Licenciement contesté pour insubordination et liberté d’expression

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Licenciement contesté pour insubordination et liberté d’expression

L’Essentiel : Monsieur [D] [M] a été embauché par l’Udaf en mars 2006 en tant que travailleur social. Le 20 novembre 2020, il a été convoqué à un entretien préalable, menant à son licenciement pour faute grave le 10 décembre. Contestant cette décision, il a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse le 12 septembre 2023. L’Udaf a fait appel, mais la cour a confirmé le jugement initial, condamnant l’Udaf à verser des indemnités à Monsieur [D] [M], y compris des dommages-intérêts de 16 000 euros pour licenciement abusif.

Embauche de Monsieur [D] [M]

L’Union départementale des associations familiales de la Marne (Udaf) a embauché Monsieur [D] [M] en tant que travailleur social le 30 mars 2006, avec un contrat à durée indéterminée et une classification d’éducateur spécialisé au sein du service Maison relais.

Procédure de licenciement

Le 20 novembre 2020, l’Udaf a convoqué Monsieur [D] [M] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, qui a abouti à son licenciement pour faute grave notifié le 10 décembre 2020.

Contestation du licenciement

Monsieur [D] [M] a contesté son licenciement en saisissant le conseil de prud’hommes de Châlons-en-Champagne le 25 novembre 2021, demandant des paiements indemnitaire et salarial.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 12 septembre 2023, le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixant la moyenne des salaires de référence à 2736,25 euros et condamnant l’Udaf à verser plusieurs indemnités à Monsieur [D] [M].

Appel de l’Udaf

Le 26 septembre 2023, l’Udaf a formé une déclaration d’appel, demandant l’irrecevabilité de l’appel incident de Monsieur [D] [M] et l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes.

Demandes de Monsieur [D] [M]

Dans ses écritures du 18 septembre 2024, Monsieur [D] [M] a demandé à la cour de débouter l’Udaf de ses demandes d’irrecevabilité et d’infirmer le jugement concernant son licenciement, tout en sollicitant des indemnités supplémentaires.

Recevabilité de la demande de nullité

La cour a jugé que la demande de Monsieur [D] [M] tendant à la nullité de son licenciement était recevable, car elle visait à établir que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Arguments sur la nullité du licenciement

Monsieur [D] [M] a soutenu que son licenciement était injustifié, arguant qu’il avait été sanctionné pour des propos tenus lors d’une réunion, tandis que l’Udaf a affirmé que le licenciement était fondé sur des actes d’insubordination.

Cause réelle et sérieuse du licenciement

Le jugement initial a été confirmé, indiquant que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, car le directeur général n’avait pas respecté les procédures de délégation de pouvoir nécessaires pour licencier Monsieur [D] [M].

Conséquences financières du licenciement

La cour a confirmé les indemnités dues à Monsieur [D] [M] pour préavis, congés payés et indemnité conventionnelle de licenciement, tout en fixant les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 16000 euros.

Dépens et frais de procédure

L’Udaf a été condamnée aux dépens et à payer à Monsieur [D] [M] des frais irrépétibles, tout en étant déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de la demande de Monsieur [D] [M] tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement

La question de la recevabilité de la demande de Monsieur [D] [M] est soulevée par l’Udaf, qui argue que cette demande est nouvelle et n’a pas été présentée devant le conseil de prud’hommes.

Monsieur [D] [M] se fonde sur l’article 565 du code de procédure civile, qui stipule que « les parties peuvent, dans leurs conclusions, modifier leurs demandes, à condition que ces modifications soient en rapport avec les prétentions initiales ».

En l’espèce, Monsieur [D] [M] avait déjà saisi le conseil de prud’hommes d’une demande tendant à voir son licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse.

La demande de nullité de son licenciement vise également à établir l’absence de cause réelle et sérieuse, ce qui la rend recevable.

Ainsi, la cour a jugé que Monsieur [D] [M] est recevable dans sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement.

Sur la nullité du licenciement

Monsieur [D] [M] soutient que son licenciement est nul, arguant qu’il a été sanctionné pour des propos tenus lors d’une réunion de service, sans avoir commis d’abus.

Il invoque une atteinte à sa liberté d’expression, ce qui, selon lui, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L’Udaf, de son côté, précise que le licenciement repose sur des faits d’insubordination, notamment le refus de respecter l’autorité de sa hiérarchie.

L’article L.1232-1 du code du travail stipule que « le licenciement d’un salarié ne peut être prononcé que pour une cause réelle et sérieuse ».

Dans ce cas, les propos de Monsieur [D] [M] ont été interprétés comme une contestation de l’autorité de sa hiérarchie, ce qui constitue un motif valable de licenciement.

La cour a donc conclu que l’Udaf ne sanctionne pas la liberté d’expression, mais des actes d’insubordination, et a débouté Monsieur [D] [M] de sa demande de nullité.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

La question de la cause réelle et sérieuse du licenciement est centrale dans cette affaire.

Les premiers juges ont considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, car le directeur général avait agi sans l’avis du président, en violation des statuts de l’Udaf.

L’article L.1232-2 du code du travail précise que « le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ».

L’Udaf a produit des documents attestant que le directeur général avait le pouvoir de licencier, mais la cour a relevé que ce pouvoir était conditionné à l’obtention d’un avis préalable du président.

En l’absence de cet avis, le licenciement de Monsieur [D] [M] a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, confirmant ainsi le jugement des premiers juges.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse sont également examinées.

Monsieur [D] [M] a droit à une indemnité de préavis, des congés payés y afférents et une indemnité conventionnelle de licenciement, conformément aux articles L.1234-1 et L.1234-2 du code du travail.

L’article L.1235-3 du code du travail prévoit que « lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des dommages-intérêts ».

Monsieur [D] [M] a demandé 32 000 euros de dommages-intérêts, tandis que l’Udaf a proposé un montant maximum de 8 208 euros.

La cour a pris en compte l’ancienneté de Monsieur [D] [M] et a fixé les dommages-intérêts à 16 000 euros, confirmant ainsi le jugement des premiers juges.

Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile

Enfin, la question des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile est soulevée.

L’article 696 du code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens ».

En l’espèce, l’Udaf, partie succombante, a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

De plus, l’article 700 du code de procédure civile permet à la cour d’allouer une somme à la partie qui a gagné le procès pour couvrir ses frais irrépétibles.

La cour a donc condamné l’Udaf à payer à Monsieur [D] [M] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, en plus des dépens.

Arrêt n°

du 29/01/2025

N° RG 23/01580

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 29 janvier 2025

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 12 septembre 2023 par le Conseil de Prud’hommes de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, section Activités Diverses (n° F 21/00186)

L’UNION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES DE LA MARNE (UDAF)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL G.R.M.A., avocats au barreau de REIMS

INTIMÉ :

Monsieur [D] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par la SELAS ACG, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 décembre 2024, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 29 janvier 2025.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 mars 2006, l’Union départementale des associations familiales de la Marne (ci-après l’Udaf) a embauché Monsieur [D] [M] en qualité de travailleur social à la classification d’éducateur spécialisé au sein du service Maison relais.

Le 20 novembre 2020, l’Udaf a convoqué Monsieur [D] [M] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Le 10 décembre 2020, le directeur général de l’Udaf a notifié à Monsieur [D] [M] son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Monsieur [D] [M] a saisi le 25 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Châlons-en-Champagne, de demandes en paiement à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement en date du 12 septembre 2023, le conseil de prud’hommes a :

– dit le licenciement de Monsieur [D] [M] sans cause réelle et sérieuse,

– fixé la moyenne des salaires de référence de Monsieur [D] [M] à la somme de 2736,25 euros,

– condamné l’Udaf à payer à Monsieur [D] [M] les sommes de :

. 5472,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 547,25 euros au titre des congés payés y afférents,

. 16417,50 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 16000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

. 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté l’Udaf de l’ensemble de ses demandes,

– rappelé l’exécution provisoire de plein droit,

– condamné l’Udaf aux dépens.

Le 26 septembre 2023, l’Udaf a formé une déclaration d’appel.

Dans ses écritures en date du 31 octobre 2024, elle demande à la cour :

– de juger irrecevable l’appel incident de Monsieur [D] [M] concernant la prétention sollicitant de juger nul son licenciement, cette demande n’ayant pas été présentée dans le dispositif des conclusions devant le conseil de prud’hommes,

– de la juger recevable et fondée en son appel,

– de juger Monsieur [D] [M] infondé en son appel incident comme en ses demandes incidentes et en conséquence, l’en débouter,

– d’infirmer le jugement des chefs qui :

* ont dit le licenciement de Monsieur [D] [M] sans cause réelle et sérieuse,

* ont fixé la moyenne des salaires de référence de Monsieur [D] [M] à la somme de 2736,25 euros,

* l’ont condamnée à payer à Monsieur [D] [M] les sommes de :

. 5472,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 547,25 euros au titre des congés payés y afférents,

. 16417,50 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 16000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

. 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’ont déboutée de l’ensemble de ses demandes,

* ont rappelé l’exécution provisoire de plein droit,

* l’ont condamnée aux dépens,

et, statuant à nouveau :

– de juger que le licenciement de Monsieur [D] [M] repose sur une faute grave et est justifié,

– de juger Monsieur [D] [M] infondé en ses demandes, fins et conclusions,

– de débouter en conséquence Monsieur [D] [M] de l’ensemble de ses demandes,

– de condamner Monsieur [D] [M] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance,

– de condamner Monsieur [D] [M] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour,

– de condamner Monsieur [D] [M] aux entiers dépens,

à titre subsidiaire :

– de limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à 8208 euros,

– de débouter Monsieur [D] [M] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, comme au titre des dépens.

Dans ses écritures en date du 18 septembre 2024, Monsieur [D] [M] demande à la cour :

– de débouter l’Udaf de toute demande d’irrecevabilité,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il lui a octroyé la somme de 16000 euros à titre de dommages- intérêts,

statuant à nouveau,

– de juger nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse son licenciement,

– de condamner l’Udaf à lui payer les sommes de :

. 5472,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 547,25 euros au titre des congés payés y afférents,

. 16417,50 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 32000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

– de fixer la moyenne des salaires de référence à la somme de 2736,25 euros,

– de confirmer le jugement pour le surplus,

– de condamner l’Udaf à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de débouter l’Udaf de toute demande de condamnation au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

Motifs :

– Sur la recevabilité de la demande de Monsieur [D] [M] tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement :

L’Udaf demande à la cour de dire Monsieur [D] [M] irrecevable en sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, dès lors qu’il s’agit d’une demande nouvelle puisque le conseil de prud’hommes n’en n’était pas saisi.

Monsieur [D] [M] lui répond à raison qu’il est parfaitement recevable en sa demande, et ce sur le fondement de l’article 565 du code de procédure civile, dès lors qu’il avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et que la demande au titre de la nullité de son licenciement tend à la même fin.

Monsieur [D] [M] est donc recevable en sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement.

– Sur la nullité du licenciement :

Monsieur [D] [M] demande à la cour de déclarer nul son licenciement, dès lors qu’il a été notamment sanctionné pour les propos tenus lors d’une réunion de service le 17 novembre 2020, qu’il n’a à cette occasion commis aucun abus, que dès lors en lui faisant un reproche injustifié, l’Udaf a porté atteinte à sa liberté d’expression, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L’Udaf réplique que Monsieur [D] [M] n’a pas été licencié pour avoir usé de sa liberté d’expression, mais qu’il lui est reproché au titre du grief en cause d’avoir contesté toute légitimité et autorité à sa hiérarchie, la mettant en cause pour lui dénier toute autorité et refuser de respecter les règles.

Il ressort de la lettre de licenciement que plusieurs griefs ont été formulés à l’endroit de Monsieur [D] [M].

Il lui est en premier lieu reproché d’avoir pris la décision de renvoyer le 16 novembre 2020 un résident de la maison relais [4], sans en avoir référé ni informé préalablement sa hiérarchie et sans validation de celle-ci, contrairement aux règles en vigueur, et de ne pas avoir davantage informé sa hiérarchie lors de précédents faits mettant en cause le même résident.

C’est dans ces conditions qu’une réunion d’équipe se tenait le 17 novembre 2020 avec la cheffe de service, afin de comprendre ce qui avait amené l’équipe -Monsieur [D] [M] et Madame [W] [C]- à prendre une telle décision sans validation de la hiérarchie.

Au cours des échanges, alors qu’il est indiqué à Monsieur [D] [M] qu’il ne pouvait pas prendre une telle décision, celui-ci répond que ce n’est pas à la cheffe de service de la prendre, que l’Udaf n’a pas conscience qu’elle doit protéger des personnes, que lorsqu’il gère une crise, il ne pense pas à la hiérarchie, qu’il est sur le terrain et pas derrière un bureau. Les échanges se poursuivent, et Monsieur [D] [M] explique alors : ‘qu’il était dans son rôle et son droit, qu’il est travailleur social, pas assis derrière un bureau qu’il sait, que les cadres, cadres sup et le directeur général ne comprennent pas le travail de terrain’. Il ajoute que ‘les cadres de proximité ne sont pas capables de remonter correctement les informations et les cadres sup et le directeur général ne sont pas capables de se positionner pour prendre des décisions justes’.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est donc reproché à Monsieur [D] [M] de refuser l’autorité de sa hiérarchie et l’Udaf cîte alors les propos ci-dessus rappelés.

En procédant de la sorte, l’Udaf ne sanctionne pas la liberté d’expression de Monsieur [D] [M] mais vise des propos qui viennent au soutien du grief d’insubordination.

Dans ces conditions, dès lors qu’il n’y a pas eu d’atteinte à la liberté d’expression de Monsieur [D] [M], celui-ci doit être débouté de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.

– Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Les premiers juges ont retenu que le licenciement de Monsieur [D] [M] était sans cause réelle et sérieuse, dès lors que celui-ci a été licencié, par le directeur général, sans l’avis du président, au mépris de la délégation de pouvoirs du 13 novembre 2020.

L’Udaf demande à la cour d’infirmer le jugement de ce chef. Elle prétend en effet que le directeur général avait le pouvoir de licencier Monsieur [D] [M] au regard des statuts, de la délégation générale de pouvoirs confiée au directeur et de l’avis du président.

Monsieur [D] [M] réplique que l’Udaf a produit, de façon opportune, de nouveaux documents pour ‘sauver’ la procédure de licenciement et qu’en toute hypothèse, ils sont insuffisants, dès lors que l’avis du président n’a pas été recueilli, préalablement à la décision de le licencier.

Aux termes de l’article 11 des statuts de l’Udaf, son président peut déléguer ses pouvoirs à un salarié.

L’Udaf produit aux débats une délégation de pouvoirs en date du 13 novembre 2020, aux termes de laquelle le président délègue à Monsieur [D] [M] le pouvoir ‘d’exercer le pouvoir disciplinaire et de prononcer, après avis du président, les mesures de rupture du contrat de travail disciplinaires et conventionnelles et disposer à cet effet du pouvoir de représenter l’association dans les actes de procédures prévus par les textes en viguer’.

Aux termes du document unique de délégations du même jour, ‘le directeur général dispose du pouvoir disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. En cas d’engagement d’une procédure de licenciement, il devra avoir recueilli au préalable l’avis du président’.

L’Udaf produit enfin une délégation de pouvoirs en date du 18 novembre 2020, aux termes de laquelle son président a délégué au directeur général le pouvoir de conduire la procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement à l’adresse de Monsieur [D] [M] et de prendre la sanction adéquate. Il est en outre indiqué que le directeur général se voit donc expressément déléguer le pouvoir de conduire la procédure disciplinaire, de sanctionner et le cas échéant de licencier Monsieur [D] [M].

C’est dans ces conditions que la procédure de licenciement a été engagée le 20 novembre 2020 et que le directeur général a signé la lettre de licenciement le 10 décembre 2020.

En agissant de la sorte, le directeur n’a pas licencié Monsieur [D] [M] dans les conditions de la délégation qu’il avait reçues.

En effet, le pouvoir qui lui était délégué était celui de prononcer, après avis du président, le licenciement.

L’Udaf soutient, mais à tort, que l’avis résulterait du document daté du 18 novembre 2020.

En effet, au-delà du constat qu’il s’intitule, non pas avis, mais délégation de pouvoir, dans celui-ci le président laisse au directeur général le choix de prendre la sanction adéquate, qui peut aller jusqu’au licenciement. Il n’y donne pas son avis sur le prononcé du licenciement.

En l’absence d’un tel avis, le directeur n’avait donc pas le pouvoir de licencier Monsieur [D] [M], de sorte que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

– Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le jugement doit être confirmé du chef de l’indemnité de préavis, des congés payés y afférents et de l’indemnité conventionnelle de licenciement, dont les quantum ne sont pas contestés.

S’agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [D] [M] demande la condamnation de l’Udaf à lui payer la somme de 32000 euros, tandis que l’Udaf demande qu’ils soient au plus de 8208 euros.

Monsieur [D] [M] avait une ancienneté de 14 années à la date de son licenciement. Il peut donc prétendre, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 3 et 12 mois de salaire.

Monsieur [D] [M] était âgé de 43 ans lors de son licenciement. Il a perçu l’ARE avant d’être de nouveau embauché en tant que 2M Contractuel CDD, en qualité d’éducateur spécialisé, à compter du mois de novembre 2021.

Au vu de ces éléments, l’Udaf sera condamnée à payer à Monsieur [D] [M] la somme de 16000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

– Sur l’article L.1235-4 du code du travail :

Les conditions d’application de l’article L.1235-4 du code du travail sont réunies.

– Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile :

Partie succombante, l’Udaf doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, déboutée de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Monsieur [D] [M] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, en sus de l’indemnité de procédure allouée en première instance.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré sauf du chef des dommages-intérêts pour licenciement nul,

L’infirme de ce chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Déclare Monsieur [D] [M] recevable en sa demande tendant à voir dire son licenciement nul ;

Déboute Monsieur [D] [M] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Condamne l’Udaf de la Marne à rembourser à l’organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités chômage versées au salarié, du jour de son licenciement à celui de la présente décision ;

Condamne l’Udaf de la Marne à payer à Monsieur [D] [M] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Déboute l’Udaf de la Marne de sa demande d’indemnité de procédure ;

Condamne l’Udaf de la Marne aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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