Licenciement contesté pour manquements managériaux et abus d’utilisation de ressources professionnelles

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Licenciement contesté pour manquements managériaux et abus d’utilisation de ressources professionnelles

L’Essentiel : Fujifilm France, SASU spécialisée dans l’imagerie, a engagé M. [D] en 1993, le promouvant directeur technique de la division endoscopie. En octobre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement pour faute grave, invoquant des carences dans ses fonctions. M. [D] a contesté son licenciement, arguant qu’il n’avait jamais reçu d’avertissement et que les difficultés étaient dues à une réorganisation. Le 23 mars 2022, le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant Fujifilm à verser des indemnités, décision que l’entreprise a ensuite contestée en appel.

Présentation de la société Fujifilm France

La société Fujifilm France est une SASU immatriculée au RCS de Versailles, spécialisée dans l’importation, la distribution et la vente de produits d’imagerie. Elle emploie 385 salariés et gère divers matériels pour la photographie, le cinéma et le laboratoire.

Engagement de M. [D]

M. [U] [D] a été engagé par Fujinon Europe Gmbh en 1993 en tant que technicien, et a évolué pour devenir directeur technique de la division endoscopie. Il était soumis à une convention de forfait de 215 jours par an, avec une rémunération mensuelle brute de 6 452,16 euros.

Procédure de licenciement

Le 9 octobre 2018, Fujifilm France a convoqué M. [D] à un entretien préalable à un licenciement, suivi d’une mise à pied conservatoire. Le licenciement pour faute grave a été notifié le 11 novembre 2018, invoquant des carences dans l’exercice de ses fonctions et des dépenses personnelles non justifiées.

Griefs formulés contre M. [D]

Les reproches incluent une dégradation de l’activité, une absence d’anticipation et d’action face aux absences de collaborateurs, ainsi qu’une gestion défaillante des équipes. M. [D] a également été critiqué pour son manque de communication et de lien avec ses équipes, ainsi que pour des abus dans l’utilisation de son véhicule de fonction.

Réaction de M. [D]

M. [D] a contesté son licenciement, arguant qu’il n’avait jamais reçu d’avertissement et que les difficultés rencontrées étaient dues à une réorganisation et à un manque de personnel. Il a également souligné qu’il avait tenté de gérer les absences et de recruter du personnel.

Décision du conseil de prud’hommes

Le 23 mars 2022, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement de M. [D] était sans cause réelle et sérieuse, condamnant Fujifilm France à verser diverses indemnités, y compris pour préjudice moral.

Appel de Fujifilm France

Fujifilm France a interjeté appel de cette décision, demandant la confirmation de la faute grave et le déboutement de M. [D] de ses demandes. M. [D] a, de son côté, demandé la confirmation du jugement initial.

Analyse des motifs de licenciement

La cour a examiné les griefs invoqués par l’employeur, concluant que les manquements de M. [D] ne constituaient pas une faute grave, mais une cause réelle et sérieuse. Les difficultés rencontrées étaient liées à des circonstances organisationnelles et à des départs de personnel.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, tout en condamnant Fujifilm France à verser 1 500 euros à M. [D] pour préjudice moral lié à la procédure vexatoire. Les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été déboutées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la faute grave dans le cadre d’un licenciement ?

La faute grave est définie par le Code du travail comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’article L.1235-1 du Code du travail précise que, en cas de litige relatif au licenciement, le juge doit apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

Il est important de noter que l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Ainsi, la faute grave doit être suffisamment caractérisée et justifiée par des éléments concrets et vérifiables.

En l’absence de faute grave, le licenciement doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

Comment le licenciement pour faute grave est-il justifié par l’employeur ?

Pour justifier un licenciement pour faute grave, l’employeur doit démontrer que les faits reprochés au salarié sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation de travail.

L’article L.1234-1 du Code du travail stipule que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

L’employeur doit donc fournir des preuves tangibles des manquements du salarié, tels que des témoignages, des échanges de courriels ou des documents internes, qui attestent de la gravité des faits reprochés.

Il est également essentiel que l’employeur ait respecté la procédure de licenciement, notamment en convoquant le salarié à un entretien préalable, comme le prévoit l’article L.1232-2 du Code du travail.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Lorsqu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des indemnités compensatoires.

L’article L.1235-3 du Code du travail prévoit que le juge peut condamner l’employeur à verser au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.

De plus, le salarié peut également demander des dommages-intérêts pour le préjudice moral subi en raison des conditions de son licenciement, comme le stipule l’article L.1222-1 du Code du travail, qui impose une exécution de bonne foi du contrat de travail.

Il est donc crucial pour l’employeur de justifier le licenciement par des motifs réels et sérieux pour éviter de lourdes conséquences financières.

En cas de litige, le juge appréciera les éléments fournis par les deux parties pour déterminer la légitimité du licenciement.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de preuve lors d’un licenciement pour faute grave ?

L’employeur a l’obligation de prouver la faute grave qu’il invoque pour justifier le licenciement.

Selon l’article L.1235-1 du Code du travail, il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

Cela signifie que l’employeur doit fournir des éléments concrets et vérifiables, tels que des rapports d’évaluation, des courriels, des témoignages de collègues ou des documents internes, qui démontrent la gravité des faits reprochés au salarié.

En cas de doute sur la réalité des faits, ce doute doit profiter au salarié, ce qui renforce l’importance pour l’employeur de constituer un dossier solide avant de procéder à un licenciement pour faute grave.

Ainsi, la charge de la preuve incombe à l’employeur, qui doit être en mesure de justifier ses décisions par des éléments tangibles et probants.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JANVIER 2025

N° RG 22/01177 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEEW

AFFAIRE :

S.A.S.U. FUJIFILM FRANCE

C/

[U] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 23 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F 19/00017

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Dan ZERHAT

Me Fanny DE COMBAUD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTE

S.A.S.U. FUJIFILM FRANCE

N° SIRET : 412 838 526

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d’Avocats, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731

Plaidant : Me Marie-laure TIXERONT-GAUTHIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0861

****************

INTIMÉ

Monsieur [U] [D]

né le 15 Février 1970 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Fanny DE COMBAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Greffier placé lors du prononcé : Madame Solène ESPINAT

FAITS ET PROCÉDURE

La société Fujifilm France est une société par actions simplifiée à associé unique (SASU) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Versailles sous le n° 412 838 526.

La société Fujifilm France exploite un fonds de commerce d’importation, de distribution exclusive et de vente en gros de produits d’imagerie ou lumino-sensibles, comprenant les matériels pour la photographie et le cinéma, le matériel optique et le matériel de laboratoire.

Elle emploie 385 salariés et en tout cas plus de onze.

Par contrat de travail à durée indéterminée, M. [U] [D] a été engagé par la société Fujinon Europe Gmbh, aux droits de laquelle vient la société Fujifilm France depuis 2011, en qualité de technicien, catégorie A, coefficient 210, à compter du 6 mai 1993.

Au dernier état de la relation de travail, M. [D] exerçait les fonctions de directeur technique, statut cadre, coefficient 19, de la division endoscopie de la société Fujifilm Medical System située à [Localité 3].

M. [D] était soumis à une convention de forfait de 215 jours par an et percevait une rémunération moyenne brute de 6 452,16 euros par mois.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d’importation-exportation.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 octobre 2018, la société Fujifilm France a convoqué M. [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

L’entretien préalable s’est tenu le 24 octobre 2018, en présence d’un collègue de travail de M. [D].

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 11 novembre 2018, la société Fujifilm France a notifié à M. [D] son licenciement pour faute grave, en ces termes :

« Nous donnons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le 24 octobre 2018, lors duquel vous étiez assisté par [O] [S], Directeur Commercial de l’Endoscopie.

Lors de cet entretien, vous n’avez pas apporté de réponse aux griefs qui ont été exposés, annonçant  » évidemment tout contester  », sans plus de développement.

Nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour fautes graves, en raison de carences majeures dans l’exercice de vos fonctions et de l’indélicatesse dont vous avez fait preuve à l’égard de votre employeur en mettant à sa charge des dépenses à caractère personnel, dans le cadre de l’utilisation du véhicule de fonction.

Nous vous rappelons les reproches formulés lors de l’entretien :

Vous avez été embauché en qualité de technicien le 6 mai 1993, et vous occupez depuis cinq ans le poste de Directeur Technique au sein de la Direction Endoscopie (nomination le 1er septembre 2013).

Pour rappel, vos principales missions sont les suivantes :

– Proposer l’organisation technique la mieux à même de permettre à la Direction Endoscopie d’atteindre ses objectifs commerciaux et d’honorer les engagements pris vis-à-vis des clients.

– Adapter l’organisation & les ressources techniques aux évolutions de la stratégie de l’entreprise en anticipant les évolutions et en préparant l’équipe technique à ces changements.

– Être le garant de la compétence des équipes techniques et de la qualité de service en assurant un suivi étroit de l’activité terrain et en prenant toutes actions correctives nécessaires.

– Optimiser le fonctionnement des Services Techniques en relayant ou faisant relayer l’information nécessaire, en développant la communication, en assurant la nécessaire coordination entre les équipes techniques siège et terrain.

– Gérer les réclamations clients en recherchant la satisfaction de la clientèle tout en défendant les intérêts de l’entreprise.

– Faire évoluer les contrats de maintenance en fonction de la stratégie de l’entreprise et des objectifs poursuivis en matière de chiffre d’affaires service et de coûts de associés.

En tant que Directeur Technique vous êtes rattaché au Directeur de l’Endoscopie, et vous êtes responsable des équipes :

– Check

– Hotline

– Administration Technique (ADT)

Depuis plusieurs semaines nous avons constaté une forte dégradation de votre activité qui nous a amenés à nous interroger sur votre niveau d’implication dans l’exercice de vos fonctions et sur le respect de vos obligations professionnelles.

Cette situation s’était déjà produite par le passé, provoquant la décision de rattacher l’équipe « Repair », anciennement sous votre hiérarchie, à la Direction de l’Endoscopie en 2017. Également, le contrôle de la bonne gestion du magasin de pièces détachées et l’optimisation du niveau des stocks a été rattaché à la Direction Logistique en janvier 2018.

Quant à votre activité récente, nous déplorons des défaillances graves dans la gestion opérationnelle de vos équipes, qui ont entraîné des conséquences organisationnelles et humaines. Vous avez fait preuve d’une absence totale d’anticipation, d’action et de recherches de solutions.

Au sein de l’équipe ADT, confronté à l’absence pour maladie de deux collaboratrices (la manager et l’une des collaboratrices du service), vous n’avez pas redistribué les fonctions qui étaient occupées par celles-ci (notamment contrat de maintenance, gestion de l’export).

Sur cette même équipe ADT, la gestion des contrats de maintenance a accumulé plus de deux mois de retard, avec un impact sérieux sur le chiffre de l’entreprise ainsi que sur la qualité du service donné.

De fait, vous avez fait le choix de laisser à plusieurs reprises deux collaboratrices de l’équipe ADT quitter les locaux bien au-delà des heures de travail habituelles, et les avez laissé travailler à leur domicile après les heures de travail.

Cette situation a révélé le fait qu’aucun back up n’avait été organisé a priori pour anticiper d’éventuelles absences.

Au-delà du simple retard qui peut arriver, c’est votre inaction qui a été fautive. Rien n’a été mis en place pour pallier à ces difficultés, votre préoccupation étant d’attendre que le regroupement de l’équipe ADT sous l’équipe ADV soit réalisé, afin de ne plus avoir à traiter ce sujet, sans action de votre part aux niveaux opérationnel et organisationnel.

Également préoccupant, vous n’avez jamais demandé le paiement d’heures supplémentaires pour votre équipe, alors qu’elles étaient dues, et vous n’avez été d’aucun soutien managérial et moral.

La hotline s’est retrouvée également en tension. Compte tenu de la charge de travail supportée par les deux collaborateurs de l’équipe, ceux-ci se sont retrouvés successivement en arrêt maladie. L’équipe a accumulé également un retard de plus de deux mois sur la gestion du parc des endoscopes (IQ02).

Votre désaffection est flagrante, car vous connaissiez très bien cette contrainte : de fait, il y a quelques années, vous aviez repris la gestion de cette mission qui n’avait pas été réalisée et aviez opéré un travail important de rattrapage sur plus de 1000 entrées.

Toujours concernant la hotline, vous avez pris la décision, inédite, de la fermer pendant plusieurs jours lorsque vous avez constaté que les deux collaborateurs étaient absents.

Le Service client est essentiel pour notre activité commerciale, et vous en êtes le garant. Votre décision de fermer ce service de manière durable, sans rechercher une solution interne, alors qu’il en existait plusieurs, était irresponsable.

Dernièrement encore, l’équipe Check s’est retrouvée avec un seul collaborateur (arrêts maladie et congés).

Vous connaissez l’importance de cette équipe dans le circuit de la réparation. Là encore, compte tenu de votre absence d’anticipation, c’est le manager de l’équipe des techniciens de réparation qui, en regardant l’outil RH des prises de congés, s’est rendu compte le vendredi pour le lundi de cette situation et qui a pris l’initiative de renforcer l’équipe check avec l’un de ses collaborateurs.

Il nous semble utile de rappeler que la première mission vous incombant est de « proposer l’organisation la mieux à même de permettre à l’entreprise d’atteindre ses objectifs commerciaux et d’honorer les engagements pris vis-à-vis des clients ».

Vous affranchissant de votre statut de Directeur Technique et des responsabilités qui y sont attachées, vous avez été un simple spectateur de cette situation générale qui se dégradait devant vos yeux.

Vous êtes demeuré sourd aux nombreuses alertes des différents acteurs de l’entreprise (collaborateurs, managers, RH), et plusieurs mails sont restés sans réponse.

Pour illustration complète de votre inertie, c’est le nouveau Directeur de l’Endoscopie qui a initié une réunion pour trouver des solutions à cette situation, et vous vous êtes présenté avec 30 minutes de retard à cette réunion.

Cette situation a conduit à des conséquences humaines, organisationnelles, commerciales et business importantes.

Nous avons ainsi constaté une dégradation du service opéré à nos clients, notamment par les remontées d’informations des commerciaux.

En outre, du fait de la non réalisation des missions vous incombant, l’entreprise a perdu un contrat de plusieurs centaines de milliers d’euros.

Par ailleurs, et c’est le pendant logique de la dégradation de votre collaboration, plusieurs collaborateurs nous ont sollicités pour faire état de difficultés relationnelles et managériales.

Directeur d’un site d’une taille propice à la rencontre et à la proximité, nous avons noté que vous n’aviez que très peu de lien relationnel avec les collaborateurs, plusieurs d’entre eux faisant état du fait que vous ne saluez pas vos équipes et que vous restez quotidiennement enfermé dans votre bureau.

Il est à noter une absence quasi-totale de communication et/ou partage d’informations, de mise en place de réunions d’équipe ; votre mode de management privilégiant au contraire les contrôles d’activité, l’injonction et la directive. Ces comportements sont totalement contraires aux valeurs que défend le Groupe Fujifilm.

Nous sommes désolés de rappeler que votre départ le mardi 9 octobre a fait l’objet d’applaudissements par l’ensemble des équipes présentes sur site.

Par ailleurs, dans le cadre de contrôles menés sur les dépenses, nous avons découvert un comportement inacceptable au regard de vos obligations quant à l’utilisation de la carte essence & du télépéage de l’entreprise, mis à votre disposition.

Vous êtes pleinement informé, puisque vous avez connaissance de la car policy, que le paiement des péages est autorisé uniquement à titre professionnel.

Or, il apparaît très régulièrement que des péages sont payés durant vos congés et le weekend alors que cela est formellement interdit (à titre d’exemples les 22 février, 24 avril, 8 juillet, 26 juillet, etc).

Plus avant, votre consommation d’essence interroge. A titre d’exemple :

‘ en octobre, vous avez réalisé 3 pleins en l’espace de 7 jours, tout en déclarant avoir un kilométrage de 22.000 puis 22.500 (le 4/10, le 5/10 et le 11/10).

‘ En septembre vous effectuez 6 pleins : le 4 septembre, le 10 septembre, le 13 septembre, le 17 septembre, le 21 septembre, le 28 septembre. Aussi :

o entre le 10 et le 13 vous déclarez 18.000 puis 18.500 km,

o entre le 17 et le 28 septembre ,19.000 puis 19.200 et 19.700 km.

‘ En août vous réalisez 6 pleins également :

o Un plein est réalisé le 31 juillet puis vous réalisez 2 pleins en 6 jours avec comme indications 11.600 km et 13.000 km (le 7 août et le 12 août)

o Puis toujours sur août, vous effectuez 4 pleins en 13 jours (le 16, le 19, le 24 et le 29 août) tout en déclarant les km suivants : 14.000, 14.750, 15.000 et 15.200.

Ainsi sur les derniers mois, avec une consommation d’essence oscillant entre 6 et 9L/100, consommation disproportionnée au regard de la consommation normale de la catégorie et la gamme de votre véhicule, vous avez fait preuve d’indélicatesse caractérisée en faisant payer à votre employeur des dépenses à caractère personnel.

L’ensemble de ces éléments nous conduit à constater une désaffection profonde et durable dans l’exercice de vos fonctions et responsabilités, ainsi qu’un manque de respect pour vos obligations professionnelles rendant impossible le maintien de nos relations contractuelles.

La gravité des agissements reprochés ne pouvait vous échapper. Pour autant, lors de notre entretien, vous nous avez seulement indiqué  » évidemment tout contester  », sans autre développement. Votre attitude et votre incapacité à vous remettre en question est très préjudiciable au bon fonctionnement de l’entreprise.

Dès lors nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave. »

Par requête introductive reçue au greffe le 14 janvier 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles d’une demande tendant à ce son licenciement pour faute grave soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse et intervenu dans des circonstances brutales et vexatoires.

Par jugement rendu le 23 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Versailles a :

– dit que sur la forme, l’action est recevable ;

– dit que la lettre de licenciement, du 7 novembre 2018, ne démontre pas une faute grave ;

– dit que le licenciement de M. [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Fujifilm France au paiement de 80 650 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 19 356,48 euros bruts à titre de préavis ainsi que 1 935,64 euros bruts de congés payés sur préavis ;

– condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 49 466,56 euros au titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 4 183,84 euros bruts au titre de rappel de salaire et 418,38 euros à titre de congés payés ;

– condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice moral ;

– condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé qu’en application de l’article R. 1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour les sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-15 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois et telle que mentionnée au dispositif du présent jugement ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision à intervenir au titre de l’article 515 du code de procédure civile ;

– rejeté en tant que de besoin toute autre demande ;

– débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux éventuels dépens ;

– ordonné le versement des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 12 avril 2022, la société Fujifilm France a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 octobre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 11 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Fujifilm France, appelante, demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

– constater que le licenciement de M. [U] [D] repose sur des fautes graves démontrées par la société Fujifilm France ;

En conséquence,

– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner M. [D] au paiement de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 20 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [U] [D], intimé, demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* dit que la lettre de licenciement du 7 novembre 2018 ne démontre par une faute grave ;

* dit que le licenciement notifié à Monsieur [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

* condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 80 650 euros nets à titre de d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 19 356,48 euros bruts à titre de préavis, outre 1.935,64 euros bruts à titre de congés payés sur préavis ;

* condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 49 466,56 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

* condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 4 183,84 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 418, 38 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

* condamné la société Fujifilm France au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* ordonné le versement des intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Statuant à nouveau :

– débouter la société Fujifilm France de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société Fujifilm France au versement de la somme de 19 356,48 euros nets à titre d’indemnité pour préjudice moral résultant des conditions particulièrement vexatoires du licenciement à titre principal ;

Ou à titre subsidiaire,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Fujifilm France au versement de la somme 6000 euros nets à ce titre ;

– condamner la société Fujifilm France au versement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Par ailleurs, selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

A défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

À l’appui du licenciement, la société invoque six griefs à l’encontre du salarié.

Dans un contexte de désaffection par le salarié de ses fonctions sur la période de l’été 2018 au mois d’octobre 2018, elle lui reproche en premier lieu, un défaut de prévoyance et une inaction fautive au sein de l’équipe ADT dans la réorganisation de ce service après les absences de plusieurs salariés et l’accumulation de retard dans la gestion des contrats de maintenance faute d’avoir organisé un back’up. Elle en justifie par la transmission d’échanges de mails entre Monsieur [D] et Monsieur [K], responsable de la chaîne d’approvisionnement.

En second lieu, l’employeur reproche à son salarié un défaut d’organisation au niveau du service Hot Line pour pallier l’absence d’effectifs en personnel qui l’a conduit à fermer le service pendant plusieurs jours, contraignant son assistante administrative, Madame [F] à prendre l’initiative de solutionner la difficulté.

L’employeur formule à l’égard de son salarié un troisième grief relative à l’équipe Check au sein de laquelle Monsieur [D] aurait également été défaillant dans l’organisation des absences et il lui reproche d’être intervenu avec une demi-heure de retard, dans une réunion spécifiquement organisée pour tenter de solutionner ces difficultés. L’employeur transmet les mails de Monsieur [S] du 1er octobre 2018, de Madame [I] du 4 octobre 2018 et de Monsieur [X], directeur endoscopie, du 5 octobre 2018.

L’employeur reproche ensuite les conséquences dommageables de la dégradation du service faisant état de la perte de contrats de plusieurs centaines de milliers d’euros. Il verse aux débats à ce titre les échanges de mail avec Monsieur [A] du 7 au 27 septembre 2018 et de Monsieur [S] du 27 septembre 2018 qui attestent de la perte de plusieurs parts de marché et clients.

La société fait aussi grief au salarié d’avoir abandonné toute communication et partage d’informations et d’avoir laissé se dégrader la collaboration avec les équipes du service et communique une attestation collective de 17 salariés signataires faisant état d’un changement de comportement du salarié en 2018 avec en conclusion « l’impression de ne plus avoir de directeur depuis janvier 2018 » et un départ vécu comme « un vrai soulagement ».

Enfin, l’employeur reproche à Monsieur [D] de s’être rendu coupable d’une violation de son obligation de loyauté dans l’utilisation de son véhicule de fonction puisque durant les mois de septembre et octobre 2018, l’employeur a constaté une surconsommation d’essence du véhicule en inadéquation avec le kilométrage effectué par le salarié. A ce titre, l’employeur produit les tableaux récapitulant les frais. Il reproche également au salarié ses demandes de remboursement de frais de péage à l’employeur alors qu’il s’agissait d’une utilisation à des fins personnelles sur les temps de congés ou de week-ends. Il conteste toute prescription de ces faits dans la mesure où il s’agit de faits réitérés et que le dernier fait fautif date du 28 octobre 2018.

Monsieur [D] conteste son licenciement et soutient que dans le contexte d’une nouvelle organisation au sein du magasin de [Localité 3] en novembre 2017, il a occupé les fonctions d’administration technique. Dès le mois de novembre, il a sollicité de la DRH un entretien pour définir le bon fonctionnement du service technique. I²l transmet à ce titre le mail adressé le 27 novembre 2017. Il reproche à la société de ne pas l’avoir avisé du licenciement de Monsieur [M] responsable technique de [Localité 3]. Il prétend ensuite, avoir dû cumuler les fonctions de ce collaborateur et avoir alerté en mars 2018 la DRH sur ce cumul et sa charge de travail. Il communique à ce titre un message du 13 mars 2018. Il verse aux débats également le communiqué du directeur général du 5 avril 2018 dans lequel il est indiqué « Monsieur [U] [D] gère l’équipe support client, l’administration technique, l’équipe service et me reporte directement ». Le salarié ajoute qu’à compter d’avril 2018, se sont succédés plusieurs départs de cadres et considère que son licenciement intervenu en novembre 2018 y fait suite.

Monsieur [D] conteste la forte dégradation de son activité, la défaillance dans son implication et le non-respect de ses obligations professionnelles.

Il soutient pour se faire que ses missions n’étaient pas clairement définies, qu’aucun objectif ne lui a été confié pour l’année 2018, qu’aucun avenant n’a été signé et en conséquence, il considère que les difficultés intervenues sur les fonctions ne peuvent lui être reprochées. Il souligne qu’il n’a jamais reçu aucun avertissement ni rappels à l’ordre en 25 ans d’ancienneté.

Concernant l’équipe ADT (administration technique), il dit avoir embauché Madame [P], fait confirmé dans l’attestation de Madame [F] [G]. Il indique l’avoir embauchée comme intérimaire puis avoir demandé son intégration en CDI, avoir alerté sur l’absence de Madame [N] et proposer une organisation temporaire en septembre 2018. Il considère que la perte sur le chiffre d’affaires invoquée par la société ne résulte pas de sa responsabilité mais de la faible activité du service Réparation et du coût des pièces détachés. Il communique à ce titre un message du 16 septembre 2018. Il conteste avoir été à l’initiative du temps de travail excessif dont se plaint Madame [F] .

Sur la Hotline, il conteste avoir accumuler deux mois de retard comme indiqué par la société et produit un mail du 12 septembre 2018 comportant la liste des demandes des équipements vendus en juillet et août et demandant une mise à jour d’équipements. Il estime que cette mise à jour n’a aucun impact sur le business.

Sur l’organisation de l’équipe au regard du sous-effectif, il transmet des échanges de mail du 28 et 31 août, 5, 11, 14 et 19 septembre 2018 pour justifier des démarches de recrutement engagées auprès de la responsable des ressources humaines. Il ne conteste pas avoir dû fermer le service et reconnaît que la suppléance assurée par Madame [L] a été mis en place par Monsieur [H]. Il indique néanmoins que fin septembre il a proposé une réorganisation de l’équipe hotline.

Monsieur [D] concernant l’équipe Check conteste avoir été en charge de ces services mais reconnaît avoir assuré l’intérim après le départ de Monsieur [T] en avril 2018. Il indique avoir fait le nécessaire pour anticiper les besoins du service et communique un message du 31 août 2018, dans lequel il interroge la DRH sur l’arrivée de Monsieur [E]. Il s’explique sur l’absence de réponse à la demande de plusieurs collaborateurs en invoquant la proximité de la date de sa mise à pied.

Sur le préjudice de la société, il reconnaît la perte de l’appel d’offres en 2017 pour le groupe Ramsay Général de santé, faute pour Monsieur [A] de lui avoir répondu. Pour le surplus, il considère que la société n’en justifie pas.

Il relève que les difficultés relationnelles et managériales qui sont alléguées par la société se fondent sur la pièce adverse 21 qui ne répond pas au formalisme du code de procédure civile et qui devra être écartée. Au fond, cette attestation collective est contestée par le salarié en raison du fait qu’elle est postérieure à la mise à pied, qu’aucun des signataires n’a manifesté son mécontentement.

S’agissant du témoignage de Monsieur [C], le salarié s’étonne que la société n’ai pris aucune mesure alors que l’ambiance malsaine est décrite depuis septembre 2018. Le salarié estime que la société ne transmet aucun élément de preuve notamment sur le fait qu’il soit quotidiennement enfermé dans son bureau ou qu’il y ait eu une absence de communication avec ses équipes. Il soutient au contraire qu’il y avait des réunions chaque semaine notamment avec l’équipe Check.

Il transmet différents mails pour justifier qu’il avait à c’ur de défendre l’intérêt de ses collaborateurs et le bon fonctionnement de son service.

S’agissant des reproches concernant l’usage de son véhicule de fonction, il soulève la prescription des faits qui portent sur les mois de janvier à juillet 2018. Sur le télépéage, il prétend au déclenchement automatique de son badge. Concernant sa consommation d’essence, il relève qu’il pouvait utiliser son véhicule de fonction à des fins personnelles dès lors que cette utilisation est « prudente et modérée ». Il estime que les relevés de la société ne prouvent pas l’inverse. Il conclut à l’absence de faute grave.

***

La cour constate au vu des pièces et des débats que les trois premiers griefs font état d’une défaillance du salarié dans l’organisation de ses équipes d’interventions dans les différents services qu’il encadre (check, hotline, ADT).

Les fonctions de Monsieur [D] doivent être appréciées au moment de la rupture au regard du dernier avenant 2013 où il est désigné comme directeur technique de la division endoscopie. À ce titre comme l’indique l’attestation de M.[C] et de Madame [F] [G], il dirigeait le service ADT et assurait la direction du service SAV. Les échanges de mails démontrent qu’ il assurait bien la gestion du service Hotline du service Check. Aussi les fonctions décrites dans la lettre de licenciement apparaissent en adéquation avec les pièces transmises :

– Proposer l’organisation technique la mieux à même de permettre à la Direction Endoscopie d’atteindre ses objectifs commerciaux et d’honorer les engagements pris vis-à-vis des clients.

– Adapter l’organisation & les ressources techniques aux évolutions de la stratégie de l’entreprise en anticipant les évolutions et en préparant l’équipe technique à ces changements.

– Être le garant de la compétence des équipes techniques et de la qualité de service en assurant un suivi étroit de l’activité terrain et en prenant toutes actions correctives nécessaires.

– Optimiser le fonctionnement des Services Techniques en relayant ou faisant relayer l’information nécessaire, en développant la communication, en assurant la nécessaire coordination entre les équipes techniques siège et terrain.

– Gérer les réclamations clients en recherchant la satisfaction de la clientèle tout en défendant les intérêts de l’entreprise.

– Faire évoluer les contrats de maintenance en fonction de la stratégie de l’entreprise et des objectifs poursuivis en matière de chiffre d’affaires service et de coûts de associés.

En tant que Directeur Technique vous êtes rattaché au Directeur de l’Endoscopie, et vous êtes responsable des équipes :

– Check

– Hotline

– Administration Technique (ADT).

Par ailleurs, elles sont conformes à l’entretien d’évaluation de 2017 transmis par le salarié.

Au travers des mails qu’il communique, le salarié justifie avoir effectué plusieurs démarches visant à recruter du personnel, pallier aux vacances de poste ou demander l’affectation de personnel à la suite d’absences provisoires de membres de ses équipes.

Dans un contexte de réorganisation et alors que nombreux départs de cadres et de non-cadres sont établis, il ne peut être reproché à Monsieur [D], qui ne disposait pas de pouvoir décisionnaire sur les recrutements, d’avoir été défaillant dans l’organisation de ses services dès lors que les difficultés sont liées à cette absence de personnel.

Ce grief ne saurait fonder la faute grave alléguée à l’appui du licenciement

Monsieur [D] a aussi la charge de management des équipes techniques. Or les attestations communiquées par l’employeur démontrent un réel désengagement du salarié de ses fonctions d’organisation et de management. Dans son attestation, Madame [F] [G] évoque « une ambiance devenant pesante tant le stress était perceptible » « une absence totale d’organisation » et le fait d’être « livrée à elle-même » alors que « Monsieur [D] arrivait le matin, sans dire bonjour à personne s’enfermer dans son bureau. Nous étions complètement perdus et lui s’enfermer dans son bureau ». Dans son témoignage, Monsieur [C] fait également part d’une « ambiance malsaine au sein de l’équipe SAV. La porte de Monsieur [D] était toujours fermée et plus à l’écoute de ses collaborateurs et du coup entraînant une frustration globale ». Ces deux attestations sont corroborées par le courrier collectif du 18 octobre 2018, dans lequel 17 salariés témoignent des défaillances Monsieur [D] en qualité de directeur.

Il convient d’emblée de relever que les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité. L’attestation litigieuse, régulièrement communiquée, ne peut être écartée des débats au seul motif qu’elle ne répond pas en la forme aux prescriptions légales, le juge devant seulement en apprécier la valeur probante. Son auteur est clairement identifiable et elle ne comporte aucun indice de nature à mettre en doute son authenticité. Il n’y a pas lieu de l’écarter.

Ce témoignage fait état à l’égard de M [D] de plusieurs griefs. Les salariés notamment lui reprochent l’absence de contact avec le personnel, le fait d’avoir tenu son bureau portes fermées tous les jours, de ne saluer personne et pour conclure qu’ils avaient « l’impression de n’avoir plus de directeur » au point de vivre le départ de Monsieur [D] comme « un soulagement ».

Il y a lieu de relever à la lecture de l’organigramme transmis lors de la réunion du 6 décembre 2017 que la division Endoscopie concernait 19 techniciens outre un responsable réparation et un chef d’atelier et c’est en conséquence majeure partie des salariés qui est unanime pour dénoncer les difficultés managériales de Monsieur [D].

Si ce dernier tente de s’en défendre en transmettant plusieurs mails qui établissent qu’il a tenté auprès du service des ressources humaines de combler les vacances d’effectifs, l’ensemble des pièces qu’il communique ne permet pas de contredire les difficultés de management que son propre comportement a généré et qui sont établies. Les quelques mails du salarié ne suffisent pas à contredire les éléments portés à la connaissance de la cour par la société

Les conséquences préjudiciables de l’attitude du salarié sur l’activité économique du service apparaît de façon claire dans le cadre des échanges entre Monsieur [D], Monsieur [A] et Monsieur [C] et M. [S] entre le 7 septembre et le 27 septembre 2018 s’agissant des marchés concernant la clinique [5]. L’inaction du service dirigé par Monsieur [D] a bien été à l’origine de la perte de parts de marché relevé par le directeur commercial.

Concernant les autres griefs fait au salarié dans la lettre de licenciement, si aucun fait relatif aux péages ne peut être retenu en raison de leur ancienneté de plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, à l’inverse, la cour constate s’agissant des frais de carburant que l’employeur n’est pas prescrit à invoquer des faits successifs et répétés dont le dernier fait est justifié par les relevés d’essence pour l’ensemble du mois de septembre 2018 alors que le licenciement est intervenu le 11 novembre 2018.

L’article 4 de la convention de mise à disposition du véhicule de société ou de fonction signée par le salarié le 23 août 2013, s’il permet au salarié d’utiliser le véhicule à des fins personnelles prévoit que cette utilisation « soit prudente et modérée ».

Or, il résulte des documents transmis par l’employeur que le salarié est bien fautif d’avoir sollicité des remboursements de frais de carburant alors qu’il a usé de façon excessive de son véhicule de fonction. L’employeur communique le relevé de demandes de frais lié au carburant et notamment au mois de septembre 2018, la demande adressée à la société fait apparaître une consommation moyenne d’environ 19 litres au cent pour un véhicule dont la consommation moyenne avoisine 5 litres 30 au cent. Ainsi, la déloyauté invoquée par l’employeur est bien établie sans que les arguments adverses soient de nature à contredire les faits.

Au regard de sa qualité de directeur de service, l’attitude déloyale relevée chez le salarié et le comportement fautif adopté dans le management de ses équipes ne permettaient pas la poursuite du contrat de travail et le licenciement est bien causé. Toutefois au regard des circonstances particulières auxquelles étaient confrontés le service, sujet à réorganisation et le directeur par les difficultés liés aux différents départs de cadre, les éléments ainsi relevés ne constituent pas une faute grave mais une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer la décision prud’homale à la fois en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais aussi en ce qu’il a condamné la société au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 80650 euros.

Il y a lieu pour le surplus à confirmer la décision prud’homale concernant l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, l’indemnité conventionnelle de licenciement et les rappels de salaires et congés payés inhérents à la mise à pied qui en l’absence de faute grave n’apparaît pas justifée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire.

En application de l’article L 1222-1 du code du travail le contrat travail doit être exécuté de bonne foi. Le salarié peut former une demande indemnitaire en raison des circonstances brutales et vexatoires liées à la rupture du contrat de travail indépendamment du bien-fondé de la rupture.

Monsieur [D] indique n’avoir jamais fait l’objet d’un moindre avertissement ou rappel à l’ordre et avoir été très choqué par la procédure. Il précise qu’et il a dû être arrêté et mis sous anxiolytiques. Il sollicite la somme de 19 357,48 €. La société ne formule aucune observation sur ce point.

Le licenciement est justifié. Toutefois le prononcé d’une mise à pied et la qualification de faute grave ainsi que l’absence d’indemnisation a un caractère vexatoire. Les éléments médicaux transmis permettent de constater l’impact des difficultés professionnelles et notamment les conditions de la rupture rencontrées par la salariée sur son état de santé et de justifier du préjudice. Il y a lieu d’allouer au salarié la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 1er décembre 2021 sauf en ce qu’il a retenu que le licenciement était dénué de toute cause réelle te sérieuse et a alloué au salarié la somme de 80650 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 6000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DÉCLARE le licenciement de Monsieur [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Fujifilm France à payer à Monsieur [D] la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice moral pour procédure vexatoire ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Solène ESPINAT, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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