Libre expression des journalistes TV : l’ARCOM peut-il intervenir ?

·

·

Libre expression des journalistes TV : l’ARCOM peut-il intervenir ?

L’Essentiel : L’ARCOM n’est pas tenu d’intervenir pour sanctionner les chaînes ou radios en cas de propos contraires à la déontologie journalistique. Une demande d’annulation des décisions implicites de rejet de L’ARCOM a été formulée, mais le Conseil a jugé que les allégations de manquement aux règles de la charte d’éthique des journalistes, qui n’a pas de valeur normative, ne pouvaient pas être retenues. En vertu de la loi du 30 septembre 1986, L’ARCOM doit garantir l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information, mais n’est pas obligé d’agir sur chaque plainte.

l’ARCOM n’a aucune obligation d’intervenir pour mettre en demeure une chaîne ou une radio (Radio France et France Télévisions), en présence de propos contraires à la déontologie des journalistes.

Une personnalité a demandé sans succès l’annulation des décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par l’ARCOM sur ses demandes d’intervention.

Charte d’éthique professionnelle des journalistes

La circonstance, à la supposer établie, que les prises de parole de journalistes auraient méconnu la « Charte d’éthique professionnelle des journalistes », ne saurait être utilement invoquée, ce texte, sans valeur normative, n’étant pas au nombre de ceux dont il appartient au ARCOM ou, désormais, à l’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, d’assurer le respect.

Honnêteté, indépendance et pluralisme de l’information

Pour rappel, en vertu de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’exercice de la liberté de communication par voie électronique ne peut être limité que dans la mesure requise, par le respect notamment, d’une part, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public et les exigences de service public.

En application de l’article 3-1 de la même loi, l’autorité de régulation garantit l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent.

Enfin, l’article 48 de la loi prévoit qu’un cahier des charges fixé par décret définit les obligations des sociétés nationales de programme France Télévisions et Radio France qui figurent parmi celles mentionnées à l’article 44 de la même loi. Aux termes du premier alinéa de l’article 48-1 de la loi dans sa rédaction applicable à l’espèce : « l’ARCOM peut mettre en demeure les sociétés mentionnées à l’article 44 de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires, et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 ».

Cahier des charges de Radio France

Par ailleurs, aux termes de l’article 4 du cahier des charges de la société Radio France : « La société assure l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations de la Commission nationale de la communication et des libertés.

Elle assure l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information, notamment pour les émissions d’information politique, dans le respect des recommandations de la Commission nationale de la communication et des libertés(…) ». D’autre part, aux termes de l’article 35 du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions : « Dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations du ARCOM, France Télévisions assure l’honnêteté, la transparence, l’indépendance et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion. Elle ne recourt pas à des procédés susceptibles de nuire à la bonne compréhension du téléspectateur. Les questions prêtant à controverse doivent être présentées de façon honnête et l’expression des différents points de vue doit être assurée(…) ».

_______________________________________________________________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Conseil d’État

5ème chambre

22 avril 2022

N° 459057, Inédit au recueil Lebon

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er décembre 2021 et 9 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. E… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par l’ARCOM (ARCOM) sur ses demandes adressées les 27 novembre 2020, 12 et 30 août et 15 septembre 2021, afin qu’il mette en demeure les sociétés nationales de programme Radio France et France Télévisions de se conformer à leurs obligations ;

2°) d’enjoindre au ARCOM de mettre ces sociétés en demeure de se conformer à leurs obligations ;

3°) de mettre à la charge de l’ARCOM la somme de 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

 – le décret du 13 novembre 1987 portant approbation des cahiers des missions et des charges de la société Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel ;

 – le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 ;

 – le code de justice administrative, notamment son article R.611-8 ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

— les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’exercice de la liberté de communication par voie électronique ne peut être limité que dans la mesure requise, par le respect notamment, d’une part, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public et les exigences de service public. En vertu de l’article 3-1 de la même loi, l’autorité de régulation garantit l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent. Enfin, l’article 48 de la loi prévoit qu’un cahier des charges fixé par décret définit les obligations des sociétés nationales de programme France Télévisions et Radio France qui figurent parmi celles mentionnées à l’article 44 de la même loi. Aux termes du premier alinéa de l’article 48-1 de la loi dans sa rédaction applicable à l’espèce : « l’ARCOM peut mettre en demeure les sociétés mentionnées à l’article 44 de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires, et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 ».

2. Il ressort des pièces du dossier que M. E… a demandé au ARCOM (ARCOM), par plusieurs courriers, d’adresser, sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l’article 48-1 de la loi du 30 septembre 1986 cité ci-dessus, des mises en demeure aux sociétés nationales de programme Radio France et France Télévisions à la suite d’interventions sur leurs antennes de Mmes G…, F… et B…. Il demande l’annulation des décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par l’ARCOM sur ces demandes.

3. D’une part, aux termes de l’article 4 du cahier des charges de la société Radio France : « La société assure l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations de la Commission nationale de la communication et des libertés. Elle assure l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information, notamment pour les émissions d’information politique, dans le respect des recommandations de la Commission nationale de la communication et des libertés(…) ». D’autre part, aux termes de l’article 35 du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions : « Dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations du ARCOM, France Télévisions assure l’honnêteté, la transparence, l’indépendance et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion. Elle ne recourt pas à des procédés susceptibles de nuire à la bonne compréhension du téléspectateur. Les questions prêtant à controverse doivent être présentées de façon honnête et l’expression des différents points de vue doit être assurée(…) ».

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de Mme G…, présentée comme « journaliste politique », dans certaines émissions des chaînes nationales de programme Radio France et France Télévisions, aurait, alors même que cette personne aurait, selon le requérant, tenu des propos « non étayés » ou émis des « allégations outrancières », méconnu les règles citées au point précédent.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement aux allégations du requérant, que les propos par lesquels Mme F… aurait, le 10 août 2021, dans l’émission « Les Informés » de France Info, indiqué qu’elle avait « les moyens d’agir contre ceux qui sont nuisibles », auraient, dans le contexte de l’émission, méconnu ces mêmes règles.

6. En troisième lieu, si M. E… reproche à la chaîne nationale de programmes Radio France d’avoir invité de manière répétée, dans l’émission « Les Informés », Mme B… en la présentant comme membre d’un « Think Tank », cette circonstance ne révèle par elle-même aucun manquement aux règles du cahier des charges cité au point 3.

7. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que les prises de parole de Mmes G…, F… et B… auraient méconnu la « Charte d’éthique professionnelle des journalistes », ne saurait être utilement invoquée, ce texte, sans valeur normative, n’étant pas au nombre de ceux dont il appartient au ARCOM ou, désormais, à l’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, d’assurer le respect.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E… n’est pas fondé à demander l’annulation des décisions qu’il attaque. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d’injonction et celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : La requête de M. E… est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C… E….

Copie en sera adressée l’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Délibéré à l’issue de la séance du 10 mars 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d’Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 22 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Denis Piveteau

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme D… A…

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la position de l’ARCOM concernant l’intervention sur des propos contraires à la déontologie des journalistes ?

l’ARCOM n’a aucune obligation d’intervenir pour mettre en demeure une chaîne ou une radio, comme Radio France et France Télévisions, en cas de propos jugés contraires à la déontologie des journalistes.

Cette absence d’obligation a été mise en lumière par une demande d’annulation d’une décision implicite de rejet, où une personnalité a tenté, sans succès, de faire annuler le silence de l’ARCOM sur ses demandes d’intervention.

Ainsi, l’ARCOM peut choisir de ne pas agir, ce qui soulève des questions sur la responsabilité des médias et le respect des normes déontologiques.

Quelles sont les obligations des sociétés nationales de programme selon la loi du 30 septembre 1986 ?

Selon l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’exercice de la liberté de communication par voie électronique doit respecter le pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion, ainsi que l’ordre public et les exigences de service public.

L’article 3-1 de cette même loi stipule que l’autorité de régulation, en l’occurrence l’ARCOM, est chargée de garantir l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information.

De plus, l’article 48 précise qu’un cahier des charges, fixé par décret, définit les obligations des sociétés nationales de programme, telles que France Télévisions et Radio France, en matière de respect des textes législatifs et réglementaires.

Quelles sont les spécificités du cahier des charges de Radio France ?

L’article 4 du cahier des charges de Radio France stipule que la société doit assurer l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion, tout en respectant le principe d’égalité de traitement et les recommandations de la Commission nationale de la communication et des libertés.

Elle est également tenue d’assurer l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information, notamment pour les émissions d’information politique.

Ces obligations visent à garantir une information équilibrée et transparente, essentielle pour le bon fonctionnement d’une démocratie.

Comment le Conseil d’État a-t-il statué sur la requête de M. E concernant l’ARCOM ?

Le Conseil d’État a rejeté la requête de M. E, qui demandait l’annulation des décisions implicites de rejet de l’ARCOM concernant ses demandes d’intervention.

Il a été établi que les propos tenus par certaines journalistes dans des émissions de Radio France et France Télévisions ne méconnaissaient pas les règles de déontologie ou les obligations prévues par le cahier des charges.

Le Conseil a également souligné que la « Charte d’éthique professionnelle des journalistes », bien que pertinente, n’a pas de valeur normative et ne peut donc pas être invoquée pour justifier une action de l’ARCOM.

Quelles sont les implications de la décision du Conseil d’État pour l’ARCOM et les médias ?

La décision du Conseil d’État a des implications significatives pour l’ARCOM et les médias. En rejetant la requête de M. E, le Conseil a renforcé l’idée que l’ARCOM a une certaine latitude dans ses décisions d’intervention.

Cela signifie que les médias, tout en étant tenus de respecter des normes de pluralisme et d’honnêteté, ne peuvent pas être contraints d’agir sur chaque demande d’intervention.

Cette situation soulève des questions sur la responsabilité des médias et leur engagement envers la déontologie journalistique, tout en mettant en lumière le rôle de l’ARCOM en tant qu’autorité régulatrice.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon