Licenciement contesté pour erreurs comptables et état de santé

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Licenciement contesté pour erreurs comptables et état de santé

L’Essentiel : La SARL PMC a licencié Mme [I] pour faute simple en raison d’erreurs comptables significatives, entraînant un écart de 95 833 €. Après avoir contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, Mme [I] a vu sa demande rejetée le 16 avril 2024. En appel, elle a demandé la nullité de son licenciement et des dommages-intérêts, tandis que la SARL PMC a réclamé la confirmation du jugement initial. La cour a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, rejetant les allégations de discrimination et confirmant le jugement du conseil de prud’hommes. Mme [I] a été condamnée aux dépens d’appel.

Contexte de l’affaire

La SARL PMC, spécialisée dans les prestations de services et conseils en administration, gestion et organisation, a engagé Mme [W] [I] en tant que comptable-gestionnaire le 18 mai 2020. Au moment de la rupture, l’entreprise comptait moins de 11 salariés. Mme [I] a connu plusieurs modifications de son contrat, notamment en ce qui concerne son classement et son salaire, qui est passé à 2 230 € brut par mois.

Arrêts de travail et licenciement

Mme [I] a été placée en arrêt de travail à deux reprises, d’abord du 18 janvier au 4 mars 2022, puis du 30 mars au 30 juin 2022. Le 31 mai 2022, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement, qui a eu lieu le 10 juin 2022. Elle a été licenciée pour faute simple le 14 juin 2022, en raison d’erreurs comptables significatives ayant entraîné un écart de 95 833 € dans les résultats d’une société du groupe.

Contestations de Mme [I]

Le 29 mars 2023, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et réclamer des sommes dues, y compris un rappel de salaire pour heures supplémentaires. Elle a également demandé la remise de documents de fin de contrat rectifiés. La SARL PMC a contesté ces demandes et a réclamé des frais de procédure.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 16 avril 2024, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [I] de toutes ses prétentions et a également rejeté la demande d’indemnité de procédure de la SARL PMC. Mme [I] a ensuite interjeté appel de cette décision le 13 mai 2024.

Arguments des parties en appel

Mme [I] a demandé à la cour de déclarer son licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, tout en réclamant des dommages-intérêts et un rappel de salaire pour heures supplémentaires. De son côté, la SARL PMC a demandé la confirmation du jugement initial et a réclamé des frais de procédure.

Motifs de la décision de la cour

La cour a examiné la légitimité du licenciement de Mme [I], en se basant sur les erreurs comptables qu’elle avait reconnues. Elle a conclu que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, rejetant les allégations de discrimination liées à l’état de santé de Mme [I]. La cour a également noté que les griefs n’étaient pas prescrits et que les erreurs commises par Mme [I] étaient suffisamment graves pour justifier son licenciement.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes dans toutes ses dispositions, déboutant Mme [I] de ses demandes et condamnant la SARL PMC à supporter ses propres frais de procédure. Mme [I] a été condamnée aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

1) Le licenciement de Mme [I] est-il nul en raison de son état de santé ?

Le licenciement de Mme [I] est contesté sur la base de l’article L. 1132-1 du Code du travail, qui stipule qu’aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé.

Cet article vise à protéger les salariés contre toute forme de discrimination liée à leur santé. En l’espèce, Mme [I] soutient que son licenciement est intervenu en raison de son état de santé, notamment un burn-out, et que l’employeur a agi en représailles à ses arrêts de travail.

Cependant, la cour a constaté que les éléments fournis par Mme [I], tels que ses avis d’arrêt de travail, ne démontraient pas de manière concluante qu’elle avait subi un burn-out.

De plus, la concomitance entre ses arrêts de travail et le licenciement ne suffit pas à établir une discrimination. L’employeur a pu prouver que le licenciement était fondé sur des erreurs professionnelles, ce qui a conduit à la décision de la cour de rejeter la demande de nullité du licenciement.

2) Le licenciement de Mme [I] est-il sans cause réelle et sérieuse ?

L’article L. 1235-1 du Code du travail précise que le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité, tandis que la cause sérieuse doit être suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail.

Dans cette affaire, la cour a examiné les griefs formulés par l’employeur, qui incluent des erreurs comptables significatives commises par Mme [I].

Les erreurs, telles que la récupération indue de la TVA et la non-comptabilisation de provisions, ont été reconnues par Mme [I] lors de l’entretien préalable.

La cour a conclu que ces fautes étaient suffisamment graves pour justifier le licenciement, et a donc confirmé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

3) Mme [I] a-t-elle droit à un rappel de salaire pour heures supplémentaires ?

L’article L. 3171-4 du Code du travail stipule qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, il appartient au salarié de fournir des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande.

Dans le cas présent, Mme [I] a réclamé un rappel de salaire pour 65 heures supplémentaires non réglées. Cependant, elle n’a pas fourni de preuves suffisantes pour étayer ses allégations.

Les documents présentés, tels qu’un tableau des heures supplémentaires et une attestation vague, ne permettent pas à l’employeur de répondre de manière utile.

En conséquence, la cour a jugé que la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires devait être rejetée, confirmant ainsi le jugement de première instance.

4) Mme [I] a-t-elle droit à la remise de documents de fin de contrat conformes ?

La demande de Mme [I] concernant la remise de documents de fin de contrat, tels qu’une attestation Pôle emploi et un certificat de travail, repose sur l’obligation de l’employeur de fournir ces documents à la fin d’une relation de travail.

Cependant, la cour a constaté que la demande n’était pas fondée, car le licenciement de Mme [I] a été jugé valide.

En conséquence, la cour a confirmé le jugement de première instance, déboutant Mme [I] de sa demande de remise de documents de fin de contrat conformes.

Ainsi, la SARL PMC n’était pas tenue de fournir ces documents, étant donné que le licenciement était justifié.

SD/CV

N° RG 24/00455

N° Portalis DBVD-V-B7I-DUTK

Décision attaquée :

du 16 avril 2024

Origine :

conseil de prud’hommes – formation paritaire de BOURGES

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Mme [W] [I]

C/

S.A.R.L. PMC

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Expéd. – Grosse

Me CABAT 17.1.25

Me PIGNOL 17.1.25

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 17 JANVIER 2025

8 Pages

APPELANTE :

Madame [W] [I]

[Adresse 2]

Représentée par Me Noémie CABAT de la SELARL AVARICUM JURIS, substituée par Me Angélina MONICAULT, avocates au barreau de BOURGES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro C-18033-2024-1775 du 04/06/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BOURGES)

INTIMÉE :

S.A.R.L. PMC

[Adresse 1]

Représentée par Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre, rapporteur

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

Arrêt du 17 janvier 2025 – page 2

DÉBATS : À l’audience publique du 06 décembre 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 17 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 17 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL PMC exploite une activité de prestations de services et conseils dans le domaine de l’administration, la gestion et l’organisation et employait moins de 11 salariés au moment de la rupture.

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 18 mai 2020, Mme [W] [I] a été engagée par cette société en qualité de comptable-gestionnaire paie-gestion du personnel-technicien qualifié 2ème degré, niveau E1, coefficient 240, moyennant un salaire brut mensuel de 2 000 €, contre 35 heures de travail effectif par semaine.

Suivant avenant en date du 3 décembre 2020, les parties, rectifiant les erreurs matérielles affectant le contrat de travail de Mme [I], ont convenu qu’elle était engagée depuis le début de la relation contractuelle en qualité de Comptable-gestion du personnel, technicien hautement qualifié, niveau E1, coefficient 240.

En dernier lieu, Mme [I] était classée palier 16, niveau 250, et percevait un salaire brut mensuel de 2 230 € contre une durée du travail inchangée.

La convention collective nationale des organismes de formation s’est appliquée à la relation de travail.

Elle a été placée en arrêt de travail du 18 janvier au 4 mars 2022 puis du 30 mars au 30 juin 2022.

Mme [I] a été, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 mai 2022, convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 10 juin 2022, puis a été licenciée pour faute simple le 14 juin 2022.

Le 29 mars 2023, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourges, section activités diverses, en contestation de son licenciement et paiement de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail et d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires non réglées, outre les congés payés afférents.

Elle réclamait également la remise sous astreinte d’un bulletin de salaire et de documents de fin de contrat rectifiés outre une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL PMC s’est opposée à ses prétentions et a réclamé une somme pour ses frais de procédure.

Par jugement du 16 avril 2024, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [I] de l’ensemble de ses prétentions et la SARL PMC de sa demande d’indemnité de procédure, et a condamné la salariée aux entiers dépens.

Arrêt du 17 janvier 2025 – page 3

Le 13 mai 2024, par voie électronique, Mme [I] a régulièrement relevé appel de cette décision.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de Mme [I] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 4 novembre 2024, poursuivant l’infirmation du jugement dont appel, sauf en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande en paiement d’une indemnité de procédure, elle réclame que la cour :

à titre principal, dise son licenciement nul et condamne la SARL PMC au paiement de la somme de 13 380 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

à titre subsidiaire, dise son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la SARL PMC au paiement de la somme de 7 805 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause :

– condamne l’employeur à lui payer la somme de 1 030,69 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 103,06 euros au titre des congés payés afférents,

– lui ordonne sous astreinte de lui remettre une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire conformes,

– le condamne au paiement de la somme de 2 000 euros dans l’hypothèse où elle renoncerait à l’aide juridictionnelle, ainsi qu’aux entiers dépens, et le déboute de ses prétentions.

2 ) Ceux de la SARL PMC :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 20 novembre 2024, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [I] de l’ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à tous les dépens.

* * * * * *

La clôture de la procédure est intervenue le 4 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la contestation du licenciement et les demandes indemnitaires subséquentes :

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige mais est trop longue pour être intégralement reproduite, est ainsi rédigée :

‘Madame,

(…)Vous êtes embauchée au sein de notre société depuis le 18 mai 2020 en qualité de comptable-gestion du personnel.

Dans le cadre de votre travail, vous êtes amenée à établir la comptabilité de plusieurs sociétés du groupe et notamment la société CONCEPT PARTENAIRE ENTREPRISES (CPE).

Arrêt du 17 janvier 2025 – page 4

Le 31 mars 2022, notre expert-comptable a organisé une réunion avec nous pour évoquer les résultats des différentes sociétés sur l’année 2021 et notamment ceux de la société CPE que vous aviez réalisés et qui devaient être de 35 072 euros sur la base des informations que vous aviez saisies.

À notre grande surprise, l’expert-comptable nous a annoncé qu’en réalité, le résultat de la société CPE était déficitaire pour un montant de 60 761 € soit un écart de 95 833 €.

Les jours suivants, nous avons recherché la cause d’un si grand écart entre vos résultats et ceux de l’expert-comptable.

Finalement, lors d’une nouvelle réunion qui s’est tenue le 6 avril 2022, nous avons pu confronter nos recherches respectives et identifier la cause de cet écart.

Il est ainsi apparu que vous aviez commis de nombreuses erreurs à savoir :

– Récupération indue de la TVA sur les loyers, l’entretien, le carburant des véhicules de tourisme pour un montant de 4 027,15€

– Non comptabilisation de la sortie en charge d’un véhicule immobilisé cédé pour un montant de 19 913,83€

– Non comptabilisation de la provision de congés payés pour un montant de 5217,86€

– Non comptabilisation des dotations aux amortissements pour un montant de 77 110€

De par leurs nombres et leurs ampleurs, ces erreurs constituent une faute de votre part d’autant que cela a nécessité pour la société CPE de revoir intégralement son business plan pour l’année 2022.

Lors de l’entretien au cours duquel vous êtes venue assistée, vous avez reconnu les deux premiers griefs concernant la TVA et le véhicule.

En revanche, concernant la provision de congés payés et de dotation aux amortissements, vous avez rejeté la faute sur l’expert-comptable indiquant que ces opérations auraient dû être effectuées par lui. Cependant et contrairement à ce que vous prétendez, il vous appartenait bien de réaliser ces opérations ;

Après réflexion, j’ai décidé de vous notifier votre licenciement pour faute simple. (…)’.

Mme [I] invoque d’abord que son licenciement est nul, en soutenant que placée en arrêt de travail à compter du 30 mars 2022 en raison d’un burn out, ce que montreraient ses avis d’arrêt de travail mentionnant une dépression et un stress, son employeur l’a licenciée en raison de son état de santé.

Elle reproche aux premiers juges d’avoir rejeté sa contestation en retenant que la SARL PMC pouvait la licencier dès lors qu’elle n’était pas placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle et qu’elle a commis une faute justifiant cette mesure, alors même que l’employeur, irrité par ses arrêts de travail, a inventé des faits pour pouvoir la licencier et qu’aucun reproche ne lui a jamais été fait durant la relation de travail.

La SARL PMC conclut au rejet de cette demande, en faisant valoir que le simple fait que Mme [I] ait été licenciée pour faute simple alors que son contrat de travail était suspendu constituait pour elle une simple faculté de sorte que la salariée est mal fondée à invoquer un motif discriminatoire. Elle ajoute que d’une part, Mme [I] ne présente aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination et d’autre part, que le prononcé d’un licenciement n’est pas conditionné à l’existence de sanctions préalables.

L’article L. 1132-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé.

L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant suppose l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Arrêt du 17 janvier 2025 – page 5

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, Mme [I] produit à l’appui de ses allégations :

– ses avis d’arrêt de travail des 20 janvier, 24 janvier, 14 et 25 février 2022, mentionnant ‘NCB gauche’, soit des névralgies,

– ses avis d’arrêt de travail lui prescrivant un arrêt de travail du 30 mars au 30 juillet 2022, trois d’entre eux mentionnant un stress et une dépression,

– le témoignage de M. [Z] [R], dont la copie est totalement illisible.

Au regard de ces seuls éléments, il ne se trouve pas matériellement établi que Mme [I] a subi un burn out à compter du 30 mars 2022 ainsi qu’elle le prétend, ni que l’employeur a agi en représailles de ses arrêts de travail, la concomitance qu’elle avance entre ceux-ci et l’engagement de la procédure de licenciement ne constituant pas un élément suffisant laissant supposer qu’elle a subi une discrimination, dès lors qu’arrêtée les 18 et 19 janvier 2022 pour un enfant malade selon les mentions portées sur son bulletin de salaire puis du 20 janvier au 4 mars pour des névralgies, elle a repris ensuite son poste, avant d’être à nouveau placée en arrêt de travail à compter du 30 mars 2022.

Il s’en déduit que le moyen tiré de la nullité du licenciement discriminatoire en raison de l’état de santé doit être écarté.

Mme [I] prétend encore que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors qu’elle n’a pas reconnu les faits, même partiellement, que son contrat de travail prévoyait qu’elle exerce ses fonctions exclusivement pour le compte de la société PMC et non pour une société CPE et qu’enfin, les griefs visés dans la lettre de licenciement sont prescrits, l’employeur en ayant nécessairement eu connaissance plus de deux mois avant l’engagement de la procédure. Elle ajoute qu’il ne lui incombait pas de réaliser les tâches concernées par les erreurs qui lui sont reprochées.

L’article L. 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié.

La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être existante et exacte ce qui oblige le juge à vérifier que d’autres faits allégués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement. La cause sérieuse est celle d’une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Seuls les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs professionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié peuvent être considérés comme fautifs.

En l’espèce, ainsi que le souligne l’employeur, le compte-rendu de l’entretien préalable établit que Mme [I] a reconnu avoir commis l’erreur relative à la récupération de la TVA, en l’expliquant par une méconnaissance de sa part.

Il n’est pas contesté que la salariée a été engagée par la SARL PMC en qualité de comptable et que la société avait pour activité des prestations de service et conseils dans le domaine de l’administration, la gestion et l’organisation d’autres sociétés. C’est donc vainement qu’elle prétend qu’il ne peut lui être reproché des erreurs commises au détriment de la société CPE, alors qu’au

surplus, l’employeur établit par sa pièce 5 que les deux sociétés appartenaient au même groupe

Arrêt du 17 janvier 2025 – page 6

quand sa pièce 8 démontre qu’un contrat de prestation de conseil et d’assistance a été mis en place le 1er novembre 2010 dans le domaine comptable et financier entre les deux sociétés.

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Il résulte des pièces versées aux débats que l’employeur a eu connaissance d’erreurs comptables le 4 avril 2022, à la suite de quoi une réunion a été organisée le 6 avril 2022 pour procéder à l’analyse de leur cause, ce dont il a été informé par un courrier du 5 mai 2022 que lui a adressé son expert-comptable, mettant en évidence que les erreurs sur la comptabilité, notamment de la société CPE, provenaient du compte de résultat erroné établi par Mme [I] pour l’année 2021. La SARL PMC a donc eu une exacte connaissance des faits à cette date. La procédure de licenciement ayant été engagée le 31 mai 2022, soit dans les deux mois qui ont suivi sa pleine connaissance des fautes commises par sa salariée, les griefs articulés contre elle ne sont pas prescrits.

Pour démontrer la réalité de ceux-ci, la SARL PMC produit le courrier de son expert-comptable, M. [K] [M], exerçant au sein de la Cogep, qui date du 5 mai 2022 et est rédigé dans les termes suivants :

‘Monsieur,

Je vous confirme que lors de notre intervention de révision des bilans 2021 des sociétés de votre groupe, nous avons relevé des erreurs sur la comptabilité, notamment de la Société CPE.

Vous aviez demandé, avant notre intervention annuelle, à votre comptable, Mme [W] [I], un compte de résultat 2021 qui devait vous servir afin de prendre des décisions de gestion.

Il en a ressorti que ce compte de résultat, avant notre intervention, affichait les erreurs dont vous trouverez ci-après la synthèse :

– Récupération indue de la TVA sur les loyers, l’entretien, le carburant des véhicules de tourisme pour 4 027,15 euros,

– Non comptabilisation de la sortie en charge d’un véhicule immobilisé cédé pour un montant de 19 913,83 euros,

– Non comptabilisation de la provision de congés payés pour 5 217,86 euros,

– Non comptabilisation des dotations aux amortissements pour 77 110 euros.

Ces erreurs ont engendré un écart sur le résultat de la société CPE entre le résultat de gestion sorti par Madame [I] et le résultat sorti par mes services pour 95 833,12 euros de charges complémentaires.

Cet écart faussant ainsi les bases de vos décisions de gestion (…)’.

Par cette pièce, l’employeur démontre que les fautes qu’il reproche à l’appelante sont exactes et sérieuses et ce alors qu’il produit la fiche de poste de celle-ci établissant que contrairement à ce qu’elle prétend, il lui appartenait en sa qualité de comptable de préparer les bilans.

Même en l’absence de passé disciplinaire et ce alors que la relation de travail a été relativement brève, ces fautes étaient d’une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail de Mme [I].

Dès lors, c’est exactement que le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de Mme [I] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de sa contestation ainsi que de la demande indemnitaire formée de ce chef. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Arrêt du 17 janvier 2025 – page 7

2) Sur la demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires non réglées et congés payés afférents :

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande et détermine souverainement, au vu des éléments produits par chacune des parties, l’existence d’heures de travail accomplies et la créance salariale s’y rapportant.

En l’espèce, Mme [I] expose qu’elle a durant la relation de travail réalisé 65 heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées par l’employeur, et réclame à ce titre la somme de 1 030,69 euros, outre les congés payés afférents.

À l’appui de ses allégations, elle produit :

– un tableau reprenant le nombre d’heures supplémentaires qui auraient été réalisées chaque mois, sans aucune précision de date en dehors du 26 décembre 2020, date à laquelle elle serait venue travailler pendant 7 heures alors qu’elle se trouvait en congés,

– un décompte totalisant le montant du rappel de salaire dû,

– une attestation de Mme [D] [F], retraitée, qui se borne à relater que Mme [I] a eu un accident en septembre 2021 et qu’elle a dû se rendre sur son lieu de travail ‘un matin de septembre pendant son arrêt’, sans plus de précisions.

Mme [I] ne présente donc pas des éléments suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre en produisant ses propres éléments.

Il en résulte que faute de produire des pièces suffisantes pour fonder ses prétentions, la demande relative aux heures supplémentaires doit être rejetée.

Le jugement est également confirmé sur ce point.

3) Sur les autres demandes :

Compte tenu de ce qui précède, la demande visant à la remise des documents de fin de contrat et d’un bulletin de salaire conformes n’est pas fondée, si bien que Mme [I] doit en être déboutée par confirmation de la décision entreprise.

Le jugement est par ailleurs confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Partie succombante devant la cour, Mme [I] est condamnée aux dépens d’appel et déboutée en conséquence de sa demande d’indemnité de procédure.

En équité, la SARL PMC gardera à sa charge ses frais irrépétibles et sera donc également déboutée de la demande qu’elle forme de ce chef.

Arrêt du 17 janvier 2025 – page 8

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT:

DÉBOUTE la SARL PMC de sa demande d’indemnité de procédure ;

CONDAMNE Mme [W] [I] aux dépens d’appel et la déboute de sa propre demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


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