L’Essentiel : Mme [N], chef de produits chez Delphi France depuis 2011, a été détachée en 2014 auprès de DPSS. Après plusieurs congés liés à sa maternité et à sa santé, elle a été licenciée en février 2016 pour insuffisance professionnelle. Contestant ce licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes, arguant de discrimination. En 2017, le conseil a jugé son licenciement abusif, mais la cour d’appel a infirmé cette décision en 2020. Finalement, en 2024, la Cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel, ordonnant la réintégration de Mme [N] et des indemnités pour violation de la garantie d’emploi.
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Engagement et détachement de Mme [N]Mme [N] a été recrutée par la société Delphi France en tant que chef de produits le 1er mars 2011. À partir du 1er février 2014, elle a été détachée auprès de la société DPSS pour occuper le poste de Trade Marketing Specialist MENA. Congés et licenciementAprès avoir été en congé maternité du 27 avril au 17 août 2015, puis en arrêt maladie du 27 septembre au 27 octobre 2015, Mme [N] a été placée en arrêt de travail à nouveau le 5 janvier 2016. Elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 10 février 2016 et a reçu une lettre de licenciement le 29 février 2016, invoquant insuffisance professionnelle et nécessité de remplacement en raison de son absence prolongée. Actions en justice de Mme [N]Estimant avoir été victime de discrimination liée à sa grossesse et son état de santé, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise le 14 mars 2016, demandant la nullité de son licenciement, sa réintégration, et des dommages-intérêts pour discrimination et violation de la garantie d’emploi. Jugement du conseil de prud’hommesLe 7 septembre 2017, le conseil de prud’hommes a fixé le salaire moyen de Mme [N] à 4 060 euros, a déclaré qu’elle n’avait pas subi de discrimination, a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a condamné la société à lui verser 40 000 euros pour licenciement abusif et 4 060 euros pour violation de la garantie d’emploi. Mme [N] a également été condamnée à rembourser certaines sommes à la société. Appel et décision de la cour d’appelMme [N] a interjeté appel le 19 octobre 2017. Le 4 juin 2020, la cour d’appel de Versailles a infirmé partiellement le jugement, déclarant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboutant Mme [N] de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination et violation de la garantie d’emploi. Pourvoi en cassationMme [N] a formé un pourvoi en cassation le 23 septembre 2020. La Cour de cassation a radié l’affaire le 7 octobre 2021, puis a autorisé la réinscription du pourvoi le 29 septembre 2022. Arrêt de la Cour de cassationLe 14 février 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel en ce qui concerne la nullité du licenciement et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Versailles autrement composée. Demande de réintégration et indemnisationMme [N] a demandé sa réintégration et des indemnités correspondant à son salaire depuis son licenciement. Elle a également sollicité des dommages-intérêts pour violation de la garantie d’emploi. Décision de la cour d’appel de renvoiLa cour d’appel a déclaré le licenciement nul en raison de la dénonciation d’agissements discriminatoires, ordonné la réintégration de Mme [N], et condamné la société à lui verser des indemnités correspondant à son salaire et des dommages-intérêts pour violation de la garantie d’emploi. La société a été déboutée de ses demandes reconventionnelles. Conclusion sur les dépens et fraisLa cour a confirmé que les dépens seraient à la charge de la société, et a accordé à Mme [N] des frais irrépétibles pour couvrir ses dépenses de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques d’un licenciement nul en raison de la dénonciation d’agissements discriminatoires ?Le licenciement d’un salarié est considéré comme nul lorsqu’il est prononcé en raison de la dénonciation d’agissements discriminatoires, notamment en lien avec la grossesse ou l’état de santé. L’article L. 1132-4 du Code du travail stipule que « toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul ». Cela signifie que si un salarié est licencié pour avoir dénoncé des faits discriminatoires, ce licenciement est nul, peu importe les autres motifs invoqués par l’employeur. En conséquence, le salarié a droit à sa réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent, conformément à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail. Cet article précise que « lorsque le licenciement est déclaré nul, le salarié a droit à sa réintégration dans l’entreprise, sauf impossibilité de fait ». Ainsi, dans le cas de Mme [N], son licenciement a été déclaré nul en raison de la mention de la dénonciation d’agissements discriminatoires dans la lettre de licenciement, ce qui entraîne son droit à réintégration et à une indemnité correspondant à la rémunération qu’elle aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration. Comment la violation de la période de garantie d’emploi est-elle sanctionnée ?La période de garantie d’emploi est une protection accordée aux salariés en arrêt maladie, stipulée dans certaines conventions collectives. L’article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie précise que « les absences relevant de maladie ou d’accident […] ne constituent pas une rupture du contrat de travail ». Il est également indiqué que l’employeur peut rompre le contrat de travail uniquement en cas de force majeure, ce qui implique que le licenciement ne peut être prononcé tant que la période de garantie d’emploi n’est pas écoulée. Dans le cas de Mme [N], son licenciement a été jugé comme une violation de cette période de garantie, car elle était en arrêt maladie au moment de son licenciement. Elle a donc droit à des dommages-intérêts correspondant à la période de garantie d’emploi, soit deux mois de salaire, conformément aux dispositions de la convention collective. Quels sont les droits d’un salarié en cas de licenciement pour motif discriminatoire ?Lorsqu’un salarié est licencié pour un motif discriminatoire, il bénéficie de plusieurs droits, notamment celui de demander la nullité de son licenciement et d’obtenir des dommages-intérêts. L’article L. 1134-1 du Code du travail stipule que « en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination […] au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». Cela signifie que si un salarié présente des éléments laissant supposer une discrimination, l’employeur doit prouver que le licenciement est justifié par des raisons objectives. Dans le cas de Mme [N], son licenciement a été jugé nul en raison de la mention de la dénonciation d’agissements discriminatoires dans la lettre de licenciement. Elle a donc le droit de demander sa réintégration et des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Quelles sont les implications de la non-représentation de l’employeur lors d’un procès ?La non-représentation de l’employeur lors d’un procès a des implications significatives sur la défense de ses intérêts. Selon l’article 954 du Code de procédure civile, « la partie qui ne se présente pas est réputée s’approprier les motifs des premiers juges ». Cela signifie que si l’employeur ne se présente pas, il ne peut pas contester les arguments de la partie adverse. Dans le cas de Mme [N], l’employeur n’ayant pas constitué avocat, il a été réputé s’approprier les motifs des premiers juges qui avaient écarté l’existence d’une discrimination. Cela a conduit à une décision en faveur de Mme [N], car l’employeur n’a pas pu présenter de moyens de défense pour justifier le licenciement. Ainsi, la non-représentation de l’employeur a eu pour effet de renforcer la position de la salariée dans le cadre de la procédure judiciaire. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 29 JANVIER 2025
N° RG 24/01486 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WQY5
AFFAIRE :
[M] [N]
C/
Société PHINIA DELPHI FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 septembre 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : E
N° RG : F16/00145
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sylvie KONG THONG
le:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2024 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 4 juin 2020
Madame [M] [N]
née le 11 décembre 1984 à [Localité 4] ( Maroc)
de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
EMIRATS ARABES UNIS
Représentant: Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0069
Plaidant: Me Thibaud SAINT SERNIN de la SCP SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P525 substitué à l’audeince par Me Elodie SENECHAL, avocat au barreau de Paris
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
Société PHINIA DELPHI FRANCE venant aux droits de la société BORGWARNER FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Non représentée
Déclaration de saisine signifiée à personne morale le 17 juin 2024
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 novembre 2024, Madame Aurélie PRACHE, Présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Mme [N] a été engagée en qualité de chef de produits, statut cadre, le 1er mars 2011 par la société Delphi France. Elle a été détachée auprès de la société DPSS à [Localité 5] à compter du 1er février 2014 pour exercer les fonctions de Trade Marketing Specialist MENA (Middle East and North Africa).
Elle a été en congé maternité du 27 avril au 17 août 2015, puis en arrêt de travail pour maladie du 27 septembre au 27 octobre 2015. Le 5 janvier 2016, elle a été placée à nouveau en arrêt de travail pour maladie.
Convoquée le 10 février 2016 à un entretien préalable au licenciement, elle a été licenciée par lettre du 29 février 2016 pour insuffisance professionnelle et pour absence prolongée nécessitant son remplacement définitif.
Soutenant avoir subi une discrimination en raison de sa grossesse et de son état de santé, la salariée a saisi, le 14 mars 2016, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise de demandes tendant notamment à la nullité de son licenciement, à sa réintégration, subsidiairement à dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au paiement de dommages-intérêts pour discrimination, pour manquement à l’obligation de sécurité et pour violation de la garantie d’emploi prévue par l’article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Par jugement du 7 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise (section encadrement) a :
. fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [N] à 4 060 euros
. dit que Mme [N] n’a pas été victime de discrimination
. dit que le licenciement notifié à Mme [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
. condamné la SAS Delphi France à verser à Mme [N] les sommes nettes suivantes, avec intérêts légaux à compter du présent jugement et capitalisation en tant que de besoin :
. 40 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
. 4 060 euros au titre des dommages et intérêts pour violation de la période de garantie d’emploi
. condamné Mme [N] à payer à la SAS Delphi France les sommes nettes suivantes :
. 1 372, 65 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l’impossibilité pour la société de se voir rétrocéder par la CPAM les indemnités journalières qu’elle aurait dû recevoir au titre de la subrogation pour la période du 27 septembre au 27 octobre 2015
. 11 000 euros au titre des dommages et intérêts résultant du préjudice né du défaut de remboursement des avances sur loyer versées par la société
. ordonné à Mme [N] de restituer sans tarder à la SAS Delphi France le matériel professionnel appartenant à la société qu’elle détient désormais sans droit ni titre
. débouté les parties du surplus de leurs demandes
. mis les éventuels dépens de la présente instance à la charge de la SAS Delphi France
Par déclaration adressée au greffe le 19 octobre 2017, Mme [N] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 4 juin 2020 (RG N°17/4940) , la 6ème chambre de la cour d’appel de Versailles a:
. infirmé partiellement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise le 7 septembre 2017 en ce qu’il a :
. dit que le licenciement notifié à Mme [N] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
. condamné SAS Delphi France à payer à Mme [N] les sommes nettes suivantes, avec intérêts légaux à compter du jugement et capitalisation :
. 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 4 060 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la période de garantie d’emploi,
. condamné Mme [N] à payer à la SAS Delphi France les sommes nettes suivantes, avec intérêts
légaux à compter du jugement et capitalisation :
. 1 372,65 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de l’impossibilité pour la société de se voir rétrocéder par la caisse primaire d’assurance maladie les indemnités journalières qu’elle aurait dû recevoir au titre de la subrogation pour la période du 27 septembre au 27 octobre 2015,
. 11 000 euros à titre de dommages-intérêts résultant du préjudice né du défaut de remboursement des avances sur loyer versées par la société,
Statuant à nouveau,
. dit le licenciement de Mme [N] par la SAS Delphi France fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté Mme [N] de ses demandes subséquentes ;
. débouté Mme [N] de sa demande pour violation de la période de garantie d’emploi ;
. condamné Mme [N] à payer à la SAS Delphi France la somme de 16 000 euros à titre de remboursement de l’avance sur loyer versée par la société en janvier 2016 ;
. confirmé le jugement pour le surplus ;
. donné acte aux parties que la SAS Delphi France a été remboursée des indemnités journalières qu’elle a avancées à la salariée pour la période du 27 septembre au 27 octobre 2015 ;
. donné acte aux parties que Mme [N] a restitué le matériel réclamé ;
. condamné Mme [N] à payer à la SAS Delphi France une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre du retard ;
. condamné Mme [N] à payer à la SAS Delphi France une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
. débouté Mme [N] de sa demande présentée sur le même fondement ;
. condamné Mme [N] au paiement des entiers dépens ;
Par déclaration adressée au greffe de la Cour de cassation le 23 septembre 2020, Mme [N] a formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 4 juin 2020.
Par ordonnance du 7 octobre 2021 (n°90921), la première présidence de la Cour de cassation a radié l’affaire enrôlée sous le numéro F 20-20.601 et rappelé qu’en application de l’article 1009-3 du code de procédure civile, sauf constat de la péremption, l’affaire pourra être réinscrite au rôle de la Cour de cassation sur justification de l’exécution de la décision attaquée.
Par ordonnance du 29 septembre 2022 (n°90915), la première présidence de la Cour de cassation a autorisé la réinscription au rôle de la Cour du pourvoi numéro F 20-20.601.
Par arrêt du 14 février 2024 (pourvoi n°20-20.601), la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il déboute Mme [N] de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes subséquentes, de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la garantie d’emploi, en ce qu’il condamne Mme [N] à payer à la société Delphi France, aux droits de laquelle vient la société Borgwarner France, la somme de 16 000 euros à titre de remboursement de l’avance sur loyer versée par la société en janvier 2016 et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 4 juin 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles. Elle a remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
Mme [N] a saisi la présente cour d’appel de renvoi par acte du 16 mai 2024. Par lettre du 13 juin 2024 elle a sollicité une audience collégiale.
Par actes d’huissier des 17 juin 2024 et 25 septembre 2024 remis à personne morale, Mme [N] a signifié sa déclaration de saisine de la cour, l’avis de fixation de l’affaire à la société Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner, anciennement dénommée Delphi France, et ses conclusions déposées le 16 septembre 2024, auxquelles est annexé le bordereau récapitulatif des pièces.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 12 novembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [N] demande à la cour de :
. juger Mme [N] recevable et bien fondée en son appel et en ses demandes ;
Y faisant droit :
. infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise du 7 septembre 2017, en ce qu’il a :
. jugé que le licenciement de Mme [N] n’était pas nul et l’a débouté de ses demandes afférentes ;
. limité la condamnation de la société au titre de dommages-intérêts pour violation de la période de garantie d’emploi à 4 060 euros ;
. condamné Mme [N] au titre de dommages-intérêts résultat du préjudice né du défaut de remboursement des avances sur loyer versées par la société,
Et statuant à nouveau :
. juger que le licenciement de Mme [N] est nul en ce qu’il est motivé en partie par la dénonciation par la salariée de faits discriminatoires ;
. ordonner la réintégration de Mme [N] dans son emploi ou dans un emploi équivalent au sein de la société Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France, et ce dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, sous peine d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
. condamner Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France, à verser à Mme [N] une somme de 6 160 euros bruts par mois depuis le 29 février 2016 jusqu’au jour de sa réintégration effective ;
En tout état de cause :
. condamner Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France, à verser à Mme [N] 12 320 euros au titre de dommages-intérêts pour violation de la période de garantie d’emploi ;
. constater que Mme [N] ne doit aucune somme à la société au titre des dommages-intérêts résultant du préjudice né du défaut de remboursement des avances sur loyer versées par la société et en conséquence débouter Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France de ses demandes à ce titre ;
. condamner Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme [N] 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et 5 000 euros au titre de la présente procédure ;
. assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
. débouter Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France de toutes ses demandes plus amples ou contraires
La société Phinia Delphi France, bien que régulièrement mise dans la cause ainsi qu’il a été dit précédemment, n’a pas constitué avocat.
Sur la nullité du licenciement
La salariée expose que son licenciement est motivé en partie en raison de sa dénonciation d’une discrimination du fait de son état de grossesse et de santé, qu’il s’agit d’un grief contaminant de la lettre de licenciement qui rend nul ce dernier, et que la réintégration s’impose tant au juge qu’à la société.
L’employeur, qui n’a pas constitué, est réputé s’approprier les motifs des premiers juges qui ont écarté l’existence d’une discrimination en raison de la grossesse et de l’état de santé aux motifs, en substance, que les efforts financiers consentis par l’employeur suite aux réclamations de la salariée sont incompatibles avec les allégations de discrimination, que si les propos de l’employeur ont été maladroits pour autant ils n’étaient pas discriminants, concluant que les arguments de la salariée n’étaient pas probants et ne démontraient pas l’existence d’une discrimination.
Sur la relation d’agissements discriminatoires
L’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable (qui est celle antérieure à la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016), dispose qu’« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison » [notamment, parmi d’autres motifs illicites] « de sa situation de famille ou de sa grossesse » [ou] « de son état de santé».
L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Aux termes de l’article L. 1132-4 du même code, « Toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul ».
Aux termes de l’article L. 1132-3 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L. 1132-1 et L. 1132-2 ou pour les avoir relatés. En vertu de l’article L. 1132-4 du même code, toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul. Il s’en déduit que le salarié qui relate des faits de discrimination ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi , laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n 19-21.138, publié).
Certains motifs énoncés par l’employeur dans la lettre de licenciement sont dits « contaminants », en ce que la seule énonciation desdits motifs emporte la nullité du licenciement, peu important l’existence d’autres griefs dans la lettre de licenciement : ainsi en est-il du motif tiré de la relation par le salarié d’agissements de harcèlement moral, qui emporte à lui seul la nullité du licenciement prononcé (Soc., 10 mars 2009, pourvoi n°07-44.092, Bull. V, n° 66), sauf mauvaise foi de l’intéressé (Soc., 10 juin 2015, pourvoi n°13-25.554, précit. ; Soc., 19 avril 2023, pourvoi n°21-21.053, précit.), ou du motif du licenciement tiré de la relation par le salarié d’agissements discriminatoire (Soc., 19 mars 2013, pourvoi n°11-28.845, Bull. 2013, V, n 75 ; Soc., 14 février 2024, pourvoi n° 20-20.601, rendu dans la présente affaire).
En l’espèce, la lettre de licenciement énonce les griefs suivants :
« 1. Nous avons constaté de longue date un manque d’investissement dans l’exercice de votre fonction, de leadership et d’efficacité dans l’exécution de vos missions. […]
Au-delà d’un manque d’organisation et d’implication vous amenant à vous affranchir des directives assignées, suscitant de nombreux dysfonctionnements et le mécontentement de nombre de vos interlocuteurs tant en interne qu’en externe, vous n’avez fait strictement aucun effort sur votre mode de communication. […] vous avez multiplié les échanges avec votre manager, tentant de remettre en cause une fois de plus son autorité, plutôt que de consacrer ce temps précieux à vous concentrer sur votre activité principale qui consiste à répondre et anticiper les besoins des clients. […] le fait que vous ne vous remettez pas en question suite aux différentes remarques qui vous sont faites et l’impossibilité d’avoir le moindre échange constructif avec vous, ont été à l’origine d’un climat de tension au sein de l’équipe, plus généralement avec l’ensemble de vos interlocuteurs, et d’une perte de confiance en votre capacité à représenter Delphi face à nos clients. […]. En dépit des nombreux rappels à l’ordre tant écrits que verbaux de votre manager, et des termes de votre évaluation 2014 vous demandant d’appréhender les axes de développement identifiés, notamment la nécessité de respecter l’esprit d’équipe compte tenu des enjeux attachés à vos fonctions et le projet de développement auquel vous êtes associé, vous n’avez pas pris la mesure de vos attributions. Le bilan de l’année 2015 s’est donc considérablement dégradé, mettant en exergue une insuffisance professionnelle rendant impossible la poursuite des relations contractuelles, conclusion confortée par votre incapacité à vous remettre en question, interdisant en cela tout espoir d’évolution de votre comportement et de votre performance.
2. A cette insuffisance professionnelle justifiant intrinsèquement la rupture des relations contractuelles s’ajoute la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif en lien avec les dysfonctionnements nés de votre absence prolongée. […]. Vous êtes en arrêt de travail depuis le 2 janvier 2016, sans que vous ne soyez en mesure de nous donner une quelconque visibilité sur votre date éventuelle de retour.
Aujourd’hui, votre absence prolongée perturbe considérablement le bon déroulement de notre activité, c’est pourquoi nous devons trouver une solution pérenne afin de ne pas mettre en péril nos résultats sur la zone MENA.
Lors de l’entretien préalable qui s’est tenu le 24 février 2016, vous n’avez pas souhaité donner d’explication quant aux faits qui vous était reprochés. Votre seule réponse a été de dire que vous contestiez l’ensemble des remarques et que, selon vous, notre décision serait en lien avec votre maternité et présenterait donc un caractère discriminatoire.
Cette posture laisse pour le moins songeur dès lors qu’au terme de votre congé maternité, à compter du 21 novembre 2015, nous avons accédé à votre demande de travail en home office afin de vous donner les meilleures conditions pour un retour serein à l’issue de cette période d’absence, demande que nous n’étions nullement tenus d’accepter. Elle présente au moins le mérite de constituer une ultime preuve de votre manque total de discernement, préférant imaginer un motif discriminatoire plutôt que de considérer une dégradation des relations contractuelles bien antérieure à l’annonce même de votre grossesse.
Quoi qu’il en soit, votre absence prolongée depuis le 2 janvier 2016, engendre des dysfonctionnements induisant la nécessité de pourvoir rapidement à votre remplacement définitif à [Localité 5] (…) ».
Il en résulte que la lettre de licenciement reproche à la salariée d’avoir relaté des agissements discriminatoires en lien avec sa grossesse, ce seul grief contaminant l’ensemble des autres griefs de la lettre de licenciement, qu’il n’y a pas lieu d’examiner, et emportant à lui seul la nullité du licenciement.
Il convient de rappeler ici que l’employeur n’est pas constitué devant la cour de renvoi et ne présente donc aucun moyen de fait et de droit pour s’opposer à ce moyen de nullité, lequel n’avait pas davantage été examiné par les premiers juges que par la cour dont l’arrêt a été cassé.
Dès lors, en l’absence de tout motif des premiers juges, et de tout moyen de défense en appel tiré de la mauvaise foi de la salariée, il convient, par voie d’infirmation, de dire nul le licenciement de Mme [N] prononcé au moins partiellement au motif de sa dénonciation d’agissements discriminatoires liés à son état de grossesse.
Sur les conséquences du licenciement nul
A titre liminaire, la cour relève que la cassation ne s’étend pas au chef de dispositif de l’arrêt qui a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, que la salariée ne sollicite d’ailleurs pas devant la cour d’appel de renvoi. Il en est de même s’agissant du chef de dispositif de l’arrêt déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, dont le rejet est fondé sur l’absence de discrimination subie par l’intéressée.
Sur la réintégration
Le licenciement de Mme [N] étant nul, elle est bien fondée à solliciter sa réintégration dans son emploi ou à défaut dans un emploi équivalent.
Il n’est pas établi ni allégué que la réintégration de Mme [N] serait impossible. Celle-ci sera ordonnée, en application de l’article L.1235-3-1 du code du travail.
Aucune circonstance ne permet de considérer qu’il y ait lieu d’assortir cette disposition d’une mesure d’astreinte pour en garantir l’exécution.
Sur l’indemnisation du préjudice subi entre la rupture et la réintégration
Tout licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse est nul. Dès lors qu’un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d’égalité de droits entre l’homme et la femme, garanti par l’alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la salariée qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-21.862, publié).
Au cas présent, la cour a précédemment retenu que le licenciement était nul non pas du fait d’une discrimination en raison de l’état de grossesse de la salariée, laquelle a été définitivement écartée, mais en raison de sa relation d’agissements discriminatoires.
Dans une telle hypothèse, assimilable à la dénonciation d’un harcèlement moral, le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, de sorte qu’il doit être tenu compte du revenu de remplacement servi à celui-ci pendant cette période (cf Soc.,14 décembre 2016, pourvoi n°14-21.325).
Le licenciement étant nul en raison de la dénonciation d’agissements discriminatoires, la demande d’indemnité d’éviction est justifiée et sera accueillie sur la base du salaire contractuel mensuel, non critiqué par l’employeur, de 6 160 euros bruts à compter du 29 février 2016 jusqu’à la réintégration effective, sous déduction des revenus de remplacement qu’elle a perçus, dont Mme [N] devra justifier dans le cadre de l’exécution de la présente décision.
Sur les dommages-intérêts pour violation de la période de garantie d’emploi
L’article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction à l’employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail. Toutefois cette interdiction ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié, à la condition toutefois que ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder au remplacement définitif du salarié par l’engagement d’un autre salarié (Ass. plén., 22 avril 2011, pourvoi n° 09-43.334, Bull. 2011, Ass. plén., n o o3), lequel lequel doit s’opérer dans l’entreprise qui l’emploie (Soc., 25 janvier 2012,pourvoi n 10-26.502, Bull. 2012, V, n 21).
Certaines conventions collectives comportent des clauses de garanties d’emploi interdisant à l’employeur de licencier pendant une période donnée un salarié en arrêt maladie au motif que son absence perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessite son remplacement.
Ainsi en est-il de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 applicable en l’espèce, dont l’article 16 dispose :
« 1° Sort du contrat de travail
Les absences relevant de maladie ou d’accident, y compris les accidents du travail, et justifiées dès que possible par certificat médical pouvant donner lieu à contre-visite, à la demande de l’entreprise, ne constituent pas une rupture du contrat de travail.
A l’issue de la durée d’indemnisation à plein tarif, l’employeur pourra prendre acte de la rupture par force majeure du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif.
Dans ce cas, la notification du constat de la rupture sera faite à l’intéressé par lettre recommandée.
Lorsque l’employeur aura pris acte de la rupture du contrat de travail, il devra verser à l’intéressé une indemnité égale à celle que celui-ci aurait perçue s’il avait été licencié sans que le délai-congé ait été observé.
Cette indemnité remplace, pour la période à laquelle elle correspond, celle à plein tarif ou à demi-tarif découlant du barème prévu au 2° ci-dessous.
Si, à la date à laquelle le préavis aurait pris fin en cas de licenciement avec observation du délai-congé, l’indisponibilité pour maladie ou accident persiste toujours, le solde de l’indemnisation de maladie restant dû continuera d’être versé jusqu’à épuisement des droits ouverts au début de l’indisponibilité en cours au jour de la rupture.
L’ingénieur ou cadre bénéficiera, en outre, le jour de la constatation de la rupture par l’employeur, d’une indemnité égale à l’indemnité de congédiement à laquelle lui aurait donné droit son ancienneté s’il avait été licencié, ou d’une allocation égale à l’allocation de fin de carrière à laquelle lui aurait donné droit son ancienneté s’il avait été mis à la retraite.
Au cours de l’absence de l’ingénieur ou cadre pour maladie ou accident, l’employeur peut rompre le contrat de travail en cas de licenciement collectif ou de suppression de poste, à charge pour lui de verser à l’ingénieur ou cadre licencié l’indemnité de préavis en tenant compte des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article, et de régler l’indemnité de congédiement, le cas échéant.
De même, l’employeur peut mettre à la retraite un ingénieur ou cadre absent pour maladie ou accident, en respectant les prescriptions de l’article 31.
Lorsque le contrat se trouve rompu dans les conditions précitées, l’intéressé bénéficie d’un droit de priorité au réengagement qui sera satisfait dans la mesure du possible.
2° Indemnisation
Après 1 an de présence dans l’entreprise, en cas d’absence pour maladie ou accident constaté dans les conditions prévues au 1 , l’employeur doit compléter les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et par un régime complémentaire de prévoyance, pour assurer à l’intéressé des ressources égales à tout ou partie de ses appointements mensuels sur les bases suivantes:
La durée d’absence susceptible d’être indemnisée en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise est :
– de 1 à 5 ans : 3 mois à plein tarif et 3 mois à demi-tarif ; (‘)
Ce texte prévoit donc notamment que les absences pour maladie ou accident, à caractère professionnel ou non, ne pourront donner lieu à rupture du contrat de travail qu’en cas de « force majeure du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif », la rupture du contrat de travail ne pouvant être prononcée par l’employeur qu’après l’expiration d’une période dont la durée varie selon l’ancienneté du salarié, cette durée étant de trois mois pour un salarié ayant une ancienneté comprise entre une et cinq années, telle que Mme [N].
Il est constant qu’il résulte des dispositions de l’article 16 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie qu’à l’issue de la période de maladie, qui fait l’objet d’une indemnisation conformément à la convention collective, le contrat de travail peut être rompu à condition que le remplacement définitif du salarié s’impose (Soc., 3 février 1993, pourvoi n°88-43.093 ; Soc., 14 mai 1996, pourvoi n°93-42.505 ; Soc., 21 juin 1995, pourvoi n°92-43.347, Bull.1995, V, n°203).
Ces dispositions conventionnelles n’interdisent pas le licenciement du salarié pendant la suspension de son contrat de travail pour maladie pour d’autres causes que la maladie (Soc., 8 février 2023, pourvoi n°21-16.805, publié).
En l’espèce, la salariée, en arrêt de travail pour maladie depuis le 5 janvier 2016, a été convoquée le 10 février 2016 à un entretien préalable au licenciement, puis licenciée le 29 février suivant, notamment pour absence prolongée rendant nécessaire son remplacement définitif, ce dont il résulte que l’employeur n’a pas respecté la période de garantie d’emploi de trois mois à laquelle la salariée pouvait prétendre et que celle-ci est bien fondée en sa demande de dommages-intérêts équivalents aux deux mois de salaire qu’elle aurait perçus jusqu’au terme de la période de garantie.
La salariée est donc fondée à solliciter, à titre de dommages-intérêts, la somme de 12 320 euros (deux mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour violation de la période de garantie conventionnelle d’emploi, au paiement de laquelle, par voie d’infirmation, l’employeur sera condamné.
Sur la demande reconventionnelle de l’employeur de dommages-intérêts au titre du « défaut de remboursement des avances sur loyer versées par la société »
L’arrêt de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il condamne Mme [N] à payer à la société Delphi France, aux droits de laquelle vient la société Borgwarner France, la somme de 16 000 euros à titre de remboursement de l’avance sur loyer versée par la société en janvier 2016.
Sur renvoi de cassation, la société n’est pas constituée, de sorte que, par application de l’article 954 du code de procédure civile, elle est réputé s’approprier les motifs des premiers juges qui ont fait droit à cette demande reconventionnelle de l’emploi, leur décision ayant été confirmé en appel par l’arrêt, lequel a ensuite été cassé.
Les motifs du jugement sont les suivants :
« Attendu qu’en date du 19 décembre 2014, par mail, la société informait Mme [N] qu’en réponse à une de ses demandes de révision de ses frais de séjour à [Localité 5], son ‘housing allowance’ était porté à la somme nette de 1.500 € soit 18.000 € annuels.
Attendu que les ‘ches de paie de Mme [N] produites aux débats font bien apparaître une reprise d’acompte de 1.500 € par mois et ce jusque ‘n mai 2016.
Attendu que Mme [N] n’a jamais fait la moindre remarque sur cette reprise mensuelle qui correspond au montant mensuel de la ‘housing allowance’.
Attendu que la société produit aux débats un document interne qui fait apparaître les avances de la société et les reprises mensuelles correspondantes.
Attendu que la véracité de ce document n’est pas remise en cause par la demanderesse.
Attendu qu’au regard des pièces produites et commentées ci-avant, les avances semblent correspondre a une réalité contractuelle et aux engagements pris par la société, et ce même si aucun document signé par Mme [N] n’ est produit aux débats, ni aucun document comptable ou bancaire.
Attendu que cette absence de support provenant de tiers ne permet pas au Conseil de se forger une opinion sur les périodes antérieures à l’accord donné par la société sur la révision du loyer pris en charge, soit décembre 2014.
Attendu que la société a versé une avance de 18.000 € en date du 21 janvier 2015 et la même somme en date du 05 janvier 2016, et ce pour couvrir son engagement sur les loyers pour la période de janvier 2015 à janvier 2017.
Attendu que la société a repris 1.500 € mensuels sur 16 mois (et 1.000 € sur janvier 2015) soit 25.000€.
Attendu que le solde dû est donc de 11.000 € net (3 6.000 – 25.000), montant que Mme [N] devra donc rembourser a la société. »
Toutefois, la cour n’est saisie par l’employeur d’aucun moyen de fait et de droit, ni d’aucune des pièces qu’il invoquait devant les premiers juges, alors qu’à l’inverse la salariée en sollicite l’infirmation et fait valoir à juste titre que le contrat de détachement ne prévoyait aucune clause relative au remboursement par la salariée de l’indemnité mensuelle de logement en cas de licenciement.
La lettre de détachement du 6 janvier 2014 de Mme [N] pour exercer les fonctions de Trade Marketing Specialist MENA au sein de la société DPSS à [Localité 5] à compter du 1er février 2014 prévoit une clause intitulée « logement » qui stipule que « Les règlements de loyer sont de la responsabilité de l’employé.
Vous avez droit à une allocation logement mensuelle nette de 1.000 € ainsi qu’au remboursement sur expenses à hauteur de 250 € par mois pour les frais lités à l’utilisation de votre logement en tant qu’« home office ».
Afin de vous aider à votre réinstallation, une prime de réinstallation vous sera versée dès le 1er mois de votre détachement, son montant est de 2.000 € brut ».
Il en résulte qu’aucune clause de la lettre de détachement ne prévoit le remboursement par la salariée de l’allocation logement mensuelle versée par l’employeur en cas de rupture anticipée du détachement.
Il convient d’infirmer le jugement de ce chef.
Sur les intérêts
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en cas de confirmation des condamnations et du présent arrêt pour le surplus.
Les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens.
Les dépens d’appel, en ce compris ceux afférents à l’arrêt cassé, sont à la charge de la société Phinia Delphi France, partie succombante.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la salariée l’intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué, par voie d’infirmation et y ajoutant, la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, en ce compris ceux afférents à l’arrêt cassé.
La cour, statuant sur renvoi de cassation, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 4 juin 2020 (RG N°17/4940),
Vu l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du14 février 2024 (pourvoi n°20-20.601),
Statuant dans les limites de la cassation partielle prononcée par cet arrêt,
INFIRME le jugement en ce qu’il dit que le licenciement notifié à Mme [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu’il condamne la SAS Delphi France à verser à Mme [N], avec intérêts légaux à compter du jugement et capitalisation en tant que de besoin, les sommes nettes de 40 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 4 060 euros au titre des dommages et intérêts pour violation de la période de garantie d’emploi, et en ce qu’il condamne Mme [N] à payer à la SAS Delphi France la somme nette de 11 000 euros au titre des dommages et intérêts résultant du préjudice né du défaut de remboursement des avances sur loyer versées par la société, ainsi qu’en ce qu’il déboute Mme [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
DIT nul le licenciement de Mme [N] prononcé au moins partiellement au motif de la relation d’agissements discriminatoires liés à son état de grossesse,
ORDONNE à la société Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France, de procéder à la réintégration de Mme [N] à son poste ou à un poste équivalent, dans le délai de trois mois suivant la signification de la présente décision,
CONDAMNE la société Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France, à verser à Mme [N] :
– une indemnité d’éviction correspondant au salaire dû à compter de la date du licenciement le 29 février 2016 jusqu’à sa réintégration effective dans son emploi sur la base mensuelle de 6 130 euros bruts sous déduction des revenus de remplacement qu’elle a perçus sur cette période, et dont elle devra justifier dans le cadre de l’exécution de la présente décision,
– la somme de 12 320 euros de dommages-intérêts au titre de la violation de la période de garantie d’emploi,
DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 4 060 euros, et du présent arrêt pour le surplus,
DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,
DEBOUTE la société Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France, de sa demande de dommages-intérêts au titre du « défaut de remboursement des avances sur loyer versées par la société »,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France, à verser à Mme [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Phinia Delphi France venant aux droits de la société Borgwarner France, anciennement dénommée Delphi France, à verser à Mme [N] aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris ceux afférents à l’arrêt cassé.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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