L’Essentiel : Le 11 février 2019, Madame [R] a été engagée par Kuehne+Nagel Road en tant qu’Assistante administrative polyvalente. Le 15 juillet 2020, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement. Son licenciement pour faute grave a été notifié le 29 juillet. Contestant cette décision, elle a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse le 16 décembre 2021. Le CSE a fait appel, mais la cour a confirmé le jugement initial, condamnant le CSE à verser des indemnités à Madame [R] pour licenciement abusif.
|
Engagement de Madame [R]Le 11 février 2019, le Comité Social Economique de l’entreprise Kuehne+Nagel Road a engagé Madame [T], épouse [R], en tant qu’Assistante administrative polyvalente. Son contrat à durée indéterminée stipule une durée de travail de 35 heures par semaine et une rémunération brute de 1.840 euros, avec un lieu d’exercice au siège du CSE. Convocation et licenciementLe 15 juillet 2020, Madame [R] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Le 23 juillet 2020, elle a été dispensée d’activité, et le 29 juillet, son licenciement pour faute grave a été notifié par quatre membres du bureau du CSE. Contestations de Madame [R]Le 7 septembre 2020, Madame [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Villefranche Sur Saône pour contester son licenciement et demander des indemnités. Après une radiation, l’affaire a été rétablie au rôle d’audience le 11 février 2021. Jugement du Conseil de prud’hommesLe 16 décembre 2021, le Conseil de prud’hommes a prononcé la jonction des procédures et a jugé le licenciement de Madame [R] sans cause réelle et sérieuse. Le CSE a été condamné à lui verser plusieurs indemnités, y compris une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Appel du CSELe 14 janvier 2022, le CSE a fait appel de la décision, demandant l’infirmation du jugement et soutenant que Madame [R] avait commis des fautes graves. Il a également formulé des demandes reconventionnelles à son encontre. Arguments de Madame [R]Dans ses conclusions, Madame [R] a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que les membres du bureau n’étaient pas habilités à exercer le pouvoir disciplinaire. Elle a également contesté les faits qui lui étaient reprochés, affirmant qu’ils n’étaient pas établis. Procédure et recevabilité des appelsLa cour a confirmé la jonction des procédures et la recevabilité des appels, sans statuer sur les demandes du CSE à ce sujet. Analyse du licenciementLa cour a examiné la légitimité du licenciement, notant que les membres ayant prononcé le licenciement n’étaient pas habilités à le faire. En conséquence, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, confirmant ainsi le jugement initial. Indemnités et préjudicesLa cour a confirmé les montants alloués à Madame [R] pour l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés. Elle a également validé l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Exécution déloyale et travail dissimuléLe CSE a tenté de prouver que Madame [R] avait commis des actes déloyaux, mais la cour a rejeté ces demandes, soulignant que le licenciement pour faute ne pouvait pas être utilisé pour justifier une action en responsabilité contractuelle. Madame [R] a également soutenu avoir été contrainte de travailler durant une période de chômage partiel, ce qui a été reconnu par la cour. Dépens et article 700 du CPCLes dispositions relatives aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ont été confirmées, le CSE étant condamné à payer à Madame [R] une somme pour ses frais de justice. Conclusion de la courLa cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, condamnant le CSE à verser des indemnités à Madame [R] et à supporter les dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
1. Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour faute grave ?Le licenciement pour faute grave doit respecter certaines conditions de fond et de forme, notamment celles prévues par le Code du travail. Selon l’article L 1231-1 du Code du travail, constitue une sanction toute mesure, autres que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif. Cette mesure peut affecter la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. En l’espèce, la lettre de licenciement notifie des griefs relatifs à des manquements aux obligations de Madame [R], un comportement irrespectueux, l’ouverture d’un coffre-fort sans autorisation, et l’utilisation de son code administrateur pour l’envoi d’un tract syndical. Il est également essentiel que le pouvoir disciplinaire soit exercé par une personne habilitée. Dans ce cas, les membres du bureau du CSE n’avaient pas reçu de délégation de l’organe délibérant pour prononcer un licenciement, ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse. 2. Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?Lorsqu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, plusieurs conséquences s’appliquent, notamment en matière d’indemnisation. L’article L 1235-3 du Code du travail stipule que si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge peut allouer une indemnité à la charge de l’employeur. Cette indemnité est fixée par le législateur et doit tenir compte de l’ancienneté du salarié, de sa rémunération, et des circonstances de la rupture. Dans le cas de Madame [R], le Conseil de prud’hommes a alloué des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, y compris une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, et des dommages et intérêts pour préjudice moral. Ces sommes ont été justifiées par l’ancienneté de Madame [R] et sa rémunération mensuelle, confirmant ainsi la décision des premiers juges. 3. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière d’exécution du contrat de travail ?L’employeur a l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, conformément à l’article L 1222-1 du Code du travail. Cet article précise que le contrat de travail doit être exécuté loyalement, ce qui implique que l’employeur ne peut pas imposer des conditions de travail déloyales ou contraires aux droits du salarié. Dans cette affaire, Madame [R] a soutenu que son employeur l’a fait travailler durant une période de chômage partiel, ce qui constitue une exécution déloyale du contrat de travail. Les preuves fournies par Madame [R], telles que des attestations et des courriels, montrent qu’elle a effectivement travaillé pendant cette période, ce qui a été reconnu par le tribunal. Ainsi, le CSE a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail, justifiant la demande de Madame [R] pour exécution déloyale. 4. Quelles sont les implications de l’exécution déloyale du contrat de travail ?L’exécution déloyale du contrat de travail peut entraîner des conséquences pour l’employeur, notamment en matière de responsabilité. L’article L 1222-1 du Code du travail impose à l’employeur d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. Si l’employeur ne respecte pas cette obligation, il peut être tenu de réparer le préjudice causé au salarié. Dans le cas présent, le CSE a été reconnu responsable d’exécution déloyale en raison de l’imposition de conditions de travail inappropriées durant la période de chômage partiel. Le tribunal a confirmé que Madame [R] avait droit à une indemnisation pour le préjudice moral subi, en raison des circonstances vexatoires entourant sa rupture. Ainsi, le CSE a été condamné à verser des dommages et intérêts à Madame [R] pour réparer ce préjudice. 5. Quelles sont les règles concernant les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice. Dans cette affaire, le tribunal a condamné le CSE à verser à Madame [R] une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700, en raison de la situation des parties et de l’équité. Le CSE, ayant succombé dans ses demandes, a également été condamné aux entiers dépens d’appel, ce qui est conforme aux règles de procédure civile. Ainsi, la décision du tribunal de condamner le CSE à verser des frais au titre de l’article 700 est justifiée par la situation des parties et les circonstances de l’affaire. |
RAPPORTEUR
N° RG 22/00520 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OCDI
C.E. COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE KUEHNE + NAGEL ROAD
C/
[T]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE
du 16 Décembre 2021
RG : F 20/00175
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 10 JANVIER 2025
APPELANTE :
C.S.E. COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE KUEHNE + NAGEL ROAD
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Sylvie VUILLAUME-COLAS substituée par Me Sonia MECHERI, de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocats au barreau de LYON
INTIMÉE :
[F] [T] épouse [R]
née le 06 Mai 1983 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant du barreau de LYON et Me Laurence SEGURA-LLORENS, avocat plaidant du même barreau
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Novembre 2024
Présidée par Yolande ROGNARD, Magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Agnès DELETANG, Présidente
– Yolande ROGNARD, Conseillère
– Françoise CARRIER, Conseillère horaire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Agnès DELETANG, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat à durée indéterminée du 11 février 2019, le Comité Social Economique de l’entreprise Kuehne+Nagel Road ( désigné CSE ci-après) a engagé Madame [T], épouse [R], en qualité d’Assistante administrative polyvalente, employée, coefficient 148,5.
La durée du travail a été fixée à 35 heures par semaine et la rémunération brute à 1.840 euros. Le lieu d’exercice des fonctions est celui du siège du CSE, soit [Localité 3].
Par lettre du 15 juillet 2020, Madame [R] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
Par lettre du 23 juillet 2020, Madame [R] a été dispensée d’activité à compter du 28 juillet 2020.
Le 29 juillet 2020, quatre membres du bureau du Comité Social et Economique ont notifié à Madame [R] son licenciement pour faute grave.
Par requête reçue le 7 septembre 2020, Madame [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Villefranche Sur Saône en contestation de son licenciement pour faute grave et en paiement d’indemnités afférentes à cette contestation.
Après radiation , l’affaire a été rétablie au rôle d’audience à la demande de Madame [R], en date du 11 février 2021.
Par jugement du 16 décembre 2021, le Conseil de prud’hommes a :
– Prononcé la jonction des procédures issues de la requête initiale et de la demande de rétablissement au rôle,
– Jugé le licenciement de Madame [R] sans cause réelle et sérieuse,
– Condamné le Comité Social et Economique ( désigné CSE ci-après) à lui payer les sommes de :
– 2.037,18 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 203.71 euros au titre des congés payés afférents,
– 721,41 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 4. 074,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2. 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail,
– 1. 500 euros au titre de l’article 700 du CPC.
Par déclaration au greffe du 14 janvier 2022, le CSE a fait appel de la décision dont il demande l’infirmation sauf en ses dispositions ayant débouté Madame [R] du surplus de ses demandes.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 août 2022, le CSE conclut à l’infirmation du jugement. Il demande à la cour de statuer à nouveau et de :
Juger que Madame [R] a commis des fautes graves,
En conséquence,
Débouter Madame [R] de sa demande de requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
La débouter de ses prétentions afférentes à cette requalification demandée et de sa demande de réparation du préjudice résultant des circonstances de la rupture,
La débouter de sa demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Reconventionnellement,
Condamner Madame [R] à payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et à 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le CSE explique que le contrat de travail a été signé par les quatre membres du bureau qui ont également signé la lettre de licenciement, que cette dernière est donc régulière.
Sur les griefs, le CSE soutient que les manquements de Madame [R] sont établis par les attestations de Messieurs [J] et [U] que les premiers juges ont écartés à tort et en violation du principe de liberté de la preuve. S’agissant des propos irrespectueux, la lecture du mail adressé par Madame [R] à un membre du CSE prouve le grief. Par ailleurs, le coffre-fort a été ouvert sans validation des personnes autorisées à le faire. Enfin, les règles du RGPD ont été méconnues. Une enquête interne a démontré l’utilisation du code administrateur de Madame [R] pour l’envoi d’un tract syndical. Les faits ont été révélés le 6 juillet 2020, aucune prescription n’est donc acquise pour ce fait, au jour du licenciement.
Dans ses uniques conclusions, notifiées par voie électronique, le 13 juin 2022, Madame [R] demande à la cour de :
Juger l’appel principal recevable mais non fondé
Juger l’appel incident recevable et bien fondé
Confirmer le jugement rendu le 16 décembre 2021 en ce qu’il a :
– Prononcé la jonction entre les instances enregistrées au répertoire général de la juridiction sous le n° F 20/00175 et F 21/00025.
– Jugé que le licenciement de Madame [R] est dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse
– Condamné le CSE à lui verser les sommes de :
– 721,41 euros net à titre d’indemnité de licenciement
– 2 037,18 euros brut d’indemnité de préavis
– 203,71 euros brut au titre des congés payés afférents
– 4 074,30 euros net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Débouté le CSE de ses demandes reconventionnelles
Réformer le jugement rendu le 16 décembre 2021 en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
– Condamner le CSE à lui verser la somme nette de 3 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct résultant des circonstances blâmables et vexatoires de la rupture
– Condamner le CSE à payer, à titre principal, la somme nette de 12 223,00 euros d’indemnisation pour travail dissimulé ou, subsidiairement, la somme nette de 12.000,00 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,
– Débouter le CSE de toutes demandes, fins et conclusions contraires
– Condamner le CSE à lui verser la somme de 3.000 euros l’article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens.
Madame [R] soutient, qu’en l’absence d’une disposition du règlement intérieur et d’une délégation spéciale, les membres du bureau n’étaient pas habilités à exercer le pouvoir disciplinaire et à la licencier.
Elle affirme également que les faits relatifs aux bons de naissance ne sont pas établis et que le contrôle de leur gestion relevait de la responsabilité du trésorier. La prétendue attitude irrespectueuse n’est qu’une réponse au dénigrement dont elle a été injustement victime.
S’agissant des règles d’ouverture du coffre-fort, l’appelant ne démontre pas qu’une procédure spécifique existait et que Madame [R] ne l’aurait pas respectée. Enfin, le surplus des griefs relatifs à la communication d’informations personnelles de salariés sont prescrits.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 octobre 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
1- Sur la procédure :
La disposition du jugement relatif à la jonction des procédures n’est pas contestée. De plus, il s’agit d’une mesure d’administration. La disposition est confirmée.
La recevabilité des appels principal et incident n’est pas davantage contestée. Il n’y a pas lieu à statuer comme demandé par le CSE.
2- Sur le licenciement :
En droit,
Selon l’article L 2315-23 le comité social et économique est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine. Il est présidé par l’employeur ou son représentant, assisté éventuellement de trois collaborateurs qui ont voix consultatives. Le comité désigne, parmi ses membres titulaires, un secrétaire et un trésorier.
Selon l’article L 2315-24 du même code, le comité social et économique détermine, dans son règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et celles de ses rapports avec les salariés de l’entreprise, pour l’exercice des missions qui lui sont confiées par le chapitre II du présent titre.
L’article L 1231-1 du code énonce que constitue une sanction toute mesure, autres que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
En l’espèce,
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. La lettre de licenciement notifiée à Madame [R] mentionne des griefs relatifs à des manquements à ses obligations, un comportement irrespectueux, l’ouverture d’un coffre-fort hors la présence du trésorier et l’utilisation de son code administrateur pour l’envoi d’un tract syndical.
La lettre de licenciement est signée du secrétaire, du trésorier, de la secrétaire suppléante et du trésorier suppléant.
Le pouvoir disciplinaire appartient à l’employeur, soit l’organe délibérant du comité social et économique, présidé par l’employeur de l’entreprise.
Les deux membres titulaires et les deux membres suppléants ne justifient pas avoir reçu pouvoir de cet organe pour engager une procédure disciplinaire et pour prononcer un licenciement pour faute.
Aucune délibération de cet organe n’est produite au débat. Le règlement intérieur du CSE ne donne aucune délégation à quiconque pour exercer ce pouvoir en lieu et place de l’organe délibérant.
Les personnes ayant convoqué Madame [R] à un entretien disciplinaire et prononcé un licenciement pour faute grave n’étaient donc pas habilitées à le faire.
Le fait que le contrat de travail ait été conclu dans les mêmes conditions irrégulières est inopérant. Le contrat de travail est valable à l’égard de Madame [R] en application des règles du mandat apparent.
En conséquence, le licenciement prononcé par une personne, non habilitée à le faire et donc dépourvue de pouvoir, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement qui a statué en ce sens est confirmé.
L’examen des griefs évoqués dans la lettre de licenciement est sans objet.
3 – Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
– Sur l’indemnité de licenciement, compensatrice de préavis et de congés payés afférents :
Madame [R] justifie d’une ancienneté de un an et cinq mois. Elle percevait, au dernier état des relations contractuelles, une rémunération mensuelle de 1840 euros outre une prime d’assiduité de 40,48 euros et la quote-part de la prime de treizième mois ( 156,70 euros), soit la somme totale de 2.037,18 euros.
Le CSE ne conteste pas les montants alloués et dont Madame [R] demande la confirmation.
Les premiers juges ont, par des motifs pertinents, fait une juste appréciation des sommes dues au titre de :
– l’indemnité de licenciement, soit la somme de 721,41 euros,
– l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, soit les sommes de 2.037,18 euros et 203,71 euros.
Il convient d’adopter les motifs et de confirmer ces chefs de dispositions.
– Sur l’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Selon l’article L 1235-3 du code du travail, si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et , sauf réintégration du salarié, le juge peut allouer une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est fixé par le législateur.
En l’espèce, Madame [R] justifie s’être inscrite à Pôle emploi le 4 août 2020 et avoir obtenu un nouvel emploi à temps partiel le 3 janvier 2022. En conséquence, la somme allouée de 4.074,30 euros au titre de l’indemnité de licenciement est justifiée.
– Sur les circonstances vexatoires :
Madame [R] soutient que l’employeur a fait une publicité des griefs puis l’a finalement accusée de vol. Ces faits humiliants lui ont causé un préjudice moral.
Le CSE réplique que Madame [R] ne démontre pas l’existence d’un préjudice spécifique.
Sur quoi,
L’information donnée aux membres du CSE concerne les griefs de la lettre de licenciement. Les propos tenus lors de la réunion du CSE le 18 juin 2020 sont en lien avec ces griefs reprochés à Madame [R]. Dès lors, ces actes informatifs ne peuvent constituer des circonstances distinctes de la rupture.
La disposition du jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre des circonstances vexatoires ou blâmables est confirmée.
4- Sur l’exécution déloyale du contrat de travail et le travail dissimulé
En application de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Le CSE soutient que, nonobstant la sanction disciplinaire du licenciement, si le salarié a causé un préjudice à l’employeur du fait d’actes déloyaux, il peut lui en être demandé réparation. Madame [R] a diffusé la liste confidentielle de coordonnées personnelles des salariés et a permis à des personnes non autorisées d’avoir accès au coffre-fort, ce qui engage sa responsabilité.
Madame [R] réplique que les faits, qui lui sont imputés, ne sont nullement établis à la différence de ceux imputables au CSE. En effet, son employeur l’a fait travailler, à distance, durant la période de chômage partiel, soit du 4 mai au 15 juin 2020. Il lui a également imposé des horaires de travail, à compter du 6 juillet 2020, incompatibles avec sa vie familiale, en toute connaissance de cause. Ces faits constituent un travail dissimulé ou, à tout le moins, une exécution déloyale du contrat de travail.
Sur quoi,
Lorsque l’employeur a entendu sanctionner disciplinairement le salarié pour des fautes, il ne peut se prévaloir des mêmes faits au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
En l’espèce, le CSE a prononcé un licenciement pour faute, notamment pour la diffusion d’adresses personnelles et un accès au coffre-fort dans des conditions irrégulières. Le fait que le licenciement pour faute ait été prononcé par des personnes dépourvues de pouvoir disciplinaire et qu’il ait été jugé sans cause réelle et sérieuse n’autorise pas l’employeur a se prévaloir, à nouveau, de ces faits pour rechercher la responsabilité contractuelle de la salariée.
La demande du CSE au titre de l’exécution déloyale est rejetée. Les dispositions du jugement relatives au rejet des demandes reconventionnelles du CSE sont confirmées.
S’agissant de la demande de Madame [R], au titre du travail dissimulé ou de l’exécution déloyale :
Madame [R] soutient avoir exécuté 196 heures de travail, du 4 mai 2020 au 15 juin 2020, alors qu’elle était en situation de chômage partiel du fait de la crise sanitaire. Ces heures n’apparaissent pas sur ses bulletins de salaire, il est seulement fait mention d’une prime de 1.275,18 euros en mai 2020.
Le CSE conteste la réalisation de ces heures.
Selon l’article L8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.
En l’espèce, les bulletins de salaire de Madame [R] des mois de mai et juin 2020 mentionnent les heures du salaire de base, l’absence d’activité et l’indemnité d’activité partielle versée. Les conditions édictées par l’article susvisé ne sont pas réunies pour constituer une activité de travail dissimulé. La demande à ce titre est rejetée et le jugement confirmé sur ce chef de demande.
Cependant, Madame [R] démontre que son employeur l’a faite travailler durant la période de chômage partiel pour laquelle il a perçu des aides gouvernementales. Madame [R] produit des attestations précises et circonstanciées de ses proches mais aussi d’amis (Madame [C] et Monsieur [S]) qui ont gardé les enfants en bas âge de Madame [R] pendant qu’elle travaillait, notamment en répondant au téléphone. Elle produit également un mail du 18 mai 2020, envoyé à 10 h 24, concernant l’envoi d’un procès-verbal de réunion.
En ne respectant pas la période de chômage partiel, l’employeur n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail.
La modification des horaires de travail, décidée en réunion du 18 juin 2020, ne constitue pas un manquement déloyal en ce que la décision résulte d’une modification des horaires d’ouverture dans l’intérêt des salariés et d’un meilleur service à leur rendre.
En conséquence, le jugement est confirmé par substitution de motifs.
Les premiers juges ont justement apprécié le préjudice matériel subi en allouant la somme de 2.000 euros. Le quantum d’indemnisation est confirmé.
5- Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement relatives aux demandes au titre l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens sont confirmées.
En cause d’appel, l’équité et la situation des parties justifient la condamnation du CSE à payer à Madame [R] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le rejet de la demande de l’appelant à ce titre.
Le CSE succombe, il supportera les entiers dépens d’appel.
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne le CSE à payer à Madame [R] la somme de 2.000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
Condamne le CSE aux entiers dépens d’appel.
Le greffier La présidente
Laisser un commentaire