Licenciement abusif d’un analyste exploitation.

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Licenciement abusif d’un analyste exploitation.

Après avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juillet 2018, convoqué Mme [S] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 juillet 2018, reporté au 12 juillet 2018, avec mise à pied à titre conservatoire, la société Mr Bricolage lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juillet 2018 son licenciement pour faute grave, en raison de d’incidents sur le déploiement de plusieurs logiciels et une faute sur la sécurité des serveurs, des mises à jours n’étant pas réalisées ni la mise en place de sauvegarde des fichiers utilisateurs, de manière délibérée, ce qui relèverait non seulement de fautes et de négligences, mais aussi d’une insubordination, Mme [S] se voyant reprocher de ne pas solutionner les dysfonctionnements sur lesquels elle aurait été alertée.

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Cour d’appel d’Orléans, Chambre Sociale, 6 avril 2023, 21/01119 C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 06 AVRIL 2023 à

la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF

la AARPI LOYAS ASSOCIES

XA

ARRÊT du : 06 AVRIL 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 21/01119 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GK7C

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLEANS en date du 08 Mars 2021 – Section : COMMERCE

APPELANTE :

S.A. MR BRICOLAGE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Helene KROVNIKOFF de la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF, avocat au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Claire DERUBAY de la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF, avocat au barreau d’ORLEANS

ET

INTIMÉE :

Madame [O] [S]

née le 09 Septembre 1972 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Thierry CARON de l’AARPI LOYAS ASSOCIES, avocat au barreau D’ORLEANS

Ordonnance de clôture : 26 janvier 2023

Audience publique du 21 Février 2023 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Puis le 06 Avril 2023, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [O] [S] a été engagée par la société Mr Bricolage (SA) selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er juin 2005, en qualité d’analyste exploitation. En dernier lieu, elle était titulaire du poste d’administrateur système à la suite d’une promotion qui s’est concrétisée par la signature d’un avenant au contrat de travail le 19 mars 2010, au statut d’agent de maîtrise.

Après avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juillet 2018, convoqué Mme [S] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 juillet 2018, reporté au 12 juillet 2018, avec mise à pied à titre conservatoire, la société Mr Bricolage lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juillet 2018 son licenciement pour faute grave, en raison de d’incidents sur le déploiement de plusieurs logiciels et une faute sur la sécurité des serveurs, des mises à jours n’étant pas réalisées ni la mise en place de sauvegarde des fichiers utilisateurs, de manière délibérée, ce qui relèverait non seulement de fautes et de négligences, mais aussi d’une insubordination, Mme [S] se voyant reprocher de ne pas solutionner les dysfonctionnements sur lesquels elle aurait été alertée.

Par requête enregistrée au greffe le 25 octobre 2018, Mme [S] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans pour contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités, ainsi qu’un rappel de salaire sur la période de mise à pied.

Par jugement du 8 mars 2021, le conseil de prud’hommes d’Orléans a :

– Dit que le licenciement de Mme [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Fixé le salaire de référence de Mme [S] à 3.311,65 euros brut,

– Condamné la société Mr Bricolage à régler à Mme [S] :

– 29.804,85 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 6.623,30 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 662,33 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– 10.845,64 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 3.311,54 euros brut au titre du complément de rémunération dont Mme [S] a été privée du fait de sa mise à pied conservatoire du 29 juin au 26 juillet 2018,

– 331,15 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Ordonné à la société Mr Bricolage de remettre Mme [S] une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie relatif aux créances salariales, rectifiés des décisions du présent jugement,

– Dit que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et que les créances indemnitaires porteront intérêt à la date du présent jugement,

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que celle prévue de droit,

– Ordonné le remboursement des indemnités chômage à hauteur de 3311,65 euros par la société Mr Bricolage aux organismes concernés,

– Débouté Mme [S] du surplus de ses demandes,

– Débouté la société Mr Bricolage de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société Mr Bricolage aux entiers dépens.

La société Mr Bricolage a relevé appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 2 avril 2021 au greffe de la cour d’appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 20 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société Mr Bricolage demande à la cour de :

– Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

– Déclarer que le licenciement de Mme [S] repose bien sur une faute grave.

A titre subsidiaire :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orléans,

Et statuant à nouveau,

– Requalifier le licenciement de Mme [S] en licenciement pour motif réel et sérieux,

– Lui accorder une indemnité compensatrice de préavis, à hauteur de 6.623,30 euros brut + congés payés y afférents, une indemnité légale de licenciement à hauteur de 10.845,64 euros net, et le paiement de la mise à pied à titre conservatoire à hauteur de 2.691,63 euros + congés payés y afférents.

A titre infiniment subsidiaire :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes quant au montant de la rémunération de la mise à pied à titre conservatoire,

– Et fixer les dommages et intérêts à 3 mois de salaire.

En tout état de cause :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a fait application à tort des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail,

– Laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles Mme [S] demande à la cour de :

À titre principal

– Recevoir Mme [S] en son appel incident visant uniquement le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Statuant de nouveau, condamner la société Mr Bricolage à verser à Mme [S] la somme de 38.083,98 euros net (11,5 mois de salaire) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Confirmer le jugement du 8 mars 2021 pour le surplus,

– Y ajoutant, condamner la société Mr Bricolage à verser à Mme [S] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

Subsidiairement

– Confirmer le jugement du 8 mars 2021 en l’ensemble de ces dispositions

– Y ajoutant, condamner la société Mr Bricolage à verser à Mme [S] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l’employeur.

La société Mr Bricolage expose que Mme [S] se dispensait d’accomplir certaines de ses missions, bien que son supérieur, M.[Z], les lui ait rappelées. Il a été constaté que Mme [S] négligeait de suivre l’évolution des anomalies et des incidents informatiques en interne ou en externe sur 3 logiciels. Elle se serait contentée de gérer au cas par cas les problématiques rencontrées au gré des dysfonctionnements constatés mais négligeait de suivre la ligne de conduite communiquée par son responsable. Elle ne faisait parallèlement preuve d’aucune initiative. M .[Z] a été contraint de confier l’analyse de dysfonctionnements des accès au réseau interne à un prestataire extérieur après que Mme [S] se soit abstenue de signaler des dysfonctionnement du logiciel SSO à l’éditeur. Elle se serait abstenue de faire le nécessaire pour le déploiement du logiciel Varonis, qui a pour objet d’assurer la mise en conformité avec les normes du règlement général sur la protection des données (RGPD). Il a fallu que son supérieur gère personnellement le dossier. Elle aurait réalisé de manière anormalement longue le remplacement du serveur hébergeant le logiciel Telelogos. Les mises à jour des serveurs du groupe Mr Bricolage n’ont pas été réalisées et le niveau général de sécurité apparaît critique, le risque d’intrusion étant avéré, alors qu’il lui avait été demandé de corriger les risques. Deux rapports internes sont produits à ce sujet. La sauvegarde des fichiers utilisateurs, et la  » réplication  » des données sur le site Equinix, n’ont pas été réalisées alors que leur niveau de vulnérabilité a été jugé critique et que Mme [S] en a été alertée. L’employeur en conclut à l’existence d’une succession de fautes et d’erreurs graves qui ont mis en péril le système informatique de la société et à l’insubordination de Mme [S], compte tenu des demandes réitérées de son responsable hiérarchique, auxquelles elle n’a pas répondu. Mme [S] aurait choisi les travaux qui lui convenaient en négligeant ce qui ne lui convenait pas. L’employeur conteste toute volonté de réduction drastique des coûts, le développement de l’activité numérique s’étant traduit par un doublement des effectifs du service réseaux et systèmes. Son poste n’aurait pas été supprimé contrairement à ce qu’elle affirme. La société Mr Bricolage soutient que contrairement à ce qu’a retenu le jugement du conseil des prud’hommes, Mme [S] disposait de la qualification, de l’autonomie et des responsabilités nécessaires à l’accomplissement des tâches qui lui étaient demandées.

Mme [S] réplique que son licenciement, comme celui, concomitant, de son collègue M.[V], relève d’une décision stratégique de la part du groupe Mr Bricolage et non de fautes commises. Il s’agissait en réalité de procéder à une réduction des coûts passant par une uniformisation des systèmes d’information.

Elle relève que sa capacité d’initiative était très réduite, que sa charge de travail était conséquente et qu’elle s’est vue confier d’autres missions que celles qui lui étaient dévolues en sa qualité d’agent de maîtrise, de surveiller le bon fonctionnement des serveurs et la réalisation des sauvegardes. Il lui a notamment été confié en début d’année 2018 la mission de migrer toutes les boîtes mail du siège et de la filiale vers une nouvelle messagerie, de refaire toutes les documentations destinées aux utilisateurs, d’effectuer le déploiement des services informatiques, RH et d’une des filiales, puis d’organiser et de débuter la réalisation du déploiement aux autres utilisateurs du siège. S’agissant du logiciel SSO, elle n’était pas donneuse d’ordres auprès de l’éditeur, la société IBM, et elle ne devait que rendre compte, comme elle l’a fait, des difficultés rencontrées, un prestataire extérieur étant chargé de les résoudre. S’agissant du déploiement du logiciel Varonis, un prestataire extérieur avait été désigné qui n’a pas vu son contrat renouvelé en janvier 2018, ce qui explique que ce soit M.[Z] qui a repris le dossier, étant précisé que ce projet n’a jamais figuré dans sa fiche de poste, de nombreux intervenants ayant travaillé sur ce dossier. S’agissant du logiciel Telelogos, elle a alerté sa hiérarchie sur le fait que le serveur de cette application était obsolète, et qu’il ne faisait plus l’objet de maintenance par la société Dell et c’est en accord avec M.[Z] qu’il a été décidé d’abandonner ce logiciel au profit du logiciel Blueway mais qu’en attendant, il a été décidé de virtualiser le serveur Telelogos, ce qu’elle a effectué et ce pour quoi elle a été félicitée.

S’agissant de l’inaction sur la sécurité des serveurs, l’employeur invoquerait des rapports qui sont sans lien avec le problème soulevé dans la lettre de licenciement et aucune tâche précise ne lui aurait été confiée dans ce domaine. Mme [S] conteste que les données informatiques transférées sur le site Equinix aient été dépourvues de sauvegarde, alors qu’elle affirme en avoir effectué la sauvegarde complète.

La fiche de poste du technicien système, agent de maîtrise, mentionne que ce dernier est  » garant de la qualité de service apporté aux utilisateurs (‘) recueille, diagnostique et traite les incidents « . Il est chargé de  » réorganiser et suivre les interventions informatiques en interne et/ou en externe (développement, installation, paramétrages, recettes) pour garantir le respect des plannings et leur conformité par rapport au cahier des charges « , de  » suivre l’évolution des anomalies et incidents informatiques, d’appliquer les techniques d’exploitation informatique « .

La lettre de licenciement, qui circonscrit les limites du litige, évoque avec précision plusieurs points, qu’il convient d’examiner :

– Sur le logiciel SSO :

Mme [S] aurait négligé d’informer l’éditeur des problématiques rencontrées avec ce logiciel et n’aurait pas répondu aux recommandations émises par son supérieur le 11 juin 2018 sur ce point, notamment  » d’ouvrir un ticket IBM « .

Les pièces du dossier de la société Mr Bricolage comme celui de Mme [S] font état au contraire de nombreux échanges par courriels, relatifs à des signalements d’anomalies de ce logiciel effectués par Mme [S] à M.[Z], son responsable, et à des échanges sur ces anomalies entre M.[Z] et la société Micropole prestataire extérieur, Mme [S] étant mise en copie. De même des échanges directs sont intervenus entre Mme [S] et la société Micropole, notamment l’email du 2 juillet 2018 produit par la société Mr Bricolage, qui fait suite à un email du 11 juin 2018 intitulé  » A FAIRE SSO « , dans lequel M.[Z] fait des recommandations dont rien n’établit qu’elles n’aient pas été appliquées par Mme [S], celle-ci n’apparaissant d’ailleurs pas comme la seule destinataire.

L’éditeur, la société IBM, n’avait pas à être contacté directement par Mme [S], comme le démontre l’email du 2 juillet 2018, dans lequel M.[T], de la société Micropole, fait part à Mme [S] et M.[Z] de la  » traduction de la réponse IBM  » aux questions qu’il avait soumises à cette société ; ce qui démontre que c’est le prestataire qui était le seul interlocuteur de l’éditeur et non Mme [S], ni la société Mr Bricolage, Mme [S] ayant en revanche, comme il se devait, alerter le prestataire sur la nécessité de consulter IBM.

Il n’est donc pas établi que les problèmes d’accès à ce logiciel soient imputables à Mme [S], comme le soutient l’employeur dans la lettre de licenciement. Ce grief sera écarté.

– Sur le logiciel Varonis

Ce logiciel, selon un email du 29 août 2017 adressé à Mme [S], devait être installé pour le  » démarrage du service  » au 1er novembre 2017, ce qui n’aurait pas été le cas par la faute de Mme [S] qui aurait été négligente à ce sujet malgré les relances de M.[Z], ce dont celui-ci fait état dans une attestation. La société Mr Bricolage dans ses conclusions, évoque également, de manière contradictoire  » un déploiement du 2 mars 2018 au 7 mai 2018 « .

Il résulte des éléments produits que Mme [S] apparaît loin d’être la seule intervenante de ce projet, ni la responsable, puisqu’apparaissent de nombreux interlocuteurs dans les échanges, au regard des destinataires de l’email du 29 août 2017, et notamment M.[P], prestataire extérieur, qui par exemple organisait le 29 août 2017 une réunion, la société Mr Bricolage reconnaissant qu’un  » contrat de prestation avait été conclu lors de la première phase de lancement « . Mme [S] ne peut donc être tenue responsable du non-respect de la  » date-butoir  » du 1er novembre 2017, d’autant qu’elle n’apparaît pas, au vu des emails produits, avoir été particulièrement l’objet de rappels à l’ordre sur ce sujet. S’agissant de la seconde phase de la mise en oeuvre du lancement, des tests réguliers ont été accomplis par Mme [S] à la suite d’anomalies constatées par celle-ci, entre le 23 mars 2018 et le 26 avril 2018. Selon l’employeur, le déploiement du logiciel a pu être réalisé le 25 mai 2018, soit à la date limite de la mise en conformité de la société en matière de RGPD, mais les pièces démontrent que Mme [S] a participé à cette mise en place jusqu’à son issue, quoique des congés lui aient été accordés entretemps. Aucun élément de démontre qu’elle est à l’origine du non-respect de la  » date butoir  » du 7 mai 2018 ni que l’entreprise ait subi un préjudice quelconque de ce léger retard, ni, comme l’indique la lettre de licenciement, un  » risque de pénalités financières « .

Ce grief n’est pas établi.

– Sur le logiciel Telelogos

Il est reproché également à un retard dans le remplacement de ce serveur.

Il a été demandé à Mme [S] d’y procéder le 28 mars 2018. Elle répond le même jour qu’elle l’a  » déjà tenté  » et qu’elle va  » réessayer à nouveau la semaine prochaine ». Le 3 avril, M.[Z] lui demande si elle  » besoin d’aide sur le sujet « , elle répond le même jour qu’elle  » ne peut pas le faire tout de suite car nous sommes en plein remontées mensuelles « . M.[Z] réplique :  » OK pas de souci, quand peux-tu planifier cela ‘ « , sans s’inquiéter davantage du retard qui pourrait être constaté. Le 17 avril 2018, Mme [S] informait M.[Z] de ce que la machine avait été  » virtualisée « . Et le 9 mai 2018, ce dernier adressé un courrier indiquant qu’il souhaitait que le dossier soit traité en priorité au retour de vacances de Mme [S] le 15 mai, le dossier devant être clôturé pour fin mai. Dès le 16 mai 2018,  » les formalités nécessaires au remplacement du serveur  » étaient réalisées. Le 19 mai 2018, M.[G], responsable des flux applicatifs, écrivait :  » après plusieurs jours de travail et une bonne dose de culot, [O] a réussi à virtualiser le serveur Telelogos « . Il expliquait les conditions difficiles dans lesquelles cette dernière avait travaillé et la remerciait pour son intervention.

Mme [S] n’apparaît donc pas fautive sur ce point, le délai de réalisation de cette opération ayant été respecté et ce grief sera écarté.

– Sur l’absence de réalisation des mises à jour et la sécurité des serveurs

La société Mr Bricolage produit un audit réalisé le 16 décembre 2016, dont il résulte que le niveau de sécurité de l’installation informatique de l’entreprise est évalué comme  » insuffisant  » et des mesures sont proposées pour y remédier. Un autre audit, réalisé le 24 octobre 2017, indique le  » niveau général de sécurité du réseau central de société Mr Bricolage est critique « , attribuant ces faiblesses à des  » défauts de configuration et des manques de mises à jour des serveurs. « 

La société Mr Bricolage considère que Mme [S] est responsable de cette situation, étant chargée de la mise à jour des serveurs. M.[Z], son responsable, affirme dans son attestation que  » Mme [S] a fait plusieurs erreurs sur la partie sauvegarde, dont notamment une erreur dans le choix d’exploitation des sauvegardes (‘) et absence de sauvegarde du serveur de fichiers depuis la mise en place du nouveau système de sauvegarde « .

La cour constate que Mme [S] n’a néanmoins pas fait l’objet de remarques sur ce sujet sensible, ni d’ailleurs que les rapports d’audit lui aient été communiqués, l’employeur dans la lettre de licenciement évoquant la date du 8 juin 2018 seulement, soit plusieurs mois après le dépôt su second rapport, et M.[Z] ne fait état d’aucune  » demande expresse et relance  » qui lui aurait été adressée à ce sujet, si ce ne sont de simples instructions données par M.[Z] le même 8 juin 2018, auxquelles il n’est pas démontré que Mme [S] ait refusé de se conformer avant sa convocation à entretien préalable du 2 juillet 2018.

Ce grief sera écarté.

– Sur les sauvegardes des fichiers utilisateurs et la réplication des données sur le site Equinix

Mme [S] aurait négligé, comme en atteste M. [Y], de  » réaliser des sauvegardes malgré le bon fonctionnement du logiciel prévu à cet effet et malgré les nombreuses demandes et relances auprès d’elle « . Cette sauvegarde devait s’opérer par la réplication des données sur le site Equinix. Elle aurait de surcroît commandé un logiciel de sauvegarde inadapté, ce qui aurait nécessité, pour  » régulariser la situation « , de remplacer l’ensemble du matériel, pour la somme de 138 090 euros, la société Mr Bricolage produisant la facture afférente.

Mme [S] produit un ensemble de  » tests de restauration  » opérés par ses soins en mars et avril 2018, permettant la  » migration de la sauvegarde sur la nouvelle appliance « , ce qui démontre que les opérations ont été réalisées, contrairement à ce qu’affirme la société Mr Bricolage.

Quant au mode de sauvegarde opéré, aucun élément ne démontre qu’il aurait été inadapté, ni même que ce soit Mme [S] qui soit à l’origine de ce choix et encore moins qu’elle soit responsable du préjudice financier qu’invoque la société Mr Bricolage, ce qui n’est d’ailleurs pas mentionné dans la lettre de licenciement.

Comme les précédents, ce grief sera écarté, de même que le grief d’insubordination relevé par l’employeur en raison du caractère prétendument délibéré des manquements reprochés à Mme [S].

Celle-ci, par voie de confirmation, sera donc accueillie en sa demande visant à ce que son licenciement soit déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

– sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents, et l’indemnité de licenciement :

La société Mr Bricolage, ni Mme [S], ne contestent le quantum de l’indemnité de préavis allouée par le conseil de prud’hommes, soit 6623,30 euros, qui correspond à sa proposition, pas plus que l’indemnité de congés payés afférents (662,33 euros), ni celui de l’indemnité de licenciement, évaluée par le conseil à 10 845,64 euros.

Ces dispositions du jugement seront confirmées.

– sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoit, compte tenu de l’ancienneté de l’intéressé dans l’entreprise (13 ans révolus) et de la taille de l’entreprise, supérieure à 10 salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 11,5 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu , par voie d’infirmation du jugement entrepris, de condamner la société Mr Bricolage à payer à Mme [S] la somme de 35 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Sur la demande de rappel de salaire sur la période de mise à pied

Un rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire sera accordé.

Le conseil de prud’hommes a alloué à ce titre à Mme [S] la somme de 3311,54 euros, soit un mois de salaire, outre 331,15 euros d’indemnité de congés payés afférents.

La société Mr Bricolage invoque avec justesse un montant de 2691,63 euros, la période de mise à pied ayant débuté le 2 juillet 2018 pour se terminer le 26 juillet 2018.

Le jugement sera infirmé sur ce point et ce sera la somme de 2691,63 euros qui sera allouée à Mme [S], outre 269,16 euros d’indemnité de congés payés afférents.

– Sur la remise des documents de fin de contrat

La remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision sera ordonnée.

– Sur l’article L.1235-4 du code du travail

En application de ce texte, il convient d’ordonner le remboursement par la société Mr Bricolage à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [S] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Mr Bricolage à payer à Mme [S] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et d’y ajouter une condamnation de la société Mr Bricolage au titre des frais irrépétibles engagés par Mme [S] en cause d’appel à lui payer 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Mr Bricolage sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 8 mars 2021 par le conseil de prud’hommes d’Orléans, sauf en ce qu’il a condamné la société Mr Bricolage à payer à Mme [O] [S] la somme de 3311,54 euros au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied et 331,15 euros d’indemnité de congés payés afférents, et sauf en ce qu’il a condamné la société Mr Bricolage à payer à Mme [O] [S] la somme de 29 804,85 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que sur les modalités d’application de l’article L.1235-4 du code du travail ;

Statuant des chefs infirmés, et ajoutant,

Condamne la société Mr Bricolage à payer à Mme [O] [S] les sommes suivantes :

– rappel de salaire sur la période de mise à pied : 2691,63 euros

– indemnité de congés payés afférents : 269,16 euros

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35 000 euros

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

Condamne la société Mr Bricolage à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [O] [S] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage ;

Condamne la société Mr Bricolage à payer à Mme [O] [S] la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles engagés en appel ;

Condamne la société Mr Bricolage aux dépens d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Karine DUPONT Laurence DUVALLET  

Questions / Réponses juridiques

Quel était le motif du licenciement de M. [D] par la société Mr Bricolage ?

Le licenciement de M. [D] par la société Mr Bricolage a été notifié pour faute grave. Les reproches formulés à son encontre incluaient plusieurs manquements significatifs à ses obligations professionnelles.

Il lui était reproché d’avoir fait appel à un prestataire extérieur pour des missions qui relevaient de ses propres fonctions, ce qui a été perçu comme une insubordination. De plus, il n’avait pas mis en conformité le réseau wifi, n’avait pas corrigé des failles de sécurité dans le système informatique, et n’avait pas réalisé les mises à jour nécessaires des équipements.

La licence Firewall Fortinet était expirée, et il n’avait pas mis à jour les accès VPN des anciens employés, ce qui a été considéré comme un risque extrême pour l’entreprise. Ces manquements ont conduit à la décision de licenciement, qui a été contestée par M. [D] devant le conseil de prud’hommes.

Quelles ont été les décisions du conseil de prud’hommes concernant le licenciement de M. [D] ?

Le conseil de prud’hommes d’Orléans, par jugement du 8 mars 2021, a déclaré que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cette décision a été fondée sur l’analyse des éléments présentés par les deux parties.

Le tribunal a fixé le salaire de référence de M. [D] à 2888,30 euros brut et a condamné la société Mr Bricolage à verser plusieurs indemnités. Cela incluait 14 441,50 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5776,60 euros d’indemnité compensatrice de préavis, et 577,66 euros pour les congés payés afférents.

M. [D] a également reçu 4332,42 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement, ainsi que des montants pour le complément de rémunération durant sa mise à pied. La société a été condamnée à remettre les documents de fin de contrat à M. [D] et à rembourser les indemnités chômage.

Quels étaient les arguments de la société Mr Bricolage pour justifier le licenciement ?

La société Mr Bricolage a avancé plusieurs arguments pour justifier le licenciement de M. [D]. Elle a soutenu que, sous la direction d’un nouveau responsable, il avait été constaté que M. [D] ne réalisait pas les tâches qui lui étaient confiées.

Les manquements incluaient l’absence de mise en conformité du réseau wifi, le défaut de préparation pour la migration des équipements de sécurité, et le non-renouvellement de la licence du firewall Fortinet.

De plus, la société a affirmé que M. [D] avait eu recours de manière excessive à un prestataire extérieur pour des missions qui auraient dû être effectuées en interne. La société a également contesté toute volonté de réduire les coûts, affirmant que le développement de l’activité numérique avait entraîné une augmentation des effectifs dans le service concerné.

Comment M. [D] a-t-il réagi aux accusations portées contre lui ?

M. [D] a contesté les accusations portées contre lui, arguant que son licenciement était le résultat d’une décision stratégique de la part de la direction de Mr Bricolage, plutôt que de fautes professionnelles.

Il a souligné qu’il n’avait pas de pouvoir décisionnel et qu’il était impliqué dans son travail. M. [D] a également fait valoir que son dernier entretien annuel avait été positif et qu’il avait signalé un manque de ressources humaines dans l’entreprise.

Concernant les griefs spécifiques, il a contesté chacun d’eux, affirmant qu’il avait agi dans le cadre de ses responsabilités et qu’il avait pris des mesures pour gérer les tâches qui lui étaient assignées. Il a produit des preuves de ses échanges avec les prestataires et a mis en avant son engagement à maintenir les systèmes informatiques de l’entreprise.

Quelles ont été les conséquences financières du jugement du conseil de prud’hommes ?

Le jugement du conseil de prud’hommes a eu des conséquences financières significatives pour la société Mr Bricolage. En déclarant le licenciement de M. [D] sans cause réelle et sérieuse, le tribunal a ordonné le versement de plusieurs indemnités.

M. [D] a reçu 14 441,50 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que 5776,60 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 577,66 euros pour les congés payés afférents.

De plus, il a été alloué 4332,42 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement, et 2888,30 euros pour le complément de rémunération durant sa mise à pied. La société a également été condamnée à rembourser les indemnités de chômage versées à M. [D] et à payer des frais irrépétibles.

Ces décisions ont eu un impact financier important sur l’entreprise, qui a contesté le jugement en appel.


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