L’Essentiel : Mme [C] [I], infirmière libérale, a licencié son époux, M. [P] [N], pour des raisons économiques. Cependant, le tribunal a jugé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse, car Mme [C] [I] n’a pas prouvé l’existence de difficultés économiques justifiant cette décision. M. [P] [N] a été condamné à recevoir une indemnité de 11 775,76 euros pour licenciement abusif, tandis que sa demande de rappel de salaire a été rejetée faute de preuves suffisantes. En revanche, Mme [C] [I] a obtenu le remboursement de 15 177,58 euros versés pour la cession de salaire.
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FAITS ET PROCÉDUREMme [C] [I], infirmière libérale, a embauché son époux, M. [P] [N], en tant que responsable d’exploitation par contrat de travail à durée indéterminée le 17 février 2005. Le 27 janvier 2021, elle a convoqué M. [P] [N] à un entretien préalable à un licenciement économique. Le licenciement a été notifié le 13 février 2021, effectif le 25 février 2021, en raison de l’adhésion de M. [P] [N] à un contrat de sécurisation professionnelle. Le 28 mars 2022, M. [P] [N] a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer des salaires non perçus entre septembre 2020 et février 2021. Le 13 juin 2022, le conseil a jugé en sa faveur, condamnant Mme [C] [I] à lui verser des sommes pour salaires non perçus et congés payés. Le 18 février 2022, M. [P] [N] a contesté son licenciement et demandé des indemnités. Le 6 septembre 2023, le conseil a débouté M. [P] [N] de ses demandes et l’a condamné à payer à Mme [C] [I] une somme au titre de la cession de créance. M. [P] [N] a fait appel le 26 septembre 2023, demandant l’infirmation de la décision. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIESM. [P] [N] demande l’infirmation du jugement, soutenant que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et réclame des indemnités pour licenciement abusif ainsi qu’un rappel de salaire. Il argue que Mme [C] [I] n’a pas justifié de difficultés économiques et n’a pas respecté son obligation de reclassement. Mme [C] [I] demande la confirmation du jugement, affirmant que le licenciement était justifié par des difficultés économiques. Elle conteste les demandes de M. [P] [N], les jugeant infondées et excessives. Elle réclame également le remboursement de sommes versées à M. [P] [N] au titre d’une cession de salaire. MOTIFS DE LA DÉCISIONLe tribunal examine la légitimité du licenciement. Il conclut que Mme [C] [I] n’a pas prouvé l’existence de difficultés économiques justifiant le licenciement de M. [P] [N]. La lettre de licenciement manquait de motivation, et les éléments fournis par Mme [C] [I] ne démontraient pas une situation financière suffisamment dégradée pour justifier la rupture du contrat. En conséquence, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse. M. [P] [N] se voit attribuer une indemnité de 11 775,76 euros pour licenciement abusif. Concernant les demandes de rappel de salaire, M. [P] [N] n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier ses prétentions, et sa demande est rejetée. Mme [C] [I] est fondée à réclamer le remboursement de sommes versées pour le compte de M. [P] [N] dans le cadre d’une cession de salaire, s’élevant à 15 177,58 euros. CONCLUSIONLe jugement du conseil de prud’hommes est partiellement infirmé. Le licenciement de M. [P] [N] est déclaré sans cause réelle et sérieuse, et il reçoit une indemnité. Mme [C] [I] obtient le remboursement des sommes versées pour la cession de salaire. Les demandes de frais irrépétibles sont rejetées, et chaque partie conserve la charge de ses dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
1. Quelle est la nature des motifs économiques justifiant un licenciement selon l’article L 1233-3 du Code du travail ?L’article L 1233-3 du Code du travail définit les motifs économiques pouvant justifier un licenciement. Il stipule que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail. Les motifs économiques peuvent inclure : 1. Des difficultés économiques caractérisées par une baisse significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie. 2. Des mutations technologiques. 3. Une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. 4. La cessation d’activité de l’entreprise. La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise. Il est donc essentiel que l’employeur prouve l’existence de ces motifs au moment du licenciement, ce qui n’a pas été démontré dans le cas de M. [P] [N]. 2. Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse selon l’article L 1235-3 du Code du travail ?L’article L 1235-3 du Code du travail prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau. Pour les entreprises employant habituellement moins de onze salariés, des montants minimaux spécifiques s’appliquent. Le juge peut également tenir compte des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9. Dans le cas de M. [P] [N], le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, ce qui lui donne droit à une indemnité correspondant à quatre mois de salaire, soit 11 775,76 euros. 3. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de motivation de la lettre de licenciement selon l’article L 1235-2 du Code du travail ?L’article L 1235-2 alinéa 2 du Code du travail stipule que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement. Cela signifie que l’employeur doit clairement énoncer les raisons du licenciement dans la lettre, et si le salarié demande des précisions, l’employeur a un délai de quinze jours pour répondre. En l’absence de demande de précision de la part du salarié, une insuffisance de motivation ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais peut donner droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire. Dans le cas présent, la lettre de licenciement de M. [P] [N] ne comportait pas de motivation suffisante, ce qui a conduit à la reconnaissance de l’irrégularité de la procédure de licenciement. 4. Quelles sont les implications de la cession de salaire selon l’article 1303 du Code civil ?L’article 1303 du Code civil stipule que la cession de salaire est un mécanisme par lequel un salarié peut céder une partie de son salaire à un créancier. Cette cession doit être respectée par l’employeur, qui doit déduire le montant convenu du salaire du salarié avant de le verser. Dans le cas de M. [P] [N], Mme [C] [I] a affirmé avoir continué à payer des sommes au titre de la cession de salaire après la rupture du contrat de travail. Cependant, ces paiements ne peuvent être réclamés dans le cadre d’une instance prud’homale, car les parties n’étaient plus liées par un contrat de travail. Il est donc essentiel que l’employeur prouve que les montants dus au titre de la cession de salaire ont été correctement déduits des salaires du salarié pendant la durée de l’emploi. Dans ce cas, Mme [C] [I] a été fondée à réclamer le remboursement des sommes versées à tort. 5. Quelles sont les conditions de la compensation des créances selon les articles 1347 et 1347-1 du Code civil ?L’article 1347 du Code civil dispose que la compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. Elle s’opère à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies. L’article 1347-1 précise que la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. Cela signifie que les créances doivent être de même nature, c’est-à-dire des sommes d’argent, et doivent être clairement établies. Dans le cadre de l’affaire, la cour a ordonné la compensation entre les sommes respectivement dues par M. [P] [N] et Mme [C] [I], ce qui implique que les créances de chaque partie étaient suffisamment établies et que les conditions de la compensation étaient réunies. |
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N° 3 DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ
AFFAIRE N° : N° RG 23/00932 – N° Portalis DBV7-V-B7H-DTPI
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe-à-Pitre – section activités diverses – du 6 Septembre 2023.
APPELANT
Monsieur [P] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Yanick LOUIS-HODEBAR, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
INTIMÉE
Madame [C] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Chantal BEAUBOIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 4 Novembre 2024 , en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,
Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 janvier 2025
GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.
Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE.
Par contrat de travail à durée indéterminée de 35 heures hebdomadaires en date du 17 février 2005 à effet du même jour, Mme [C] [I], infirmière libérale, a embauché son époux, M. [P] [N], en qualité de responsable d’exploitation, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 500,43 euros.
Par lettre en date du 27 janvier 2021 remise en main propre contre décharge, Mme [C] [I] a convoqué M. [P] [N] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement économique.
Par lettre remise en main propre contre décharge en date du 13 février 2021, Mme [C] [I] a licencié M. [P] [N] pour motif économique. Son licenciement a été effectif le 25 février 2021 en raison de l’adhésion du salarié au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle.
Le 28 mars 2022, M. [P] [N] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Point-à-Pitre en paiement de salaires pour la période de septembre 2020 à février 2021 outre l’incidence des congés payés.
Par ordonnance en date du 13 juin 2022, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :
– déclaré M. [P] [N] recevable et bien fondé en son action,
– condamné Mme [C] [I] à payer à M. [P] [N] les sommes suivantes :
– 4 196,04 euros au titre des salaires non perçus,
– 445,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
– 200 euros au titre de l’article 700 du code de proécdure civile,
– débouté Mme [C] [I] de l’ensemble de ses demandes,
– prononcé l’exécution provisoire,
– mis les dépens à la charge de Mme [C] [I].
Le 18 février 2022, M. [P] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre au fond à l’effet de contester la mesure de licenciement prononcée à son égard et de réclamer des indemnités et un rappel de salaire.
Par jugement en date du 6 septembre 2023, le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :
– débouté M. [P] [N] de toutes ses demandes,
– condamné M. [P] [N] à payer à Mme [C] [I] la somme de 22 766 euros au titre de la cession de créance,
– débouté Mme [C] [I] de toutes ses autres demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [P] [N] aux entiers dépens.
Le jugement a été notifié à M. [P] [N] le 15 septembre 2023.
Par déclaration notifiée par le réseau privé virtuel des avocats le 26 septembre 2023, M. [P] [N] a relevé appel de la décision, sollicitant son infirmation totale en ce qu’elle l’avait débouté de l’intégralité de ses demandes et en ce qu’elle l’avait condamné au paiement de la somme de 22 766 euros au titre de la cession de créances.
Par acte notifié par le réseau privé virtuel des avocats le 6 octobre 2023, Mme [C] [I] a constitué avocat.
Par décision en date du 10 octobre 2024, le magistrat en charge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et renvoyé la cause et les parties à l’audience du 4 novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été retenue et mise en délibéré.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.
Vu les dernières conclusions de M. [P] [N] notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 29 avril 2024, par lesquelles il demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a :
‘- débouté de toutes ses demandes,
– condamné à payer à Madame [C] [I] la somme de 22 766 euros au titre de la cession de créance,
– condamné aux entiers dépens.’
Et statuant de nouveau,
– de déclarer sa demande recevable et bien fondée,
– de déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– de juger que son licenciement est dépourvu de motifs économiques.
En conséquence,
– de condamner Mme [C] [I] au paiement des sommes suivantes :
– 14 375,84 euros au titre des rappels de salaires pour la période de septembre 2020 à février 2021,
– 37 565,97 euros au titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 100 000 euros au titre du préjudice moral,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de rejeter toutes les demandes de Mme [C] [I].
M. [P] [N] soutient, en substance, que le licenciement économique dont il a fait l’objet est sans cause réelle et sérieuse au regard de l’absence de motifs dans la lettre de licenciement. Il ajoute que Mme [C] [I] ne fournit, par ailleurs, aucune indication sur l’évolution de sa situation économique qui aurait rendu inéluctable le prononcé de la mesure. Il poursuit en indiquant que l’employeur n’a pas davantage satisfait à son obligation de reclassement.
Estimant que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [P] [N] demande, au visa des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail une indemnité outre des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
M [N] réclame, par ailleurs, un rappel de salaire motif pris que Mme [C] [I] n’aurait pas satisfait à son obligation à cet égard entre le mois de septembre 2020 et le mois de février 2021.
Il s’oppose, au visa des dispositions de l’article 1303 du code civil, à la demande reconventionnelle de Mme [C] [I] portant sur la somme de 22 766,37 euros, estimant que l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’il l’ait réglée au titre de la cession de salaire consentie et qu’il lui appartenait de la retenir sur son salaire. M [P] [N] s’oppose aux délais de paiement sollicités par l’employeur dès lors qu’il s’agit de créances salariales.
Vu les dernières conclusions de Mme [C] [I] notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 21 février 2024, par lesquelles elle demande à la cour :
– de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception de la demande reconventionnelle au titre du remboursement du trop perçu de salaire.
En conséquence,
– de dire que le licenciement de M. [N] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– de débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes,
– de condamner M. [N] à lui verser :
– 22 766,37 euros au titre de la cession de créances,
– 3 612,64 euros au titre des versements effectués sur son compte et qui ne correspondaient à aucun salaire,
– d’ordonner, le cas échéant, la compensation des condamnations réciproques,
A titre subsidiaire,
– de lui accorder des délais de paiement sur 24 mois pour s’acquitter des condamnations prononcées à son encontre eu égard à la persistance de ses difficultés économiques et à son état de santé,
– de condamner M. [N] à lui verser 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour l’essentiel, Mme [C] [I] soutient que la situation financière désastreuse dans laquelle l’a placée M. [P] [N] a justifié qu’elle mette fin à son contrat de travail pour motif économique dans le respect des dispositions de l’article L 1233-3 du code du travail. Elle ajoute que la dimension de son entreprise empêchait tout reclassement. Elle dénie toute absence de motivation dans la lettre de licenciement et affirme que ses difficultés étaient sérieuses et objectives. Mme [C] [I] s’oppose aux demandes financières de M. [P] [N] qu’elle juge injustifiés dans leur principe s’agissant du rappel de salaire et de la réparation du préjudice moral et excessive dans son montant s’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mme [C] [I] articule deux demandes financières à l’encontre de M. [P] [N] estimant qu’il a réalisé des virements injustifiés à son profit en sus de son salaire mensuel et qu’elle a effectué pour son compte de nombreux versements au titre d’une cession de salaire sans que ceux-ci ne soient pris en compte sur les fiches de paie alors même qu’il s’agissait d’une dette qui était personnelle au salarié. Mme [C] [I] sollicite en tout état de cause une compensation entre les sommes qui seront dues respectivement par les parties et subsidiairement des délais de paiement.
Pour le surplus de l’exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
I. Sur le licenciement.
A / Sur la cause du licenciement
L’article L 1233-3 du code du travail dispose que : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants. »
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Aux termes des dispositions de l’article L 1235-2 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement ; dès lors, ladite lettre sera ci-après reproduite :
‘ Monsieur,
Suite à notre entretien du jeudi 4 février 2021, nous vous informons, à notre grand regret, que nous nous trouvons dans l’obligation de vous licencier pour motif économique en raison des difficultés économiques précisées lors de cet entretien, ayant pour conséquence la suppression de votre contrat de travail.
Nous vous rappelons que vous avez la possibilité d’opter pour un contrat de sécurisation professionnelle sur les modalités de laquelle, nous vous avions remis un dossier d’information lors de notre entretien. Vous disposez d’un délai de 21 jours à compter de notre entretien pour opter pour ledit contrat et nous faire connaître votre réponse en nous renvoyant le bulletin d’adhésion figurant dans le dossier.
En cas d’acceptation de votre part, votre contrat de travail sera considéré comme rompu d’un commun accord à l’expiration du délai de 21 jours, soit le jeudi 25 février 2021. Il vous sera alors versé l’indemnité de licenciement à laquelle votre ancienneté vous ouvre droit ainsi que l’indemnité compensatrice de congés payés.
Dans le cas contraire, ou en l’absence de réponse de votre part, la présente lettre devra être considérée comme notification de votre licenciement, la date de sa présentation faisant débuter votre préavis de deux mois.
Nous vous informons que vous avez acquis un compte personnel de formation (CPF) d’une durée de 200,17 heures que vous pouvez utiliser pour financer un bilan de compétences, une validation des acquis de l’expérience ou une action de formation à condition de nous en faire la demande au plus tard avant la fin de votre préavis.
Au cours de votre préavis, vous pourrez vous absenter deux heures par jour pour rechercher un nouvel emploi. Vous devrez convenir préalablement avec nous des modalités d’utilisation de ces heures.
Vous bénéficierez d’une priorité de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat, à condition que vous nous informiez de votre désir d’user de cette priorité .
En application de l’article L 1235-7 du code du travail, nous vous informons que toute action en contestation de la régularité ou de la validité de votre licenciement doit être engagée dans le délai d’un an à compter de la notification de la présente.
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.’
1. Sur l’insuffisance de motivation.
L’article R 1233-2-2 du code du travail dispose que : ‘Dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.
L’employeur dispose d’un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s’il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement’.
L’article L 1135-2 du code du travail énonce que : ‘Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’Etat.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa premier, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
En l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l’indemnité allouée conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3.
Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire’.
M [P] [N] relève, à juste escient, que la lettre de licenciement en date du 13 février 2021 ne comporte aucune motivation. En effet, Mme [C] [I] y a simplement fait état de son obligation de le licencier en raison de difficultés économiques ne pouvant avoir, comme conséquence, que la suppression du contrat de travail.
Cependant, en application des dispositions précitées et à défaut pour M. [P] [N] d’avoir formé auprès de l’employeur une demande de précision des motifs du licenciement, il appartient à la présente juridiction de vérifier la réalité et le caractère objectif et sérieux des motifs économiques invoqués par Mme [C] [I]. Si le licenciement n’est pas est fondé, le préjudice résultant de l’absence objective de motivation de la lettre de licenciement sera réparé par l’indemnité allouée en application de l’article L 1235-3 du code du travail. Dans le cas contraire, il sera indemnisé comme une irrégularité de procédure.
2. Sur les motifs économiques.
C’est à la date de la rupture du contrat de travail que doit s’apprécier l’existence ou non des difficultés économiques.
Trois situations caractérisent des difficultés économiques :
– une baisse du chiffre d’affaires qui soit significative,
– un résultat d’exploitation négatif,
– la dégradation de l’excédent brut d’exploitation.
Mme [C] [I] impute à M. [P] [N] et à son incurie la situation économique dégradée et soutient qu’elle aurait d’ailleurs dû le licencier pour faute. Elle poursuit en indiquant qu’elle n’a eu d’autre alternative que de prendre acte de ses difficultés financières et de supprimer son poste.
Il échet, en premier lieu, de souligner que Mme [C] [I], dans le même temps qu’elle licenciait M. [P] [N], s’en séparait dans sa vie personnelle.
Dans le cadre de la présente instance et ainsi que le souligne, à juste escient, M. [P] [N], Mme [I] ne fournit que peu d’indications s’agissant de sa situation économique.A cet égard, Mme [C] [I] a produit une copie de l’ordonnance du juge aux affaires familiales, en date du 30 mai 2022 (pièce 11 de l’intimée). Sa lecture apprend que Mme [I] n’a produit aucune pièce financière dans le cadre de sa procédure de divorce.
Aussi les relevés de compte à la caisse d’épargne entre les mois d’août 2020 et le mois de janvier 2022, produits en pièce 10 par Mme [I], ont ils été, à l’exception d’une ligne par page, complètement occultés.
Les pièces 16, 17 et 18 versés par Mme [C] [I] montrent simplement qu’elle a déclaré un bénéfice de 87 525 euros sur l’année 2019, un bénéfice de 82 387 euros pour l’année 2020 et un bénéfice de 93 857 pour l’année 2021.
Mais Mme [I] justifie aussi avoir acheté un vehicule d’un prix de 121 500 euros au mois d’août 2020 (pièce 12 de l’intimée, pièce 9 de l’appelant). A cet égard, c’est de manière inopérante que Mme [I] indique qu’elle a acheté ce véhicule avant de savoir que M. [N] n’effectuait pas les démarches administratives qui relevaient de ses attributions et qu’elle ignorait tout des conséquences qu’auraient sur ses finances, ses insuffisances professionnelles et qu’en outre il lui fallait un véhicule pour pouvoir exercer son métier d’infirmière libérale. Le prix du véhicule et surtout le fait que Mme [C] [I] l’ait conservé sont incompatibles avec l’idée même de difficultés financières. D’autant que Mme [I] prouve qu’un échéancier lui avait été consenti le 9 octobre 2020 par la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe pour l’apurement de la dette qu’elle avait auprès de cet organisme d’un montant de 12 095 euros, à raison de 503,95 euros par mois entre le mois de novembre 2020 et le mois d’octobre 2022 . Le fait que cet échéancier ait été mis en place au mois d’octobre 2020 démontre qu’il a été négocié bien en amont.
Par ailleurs, Mme [C] [I], bien que son activité ait connu une embellie en 2021, l’année même du licenciement de M. [N], a laissé filé ses dettes alors même que son mari ne s’occupait manifestement plus de ses comptes (cotisations vieillesse et prévoyance en 2021 (pièce 19)).
Alors certes, Mme [C] [I] apporte la preuve qu’elle a connu des retards de paiement dans ses cotisations auprès de sa caisse de retraite, la CARPIMKO, à compter du mois d’octobre 2020 (piècves 6 de l’intimée) et qu’elle devait la somme de 19 213 euros à la Caisse générale de sécurité sociale en sa qualité d’employeur (pièce 23 de l’intimée).
Elle prouve également que ses taxes foncières n’étaient pas payées. Mme [C] [I] établit, à cet égard, qu’elle devait au mois de septembre 2020 la somme de 4 654 euros au titre des années 2018 et 2019 (pièce 5 5/1 à 5/10 de l’intimée). Elle justifie aux débats d’une mise en demeure le 7 avril 2021 d’avoir à payer sa taxe foncière pour l’année 2020 (pièce 2 1/3 et 3/3 de l’intimée).
Mme [C] [I] produit également, en pièce 3, un état des sommes dues à l’U.R.S.S.A.F. entre le mois d’octobre 2019 et le mois de mai 2022, s’élevant à la somme de 35 438 euros. Toutefois au moment où Madame [I] envisage le licenciement de son salarié, sa dette fiscale n’est que de 17 315 euros preuve s’il en est qu’elle l’a laissée s’aggraver par la suite (Pièce 31/1).
Mme [C] [I] établit encore qu’elle n’a pu aux mois d’octobre, de novembre, de décembre 2020, janvier 2021 honorer le prélèvement de 1 240 euros au titre de ses impôts sur le revenu (pièce 7 1à 4/6 de l’intimée).
Pour autant, Mme [I] ne fait que recenser ses dettes sans apporter la preuve d’une situation financière à ce point dégradée qu’elle la contraignait à se séparer de son salarié. Ses revenus étaient manifestement suffisamment importants pour assumer ses dettes. Elle ne fait, à tout le moins pas la démonstration du contraire.
Mme [C] [I], qui excipe d’une baisse de ses revenus dont elle ne justifie pas, ne peut davantage se prévaloir pour la justifier de la grave maladie dont elle établit qu’elle a été atteinte dès lors qu’elle n’est survenue, selon ses pièces 13 et 14 qu’à la fin de l’année 2022 soit presque deux ans après le licenciement pour motif économique de M. [P] [N].
L’employeur ne peut davantage se prévaloir du creusement de ses dettes auprès de l’U.R.S.A.F. pour des périodes bien postérieures au licenciement de M. [N]. La pièce 24 produite par Mme [I] démontre qu’elle ne payait pas davantage ses cotisations de travailleur indépendant après le licenciement de son époux qu’avant celui-ci.
L’avis à tiers détenteur du 29 juin 2022 produit en pièce 2 par Mme [I] est lui aussi bien postérieur à la période à laquelle elle a licencié M. [N] pour motif économique (pièce 2 2/3).
Il s’évince de ce qui précède que Mme [C] [I] n’apporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité des difficultés économiques auxquelles elle dit avoir été confrontée au début de l’année 2021 au moment où elle a mis fin au contrat de travail de son salarié. Le licenciement pour motif économique de M. [P] [N] n’est, en conséquence, pas fondé.
Le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre sera conséquemment infirmé sans même qu’il soit besoin d’examiner si Mme [C] [I] a satisfait à son obligation de reclassement.
B / Sur les conséquences financières du licenciement
Sur le salaire de référence.
Aucune des parties ne fournit de bulletin de salaire. Aucune des parties ne fournit les éléments de fin de contrat en cause d’appel.
M. [P] [N] réclame une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et un rappel de salaire sans donner d’explication s’agissant des montants qu’il réclame.
L’employeur fait état d’un salaire brut mensuel de 2 900 euros. Pour autant, elle estime que 7 252,54 euros représentent deux mois et demi de salaire, ce qui ramène le salaire mensuel à 2 901,01 euros.
Le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre dans son ordonnance de référé du 13 juin 2022 avait retenu un salaire brut de 2 943,94 euros, sans que les parties ne discutent ce montant. C’est donc ce montant qui sera donc retenu.
1. l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Aux termes des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail :
‘ Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous. (‘).
En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés à l’alinéa précédent (‘)
Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article. ‘
Au regard de son ancienneté de 16 ans M. [N] peut prétendre à une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et maximale de 13,50 mois de salaire brut.
Les dispositions de l’article L 1235-3 précitées doivent permettre, par l’allocation d’une indemnité appropriée, d’indemniser le salarié de la perte injustifiée de son emploi.
Au cas de l’espèce, M.[P] [N] a fait l’objet d’un licenciement mal fondé dès lors que l’employeur a mis fin à son contrat de travail sous un fallacieux prétexte. Par ailleurs, la lettre de licenciement n’était pas motivée.
Pour autant, Mme [I] souligne sans être véritablement contredite par M. [N] que les revenus de ce dernier sont paradoxalement plus élevés que lorsqu’il travaillait dès lors que l’épouse lui sert un secours en plus de ses allocations de chomage.
Compte tenu de la situation, il apparait juste d’allouer à M. [N] une indemnité représentant quatre mois de salaire, soit la somme de 11 775,76 euros.
Le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre sera infirmé en ce qu’il n’a accordé à M. [P] [N] aucune indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2. La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
M [P] [N] qui réclame la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral induit par les circonstances vexatoires de son licenciement, n’apporte aux débats aucun élément de nature à justifier pareille demande.
La perte de son emploi et la difficulté qu’il rencontre d’en trouver un autre se trouvent précisément indemnisées par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M [P] [N] sera débouté de sa demande et le jugement du conseil de prud’hommes confirmé sur ce point.
II. Sur la demande de rappel de salaire.
M. [P] [N] demande règlement d’un rappel de salaire pour la période des mois de septembre 2020 à février 2021.
Aucun bulletin de salaire et aucun relevé de compte ne sont produits par les parties. Aucun élément n’est versé par M. [P] [N] établissant qu’il n’a pas perçu ses salaires mais Mme [C] [I], à qui incombe la preuve du paiement des salaires, ne prouve pas qu’elle les a payés.
Pour autant, la cour relève que que M. [P] [N] avait saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre le 28 mars 2022 à l’effet de solliciter la somme de 4 196,04 euros au titre des salaires non perçus pour la période du mois de septembre 2020 au mois de février 2021, soit la même période que celle dont est saisie la présente juridiction.
La formation de référé faisait observer que le montant des salaires sur la période considérée était de 17 663,64 euros et que l’employeur ne justifiait pas avoir réglé ces sommes. Elle soulignait toutefois qu’au titre de cette période, M. [N] ne réclamait que la somme de 4 196,04 euros, ce dont elle prenait acte pour condamner Mme [C] [I] au paiement de ladite somme dans son ordonnance du 13 juin 2022.
En première instance, M. [N] demandait la somme de 8 900 euros à titre de rappel de salaire pour la même période de septembre 2020 à février 2021.
Le conseil de prud’hommes a souligné que l’intéressé n’explicitait pas à quoi correspondait le montant et l’en a débouté.
En cause d’appel, M. [P] [N] porte cette demande à 14 375,84 euros en précisant une nouvelle fois qu’il s’agit des salaires des mois de septembre 2020 à février 2021.
M. [P] [N] n’explique cependant pas les raisons pour lesquelles le complément de salaire sur la période considérée qu’il évaluait à 4 196,04 euros devant le juge des référés prud’homaux et pour lequel il a obtenu satisfaction est passé, deux ans plus tard, à la somme de 14 375,84 euros.
M. [P] [N] sera, conséquemment débouté de sa demande de rappel de salaire et le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre déféré sera confirmé.
III. Sur les demandes formées par Mme [C] [I].
1. Sur le remboursement du trop perçu de 3 612,64 euros.
Mme [C] [I] produit aux débats en pièce 8 l’extrait de son grand livre comptable pour le compte 421 pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020. Ce compte est destiné à enregistrer les sommes nettes à payer aux salariés et assimilés. Il fait état de mouvements pour un montant de 18 513,40 euros. Mme [C] [I] ne peut pour les besoins de son raisonnement, arrêter l’examen de ce compte au mois de septembre 2020 pour en déduire que M. [N] se serait trop payé de 3 612,64 euros. Selon ce compte, M. [N] a perçu la somme de 18 513,40 euros au titre de ses salaires pour l’année 2020, ce qui représente sur l’année un salaire moyen de 1 542,78 euros, soit un montant inférieur à son salaire mensuel brut.
Madame [C] [I] sera donc déboutée de sa demande de condamnation de M. [N] au remboursement de la somme de 3 612,64 euros au titre d’un trop perçu de salaire sur l’année 2020 et le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre sera confirmé.
2. Sur les sommes versées par Mme [C] [I] au titre de la cession de salaire.
Il ressort de la pièce 9 produite aux débats par l’intimée que M. [P] [N] a contracté un emprunt auprès du Crédit Agricole Consumer Finance d’Evry d’un montant de 57 950,76 euros remboursable en 84 mensualités de 689,89 euros à compter du 20 avril 2019 jusqu’au 20 mars 2026.
A l’effet de garantir cet emprunt, M. [N] a cédé à son créancier cessionnaire la portion cessible de ses rémunérations et indemnités perçus de son employeur, Mme [C] [I], jusqu’à concurrence du montant de la somme, conformément aux dispositions de l’article R 145-2 ancien du code du travail appliquable à l’époque.
Mme [I] expose qu’elle a scrupuleusement réglé la somme mensuelle de 689,89 euros à l’établissement bancaire créancier mais que ce montant n’a, à aucun moment de la relation de travail de M. [P] [N], été déduite de son salaire.
Mme [C] [I] justifie par ailleurs, au travers de sa pièce 10, avoir continué de s’acquitter de ladite somme de 689,89 euros pour le compte de son ancien salarié au delà de la date de fin du contrat de travail et entre le mois de mars 2021 et le mois de janvier 2022.
Elle réclame, conséquemment, la somme de 22 766,37 euros au titre de l’ensemble des sommes dont elle s’est acquittée pour le compte de M. [N].
Il ne fait aucun doute que le prêt de 57 950,76 euros était une dette propre à M. [N]. Au demeurant, celui-ci a déclaré l’emprunt au rang de ses charges au juge aux affaires familiales (pièce 11 de l’intimée précitée)
Le défaut de production des bulletins de salaire de M. [N] par Mme [I] ne permet pas à la présente juridiction de vérifier que le montant mensuel de la cession de créance n’a pas été déduit des bulletins de salaire du débiteur. Ce point n’est cependant pas contesté par M. [N].
S’agissant de celles des sommes versées pour le compte de M. [N] alors qu’il était salarié de Mme [I], elles auraient du, en vertu du mécanisme de la cession de salaire, être déduites du salaire de ce dernier, en l’absence de toute intention libérale démontrée par le salarié. Le reproche de non vérification des bulletins de salaire par l’employeur ne le prive pas de son droit à réclamer ce qu’il a payé indûment. Mme [I] est fondée à en solliciter le remboursement, soit une somme de 15 177,58 euros.
S’agissant de celles des sommes qui ont été réglées pour le compte de M.[N] postérieurement au licenciement pour un montant de 7 588,79 euros, elles ne peuvent à l’évidence être répétées dans le cadre d’une instance prud’homale dès lors que les parties n’étaient plus liés par un contrat de travail et que Mme [I] ne versait plus à M. [P] [N] un salaire suceptible de supporter une cession de celui-ci.
M. [P] [N] sera donc condamné à payer à Mme [C] [I] la somme de 15 177,58 et le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre sera infirmé sur le montant alloué.
IV. Sur la demande de compensation.
L’article 1347 du code civil dispose que : ‘La compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes.
Elle s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.’
L’article 1347-1 du même code énonce que : ‘Sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.
Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre.’.
Mme [I] demande que la compensation entre les sommes dues par chacune des parties soient ordonnées. M. [N] ne s’est pas expressément exprimé sur cette demande.
La compensation entre les sommes respectivement dues par les parties sera ordonnée.
V. Les frais irrépétibles et les dépens.
Chacune des parties articule à l’encontre de l’autre une demande au titre des frais irrépétibles. L’une et l’autre seront déboutées de cette demande.
Le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre sera confirmé s’agissant des frais irrépétibles et des dépens d’instance.
En cause d’appel, chacune des partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés.
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre en date du 6 septembre 2023 sauf en ce qu’il a estimé le licenciement pour motif économique de M. [N] fondé et excepté sur le montant dû par M. [P] [N] au titre de la cession de salaire,
L’infirme de ces chefs,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement économique de M. [P] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne Mme [C] [I] à payer à M. [P] [N] la somme de 11 775,76 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne M. [P] [N] à payer à Mme [C] [I] la somme de 15 177,58 euros au titre des sommes réglées par l’employeur dans le cadre de la cession de salaire,
Y ajoutant,
Ordonne la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties et condamne M. [P] [N] à payer la différence à Mme [C] [I],
Déboute les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens en cause d’appel.
Et ont signé
La greffière, La Présidente,
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