L’Essentiel : Une infirmière a été engagée par contrat de travail à temps partiel à durée indéterminée par une société spécialisée dans la gestion d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Le 25 février 2021, l’infirmière a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 11 mars 2021. Elle a été licenciée pour faute grave le 21 octobre 2021, avec des reproches concernant son manque de soutien envers ses collègues. Le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement n’était pas fondé sur une faute grave, condamnant la société à verser diverses indemnités à l’infirmière.
|
Engagement et Contexte de l’AffaireUne infirmière a été engagée par contrat de travail à temps partiel à durée indéterminée par une société spécialisée dans la gestion d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Au moment de la rupture, l’effectif de la société était supérieur à dix salariés, et elle appliquait la convention collective nationale de l’hospitalisation privée. Procédure de LicenciementLe 25 février 2021, l’infirmière a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 11 mars 2021. Suite à cet entretien, elle a été mise à pied à titre disciplinaire pour deux jours en avril 2021. Le 21 octobre 2021, elle a été licenciée pour faute grave, avec des reproches concernant son manque de soutien envers ses collègues et des négligences dans l’exécution de ses missions, notamment lors d’une journée où l’effectif était réduit. Griefs et Justifications de l’EmployeurL’employeur a reproché à l’infirmière d’avoir négligé ses responsabilités, en laissant une aide-soignante seule pour s’occuper de résidentes dépendantes, alors qu’elle était référente pour les soins des plaies. De plus, il a été signalé qu’elle n’avait pas administré les traitements nécessaires à une résidente et qu’elle avait omis de transmettre des informations cruciales à l’équipe suivante, entraînant des conséquences sur la prise en charge des résidents. Contestations de l’InfirmièreL’infirmière a contesté les accusations, arguant que l’effectif de personnel soignant était insuffisant ce jour-là, ce qui avait impacté sa capacité à remplir ses fonctions. Elle a également souligné que les manquements qui lui étaient reprochés avaient déjà été signalés dans le passé, sans que des mesures correctives ne soient mises en place par l’employeur. Décision du Conseil de Prud’hommesLe 13 janvier 2023, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement n’était pas fondé sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse. Il a condamné la société à verser diverses indemnités à l’infirmière, y compris une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité légale de licenciement. Appel de l’EmployeurLa société a interjeté appel de cette décision, demandant la requalification du licenciement en faute grave et le déboutement de l’infirmière de ses demandes. L’employeur a soutenu que les griefs étaient établis et que la salariée n’avait pas respecté ses obligations professionnelles. Arguments des Parties en AppelL’employeur a insisté sur le fait que l’infirmière n’avait pas prouvé l’existence d’un sous-effectif chronique et que les manquements étaient suffisamment graves pour justifier un licenciement pour faute grave. De son côté, l’infirmière a demandé la confirmation du jugement initial et a réclamé des indemnités supplémentaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Conclusion de la Cour d’AppelLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, considérant que les manquements de l’infirmière, bien que réels, n’étaient pas d’une gravité suffisante pour justifier un licenciement pour faute grave, surtout dans le contexte d’un effectif réduit. La cour a également condamné l’employeur à verser des indemnités pour les frais engagés par l’infirmière durant la procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la faute grave justifiant un licenciement ?La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Selon la jurisprudence, le licenciement pour faute grave doit être justifié par des éléments concrets et précis. L’employeur doit prouver que les faits reprochés sont établis, imputables au salarié et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise. L’article L1234-1 du Code du travail stipule que : « Le licenciement d’un salarié ne peut être prononcé que pour une cause réelle et sérieuse. » Il est également précisé que la preuve des faits constitutifs de la faute grave incombe exclusivement à l’employeur. Le juge doit apprécier, au vu des éléments de preuve, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis et suffisamment graves pour justifier le licenciement. Le doute doit bénéficier au salarié, ce qui signifie que si les éléments de preuve ne sont pas concluants, le licenciement ne peut être validé. Comment la jurisprudence évalue-t-elle les manquements d’un salarié dans le cadre de son licenciement ?La jurisprudence évalue les manquements d’un salarié en tenant compte de plusieurs critères, notamment la gravité des faits reprochés, le contexte dans lequel ils se sont produits, et les antécédents disciplinaires du salarié. Dans le cas présent, il a été établi que la salariée, en charge de quarante résidents, a été confrontée à un effectif incomplet le jour des faits. L’article L1232-1 du Code du travail précise que : « Tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. » Ainsi, même si des manquements sont constatés, leur gravité doit être mise en perspective avec les conditions de travail du salarié. Les manquements doivent être suffisamment graves pour justifier un licenciement, mais le contexte, tel qu’un sous-effectif, peut atténuer la responsabilité du salarié. Il est donc essentiel d’examiner si les manquements sont isolés ou récurrents et s’ils ont eu un impact significatif sur le fonctionnement de l’établissement. Quelles sont les conséquences d’un licenciement requalifié pour cause réelle et sérieuse ?Lorsqu’un licenciement est requalifié pour cause réelle et sérieuse, cela entraîne des conséquences financières pour l’employeur, notamment en matière d’indemnités. L’article L1234-5 du Code du travail stipule que : « En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire. » Dans le cas présent, la salariée a obtenu des indemnités compensatrices de préavis, d’indemnité légale de licenciement, ainsi que des rappels de salaires non versés. Ces indemnités sont calculées sur la base du salaire de référence, qui a été fixé à 2 880 euros. L’employeur est également tenu de verser des intérêts légaux sur les sommes dues à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, conformément à l’article 1231-6 du Code civil, qui précise que : « Les intérêts sont dus de plein droit à compter de la mise en demeure. » Ainsi, la requalification du licenciement a des implications financières significatives pour l’employeur, qui doit s’acquitter des sommes dues au salarié. Quels sont les droits d’un salarié en cas de licenciement contesté ?Un salarié a plusieurs droits en cas de licenciement contesté, notamment le droit de contester la décision devant le conseil de prud’hommes. L’article L1235-1 du Code du travail précise que : « Le salarié peut contester la régularité et le bien-fondé de son licenciement. » Il a également le droit de demander des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement des sommes dues, telles que les indemnités de préavis et de congés payés. En cas de contestation, le salarié peut demander la réintégration dans l’entreprise ou, à défaut, des dommages et intérêts. L’article 700 du Code de procédure civile permet également au salarié de demander le remboursement de ses frais de justice, ce qui peut inclure les honoraires d’avocat. Il est donc essentiel pour un salarié de bien connaître ses droits et de se faire accompagner par un professionnel du droit pour défendre ses intérêts en cas de licenciement contesté. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 FEVRIER 2025
N° RG 23/00423
N° Portalis DBV3-V-B7H-VVUR
AFFAIRE :
Société REPOTEL [Localité 3]
C/
[Z] [N]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 janvier 2023 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de [Localité 5]
Section : AD
N° RG : F 22/00103
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Claire SELLERIN-CLABASSI
Me Blandine SIBENALER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société REPOTEL [Localité 3]
N° SIRET: 338 344 427
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentant : Me Claire SELLERIN-CLABASSI, avocat au barreau d’ESSONNE
APPELANTE
****************
Madame [Z] [N]
née le 3 avril 1974 à [Localité 4]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Blandine SIBENALER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R286
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 6 décembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Mme [N] a été engagée en qualité d’infirmière, par contrat de travail à temps partiel à durée indéterminée, à compter du 14 janvier 2017 par la société Repotel [Localité 3].
Cette société est spécialisée dans la gestion d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de dix salariés. Elle applique la convention collective nationale de l’hospitalisation privée.
Par lettre du 25 février 2021, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 11 mars 2021. Par lettre du 22 mars 2021, Mme [N] a été mise à pied à titre disciplinaire pour une durée de deux jours le 13 avril 2021 et le 22 avril 2021.
Convoquée par lettre du 5 octobre 2021 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 15 octobre 2021, et mise à pied à titre conservatoire, Mme [N] a été licenciée par lettre du 21 octobre 2021 pour faute grave dans les termes suivants :
« (‘) Je fais suite à notre entretien du 15 octobre dernier, préalable à une mesure de licenciement que j’envisageais de prendre à votre encontre et au cours duquel vous étiez assistée d’un conseiller extérieur, où je vous ai exposé les faits reprochés.
Votre manque de soutien auprès de vos collègues et vos négligences dans l’exécution de vos missions d’infirmière favorisent l’insécurité de la prise en charge des résidents.
A titre d’exemples, le dimanche 3 octobre 2021, les professionnels soignants ont été contraints de travailler en « mode dégradé » en raison de l’absence de trois aides-soignantes.
Bien que parfaitement informée et consciente de la difficulté organisationnelle, vous avez refusé de porter assistance à vos collègues pour les soins de nursing dans les étages en sous-effectifs au motif « de ne pas avoir le temps ».
En outre, en tant que référente « escarres, plaies et cicatrisation » depuis le 3 juillet 2019, vous êtes l’interlocutrice privilégiée des professionnels rencontrant des problèmes devant une situation de soin comportant la prise en charge des plaies sur tout l’établissement.
Il s’avère que ce jour-là, vous avez procédé au changement de pansement de Mme [G], résidente ayant toutes ses facultés. Vous avez laissé seule l’aide-soignante, Madame [R], opérer le changement du pansement des résidentes Mesdames [H] et [B] qui nécessitent quant à elles une prise en charge en binôme en raison de leur état de dépendance aggravée.
Face à l’importance de la plaie de Madame [H] et pour éviter l’aggravation de la plaie de Madame [Y], vous auriez dû apporter votre aide et expertise auprès de la soignante qui, au demeurant, était seule à cet étage.
Vous avez laissé l’aide-soignante face à ses difficultés et son incertitude ce qui est contraire au référentiel et à nos valeurs.
De plus j’ai été alertée sur votre manque d’implication dans l’évaluation des échelles de suivi des risques escarres de nos résidents. Au titre de référente, vous avez des responsabilités et vous ne pouvez pas vous contenter de réaliser ces évaluations que de temps en temps !
Par ailleurs, je déplore de nouveau votre négligence dans la prise en charge des résidents. Ainsi, toujours ce 3 octobre 2021, l’infirmière Madame [V] a constaté que vous n’aviez pas appliqué le traitement de Madame L. depuis plusieurs jours ; ce que vous m’avez confirmé lors de l’entretien.
Je vous rappelle, une fois encore, que vous êtes infirmière, il est donc de votre responsabilité de vous assurer que nos résidents aient leurs traitements. Vous avez été sanctionnée pour des faits similaires en mars 2021. Force est de constater que vous n’avez pas pris la pleine mesure de l’importance du courrier.
Enfin, je ne peux accepter que vous fassiez des transmissions écrites en dehors de votre temps et lieu de travail, comme ce fut le cas ce lundi 4 octobre 2021 entre 21 heures et 22 heures. Toutes les informations relatives à l’état de santé des résidents doivent pouvoir être connues par les équipes dès leur prise de poste, il en va de la sécurité de ces derniers.
Que ces transmissions soient écrites ou orales, elles sont essentielles à la qualité et au suivi de la prise en charge des résidents : le 4 octobre 2021, vous avez « omis » d’informer l’équipe de la nécessité que Madame [A], soit à jeun pour son rendez-vous médical. Faute de communication, le rendez-vous médical a dû être annulé et reporté à une date ultérieure au détriment de la qualité de la prise en charge de la résidente.
Ces exemples ne sont malheureusement pas exhaustifs et je ne peux être assurée de votre bien-traitance lorsque je sais que vous n’effectuez pas votre travail avec sérieux et je ne peux également être garante du bon fonctionnement de l’établissement lorsque diverses plaintes mettent en exergue votre comportement peu collaboratif et participatif.
Cette situation ne saurait plus longtemps perdurer sans préjudice pour les résidents et les salariés de l’établissement. Aussi, je suis au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité. Votre licenciement prend effet dès ce jour.
La période de mise à pied à titre conservatoire ne vous sera pas rémunérée. (‘) ».
Par requête du 18 février 2022, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Rambouillet aux fins de contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 13 janvier 2023, le conseil de prud’hommes de Rambouillet (section activités diverses) a :
. dit et jugé que le licenciement de Mme [N] n’est pas fondé sur une faute grave,
. requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
. fixé le salaire de référence de Mme [N] à 2 880 euros,
. condamné la SAS Repotel [Localité 3] à verser à Mme [N] les sommes de :
. 5 760 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis
. 576 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
. 2 880 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
. 1 326, 43 euros au titre de rappel de salaires non versés pendant la période de mis à pied à titre conservatoire
. 132,64 euros au titre des congés payés afférents
. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
. ordonné l’exécution provisoire du jugement à intervenir en application de l’article 515 du code de procédure civile,
. dit que les sommes porteront intérêts légaux à compter de la saisine du conseil,
. condamné la SAS Repotel [Localité 3] aux entiers dépens y compris les frais d’exécution déjà exposés et éventuels,
. débouté Mme [N] pour le surplus de ses demandes,
. débouté la SAS Repotel [Localité 3] de sa demande reconventionnelle.
Par déclaration adressée au greffe le 10 février 2023, la société Repotel [Localité 3] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 5 novembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Repotel [Localité 3] demande à la cour de :
. recevoir la société Repotel [Localité 3] en ses demandes, fins et conclusions et l’y déclarer bien fondée,
. Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le licenciement prononcé pour faute grave de Mme [N] le 21 octobre 2021 en licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamné la Société Repotel [Localité 3] à indemniser Mme [N] à ce titre,
Statuant à nouveau,
. juger que le licenciement repose sur une faute grave,
Par conséquent,
. Débouter Mme [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions tendant à la contestation de son licenciement.
. Ordonner la restitution de l’intégralité des sommes versées par la société Repotel [Localité 3] au titre de l’exécution provisoire, avec intérêt au taux légal à compter de leur perception le 13 février 2023.
Sur l’appel incident,
. débouter Mme [N] de sa demande d’infirmation du jugement en ce qu’il a considéré que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de toutes les demandes, fi ns et conclusions afférentes à cette demande,
En tout état de cause,
. condamner Mme [N] à verser à la société Repotel [Localité 3] une somme de 3 000 euros pour compenser partiellement les frais irrépétibles engagés par l’appelante, tant au titre de la première instance que de l’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
. condamner Mme [N] aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [N] demande à la cour de :
. Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Repotel [Localité 3] à verser à Mme [N] les sommes suivantes :
. 5 760 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 576 euros au titre des congés payés afférents,
. 2 880 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
. 1 326,43 euros au titre du salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, ainsi que la somme de 132,64 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
. Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
. condamner la SAS Repotel [Localité 3] à verser à Mme [N] la somme de 11 520 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
. condamner la SAS Repotel [Localité 3] à verser à Mme [N] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 code de procédure civil au titre de la procédure d’appel,
. débouter la SAS Repotel [Localité 3] de ses demandes,
. condamner la SAS Repotel [Localité 3] aux dépens.
Sur le licenciement
L’employeur soutient que la salariée n’établit pas la réalité du sous-effectif chronique qu’elle dénonce. Il ajoute, s’agissant de la journée du dimanche 3 octobre 2021, que comme tous les week-ends, l’effectif habituel était de deux infirmières, chacune d’entre elle ayant la charge de deux des quatre étages de l’établissement et qu’en ce qui concerne les aides-soignantes, elles étaient quatre à la prise de poste, une ayant été récupérée dans la matinée à son domicile par la directrice en raison d’un problème de transport de sorte qu’elle a été en retard, et une n’a pu se rendre au travail étant malade de sorte que l’effectif des aides soignantes était quasiment complet puisque sur les sept prévues sur le planning, une seule était absente. L’employeur expose enfin que les griefs retenus dans la lettre de licenciement sont établis.
En réplique, la salariée expose que l’employeur n’établit pas les griefs qu’elle invoque et ne caractérise pas non plus leur gravité. Elle rappelle ses conditions de travail et en particulier, le fait que le personnel soignant de la société Repotel [Localité 3] travaillait en situation de sous-effectif chronique en raison de l’absentéisme et de la difficulté de recruter du personnel. En particulier, elle fait valoir que le jour des faits qui lui sont reprochés ‘ dimanche 3 octobre 2021 ‘ seules deux infirmières (dont elle) étaient présentes dans l’établissement qui comporte quatre étages avec vingt résidents par étage et seules trois aides-soignants étaient présents au lieu de sept. Elle précise que sur ces trois aides-soignants, un seul était affecté aux deux étages dont elle avait la charge, deux autres s’étant présentés, mais, plus tard dans la journée du 3 octobre.
***
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l’employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.
En l’espèce, la salariée a été licenciée pour faute grave le 21 octobre 2021 pour des manquements relatifs à l’organisation des soins et à leur réalisation.
Lors des faits reprochés à la salariée le dimanche 3 octobre 2021, il ressort des débats qu’elle était en charge de quarante résidents. Il n’est pas discuté que ce jour-là, l’une des aide-soignantes qui devait l’assister a été en retard et qu’une autre était absente ce qui conduit l’employeur à conclure que l’effectif était « quasiment complet ».
L’effectif du personnel soignant, le 3 octobre 2021, n’était donc pas complet ce qui caractérise, ainsi que le soutient à juste titre la salariée, non pas un sous-effectif chronique, mais au moins un sous-effectif le jour des faits.
Ceci étant précisé, plusieurs griefs sont imputés à la salariée tenant à un manque de soutien auprès de ses collègues et à des négligences.
Il est reproché à la salariée d’avoir pris en charge le pansement d’une résidente valide et ayant toutes ses facultés et d’avoir laissé une aide-soignante s’occuper du changement de pansement de deux autres résidentes qui, elles, étaient fortement dépendantes ce qui nécessitait une prise en charge en binôme, alors pourtant que la salariée était « référente plaies » et avait reçu une formation spécifique sur ce type de traitement.
Par sa pièce 17, l’employeur établit que la salariée a suivi une formation sur la prise en charge des plaies et qu’elle était référente « escarres, plaies et cicatrisation » au sein de l’établissement depuis le 3 juillet 2019.
Dans la « fiche de signalement d’événement indésirable » qu’elle a renseignée le 3 octobre 2021, Mme [O], aide soignante présente dans l’établissement ce jour-là, a relevé : « le 3 octobre, alors que j’étais toute seule et ma collègue absente, je me suis trouvée à faire le pansement de Mme [P] car ce dernier n’a pas été fait par [la salariée] et cette situation est récurrente. ». Mme [O] confirme son propos par une attestation dans laquelle elle ajoute que le pansement qu’elle a réalisé pour « Mme [P] » était un pansement d’escarre, étant précisé que selon Mme [C], psychologue clinicienne, Mme [P] (née le 9 août 1932) présentait une « altération cognitive sévère ».
Néanmoins, la salariée produit le témoignage de deux collègues ‘ Mmes [X] et de [W] ‘ dont il ressort que Mme [O] réalisait fréquemment seule les pansements de Mme [P], Mme [X] ajoutant que « de temps en temps » Mme [O] « se portait volontaire disant que [la salariée] avait peut-être trop à faire et à ce moment [Mme [O]] faisait le pansement surtout celui de Mme [H] ».
Quant au changement du pansement de « Mme [B] », l’employeur n’apporte aux débats aucun élément de nature à établir que le pansement de cette résidente a été changé par une aide soignante en lieu et place de la salariée.
En revanche, dans la « fiche de signalement d’événement indésirable » qu’elle a renseignée le 3 octobre 2021, Mme [K], l’autre infirmière présente dans l’établissement ce jour-là, a relevé : « le 3 octobre il nous manquait deux soignants sur l’établissement. J’ai demandé à ma collègue [infirmière diplômée d’État] de m’aider à faire certaines toilettes, le temps que l'[aide soignante] arrive. Elle a refusé. J’ai réalisé la toilette de Mme L et je me suis rendue compte qu’elle ne lui avait pas donné (‘) son [traitement] ; je lui ai posé la question elle m’a répondu qu’elle avait oublié de le faire. »
Cet oubli, qui est ici établi, n’est en outre pas isolé puisque déjà à deux reprises en février 2021, la salariée avait oublié d’administrer à une résidente son traitement antibiotique et son suppositoire, ce qui avait d’ailleurs déterminé l’employeur à la sanctionner par une mise à pied disciplinaire le 22 mars 2021, que la salariée n’a pas contestée.
En ce qui concerne la nécessité de transmettre par écrit, les consignes à l’équipe de soignants suivante, l’employeur prend pour exemple le fait que le 4 octobre 2021, une résidente (« Mme [U] ») devait subir un examen qui supposait qu’elle soit à jeun. Il n’est pas discuté qu’en sa qualité d’infirmière, la salariée aurait dû, le 3 octobre au soir, prévenir l’équipe soignante du lendemain qu’il convenait de ne pas lui servir de petit déjeuner. Tel n’a cependant pas été le cas puisque dans dans la « fiche de signalement d’événement indésirable » qu’elle a renseignée le 4 octobre 2021, Mme [F], une autre infirmière, a relevé : « Mme [U] devait avoir un examen à l’extérieur (‘). N’a pas pu l’avoir car l’IDE n’a pas prévenu l’ASH de ne pas lui servir le petit déjeuner. Fille prévenue car elle était accompagnante et RDV repris pour le 14/10 même heure. Ambulance annulée et reprogrammée pour le 14/10 ».
Le manquement est ici établi et au demeurant non contesté.
Il est aussi reproché à la salariée d’avoir fait des transmissions écrites à l’équipe médicale suivante. A cet égard, il n’est pas discuté que le service de la salariée s’achevait à 20h00, que l’équipe de soignants suivante prenait pour sa part son service à 20h00 et que les transmissions d’informations sur les patients doivent être oralement données à l’occasion de la relève d’une équipe par une autre. Néanmoins, le seul fait que la salariée ait, entre 21 heures et 22 heures le 4 octobre 2021, adressé par écrit ses transmissions comme le montre la pièce 35 produite par l’employeur, n’établit pas qu’elle ne les a pas préalablement données par oral à l’équipe suivante, dès la relève de 20h00. Le manquement n’est donc pas établi de ce chef.
Enfin, du témoignage de Mme [S], il ressort que « le référent plaies et cicatrisation réalise l’échelle de Braden dans les jours qui suivent l’entrée (3 à 5 jours au maximum) des résidents afin d’évaluer les risques d’escarre à l’entrée » ce qui permet de mettre en ‘uvre des moyens de prévention et que selon une extraction des données du logiciel de suivi, les évaluations par le référent escarres, plaies et cicatrisation n’ont pas été réalisées dans les délais, certains résidents n’ayant bénéficié d’aucune évaluation. Il en résulte qu’est démontrée la réalité du grief retenu de ce chef par l’employeur, dès lors que la salariée était référente « escarres, plaies et cicatrisation » au sein de l’établissement depuis le 3 juillet 2019.
Les griefs retenus par la cour caractérisent à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors que des manquements de même nature avaient déjà été reprochés à la salariée quelques mois plus tôt.
En ce qui concerne leur gravité, il convient de tenir compte du fait que le jour des derniers manquements de la salariée, l’effectif des aides-soignantes n’était pas complet ce qui a nécessairement eu pour effet d’augmenter le volume des tâches que la salariée devait accomplir. Sans les expliquer totalement, le fait que les effectifs n’aient pas été au complet ôte aux manquements de la salariée le degré de gravité que l’employeur leur prête.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il sera également confirmé en ce qui concerne les indemnités de rupture et rappel de salaire sur mise à pied accordés à la salariée, lesdits rappels et indemnités n’étant pas discutés en leur quantum.
Il sera enfin confirmé en ce qu’il déboute la salariée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens de la procédure d’appel, sa condamnation aux dépens de première instance étant confirmée.
Il conviendra, outre de confirmer le jugement en ce qu’il condamne l’employeur à payer à la salariée une indemnité de euros 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance, de le condamner à payer à la salariée une indemnité de 3 000 euros sur le même fondement, au titre des frais exposés en appel.
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Repotel [Localité 3] à payer à Mme [N] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Repotel [Localité 3] aux dépens de la procédure d’appel.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
Laisser un commentaire