222-1 du code du travail.

– débouter la société StandardAero de sa demande de remboursement des jours de réduction du temps de travail ;

– ordonner la remise d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation France Travail rectifiés sous astreinte de 10 euros par document et par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir ;

– assortir les condamnations des intérêts de retard au taux légal avec capitalisation depuis la saisine ;

– condamner la société StandardAero à verser à Mme [I] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société StandardAero aux dépens en ce compris les éventuels frais d’exécution forcée.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 17 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société StandardAero, intimée, demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montmorency, en ce qu’il a :

« dit et jugé que le licenciement de Mme [I] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

débouté Mme [I] de l’intégralité de ses demandes ; »

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montmorency en ce qu’il a :

« débouté la société StandardAero France de ses demandes reconventionnelles ;

laissé les dépens à la charge respective des parties ».

En tout état de cause,

– débouter la salariée de l’intégralité de ses demandes et :

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la cour venait à considérer que le licenciement de Mme [I] ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse :

* minorer le quantum de la demande formulée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* ramener l’indemnité compensatrice de préavis de Mme [I] au montant de 6 938,6 euros bruts (montant correspondant à deux mois de préavis) ;

* débouter Mme [I] de l’intégralité de ses autres demandes.

Si par extraordinaire, la cour venait à considérer que le forfait annuel en jours est inopposable à Mme [I] ou sa nullité :

* juger que le salaire de référence de Mme [I] à prendre en compte pour le calcul de l’ensemble de ses demandes est de 1 943,41 euros et non de 3 469,30 euros ;

* ordonner le remboursement par Mme [I] à la société StandardAero France des jours de réduction du temps de travail dont elle a bénéficié en contrepartie dudit forfait annuel en jours, soit la somme de 3 193,93 euros au titre de 2010 et 3 016,49 euros au titre de 2011 ;

* ordonner la compensation des sommes éventuelles dues par la société et celles dues par Mme [I] dans les conditions de l’article 1347 et suivants du Code civil ;

* débouter Mme [I] au titre des heures supplémentaires et aux congés payés y afférents, ou, subsidiairement ramener les montants alloués à de plus justes proportions ;

* débouter la salariée de sa demande relative au prétendu travail dissimulé ;

* débouter la salariée de ses demandes relatives au prétendu harcèlement moral dont elle aurait fait l’objet ;

* débouter la salariée de sa demande indemnitaire relative à la prétendue déloyauté de la société StandardAero France dans l’exécution du contrat de travail de cette dernière ;

* débouter Mme [I] du surplus de ses demandes.

A titre reconventionnel,

– condamner Mme [I] à verser à la société StandardAero France la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [I] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la discrimination

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2017-256 du 28 février 2017, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable,

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

– la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, Mme [I] invoque les faits suivants : elle reproche à l’employeur d’avoir depuis son arrêt de travail en 2009 à la suite du décès de son père, mis en place une suspicion concernant ses absences qu’il considère comme injustifiées. Elle produit à ce titre la pièce 16 constituée par le PV de constatations d’un agent de la CPAM du 26 juillet 2014 reprenant les déclarations du directeur des ressources humaines (DRH) sur ses absences.

Elle soutient également que son épuisement physique et psychologique a donné lieu à des remarques de sa hiérarchie et du DRH et transmet des courriels notamment des 10 et 27 août 2009 et des 8 et 26 septembre 2011.

Elle souligne en outre le contrôle systématique de ses arrêts de travail par son employeur et fournit à ce titre le compte rendu de contre-visites du 22 décembre 2011 et du 17 mars 2011 à l’initiative de la société.

Elle ajoute que l’employeur a procédé à son licenciement dans des conditions brutales mettant en place un entretien préalable auquel elle n’a pas pu assister en raison d’une tentative de suicide. Elle produit la lettre de convocation à l’entretien préalable ainsi que le courrier du Docteur [J] qui interroge sur l’imputabilité professionnelle de sa tentative de suicide et la réponse du Docteur [S] qui procède à l’historique de la situation médicale de l’intéressée et conclut qu’il n’est pas possible d’exclure un lien entre les conditions de travail de la patiente de 2009 à 2012 et sa tentative de suicide. Elle soutient que l’employeur a délibérément engagé la procédure de licenciement au terme de la période de protection conventionnelle de trois mois.

Malgré le fait que certaines allégations ne sont pas étayées, comme les reproches formulés à l’égard de l’employeur relativement à la procédure d’entretien préalable ou le fait que Madame [R], collègue malade pendant une longue période, n’ai pas été licenciée, Madame [I] par les autres éléments qu’elle apporte, établit l’existence de faits pouvant laisser présumer l’existence d’une discrimination à son encontre. Il appartient à l’employeur de justifier qu’ils s’expliquent par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La société conteste tout discrimination et soutient que la salariée ne transmet aucune pièce venant étayer cette prétention. Elle estime contrairement à l’allégation de Madame [I] que l’enquête de la CPAM faite auprès du DRH ne la démontre pas.

Il ressort en effet de la lecture du procès-verbal de constatations de l’agent de la CPAM que le DRH est interrogé dans le cadre d’une enquête sur l’état de santé de sa salariée. D’une part, les propos attribués au DRH le sont de façon indirecte, puisqu’il s’agit de propos rapportés par l’agent de contrôle. D’autre part, s’agissant d’une enquête axée sur l’état de santé de la salariée, les propos tenus sur les absences et la désorganisation qu’elle génère, ne sont pas inadaptées au contexte dans lequel elles ont été exprimées.

C’est aussi à juste titre que l’employeur fait valoir que des différents courriels adressés par la hiérarchie et le DRH versés aux débats par la salariée pour démontrer qu’elle était stigmatisée en raison de son état de santé, démontrent simplement que l’intervention de la hiérarchie était imposée par des problèmes d’organisation. En effet, l’ensemble de ces mails s’ils ont trait aux absences de la salariée ont pour objectif de parer aux difficultés d’organisation qu’elles génèrent et aucun d’eux ne vient formuler des reproches à la salariée. Au contraire, lorsque le 10 août 2009, M. [U] interroge la salariée sur l’état d’avancement de la réponse à ses courriels, il ignore sa situation de santé et va s’excuser. De la même manière, dans le mail du 27 août 2009, même si le DRH est confronté à des problèmes d’organisation et l’indique à la salariée, il ajoutera qu’il comprend ses problèmes et qu’il espère une issue favorable rapide. Les courriels relatifs aux congés sont de même nature.

L’employeur conteste par ailleurs que les contrôles d’arrêt de travail soient assimilés à de la discrimination et relève à juste titre que seules deux contre-visites ont été sollicitées sur deux jours en décembre et mars 2011 alors qu’il existait 221 jours d’absences et 18 arrêts de travail. Ce ratio ne permet pas de considérer que le contrôle opéré par l’employeur ait un caractère excessif.

L’employeur soutient que la conclusion ambivalente du courrier du Docteur [S] ne permet pas de rattacher un caractère professionnel à la maladie de Mme [I]. Il précise que le caractère professionnel de la maladie a été refusé par la CPAM. Il justifie que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine du 9 janvier 2017 n’a statué en sens contraire qu’en raison d’un problème de notification de la décision. Le jugement produit en atteste et il ne peut en conséquence, être valablement argué au soutien d’une discrimination.

L’employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par Mme [I] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les demandes relatives à la discrimination et en nullité du licenciement doivent par conséquent être rejetées.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Madame [I] demande l’infirmation du jugement et considère que le licenciement est dénué de cause. Elle soutient que son poste a été supprimé en raison de difficultés économiques et qu’elle a été licenciée en raison de son état de santé au terme de la période de garantie conventionnelle.

Elle souligne en premier lieu que l’employeur mentionne, dans la lettre de licenciement, la désorganisation du service du fait de son absence prolongée alors même qu’il lui appartient de justifier de la désorganisation de l’entreprise.

Elle ajoute que la désorganisation n’est pas démontrée ni la nécessité de pourvoir définitivement à son remplacement. Elle fait valoir qu’au regard de sa situation professionnelle et personnelle et notamment son âge, sa qualification et son statut en comparaison de la taille de l’entreprise, la désorganisation est peu crédible. Elle considère que les pièces et allégations transmises par l’employeur déforment la réalité et conteste la pièce 14 relative à la formation à l’économie portant l’en-tête de Vector Aerospace. Elle estime qu’intégrée dans une équipe de cinq acheteurs, son remplacement ne posait aucune difficulté. Elle relève à cet égard que son remplacement s’est effectué par un apprenti.

Elle relève la contradiction de l’employeur qui l’a licenciée alors qu’il déclare que des aménagements en interne avaient permis de pallier à son absence. Elle conteste son remplacement par M. [M] précisant qu’il était déjà embauché depuis septembre 2009, que son profil LinkedIn lui octroie un intitulé de poste qui ne correspond pas à celui de Mme [I] et que sa rémunération était plus importante.

La société maintient que l’absence de la salariée entraînant une désorganisation au sein de l’entreprise est fondée. Elle souligne, en premier lieu, la longueur de l’absence de la salariée et la spécificité des fonctions de Madame [I]. L’employeur fait valoir que la salariée exerçait les fonctions d’acheteur mais qu’elle avait aussi la charge de la gestion de la sous-traitance sur les États-Unis, le Canada et la Tchécoslovaquie en raison de ses qualités linguistiques et qu’elle avait une position essentielle en qualité de gestionnaire des fournisseurs. Il en veut pour preuve l’offre d’emploi produite par la salariée qui prouve un niveau de compétences et de technicité en qualité d’ingénieur.

Il ajoute qu’elle avait plus de deux ans et demi d’ancienneté dans le secteur aéronautique avant ses arrêts de travail, compétences qu’elle a approfondies par une formation interne en matière d’économie.

S’agissant de l’impact de ses absences sur les différents services de la société, l’employeur soutient qu’en étant spécialisée dans une activité de maintenance aéronautique, le service Achats et Approvisionnements de la filière Supply Chain était essentiel au bon fonctionnement de la société. Il produit un organigramme pour démontrer que Mme [I] occupait un poste pivot au sein du service Achats/Approvisionnement.

L’employeur indique que dans ce contexte, la surcharge de travail générée par l’absence de la salariée a nécessité son remplacement pérenne. Ce remplacement s’est fait en interne par la personne de M. [M].

Si l’article L 1132 ‘ 2 du code du travail interdit à l’employeur en raison du principe de non-discrimination de sanctionner un salarié en raison de son état de santé sauf en cas d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ces dispositions n’empêchent pas le licenciement motivé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié rendant nécessaires son remplacement définitif.

L’employeur doit se prévaloir dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, d’une part de la perturbation du fonctionnement de l’entreprise et d’autre part, de la nécessité d’un remplacement du salarié dont le juge doit vérifier s’il est définitif. La perturbation des services essentiels de l’entreprise peut suffire à justifier le licenciement sous réserve de la nécessité du remplacement définitif du salarié.

En l’espèce, la cour relève en premier lieu que la lettre de licenciement, si elle fait état du « caractère prolongé de votre absence et la désorganisation du service qui en résulte’ » indique également « la durée de cette absence et l’imprévisibilité de la date de votre retour ne permet plus aujourd’hui de faire face à la désorganisation qu’elle entraîne pour le fonctionnement de l’entreprise’ ». Il convient donc de considérer que l’employeur dans le cadre du licenciement se prévaut de la désorganisation de l’entreprise.

Il résulte de la cartographie des métiers SECA transmis par l’employeur que dans la filière Supply Chain sur les trois services Achats/Approvisionnement, Planification, Logistique, Mme [I] est la seule gestionnaire des fournisseurs. Les documents versés aux débats et notamment les bilans d’objectifs et les courriels produits démontrent en outre que cette gestion confiée à la salariée s’étendait sur l’international et notamment de gros clients américains Honeywell et PWC.

Il apparaît au travers de la fiche de poste produite par l’employeur que dès l’origine du recrutement de la salariée, elle disposait d’un niveau de compétence important puisque la technicité du poste occupé nécessitait une qualification d’ingénieur ou un niveau Bac + 5. Elle disposait en outre d’une ancienneté dans l’aéronautique depuis au moins juin 2001 comme le démontre la liste des employeurs successifs qu’elle transmet. La fiche de poste exigeait d’ailleurs cette expérience préalable à l’embauche.

L’importance de son poste s’est encore accrue au fur et à mesure de son ancienneté dans l’entreprise puisque de la position d’acheteur, la salariée est parvenue au moment de ses premiers arrêts de travail à gérer seule le service « gestionnaire des fournisseurs ». Son niveau de compétences a conduit l’employeur à lui confier d’autres tâches comme la facturation ou des études sur le plan informatique et les différents courriels transmis en attestent.

L’employeur fait valoir à juste titre qu’en raison de l’activité de la société spécialisée dans la maintenance aéronautique, le service achats et approvisionnements de la filière Supply Chain était essentiel au bon fonctionnement de la société. La cour constate qu’en qualité de gestionnaire des fournisseurs, le poste de la salariée et les grands comptes qu’il intégrait, était indispensable au bon fonctionnement de cette filière et de l’entreprise.

La salariée invoque un salaire faible et l’absence d’évolution salariale pour contredire la désorganisation invoquée. La note interne de la direction des ressources humaines du 29 février 2009 concernant les salaires des ingénieurs et cadres au sein de la société démontre au contraire que son salaire était bien supérieur au salaire de référence pour un cadre de position I au coefficient 92 ayant deux ans d’expérience puisque pour un salaire de référence de 2527 €, Mme [I] a un salaire fixé à 3120 €.

Il résulte de ces motifs que, contrairement aux allégations de la salariée, la nécessité de pourvoir à son remplacement était indispensable au bon fonctionnement de la société.

Il y a lieu de rappeler que l’absence de la salariée est intervenue du 10 décembre 2011 au 24 septembre 2012, soit sur une période de 221 jours ouvrables sans interruption et au travers de 18 arrêts de travail. La cour constate que les absences de la salariée se sont succédées par tranche d’arrêt de travail de quelques jours, sans jamais dépasser beaucoup plus d’un mois. Dans ces circonstances, l’employeur est bien fondé à invoquer une difficulté à pourvoir le poste par des contrats précaires, la durée d’arrêt de travail étant courte et sa prolongation non prévisible.

S’il n’est pas contesté que pendant un temps, la charge du travail a été répartie sur les collègues du service, la durée et la répétition des absences ne permettaient pas de pérenniser ce système. L’employeur démontre par la production d’un contrat à durée indéterminée en date du 27 août 2012 que M. [M] a bien été embauché dans un temps très proche de la date du licenciement de la salariée, que ses conditions d’embauche en qualité de gestionnaire des fournisseurs au statut cadre I coefficient 92 et au salaire mensuel brut de 3100 € correspondaient bien au poste de Mme [I] et que la nature du contrat induisait une embauche définitive. Contrairement aux affirmations de la salariée, le profil versé aux débats sur LinkedIn de ce remplaçant démontre qu’il disposait de la formation et du niveau des compétences suffisants pour occuper le poste.

Au vu de l’ensemble de ces motifs, il apparaît que le licenciement de Madame [I] est bien fondé et il convient en conséquence de confirmer sur ce point la décision prud’homale.

En conséquence de ces motifs, la demande au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera rejetée ainsi que la demande formée au titre du préavis en raison du fait que la salariée était dans l’incapacité de l’exécuter.

Sur le non-respect par la société du droit conventionnel à la préférence de réengagement

Mme [I] invoque l’article 16 « maladie » de la Convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie au terme duquel lorsque le contrat est rompu dans les conditions précitées à l’article 16 « l’intéressé bénéficie d’un droit de priorité au réengagement qui sera satisfait dans la mesure du possible ». Elle allègue que l’employeur ne lui a jamais fait aucune proposition de réintégration professionnelle et n’a jamais voulu produire le registre du personnel depuis son licenciement le 24 juillet 2012. Elle sollicite, en conséquence, la réparation de son préjudice à hauteur de trois mois de salaire.

La société demande la confirmation de la décision prud’homale en considérant que la convention collective ne détermine aucune modalité, aucun périmètre à ce droit de priorité de réengagement et qu’il s’agit d’une simple obligation de moyens. Elle soutient n’avoir pas pu le mettre en ‘uvre et que la salariée ne démontre aucun préjudice.

S’il est constant que la société n’a mis en ‘uvre aucun dispositif permettant à la salariée de bénéficier de ce droit de priorité de réengagement, la cour relève que l’obligation de moyen incombant sur ce point à l’employeur s’avérait, dans les faits d’espèce, totalement illusoire.

En effet, depuis décembre 2011, la salariée se trouvait dans l’incapacité de travailler et son licenciement a été prononcé en raison de la nécessité de la remplacer. Sauf à être informé par la salariée de sa capacité à reprendre un emploi ‘ ce qu’elle n’a pas fait ‘ l’employeur après la rupture du contrat de travail était dans l’incapacité de vérifier si la salariée était de nouveau en capacité d’exercer une activité, et dans l’affirmative, pouvoir lui proposer un poste.

Ainsi, la cour retient que dans les faits d’espèce et de la situation particulière de la salariée, l’employeur n’a pas manqué à l’obligation de moyens qui lui incombait.

Sur les manquements de l’employeur au titre de son obligation de sécurité de la santé des travailleurs

En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. Il s’agit notamment pour lui de prévenir les risques professionnels, d’informer et de former les salariés sur ces risques, et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés à la situation de travail. La violation de cette obligation peut conduire l’employeur à indemniser le préjudice qui en est résulté pour le salarié.

Mme [I] invoque en premier lieu la violation des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail et sollicite un rappel d’heures supplémentaires.

Sur la convention de forfait en jours

Madame[I] demande la nullité de la convention de forfait en jours inscrite à son contrat de travail et prise en application d’un accord sur la RTT en date du 15 décembre 1999, en raison de l’absence de suivi effectif et régulier de la charge de travail prévu dans l’accord collectif.

Elle sollicite la somme de 3500 € en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de la convention de forfait. Subsidiairement, elle considère que cette convention lui est inopposable du fait du manque d’autonomie de la salariée au regard de l’organisation de son emploi du temps et de contrôle exercé sur ces horaires de travail. Elle sollicite en réparation la même somme et conclut au débouté de la demande de remboursement des jours de RTT réclamés par l’employeur.

La société soutient que la convention de forfait en jours appliquée au contrat de travail de Madame [I] est régulière et produit l’accord d’entreprise du 15 décembre 1999 sur la réduction du temps de travail qui prévoit les modalités de mise en ‘uvre et de suivi des conventions individuelles de forfait notamment dans son article 7. L’employeur produit aussi le dernier avenant du 3 mars 2008 qui prévoit la compensation du forfait jours de 211 jours par des jours de RTT. L’employeur fait valoir que Madame [I] a bénéficié de 18 jours en 2010 et 17 en 2011 et que la convention de forfait est contestée plus de six ans après alors que la salariée a reçu chaque mois ses bulletins de salaire sans émettre la moindre réserve sur les heures décomptées. Il ajoute que la convention individuelle de forfait n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires et que si le DRH est intervenu sur ce point il était légitime.

Dans l’hypothèse où la cour retiendrait que la convention de forfait est inopposable à la salariée, la société sollicite le remboursement de la somme de la somme de 3193,93 € au titre de 2010 et 3016,49 € au titre de 2011 correspondant au remboursement des jours de RTT. Il demande également à ce que son salaire soit minoré dans la mesure où les salariés en forfait jours disposent d’une rémunération plus importante que celle octroyée au salarié en forfait soit déterminée un salaire à hauteur de 1943,41 €.

La cour rappelle que l’article L 3121 ’43 du code du travail applicable aux faits d’espèce prévoit que peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année dans les limites du nombre de jours fixés en application du 3°du I de l’article L 3121 ‘ 64:

1’ les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier du service ou de l’équipe auxquels ils sont intégrés ;

2 ‘ les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées ;

La convention individuelle de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés et la convention de forfait en jours sur l’année est nulle :

– si aucun accord collectif n’autorise à y recourir ;

– si l’accord ne prévoit pas de garanties suffisantes pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés (mais dans ce cas, l’employeur peut pallier unilatéralement ces lacunes: L. 3121-65 du code du travail);

– si le salarié n’a pas signé de convention individuelle de forfait et que son contrat de travail ne contient aucune clause sur ce point ou lorsque son contenu est trop imprécis;

– si le salarié ne dispose pas de l’autonomie requise pour en relever.

La convention de forfait en jours sur l’année est inopposable au salarié si l’employeur n’applique pas les dispositions contenues dans l’accord collectif (manquements aux modalités de suivi). Le forfait est temporairement inopposable au salarié jusqu’à ce que l’employeur applique correctement les dispositions conventionnelles et contractuelles.

La nullité de la convention de forfait de forfait en jours est encourue s’il n’y a pas de dispositions conventionnelles l’autorisant.

En l’espèce, il n’est pas contestable que la convention collective de la métallurgie et l’accord du 28 juillet 1998 concernant les dispositifs du forfait en jours et ses modalités de contrôle ont été déclarés réguliers par la Cour de cassation, la haute cour considérant que les garanties nécessaires à l’exercice effectif du droit au repos et à la préservation du droit à la santé étaient réunies.

L’article 14 de l’accord du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie, prévoyait que le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés, afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises ; que l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; que ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ; que le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail ; qu’en outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité ; que cette amplitude et cette charge de travail doivent rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.

L’accord d’entreprise de réduction du temps de travail comporte en son article 8 les conditions applicables au forfait en jours au sein de l’entreprise. Il fixe le forfait à 210 jours par an avec une durée journalière maximale de 10 heures, la mise en place de congés récupérateurs. Il détermine la catégorie à laquelle la convention peut s’appliquer soit « la catégorie des ingénieurs et cadres n’appartenant pas au comité directeur de la société » et prévoit enfin qu’un avenant individuel au contrat de travail sera établi. Il affirme surtout que le travail du personnel bénéficiant d’une convention de forfait jours doit naturellement s’inscrire « dans le respect des dispositions légales et conventionnelles sur les durées maximales journalières hebdomadaires ainsi que celles appréciées sur plusieurs semaines ou sur l’année » et que par ailleurs « l’exécution du travail en journée doit être assurée en accord avec la hiérarchie de façon à permettre l’accomplissement des missions confiées sur l’ensemble de l’année les jours non travaillés doivent être répartis de façon à permettre l’exécution normale du travail ».

En faisant référence à l’article 8 et aux dispositions légales et conventionnelles applicables au personnel soumis à la convention de forfait jours, l’accord intègre les dispositifs de protection mis en place dans la convention collective et validés par la Cour de cassation. En conséquence, les dispositions relatives à la convention de forfait jours inscrites au contrat de travail ne sont pas nulles.

Néanmoins, elles sont privées d’effet dans la mesure où aucun avenant relatif à la convention de forfait n’a été signé avec la salariée. Aucun des procédés de contrôle tels que prévus dans la convention collective n’ont été repris et encore moins mis en place dans le cadre de l’exécution du contrat de travail de la salariée, l’employeur ne justifiant d’aucun dispositif de contrôle destiné à assurer la protection de la sécurité de la santé du salarié soumis à un régime de forfait jours.

Dès lors que l’employeur ne justifie d’aucun moyen permettant d’établir la majoration salariale qu’il allègue, qu’aucun élément n’est communiqué qui puisse permettre de vérifier le temps de travail de la salariée et notamment le respect des maximales autorisées concernant le temps de travail journalier, hebdomadaire ou mensuel, la salariée est bien fondée à alléguer l’existence d’un préjudice et à solliciter des dommages et intérêts. Il sera fait droit à sa demande en réparation du préjudice.

Sur les heures supplémentaires

Mme [I] produit en pièce 17 les décomptes sur 2010 et 2011 de ses horaires de travail avec l’heure de commencement et de fin d’activité et l’amplitude horaire correspondant. Elle indique que ces horaires sont vérifiables au niveau des relevés de badgeuse déterminant les horaires d’entrée et de sortie du personnel. Elle ajoute qu’au regard des pressions exercées par sa hiérarchie sur son travail, l’employeur ne pouvait ignorer qu’elle effectuait des heures supplémentaires.

La société conclut au débouté de la demande d’heures supplémentaires. Elle fait valoir en premier lieu que ce n’est qu’au bout de 9 ans que la salariée qui a reçu chaque mois ses bulletins de salaire sans émettre la moindre remarque, formule une demande d’heures supplémentaires. Il ajoute que la salariée ne peut déterminer unilatéralement un temps de travail pour s’attribuer des heures supplémentaires et qu’elle ne transmet aucun élément de preuve qui permet d’établir que ces heures ont été faites à la demande de sa hiérarchie. Elle estime que les tableaux produits ne sont corroborés par aucun élément et sont erronés : Ils sont établis selon un horaire collectif de 35 heures au lieu de 39,30 heures par semaine et n’intègre pas les temps de pause. Il sollicite en conséquence le rejet de la demande.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-3 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

À l’appui de sa demande, Mme [I] produit de tableaux pour 2010 et 2011 faisant apparaître son amplitude horaire de travail. Contrairement aux allégations de l’employeur, ces tableaux sont corroborés par les pièces versées par la salariée qui démontrent qu’elle devait faire face à une charge de travail importante qui la contraignait parfois à transmettre des réponses par mail tardives. Ainsi, le mail des 8 et 15 décembre 2010 dans lesquels elle liste l’intégralité des charges auxquelles elle doit faire face permet à la cour de considérer que l’importance de sa charge de travail générait un dépassement de ses heures de travail. D’ailleurs plusieurs messages le prouvent. Dans les messages du 18 octobre 2011, elle est sollicitée pour des problèmes informatiques et se trouve devoir répondre par mail à 20h22 et le 14 avril 2010 elle transmet des comptes-rendus fournisseurs à [P] [F] à 0h28 précisant que ce n’est pas une heure pour transmettre des rapports. L’employeur en était informé puisque dans ce message elle est en relation avec son N +1 et dans le message du 18 novembre 2011 elle est en relation avec DRH à 19h54. Il ne peut alléguer que les heures supplémentaires ont été réalisées sans son aval.

Au vu de ces motifs, il convient de considérer que la salariée présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin que l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectué puisse y répondre.

L’employeur qui ne transmet aux débats aucun document permettant d’établir l’existence d’un contrôle des horaires de travail de sa salariée soutient toutefois à juste titre que ces tableaux n’intègrent pas les temps de pause journalier.

La cour rappelant que les temps de pause ne constituant pas du travail effectif, ces plages de temps doivent être déduites du décompte de la salariée.

Par ailleurs l’employeur allègue que la salariée en qualité de cadre était soumise à un horaire collectif de 39 heures 30 par semaine et non pas 35 heures comme cela résulte de ces tableaux.

Or, la lecture de l’accord sur la réduction du temps de travail en ces dispositions applicables à l’avenant du 21 juillet 2009 fait apparaître que l’intégralité des personnels de la catégorie cadre est rattachée à une convention de forfait en heures ou de forfait en jours. Dans la mesure où cette convention de forfait n’est pas opposable à la salariée le temps de travail de référence est celui d’un personnel non « forfaitisé » et doit en conséquence être limité à 35 heures.

En conséquence de ces motifs, après analyse des différentes pièces et des déductions opérées, il convient d’allouer à la salariée au titre des heures supplémentaires la somme de 8269,53 € et les congés payés afférents.

Sur le remboursement des jours de RTT

S’il est constant que l’inopposabilité de la convention de forfait entraîne le décompte du temps de travail et des heures supplémentaires selon le droit commun du code de travail, les journées de RTT étant la contrepartie de la forfaitisation, elles constituent un tout avec le régime forfaitaire et un avantage indissociable de l’application du forfait.

Ces jours de RTT perdent tout objet en cas de suppression du forfait, peu important que celui-ci soit déclaré sans effet ou nul. En tout état de cause, ceux-ci doivent en toute hypothèse être décompté des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires.

L’analyse des bulletins de salaire produits et des tableaux élaborés par la salariée conduit la cour a rejeté la demande de remboursement des jours de RTT formée par l’employeur.

En effet, aucun des bulletins de salaire fournis ne permet de constater que la salariée a bénéficié de jours de RTT en 2011 comme le prétend l’employeur. Ses bulletins de salaire ou le solde de tout compte ne font apparaître aucun paiement au titre de ces jours RTT. L’employeur ne produit pas les bulletins de salaire de 2010 qui permettraient de justifier du bénéfice par la salariée de 17 jours de RTT.

Dès lors que Mme [I] a décompté dans ses tableaux l’ensemble des jours de congés qu’elle a pris sur les deux années 2010 et 2011, l’employeur qui ne justifie pas que la salariée ait bénéficié en supplément en 2010 de 17 jours de RTT et en 2011 de 18 jours de RTT ou que ces jours lui aient été rémunérés, n’est pas fondé à en réclamer le remboursement.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à ses obligations en n’accomplissant pas la déclaration préalable à l’embauche, en mentionnant sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ou en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes sociaux et fiscaux (article L. 8221-5 du code du travail).

L’infraction de travail dissimulé est subordonnée à la démonstration, d’une part, d’un élément matériel constitué par le défaut d’accomplissement d’une formalité (déclaration d’embauche, remise d’un bulletin de paie, etc.) et d’autre part, d’un élément intentionnel constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité. Le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 et dont le contrat est rompu a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (article L. 8223-1 du code du travail).

Il appartient au salarié de rapporter la preuve des éléments constitutifs de l’infraction de travail dissimulé.

En l’espèce si l’existence d’heures supplémentaires a été reconnue par la cour, cela ne permet pas de caractériser l’élément intentionnel nécessaire pour qualifier l’infraction. En conséquence la demande sera rejetée.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

L’obligation de loyauté dans le cadre du contrat de travail découle de l’article L 1222 ‘ 1 du code du travail qui dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi et de l’article 1104 du Code civil. Il s’agit d’une obligation d’ordre public. Elle s’impose durant toute la durée du contrat de travail y compris pendant les congés et les arrêts de travail et dans certaines conditions même après la fin du contrat. Il s’agit d’une obligation réciproque qui s’impose également à l’employeur.

Mme [I] sollicite la somme de 5000 € en réparation du préjudice subi du fait de la déloyauté de l’employeur dans l’exécution du contrat travail. Elle prétend que les conditions de travail au sein de la société ont été difficiles et éprouvantes, que ses tâches étaient surveillées et critiquées par ses supérieurs et ses demandes ignorées ou refusées par sa hiérarchie que ces circonstances sont nées du fait que ces fonctions n’étaient pas clairement définies en dépit de ses demandes. Elle considère que ce contexte est à l’origine de sa reconnaissance de maladie professionnelle.

L’employeur conteste la situation de harcèlement moral invoquée et considère que la demande n’est pas étayée et que de façon factice, la salariée tente de créer un lien de causalité entre ses conditions de travail et son état de santé en invoquant la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale qui n’est pas opposable à la société. Il relève en outre que ces allégations sont formulées 10 ans après le licenciement et pour la première fois devant la cour. Il sollicite le rejet de la demande.

Dès lors que la salariée justifie dans son mail en date du 15 décembre 2010 et son évaluation du 28 février 2011, qu’elle demandait des éclaircissements sur le périmètre de son poste dans un contexte où les modalités qui lui étaient imposées relativement à son temps de travail n’étaient ni régulières ni contrôlées, la cour considère que l’absence de réponse de son employeur constitue un acte de déloyauté dans l’exécution du contrat de travail qui justifie que lui soit accordé la réparation de son préjudice à hauteur de 3000 €.

Sur la demande au titre des documents sociaux et l’astreinte

Au vu des condamnations prononcées notamment au titre des heures supplémentaires il y a lieu d’ordonner la remise par la société à la salariée, des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à France Travail conformes au présent arrêt. Le prononcé d’une astreinte ne s’avère pas en l’état nécessaire, à défaut de la justification d’une résistance abusive de l’employeur.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté la demande au titre de la discrimination, du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la priorité de réengagement conventionnel et les demandes indemnitaires subséquentes ;

INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DÉCLARE inopposable la convention de forfait jours souscrite par Mme [I] dans le cadre de son contrat de travail ;

CONDAMNE la société Standard Aéro France à payer à Mme [I] la somme de :

– 3500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l’inopposabilité de la convention de forfait jours ;

– 8269,53 euros au titre des heures supplémentaires et 826,95 € au titre des congés payés afférents

– 3000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice relatif à l’exécution déloyale du contrat travail

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

ORDONNE la remise par la société à Mme [I] de documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt ;

DIT n’y avoir lieu à astreinte ;

CONDAMNE Standard Aéro France à payer à Madame [I] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus des demandes ;

CONDAMNE la société Standard Aéro France aux dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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