Licenciement contesté pour absences prolongées et état de santé fragile

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Licenciement contesté pour absences prolongées et état de santé fragile

L’Essentiel : La société Castel, exploitant un Intermarché à Versailles, a licencié Mme [G], comptable depuis 2015, pour absences répétées dues à une affection de longue durée. Contestant ce licenciement, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes, qui a requalifié son licenciement en sans cause réelle et sérieuse, condamnant Castel à des dommages et intérêts. La cour a rejeté les allégations de harcèlement moral, considérant que les preuves étaient insuffisantes. L’Union des Syndicats Anti-Précarité a également été reconnue dans l’affaire, obtenant une indemnité pour préjudice collectif. La décision a confirmé la protection des droits des salariés.

Contexte de l’affaire

La société Castel, une SAS immatriculée à Versailles, exploite un fonds de commerce sous l’enseigne « Intermarché » et emploie plus de 11 salariés. Mme [G], engagée en tant que comptable depuis le 1er octobre 2015, a été placée en arrêt de travail pour affection de longue durée à partir du 11 juillet 2019. Après une reprise en temps partiel thérapeutique, elle a de nouveau été arrêtée du 4 mars au 4 avril 2020.

Licenciement de Mme [G]

Le 3 juin 2020, la société Castel a notifié à Mme [G] son licenciement pour absences répétées et prolongées, perturbant le fonctionnement de l’entreprise. La direction a souligné les difficultés rencontrées en raison de ses absences, entraînant des retards dans la gestion des comptes et des salaires. Mme [G] a contesté ce licenciement, le qualifiant de nul ou, à défaut, sans cause réelle et sérieuse.

Procédure judiciaire

Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie le 2 octobre 2020. Le jugement du 17 mars 2022 a requalifié son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société Castel à verser des dommages et intérêts. La société a interjeté appel, tout comme Mme [G] et le syndicat Union des Syndicats Anti-Précarité.

Arguments de Mme [G]

Mme [G] a soutenu que son licenciement était motivé par son état de santé et a demandé sa réintégration. Elle a également allégué des faits de harcèlement moral, affirmant que son employeur avait ignoré les préconisations de la médecine du travail et l’avait soumise à une surcharge de travail. Elle a demandé des dommages et intérêts pour divers préjudices, y compris pour la mise en péril de sa santé.

Arguments de la société Castel

La société Castel a contesté la requalification du licenciement, arguant que les absences de Mme [G] avaient perturbé le fonctionnement de l’entreprise. Elle a également soutenu que le licenciement était justifié par la nécessité de remplacer définitivement la salariée sur un poste stratégique.

Décisions judiciaires

Le conseil de prud’hommes a confirmé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, en raison du non-respect des dispositions conventionnelles relatives aux absences prolongées. La cour a également rejeté les demandes de Mme [G] concernant le harcèlement moral et la mise en péril de sa santé, considérant qu’elle n’avait pas apporté de preuves suffisantes.

Intervention de l’Union des Syndicats Anti-Précarité

L’Union des Syndicats Anti-Précarité a intervenu dans l’affaire, demandant des dommages et intérêts pour les préjudices subis par la collectivité professionnelle. La cour a déclaré leur intervention recevable et a accordé une indemnité à l’Union pour le préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession.

Conclusion de l’affaire

La cour a confirmé en grande partie le jugement du conseil de prud’hommes, condamnant la société Castel à verser des dommages et intérêts à Mme [G] et à l’Union des Syndicats Anti-Précarité. Les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées, et la société a été condamnée aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences juridiques du licenciement de Mme [G] en raison de ses absences pour maladie ?

Le licenciement de Mme [G] a été requalifié par le conseil de prud’hommes en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Selon l’article L. 1235-3 du Code du travail, en cas de licenciement injustifié, le salarié a droit à une indemnité dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du salaire mensuel et de l’ancienneté.

En l’espèce, Mme [G] avait une ancienneté de 4 années complètes au moment de la rupture. Le conseil a alloué une somme de 10 949,70 euros, soit 5 mois de salaire, en tenant compte de son salaire brut mensuel de 2 189,94 euros.

Il est également précisé que, selon l’article L. 1235-4 du Code du travail, l’employeur doit rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de trois mois d’indemnités.

Ainsi, le licenciement de Mme [G] est considéré comme sans cause réelle et sérieuse, entraînant des conséquences financières pour l’employeur.

Le licenciement de Mme [G] peut-il être considéré comme nul en raison de son état de santé ?

Mme [G] a soutenu que son licenciement était nul en raison de sa maladie, invoquant l’article 1132-1 du Code du travail, qui interdit toute discrimination liée à l’état de santé. Cet article stipule qu’aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé, et il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Cependant, le tribunal a constaté que Mme [G] n’a pas produit de preuves suffisantes pour établir l’existence d’une discrimination. L’article L. 1134-1 du Code du travail précise que le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, ce qui n’a pas été fait dans ce cas.

En conséquence, la demande de nullité du licenciement pour discrimination liée à l’état de santé a été rejetée, confirmant que le licenciement n’était pas nul sur ce fondement.

Quelles sont les implications du harcèlement moral dans le cadre du licenciement de Mme [G] ?

Mme [G] a allégué avoir subi du harcèlement moral, en vertu de l’article L. 1152-1 du Code du travail, qui stipule qu’aucun salarié ne doit subir d’agissements répétés de harcèlement moral. Pour établir un cas de harcèlement, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Dans cette affaire, le tribunal a noté que Mme [G] n’a pas fourni de preuves suffisantes pour soutenir ses allégations de harcèlement. Bien qu’elle ait mentionné des heures de travail excessives et des appels pendant ses arrêts maladie, ces éléments n’ont pas été jugés suffisants pour établir un harcèlement moral.

L’article L. 1154-1 précise que, en cas de litige, il incombe à l’employeur de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement. Dans ce cas, l’employeur a démontré que les actions prises étaient justifiées par des éléments objectifs, et la demande de Mme [G] a été rejetée.

Comment la violation des droits de la défense a-t-elle été évaluée dans le cadre de la procédure de licenciement ?

Mme [G] a soutenu que son licenciement était nul en raison de la violation de ses droits de la défense, arguant qu’elle n’a pas pu être assistée lors de l’entretien préalable. Selon l’article L. 1232-2 du Code du travail, le salarié a le droit d’être assisté par un membre du personnel ou un conseiller lors de l’entretien préalable.

Le tribunal a constaté que, bien que Mme [G] ait été absente pour raison médicale, l’entretien préalable a pu se tenir après la fin du confinement, permettant ainsi à Mme [G] de se faire assister. De plus, la lettre de convocation mentionnait clairement la possibilité d’assistance, respectant ainsi les droits du salarié.

La cour a également noté que l’erreur de date sur la lettre de licenciement ne constituait pas une manifestation irrévocable de la volonté de l’employeur de licencier avant l’entretien. Par conséquent, la demande de nullité du licenciement pour violation des droits de la défense a été rejetée.

Quelles sont les conséquences de la non-mise en place des institutions représentatives du personnel ?

Mme [G] a demandé des dommages-intérêts pour défaut de mise en place des institutions représentatives du personnel, arguant que cela a causé un préjudice aux salariés. Selon le Code du travail, les employeurs ont l’obligation de mettre en place ces institutions lorsque les conditions sont remplies.

Cependant, la société Castel a démontré qu’un procès-verbal de carence avait été dressé, indiquant que les élections n’avaient pas pu avoir lieu en raison de l’absence de candidats. Le tribunal a confirmé que la procédure avait été respectée et que la contestation de la régularité des élections n’était pas de la compétence du conseil de prud’hommes.

Ainsi, la demande de Mme [G] a été rejetée, confirmant que la société avait agi conformément aux exigences légales en matière de représentation du personnel.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JANVIER 2025

N° RG 22/01277

N° Portalis DBV3-V-B7G-VETZ

AFFAIRE :

[W] [P] épouse [G]

C/

S.A.S. CASTEL

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 17 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MANTES LA JOLIE

N° Section : C

N° RG : F 20/00146

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Salif DADI

Me Jérôme ARTZ

Expédition numérique délivrée à FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTES

Madame [W] [P] épouse [G]

née le 28 Mars 1970 à [Localité 8] (FRANCE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Salif DADI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0912

Syndicat UNION DES SYNDICATS ANTI PRECARITE

N° SIRET : 789 894 599 0001

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Salif DADI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0912

****************

INTIMÉE

S.A.S. CASTEL

N° SIRET : 411 242 076

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Jérôme ARTZ de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0097

Substitué par : Me Gautier KERTUDO, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Greffier placé lors du prononcé : Madame Solène ESPINAT

FAITS ET PROCÉDURE

La société Castel est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Versailles, sous le numéro 411 242 076, elle exploite, sous l’enseigne « Intermarché », un fonds de commerce situé à [Localité 7], et emploie plus de 11 salariés.

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, Mme [W] [P] épouse [G] (ci-après désignée Mme [G]) a été engagée par la société Castel en qualité de comptable, catégorie employé, niveau IV, à compter du 1er octobre 2015.

A compter du 11 juillet 2019, Mme [G] a été placée en arrêt de travail pour cause d’affection de longue durée, puis à compter du 2 décembre 2019, Mme [G] a repris son poste dans le cadre d’un temps-partiel thérapeutique, à hauteur de 80% de sa durée du travail, soit 30 heures de temps de travail hebdomadaire.

Du 4 mars au 4 avril 2020, Mme [G] a été de nouveau placée en arrêt de travail.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par lettres des 23 avril 2020 et 13 mai 2020, la société Castel a convoqué Mme [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, initialement prévu le 12 mai 2020, puis repoussé au 28 mai 2020.

Par courrier recommandé avec accusé de réception expédié le 3 juin 2020 et réceptionné le 9 juin 2020, la société Castel a notifié à Mme [G] son licenciement pour cause réelle et sérieuse, en ces termes :

« Madame,

Vous avez été convoquée par courrier en date du 23/04/2020 et du 13/05/2020 à deux entretiens préalables en vue de votre éventuel licenciement. Toutefois, vous n’avez pas jugé utile de vous présenter à ces entretiens, ce que nous ne pouvons que déplorer.

Par la présente, nous vous informons de votre licenciement pour absences répétées et prolongées perturbant le fonctionnement de l’entreprise.

Les perturbations dues à vos absences répétées et prolongées entraînent la nécessité pour la société CASTEL de procéder à votre remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié dans les plus brefs délais.

Vos absences pour arrêt maladie ont été les suivantes depuis un an :

– Absence depuis le 04/04/2020

– Du 04/03/2020 au 04/04/2020

– Aménagement temps partiel thérapeutique à 80% depuis le 02/12/2019

– Du 01/12/2019 au 31/12/2019

– Du 31/10/2019 au 30/11/2019

– Du 02/08/2019 au 30/10/2019

– Du 11/07/2019 au 02/08/2019

Madame [F], directeur général de CASTEL, et la comptable d’un autre magasin se retrouvent dans l’obligation de gérer elles-mêmes les comptes de CASTEL, la paie des salariés, la passation des factures, la facturation des clients, les contrôles bancaires, les échéanciers des prêts. De nombreux retards de paiement de salaires et de nos fournisseurs s’accumulent. Ces retards et dysfonctionnement nous mettent en défaut au regard de la loi. Il est urgent pour CASTEL qu’une comptable puisse remettre à niveau les comptes et la gestion de la paie des salariés.

Nous vous notifions donc votre licenciement pour absences répétées et prolongées, constituant une cause réelle et sérieuse (‘) »

Par requête introductive reçue au greffe le 2 octobre 2020, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie d’une demande tendant à ce que son licenciement soit jugé comme étant nul, ou à défaut, comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu en formation de départage le 17 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie a :

– requalifié le licenciement de Mme [W] [G] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Castel à verser à Mme [W] [G] avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision la somme de 10 949,70 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– condamné la société Castel à rembourser au Pôle Emploi concerné les indemnités de chômage versées à Mme [W] [G] du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de quatre mois d’indemnités de chômage ;

– dit que la somme à caractère indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, avec capitalisation des intérêts échus ;

– débouté Mme [W] [G] de ses autres demandes ;

– débouté l’Union des Syndicats Anti-Précarité de ses demandes ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

– condamné la société Castel à verser à Mme [W] [G] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société Castel de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– mis les dépens à la charge de la société Castel y compris ceux afférents aux actes de procédure d’exécution éventuels.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 19 avril 2022, Mme [W] [G] et le syndicat Union des Syndicats Anti-Précarité ont interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 octobre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 21 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [G] et le syndicat Union des Syndicats Anti-Précarité, appelantes et intimées à titre incident, demandent à la cour de :

– réformer le jugement rendu le 17 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes, notamment, celle relative à la nullité du licenciement de Mme [G] ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à payer à Mme [G] une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a jugé (subsidiairement à la demande de nullité du licenciement), que la rupture était dépourvue de cause réelle et sérieuse tout en ordonnant à la société de rembourser à Pôle Emploi une partie des indemnités chômage, et en ce qu’il a prononcé l’anatocisme ;

– infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

1. Demandes de Mme [G] :

A titre principal :

– juger le licenciement nul et de nul effet ;

– fixer le salaire mensuel moyen à la somme de 2 189,94 euros brut (2 070,50 euros + 1/12ème prime annuelle 2019 de 1 433,25 euros) ;

– ordonner la réintégration de Mme [W] [G] dans son emploi et dans le respect des préconisations de la médecine du travail, avec reprise de paiement du salaire (revalorisé en fonction de la médiane des augmentations intervenues dans la société) à la date du jugement ;

– condamner la société Castel à lui verser les sommes suivantes :

* 100 000 euros à titre de provision sur l’indemnité égale au montant des salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise (13 juin 2020) et sa réintégration ;

* 10 000 euros au titre des congés payés y afférents.

A titre subsidiaire :

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Castel à lui verser la somme suivante :

* 50 000 euros au titre du l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– ordonner conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par l’employeur au Pôle Emploi de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

En tout état de cause :

– condamner la société Castel à lui verser les sommes suivantes :

* 10 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

* 20 000 euros de dommages et intérêts pour mise en péril de son état de santé ;

* 5 000 euros de dommages et intérêts pour non-paiement des heures complémentaires effectuées entre janvier et mars 2020 ;

* 20 000 euros de dommages et intérêts pour défaut de mise en place des instances représentatives du personnel (CE, DP, CHSCT et CSE) ;

* 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

– ordonner conformément à l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts légaux, à compter de la saisine du Conseil, sur les sommes ci-dessus octroyées ;

– ordonner conformément aux dispositions de l’article L. 313-3 du code financier et monétaire, la majoration du taux de l’intérêt légal de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.

2. Demandes de l’Union des Syndicats Anti-Précarité :

– recevoir l’Union des Syndicats Anti-Précarité en son intervention en qualité de partie civile et

– condamner la société Castel à lui verser les sommes suivantes :

* 15 000 euros au titre de dommages et intérêts pour les différents préjudices subis par la collectivité professionnelle et celle des salariés au sens large ;

* 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 25 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Castel, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 17 mars 2022 du conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie en ce qu’il a :

* requalifié le licenciement de Mme [W] [G] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* condamné la société Castel à verser à Mme [W] [G] avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision la somme de :

10 949,70 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* condamné la société Castel à rembourser au Pôle Emploi concerné les indemnités de chômage versées à Mme [W] [G] du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de quatre mois d’indemnités de chômage ;

* dit que la somme à caractère indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, avec capitalisation des intérêts échus ;

* débouté Mme [W] [G] de ses autres demandes ;

* débouté l’Union des Syndicats Anti-Précarité de ses demandes ;

* dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

* condamné la société Castel à verser à Mme [W] [G] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

* débouté la société Castel de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* mis les dépens à la charge de la société Castel y compris ceux afférents aux actes de procédure d’exécution éventuels.

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’Union des Syndicats Anti-Précarité de l’ensemble de ses demandes.

En conséquence :

– débouter Mme [G] de ses demandes ;

– débouter l’Union des Syndicats Anti-Précarité de ses demandes ;

– condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens ;

– condamner l’Union des Syndicats Anti-Précarité au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement

En raison de l’état de santé

La salariée considère que le motif du licenciement invoqué par la nouvelle direction de la société Castel, en place depuis janvier 2020, n’est en réalité qu’une fraude lui permettant de mettre fin au contrat de travail d’une salariée gravement malade. Elle estime que son employeur lui a sciemment demandé de travailler et qu’elle du temps de travail préconisé par la médecine du travail, à savoir 80% thérapeutique, et ce alors qu’elle revenait d’un traitement lourd contre un cancer et qu’elle était encore en soins. Elle fait valoir qu’elle n’a ainsi pas été déchargée de ses tâches qui ont été maintenues et calibrées comme devant se réaliser sur un temps complet. Elle en déduit que ce contexte l’a conduit à un état d’épuisement physique et psychologique conduisant à un nouvel arrêt de travail le 4 mars 2020.

Elle conclut que la société Castel l’a licenciée en raison de son état de santé et sollicite la nullité de son licenciement ainsi sa réintégration dans l’entreprise et la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes.

L’employeur objecte que le licenciement de la salariée n’encourt aucune nullité puisqu’il est motivé par des absences répétées qui l’ont conduit à envisager de remplacer définitivement celle-ci sur ce poste stratégique puisque Mme [G] s’occupait notamment de la gestion de la paie et qu’un tel poste ne pouvait rester vacant aussi longtemps. La société intimée considère qu’elle a été vigilante quant à l’état de santé de sa salariée et qu’elle ne peut se voir reprocher d’être responsable de la dégradation de l’état de santé de Mme [G].

L’article 1132-1 du code du travail dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec

un lanceur d’alerte, au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, au soutien de ses allégations, la salariée qui prétend à la discrimination en raison du fait qu’elle a été licenciée à la suite de ses arrêts maladie, ne produit aucune pièce laissant supposer l’existence d’une discrimination pour raison médicale, ni même que la société Castel ait délibérément violé les préconisations de la médecine du travail avec la volonté réelle de licencier sa salariée en raison de sa maladie.

La discrimination alléguée n’est donc pas établie.

Par voie de confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de débouter la salariée de sa demande de nullité du licenciement en raison d’une discrimination liée à son état de santé et partant de sa demande de réintégration et d’allocation de dommages et intérêts à ce titre.

En raison du harcèlement moral

Mme [G] considère qu’en la faisant travailler 123,71 heures et non pas 121,33 heures son employeur s’est rendu coupable de harcèlement moral à son endroit. Elle ajoute avoir été appelé pendant ses arrêts maladie et sollicite la condamnation de la société Castel à lui verser diverses sommes ainsi que la nullité de son licenciement et demande à être réintégrer dans l’entreprise.

La société intimée conclut au débouté au motif que la salariée ne rapporte pas la preuve qui lui incombe et qu’en cela elle n’est pas en mesure de répondre aux accusations qui lui sont faites.

L’article L. 1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L. 1154-1, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L. 1152-1 le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il revient donc au salarié d’établir la matérialité des faits, à charge pour le juge d’apprécier si ces faits, pris en leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans la négative, le harcèlement moral ne peut être reconnu. Dans l’affirmative, il revient à l’employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l’appui du harcèlement moral allégué, la salariée invoque la dégradation de ses conditions de travail, reprochant à son employeur de l’avoir fait travailler tous les jours une heure de plus, ce qui la contraignait à rogner sur sa pause méridienne et sur sa pause journalière. Elle indique qu’elle était en charge des tâches de secrétariat ou d’employé, sans rapport avec ses qualifications professionnelles de comptable. Elle reproche à Mme [F], responsable du pôle de gestion réseau des 170 magasins Intermarché de la région parisienne, d’avoir refusé d’engager une assistante pour l’aider et de lui avoir demandé d’appliquer de nouvelles procédures dites d’automatisation de tâches pour lesquelles elle n’était pas formée.

Elle reproche aux premiers juges d’avoir considéré qu’elle ne présentait pas d’éléments de faits laissant supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral, alors qu’il n’était ni contestable, ni contesté, que la société l’avait fait travailler 81,50% d’un temps plein au lieu de 80% et alors que l’employeur ne contestait pas que des retards de comptabilité importants s’étaient accumulés pendant l’absence de la salariée et qu’il ne démontrait pas avoir pris des mesures concrètes pour la soulager d’une partie de ses tâches habituelles. Elle considère que le non-respect des préconisations de la médecine du travail constitue une mise en péril de son état de santé. Elle ajoute que son absence à son poste de travail n’est que la conséquence de la situation de harcèlement moral qu’elle a eu à subir et que son employeur ne peut utilement se prévaloir de la perturbation de l’entreprise pour procéder à son licenciement.

Elle ajoute que la société ne verse aucun élément permettant de tenter de démontrer comment elle aurait procédé pour la remplacer sur une journée complète ou comment elle se serait organisée pour la soulager de 20% de ses tâches. Elle observe que la nouvelle comptable, Mme [V], qui l’a remplacée à compter du 9 juillet 2020, indique dans son attestation que pour rattraper le retard accumulé, elle a dû travailler pendant trois mois « sans compter ses heures ». Elle en déduit que la société Castel aurait dû embaucher un comptable à temps partiel et en CDD, pour palier ses absences du mercredi et l’aider dans la semaine afin de rattraper le retard et qu’au lieu de cela elle a dû effectuer la totalité de ses tâches contractuelles en 4 jours au lieu de 5.

En l’espèce au soutien de ses allégations, la salariée ne produit aucune pièce laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.

La seule pièce querellée est constituée de la pièce adverse, n°8, à savoir l’attestation de Mme [F] qui expose dans quel contexte Mme [G] a sollicité une assistante et les raisons pour lesquelles elle n’a pas accédé à cette demande en raison de la taille de la structure et de ce que les autres magasins n’avaient pas deux comptables mais un seul. Mme [F] indique également dans cette attestation qu’elle a accepté d’alléger la charge de travail de Mme [G] en lui enlevant les « taches de faible valeur ajoutée ».

Il est constant que Mme [G] a connu plusieurs absences depuis le 11 juillet 2019 et que, durant ces absences, la gérante de la Société, Mme [F] avec l’aide d’une comptable d’un magasin tiers, s’est occupé d’une partie des tâches de Mme [G]. Cette période a généré des retards car ces deux personnes n’étaient pas affectées à temps plein pour effectuer le travail de Mme [G] et des retards dans le paiement des salaires (paiement des heures supplémentaires), dans le règlement des factures des prestataires et des fournisseurs ont été constatés.

Or, lors de sa reprise du travail, si Mme [G] a pu constater que dans le cadre de son temps partiel thérapeutique, une légère et ponctuelle surcharge de travail lié à son absence pouvait exister, il ne peut en résulter une situation de harcèlement moral.

Par ailleurs, si Mme [G] a effectivement reçu plusieurs appels téléphoniques durant ses absences, elle n’en apporte pas la preuve et l’employeur s’en défend en indiquant que s’il y a eu quelques appels ils n’avaient qu’un caractère administratif.

Il en résulte que le comportement de l’employeur était justifié par des éléments objectifs et étrangers à tout harcèlement moral ce d’autant que les arrêts de travail de Mme [G] sont sans lien direct avec un manquement de l’employeur.

Ainsi, et même si effectivement la salariée a connu des problèmes de santé, les faits invoqués, pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral, dans la mesure où ils sont sans lien direct établi avec un agissement de l’employeur.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral et réintégration, ainsi que de sa demande formé à titre de dommages et intérêts à ce titre.

En raison de la violation des droits de la défense

Mme [G] allègue la nullité de son licenciement sur le fondement de la violation des droits de la défense. Elle fait valoir à ce titre qu’elle n’a pas pu être assistée ni d’un salarié de l’entreprise, ni d’un conseiller. Elle estime que son employeur devra expliquer pourquoi la lettre de licenciement est datée du 21 avril 2020 alors qu’elle a été reçue le 3 juin 2020 et que la première lettre de convocation à l’entretien préalable est datée du 23 avril 2020 pour un entretien prévu le 12 mai 2020, alors que la seconde lettre de convocation à l’entretien préalable est datée du 12 mai 2020, pour un entretien prévu le 28 mai 2020. Elle en déduit qu’à l’évidence son licenciement avait été décidé avant tout entretien préalable.

Elle rappelle qu’absente de l’entreprise depuis le 4 mars 2020 pour raison médicale, elle ne pouvait se rendre sur son lieu de travail et n’a pas été en mesure de solliciter l’assistance d’un salarié de l’entreprise pour l’entretien préalable, elle en déduit qu’elle n’a donc pas pu choisir une personne de son choix, car elle n’était pas sur son lieu de travail et car elle n’avait pas les coordonnées de ses collègues de travail. Elle estime que son employeur aurait pu annuler l’entretien en attente de la fin de la période de sûreté sanitaire et qu’il n’y avait aucune urgence à la licencier. Elle ajoute que le décret du 23 mars 2020 prescrivait les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, interdisant à compter du 17 mars 2020 tout déplacement non indispensable. C’est pour cette raisons que les conseillers ont tous décliné leur assistance.

La société Castel sollicite la confirmation du jugement estimant que la salariée ne peut qu’être déboutée d’une telle demande.

Il est constant que la période de confinement a pris officiellement fin le 11 mai 2020, ce qui permettait à l’entretien prévu le 28 mai 2020 de se tenir dans des conditions qui permettaient à Mme [G] d’être assistée.

En outre, et comme relevé par les premiers juges les allégations de Mme [G] ne sauraient fonder une quelconque violation des droits de la défense en l’absence de dispositions légales en ce sens et alors que la lettre de convocation à l’entretien préalable mentionnait clairement la possibilité pour celle-ci de se faire assister soit par une personne choisie au sein du personnel de l’entreprise ou de recourir à un conseiller du salarié. Cette lettre mentionnait l’adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition, satisfaisant ainsi au respect des droits du salarié dont les droits de la défense ont été ainsi parfaitement respectés.

En second lieu, et comme justement motivé en première instance, si la procédure de licenciement est pour partie soumise au principe du contradictoire, à travers notamment l’organisation d’un entretien préalable au cours duquel le salarié peut être assisté, le respect de ce principe ne peut être confondu avec le respect des droits de la défense s’exerçant dans le cadre d’une procédure juridictionnelle. Si le deuxième principe se rattache à la catégorie des libertés fondamentales, il n’en va pas nécessairement de même en ce qui concerne le respect du caractère partiellement contradictoire de la procédure de licenciement. La jurisprudence considère que le fait, pour l’employeur, de manifester sa volonté irrévocable de rompre le contrat de travail avant l’entretien préalable s’analyse en un licenciement verbal sanctionné par l’absence de cause réelle et sérieuse et non par la nullité du licenciement.

Or, il ne peut être considéré que l’erreur de plume sur la lettre de licenciement, qui date celle-ci du 21 avril 2021, alors qu’elle n’a été postée que le 3 juin 2021, et qui fait clairement mention des deux lettres envoyées précédemment dans le cadre de la convocation à l’entretien préalable, puisse constituer une manifestation irrévocable de la volonté de l’employeur de licencier la salariée avant la tenue de l’entretien préalable. En outre, il ressort des pièces versées aux débats que la salariée a fait le choix délibéré de ne pas participer à celui-ci alors que dans le contexte de la crise sanitaire, et comme mentionné dans la lettre de licenciement, celui-ci pouvait se tenir en visio-conférence y compris avec le conseiller qu’elle aurait pu choisir dans ce cadre.

Le jugement déféré sera donc confirmé également sur ce point.

***

Il convient dès lors d’examiner la demande subsidiaire de la salariée qui estime que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur le licenciement en raison des absences prolongées

La société Castel qui forme appel incident de ce chef sollicite l’infirmation du jugement sur ce point considérant que le licenciement était parfaitement justifié en raison de la perturbation occasionnée en raison de l’absence de la salariée au sein de l’entreprise.

Au cas d’espèce, la lettre de licenciement fait état des perturbations dues aux absences répétées et prolongées de la salariée, lesquelles ont provoqué la nécessité pour la société Castel de procéder au remplacement définitif de Mme [G] par l’engagement d’une autre salariée.

Les premiers juges ont retenu, au visa de l’article 7.3.1 b) de la convention collective nationale du commerce de détails et de gros à prédominance alimentaire qu’en cas d’absence prolongée pour maladie ou accident d’origine non professionnelle, le licenciement du salarié pour nécessité de remplacement définitif ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai de 4 mois dès lors qu’il justifie plus de 6 mois de présence effective dans l’entreprise à la date du premier jour d’arrêt de travail. Ce délai est majoré de 2 mois après 4 ans de présence, de 3 mois après 8 ans de présence, de 4 mois après 12 ans de présence et de 5 mois après 15 ans de présence.

La société Castel, sans contester le bien-fondé de cette motivation, se retranche derrière les seuls éléments factuels qu’elle invoque au soutien de la perturbation quant au bon fonctionnement de l’entreprise qu’elle reproche à sa salariée.

Il est constant que les dispositions de la convention collective nationale du commerce de détails et de gros à prédominance alimentaire, relatives aux situations d’absence prolongée pour maladie ont vocation à s’appliquer à la situation de Mme [G] qui justifiait au jour de son licenciement d’une ancienneté de 4 années complètes.

Il est également constant que la salariée a été absente sur l’année 2019, du 11 juillet 2019 au 1er décembre 2019 mais qu’à compter du 2 décembre 2019, alors qu’elle a repris son activité dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, elle ne cumulait pas au moment de son licenciement six mois d’absence prolongée. Elle a par la suite été arrêtée du 04/03/2020 au 04/04/2020 et là encore elle n’a été en arrêt pendant une période de moins de 6 mois.

Dès lors, en convoquant la salariée à un entretien préalable par courrier des 23 avril 2020 et 12 mai 2020, la société Castel n’a pas respecté la clause conventionnelle exigeant une période de 6 mois d’absence prolongée.

Il ressort de l’ensemble de ces constatations, confirmant le jugement entrepris, que le licenciement de Mme [G] est ainsi sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’employeur soutient que la salariée ne peut prétendre à une allocation qui serait supérieur au barème prévu par le code du travail et demande que les dommages et intérêts alloués soient sur la base de la fourchette base prévue par les textes, soit 3 mois de salaire.

La cour constate que les parties s’accordent à retenir un salaire moyen brut mensuel de 2 189,94 euros et ne remettent pas en cause le jugement entrepris sur ce point.

Le conseil de prud’hommes a alloué une somme de 10 949,70 euros, soit 5 mois de salaire, alors même que la salariée, qui verse aux débats 10 pièces, ne justifie nullement de son préjudice en dehors d’une attestation France Travail du 3 juillet 2020.

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’ordonnance n 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié, Mme [G] ayant acquis une ancienneté de 4 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 mois et 5 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (2 189,94 euros bruts), de son âge (50 ans), de son ancienneté et de sa capacité en résultant à retrouver un nouvel emploi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Castel à lui payer la somme de 10 949,70 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail qui l’imposent et sont donc dans le débat, d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de trois mois d’indemnités.

Sur la demande de dommages-intérêts pour mise en péril de son état de santé

En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés, prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure et postérieure à l’ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 et de l’article L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure et postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, est distincte de la prohibition du harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.

Au regard des motifs retenus à l’appui du harcèlement, de la discrimination et des heures complémentaires, la cour constate que la salariée ne justifie pas d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Il convient donc, par voie de confirmation du jugement entrepris, de rejeter sa demande de dommages et intérêts pour mise en péril de son état de santé.

Sur les dommages-intérêts pour non-paiement des heures complémentaires

La salariée sollicite des dommages-intérêts pour non-paiement des heures complémentaires effectuées sur les pauses méridiennes sur la période se situant entre janvier et mars 2020.

La société Castel conclut au débouté faute d’élément produit au soutien de sa demande.

La cour constate que la salariée ne produit aucun élément justifiant des dépassements du temps de travail qu’elle allègue, ce qui ne permet pas à la société Castel d’y répondre conformément à l’article L.3171-4 du code du travail.

Il convient donc de confirmer le jugement ayant débouté la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour non-paiement des heures complémentaires effectuées entre janvier et mars 2020.

Sur les dommages-intérêts pour défaut de mise en place des institutions représentatives du personnel

Concernant la demande de Mme [G] visant à faire condamner son employeur à la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l’absence de mise en place des institutions représentatives du personnel (CE, CHSCT et CSE), la salariée considère que la société Castel n’a pas accompli les diligences nécessaires à la mise en place de ces institutions représentatives du personnel. Elle en déduit que la société Castel a ainsi commis une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts et dont elle sollicite réparation.

La société Castel lui oppose qu’un procès-verbal de carence a été valablement dressé et justifie avoir respecté la procédure d’organisation des élections.

Il ressort des pièces versées aux débats par l’employeur que la procédure d’élections des délégués du personnel a été correctement mise en place, avec invitation par courriers des organisations syndicales à la négociation du protocole préélectoral, mais que leur élection n’a pu avoir lieu, faute de liste de candidats, et qu’en ce sens un procès-verbal de carence a été rédigé, tant pour le premier tour que pour le second, et régulièrement publié sur le site du ministère du travail.

En conséquence, confirmant le jugement entrepris, la demande de dommages et intérêts de Mme [G] sera donc rejetée ce d’autant que comme rappelé par les premiers juges la contestation de la régularité des élections professionnels n’est pas de la compétence du conseil de prud’hommes.

Sur les demandes de l’Union des Syndicats Anti-Précarité

L’Union des Syndicats Anti-précarité, ci-après l’Union SAP, intervient volontairement et sollicite, sur le fondement de la violation des articles 6 et 7 de la convention OIT n°158, la condamnation de la société Castel à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts pour les différents préjudices subis par la collectivité professionnelle et celle des salariés qu’elle défend.

La société CASTEL conclut aux termes de ses motifs à l’irrecevabilité de l’Union SAP et au dispositif au débouté de ses demandes au motif qu’aucun manquement ne saurait lui être reproché.

L’Union SAP est une organisation interprofessionnelle et inter catégorielle qui couvre statutairement l’ensemble du territoire français et l’ensemble des métiers et professions, elle est donc recevable à intervenir pour défendre l’intérêt collectif de la profession.

Au regard des motifs ci-dessus, la cour ayant déclaré le licenciement de la salariée irrégulier en raison de la violation des dispositions conventionnelles, il y a lieu de faire droit à la demande de l’Union SAP en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession dont il assure la défense à hauteur de 1 000 euros, par voie d’infirmation du jugement entrepris.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d’ordonner à l’employeur de remettre à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés (attestation Pôle Emploi, certificat de travail et bulletins de paye) conformes au présent arrêt.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner la société Castel aux dépens de l’instance d’appel et par équité de rejeter les demandes faites au titre de l’article 700 du code de procédure civile par les parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement rendu le 17 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Mantes la Jolie sauf en ce qu’il a débouté l’Union SAP de sa demande de dommages-intérêts ;

Statuant des chefs de dispositions infirmés et y ajoutant ;

DÉCLARE recevable l’intervention volontaire de l’Union SAP ;

CONDAMNE la société Castel à version à l’Union SAP la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société castel aux dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Solène ESPINAT, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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