Licenciement contesté pour refus d’affectation après la fin d’un chantier

·

·

Licenciement contesté pour refus d’affectation après la fin d’un chantier

L’Essentiel : M. [O] a été engagé par la société MDF en tant que charpentier bardeur le 1er mars 2013, sous un contrat à durée indéterminée de chantier. Après avoir refusé une affectation à un autre chantier, il a été licencié pour faute grave. Contestant ce licenciement, M. [O] a saisi la juridiction prud’homale. La cour d’appel a jugé le licenciement injustifié, condamnant l’employeur à verser des indemnités. Ce dernier a contesté la décision, arguant que la clause de déplacement du contrat demeurait valide. La Cour a finalement confirmé que cette clause n’avait pas perdu son effet, réévaluant ainsi la légitimité du licenciement.

Engagement et contrat de travail

M. [O] a été engagé par la société MDF en tant que charpentier bardeur le 1er mars 2013, sous un contrat à durée indéterminée de chantier. Ce contrat incluait une clause stipulant que le salarié devait effectuer tout déplacement nécessaire à ses fonctions. Malgré la fin du chantier pour lequel il avait été embauché, le contrat a continué à être en vigueur.

Licenciement pour faute grave

Après que M. [O] a refusé une affectation à un autre chantier, l’employeur a décidé de le licencier pour faute grave. Ce licenciement a été contesté par le salarié, qui a saisi la juridiction prud’homale pour faire valoir ses droits.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a jugé que le licenciement de M. [O] était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle a condamné l’employeur à verser diverses sommes au salarié, y compris des rappels de salaire, des indemnités de préavis, et des dommages-intérêts pour licenciement injustifié. L’employeur a contesté cette décision, arguant que la clause de déplacement du contrat de travail était toujours valide.

Arguments de l’employeur

L’employeur a soutenu que la cour d’appel avait mal interprété la clause du contrat, affirmant qu’elle n’avait pas perdu son effet obligatoire malgré la fin du chantier initial. Selon lui, la cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les dispositions du code civil et du code du travail.

Conclusion de la Cour

La Cour a confirmé que la clause stipulant que le salarié devait effectuer des déplacements dans le cadre de ses fonctions n’avait pas perdu son effet obligatoire. En conséquence, la cour d’appel a été jugée en violation des textes applicables, ce qui a conduit à la réévaluation de la légitimité du licenciement.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 1134 du code civil concernant les contrats de travail ?

L’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, stipule que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »

Cet article établit le principe fondamental de la force obligatoire des contrats. Cela signifie que les parties à un contrat sont tenues de respecter les engagements qu’elles ont pris, tant que ces engagements ne sont pas contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Dans le cas présent, la cour d’appel a constaté que le contrat de travail de M. [O] n’avait pas été résilié à la fin du chantier de Seyssins et qu’il s’était poursuivi avec l’affectation du salarié sur d’autres chantiers.

Ainsi, la clause stipulant que le salarié s’engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions devait continuer à s’appliquer, car le contrat demeurait en vigueur.

La cour a donc erré en considérant que cette clause avait perdu son effet obligatoire, ce qui constitue une violation de l’article 1134 du code civil.

Quelles sont les implications de l’article L. 1121-1 du code du travail dans ce contexte ?

L’article L. 1121-1 du code du travail dispose que :

« Les conventions de travail doivent être exécutées de bonne foi. »

Cet article impose une obligation de bonne foi dans l’exécution des contrats de travail, ce qui inclut le respect des clauses contractuelles.

Dans le cas de M. [O], l’employeur a licencié le salarié pour faute grave en raison de son refus d’affectation à un autre chantier. Cependant, la cour d’appel a jugé que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, car la clause de déplacement, qui était une condition de son contrat, n’avait pas été respectée par l’employeur.

En effet, la bonne foi implique que l’employeur ne peut pas imposer des conditions qui ne sont plus valables ou qui ne sont pas conformes à la réalité du contrat.

Ainsi, la cour a correctement appliqué l’article L. 1121-1 en concluant que le licenciement de M. [O] était injustifié, car l’employeur n’avait pas respecté les termes du contrat de travail en vigueur.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle la notion de cause réelle et sérieuse dans le licenciement ?

La notion de cause réelle et sérieuse est définie par l’article L. 1232-1 du code du travail, qui stipule que :

« Tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. »

Cela signifie que l’employeur doit prouver que le licenciement repose sur des faits objectifs et vérifiables, qui ne sont pas arbitraires.

Dans le cas de M. [O], la cour d’appel a jugé que le licenciement pour faute grave n’était pas justifié, car l’employeur n’avait pas respecté les obligations contractuelles.

En effet, le refus du salarié d’être affecté à un autre chantier ne pouvait pas constituer une faute grave, puisque la clause de déplacement, qui était essentielle à son contrat, n’était plus applicable dans le contexte de la fin du chantier initial.

Ainsi, la jurisprudence rappelle que l’employeur doit agir de manière proportionnée et respecter les engagements contractuels pour que le licenciement soit considéré comme justifié.

En conclusion, la cour a correctement appliqué la notion de cause réelle et sérieuse en annulant le licenciement de M. [O].

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 janvier 2025

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 88 F-D

Pourvoi n° P 23-19.263

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JANVIER 2025

La société MDF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 23-19.263 contre l’arrêt rendu le 2 juin 2022 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [K] [O], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de la société MDF, après débats en l’audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, M. Charbonnier, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 2 juin 2022), M. [O] a été engagé en qualité de charpentier bardeur par la société MDF, le 1er mars 2013, par contrat à durée indéterminée de chantier. Ce contrat, qui contenait une clause par laquelle le salarié s’engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions, s’est poursuivi après la fin du chantier pour lequel il avait été conclu.

2. Le salarié ayant refusé son affectation à un autre chantier, l’employeur l’a licencié pour faute grave.

3. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement du salarié était dénué de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer à ce dernier des sommes à titre de rappel de salaire sur mise à pied, au titre des congés payés afférents, à titre d’indemnités de préavis, au titre des congés payés afférents, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour de l’arrêt dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’en considérant que la clause du contrat de travail signé le 1er mars 2013, selon laquelle le salarié s’engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions », avait perdu de son effet obligatoire » en raison de la fin du chantier de Seyssins, seul visé dans le contrat de travail, tout en constatant cependant que ce contrat de travail n’avait pas été résilié à la fin du chantier de Seyssins et qu’il s’était poursuivi avec l’affectation du salarié sur d’autres chantiers », ce dont il résultait nécessairement que la clause litigieuse continuait à faire la loi des parties, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l’espèce et l’article L. 1121-1 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu l’article 1134 du code civil, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Pour dire le licenciement du salarié dénué de cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur au paiement de sommes de ce chef ainsi qu’au remboursement des indemnités de chômage, l’arrêt retient que le contrat de travail, qui n’a pas été résilié à la fin du chantier de [Localité 4], s’est poursuivi avec l’affectation du salarié sur d’autres chantiers et que, dès lors, la clause par laquelle le salarié s’engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions, en ce qu’elle définit des déplacements par rapport à un lieu de travail fixe, lequel faisait référence à un chantier terminé depuis plusieurs années, avait perdu son effet obligatoire.

7. En statuant ainsi, alors que la clause du contrat selon laquelle le salarié s’engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions n’avait pas perdu son effet obligatoire, la cour d’appel a violé le texte susvisé.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon