L’Essentiel : Madame [V] [E] a été hospitalisée sans consentement le 15 novembre 2024, en raison de troubles mentaux graves, incluant un syndrome dépressif sévère et des idées suicidaires. Malgré son calme apparent, elle a contesté son hospitalisation et la véracité des certificats médicaux. Son conseil a soulevé des préoccupations sur la notification tardive de l’arrêté d’admission, arguant que cela entravait la connaissance de ses droits. Toutefois, le tribunal a jugé que l’hospitalisation était justifiée pour des raisons de sécurité, confirmant ainsi le maintien de la mesure d’hospitalisation complète, avec possibilité d’appel dans les 10 jours.
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Hospitalisation de Madame [V] [E]Madame [V] [E] a été hospitalisée à l’EPSM de [3] sans son consentement le 15 novembre 2024. Un certificat médical du Dr [L] a révélé des troubles mentaux graves, incluant un syndrome dépressif sévère, des idées suicidaires et une tentative d’homicide par empoisonnement, justifiant ainsi son admission pour des raisons de sécurité. État de santé et observations médicalesDes certificats médicaux ultérieurs ont confirmé la persistance des troubles mentaux, indiquant que la patiente était calme mais présentait une froideur affective. Elle a exprimé avoir agi de manière préméditée sans justification, tout en contestant son hospitalisation et les éléments de son état mental. Les médecins ont recommandé une hospitalisation complète pour une observation continue. Déclarations de la patienteLors de l’audience, Madame [V] [E] a affirmé qu’elle ne devait pas être à l’hôpital, ni avoir eu d’idées suicidaires, et a exprimé un désir d’être incarcérée. Elle a également signalé des difficultés à contacter un avocat et a contesté la véracité des certificats médicaux concernant son état. Observations du conseil de Madame [V] [E]Le conseil de la patiente a soulevé des préoccupations concernant la notification tardive de l’arrêté d’admission, arguant que cela constituait un grief, car cela l’empêchait de connaître ses droits. Il a également contesté les éléments mélancoliques mentionnés dans les certificats médicaux et a demandé la levée de la mesure d’hospitalisation. Notification de l’arrêté de maintienLa notification de l’arrêté de maintien a été produite, indiquant qu’elle avait eu lieu le 19 novembre 2024. Le tribunal a noté que la notification tardive de l’arrêté d’admission ne justifiait pas un grief, car la patiente avait été informée de ses droits dès son admission. Évaluation de la légalité de l’hospitalisationLe tribunal a rappelé que l’hospitalisation sans consentement doit respecter le principe de la liberté individuelle, mais peut être justifiée par la nécessité de protéger la sécurité de la patiente et des tiers. Les éléments médicaux ont montré que les troubles mentaux de Madame [V] [E] compromettaient la sécurité publique, justifiant ainsi le maintien de l’hospitalisation. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré recevable la requête du représentant de l’État et a maintenu la mesure d’hospitalisation complète de Madame [V] [E]. Il a rappelé aux parties que cette ordonnance pouvait faire l’objet d’un appel dans un délai de 10 jours, sans effet suspensif sur la décision. Les dépens de la procédure ont été laissés à la charge du Trésor Public. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions légales pour l’hospitalisation sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux ?L’hospitalisation sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux est régie par l’article L. 3213-1 du code de la santé publique. Cet article stipule que : « Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement, sur décision du représentant de l’État dans le département, que si ses troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. » Ainsi, pour qu’une hospitalisation sans consentement soit légale, il est impératif que : 1. Les troubles mentaux soient avérés et nécessitent des soins. 2. Il existe un risque pour la sûreté des personnes ou un atteinte grave à l’ordre public. Dans le cas de Madame [V] [E], les certificats médicaux établis ont démontré l’existence de troubles mentaux sévères, justifiant ainsi l’hospitalisation sans consentement. Quel est le rôle du juge dans le contrôle des décisions d’hospitalisation complète ?Le rôle du juge dans le contrôle des décisions d’hospitalisation complète est précisé par l’article L. 3216-1 du code de la santé publique, qui indique que : « Le juge doit contrôler la régularité des décisions administratives prises en matière d’hospitalisation complète. » Ce contrôle implique que le juge doit s’assurer que les conditions légales pour l’hospitalisation sont respectées et que les droits de la personne hospitalisée sont préservés. Il est également important de noter que, selon la jurisprudence, il est nécessaire de démontrer un grief in concreto, c’est-à-dire que la simple privation de liberté ne constitue pas en soi un grief. Dans le cas présent, le juge a examiné les éléments de l’affaire et a conclu que les conditions d’hospitalisation étaient remplies, tout en respectant les droits de Madame [V] [E]. Quelles sont les obligations d’information concernant l’hospitalisation psychiatrique ?L’article L. 3211-3 du code de la santé publique impose des obligations d’information à l’égard des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. Cet article stipule que : « Toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état. » Il précise également que : 1. La personne doit être informée le plus rapidement possible de la décision d’admission et des raisons qui la motivent. 2. Elle doit être informée de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours et des garanties qui lui sont offertes. Dans le cas de Madame [V] [E], la notification de l’arrêté d’admission a été faite avec un certain retard, ce qui a soulevé des questions sur le respect de ces obligations. Cependant, le juge a noté que la notification initiale avait été faite le jour même de l’admission, ce qui a permis à la patiente d’être informée de ses droits. Quels sont les critères pour maintenir une hospitalisation complète ?Pour maintenir une hospitalisation complète, il est essentiel de se référer à l’article L. 3211-3 du code de la santé publique, qui stipule que : « Les restrictions à l’exercice des libertés individuelles du patient doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. » Le juge ne peut pas se substituer à l’autorité médicale concernant l’évaluation du consentement du patient, le diagnostic ou les soins. Dans le cas de Madame [V] [E], les avis médicaux ont indiqué que ses troubles du comportement persistaient et compromettaient la sûreté des personnes. Ainsi, le maintien de l’hospitalisation a été jugé nécessaire pour permettre une observation clinique et une démarche diagnostique appropriée. |
N° MINUTE : 24/01044
COUR D’APPEL DE METZ
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ
SERVICE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DETENTION
ORDONNANCE DU 26 Novembre 2024
HOSPITALISATION SOUS CONTRAINTE
Devant nous, Madame Doris BREIT, Vice-Président au tribunal judiciaire de Metz, assistée de Tanya PIOT, Greffier, après débats au sein des locaux judiciaires du Centre Hospitalier de [3] ;
Vu la procédure opposant :
DEMANDEUR
AGENCE REGIONALE DE SANTE Département SPSC Pôle CENTRE NORD
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
non comparante, ni représentée
DÉFENDEUR
[V] [E]
[Adresse 5]
[Localité 6]
née le 11 Février 1998 à [Localité 4]
comparante en personne assistée de Me Tristan SALQUE, avocat au barreau de METZ
Le Ministère Public, régulièrement avisé, a fait valoir ses observations par écrit en date du 25 novembre 2024 ;
Vu la requête reçue au greffe le 22 novembre 2024, par laquelle l’Agence Régionale de la Santé – Délégation territoriale de la Moselle agissant pour le compte du Préfet de la Moselle, a saisi le Juge du tribunal judiciaire de Metz aux fins de contrôle de plein droit de la nécessité d’une mesure de soins sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète dont fait l’objet Madame [V] [E] depuis le 15 novembre 2024 (contrôle à 12 jours) ;
Vu le certificat médical établi le 15 novembre 2024 par le Dr [J] [L] ;
Vu l’arrêté municipal pris le 15 novembre 2024 par le Maire de [Localité 6] décidant d’une admission provisoire en soins psychiatriques sans consentement de Madame [V] [E] et la notification ou l’information donnée à la personne le 15 novembre 2024 ;
Vu l’arrêté préfectoral pris par Monsieur le Préfet de la Moselle et daté du 15 novembre 2024 ordonnant l’admission en hospitalisation complète de Madame [V] [E] et la notification ou l’information donnée à la personne le 18 novembre 2024 ;
Vu le certificat médical dit des 24 heures établi le 15 novembre 2024 par le Dr [Y] [R] ;
Vu le certificat médical dit des 72 heures établi le 16 novembre 2024 par le Dr [F] [T] ;
Vu l’arrêté préfectoral pris par Monsieur le Préfet de la Moselle et daté du 18 novembre 2024 et la notification ou l’information donnée à la personne le 19 novembre 2024 ;
Vu l’avis motivé rédigé le 21 novembre 2024 par le Dr [Y] [R] ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public en date du 25 novembre 2024 ;
Vu le débat contradictoire en date du 26 novembre 2024;
Vu l’absence du représentant de l’Etat convoqué le 22 novembre 2024 ;
Vu les articles L3211-1 et suivants, L3213-1 et suivants du code de la santé publique ;
Madame [V] [E] a été hospitalisé à l’EPSM de [3] sans son consentement le 15 novembre 2024 dans les conditions rappelées dans l’en-tête de la présente ordonnance.
Le certificat médical établi par le Dr [L] le 15 novembre 2024 décrivait en ces termes l’existence de troubles mentaux : “syndrome dépressif sévère avec éléments mélancoliforme, hétéro-agressivité avec passage à l’acte (tentative homicide par empoisonnement), plusieurs idées suicidaires”.
Etait constaté le risque d’atteinte à la sûreté des personnes et l’ordre public.
Les certificats médicaux postérieurs établissaient pendant la période d’observation que les troubles mentaux initialement décrits étaient toujours d’actualité, notamment que la patiente était calme avec une froideur affective, avait un discours cohérent centré sur l’explication des faits l’ayant condut en garde-à-vue, que l’état clinique nécessitait une observation étroite en milieu spécialisé, qu’elle déclarait avoir agi de façon préméditée “sans avoir de raison à donner”, qu’elle conteste l’hospitalisation et l’existence d’élément de nature hallucinatoire, dépressive ou suicidaire et que la prise en charge de Madame [V] [E] devait se poursuivre sous le mode de l’hospitalisation complète pour permettre une observation complémentaire.
L’avis motivé daté du 21 novembre 2024 constatait que la patiente verbalisait toujours de manière cohérente avec un détachement affectif le passage à l’acte prémédité, qu’elle verbalisait à plusieurs reprises avoir présenté au fil de ces quatre cinq années en période de stress majeur des épisodes qui semblent regrouper les symptomes d’une bouffée délirante aiguë avec hallucinations visuelles, troubles du cours de la pensée et tristesse majeure, qu’elle ébauchait un sentiment de culpabilité en lien avec le geste sans réelle critique car elle restait convaincue que “tous les éléments me ramenaient à ça… c’était la seule solution” et que les soins psychiatriques devaient être maintenus à temps complet.
A l’audience, Madame [V] [E] a déclaré qu’elle n’était pas à sa place à l’hôpital, qu’elle n’avait jamais eu d’idées suicidaires, que sa place était plus en prison et qu’elle voulait y aller, qu’elle avait demandé à plusieurs reprises un avocat et n’avait pu en contacter et que les certificats ne relataient pas la réalité sur son état.
Le conseil de Madame [V] [E] a été entendu en ses observations. Il a indiqué que la notification de l’arrêté d’admission avait été tardive et que la notification de l’arrêté de maintien n’était pas produit, que cette tardivité entraîne nécessairement un grief puisqu’elle ne peut connaître ses droits et il sollicitait en conséquence la levée de la mesure. Sur le fond, Madame [E] conteste les éléments de nature mélancoliques indiqués dans les certificats et sollicite la levée de la mesure.
Sollicitée en cours de délibéré et communiquée aux parties, la notification de l’arrêté de maintien du 18 novembre 2024 a été produite, celle-ci ayant eu lieu le 19 novembre 2024.
L’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l’article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire (Conseil Constitutionnel, décision 2010/71 QPC du 26 novembre 2010). La protection de la liberté individuelle peut notamment trouver sa limite dans la protection de la sécurité de la personne objet des soins et des tiers auquel elle pourrait porter atteinte.
Selon l’article L. 3213-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement, sur décision du représentant de l’Etat dans le département, que si ses troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.
Le juge doit contrôler en application de l’article L3216-1 du code de la santé publique la régularité des décisions administratives prises en matière d’hospitalisation complète.
Il est nécessaire de démontrer un grief in concreto, sans pouvoir indiquer que la privation de liberté induit de fait un grief (1ère civ.,15 septembre 2021, 20-15.610).
Sur la notification tardive de l’arrêté préfectoral d’admission:
L’article L3211-3 du code de la santé publique indique que toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état. Le même article prévoit en outre que toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale est informée :
a) Le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;
b) Dès l’admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes.
En l’espèce il résulte de la procédure communiquée que l’arrêté du Préfet de la Moselle en date du 15 novembre 2024 confirmant la décision du Maire de [Localité 6] du même jour n’était notifiée que le 19 novembre 2024 sans que ce délai de quatre jours ne soit justifié par exemple par la nécessité de notifier la décision d’une manière appropriée – qui peut être un moment approprié à l’état du patient.
Cette notification tardive constitue une irrégularité pour non respect des dispositions légales citées.
En l’espèce aucun grief n’est rapporté par le patient ou son conseil. En outre cette notification a été faite et s’inscrit dans un parcours d’hospitalisation et la décision de placement initiale en hospitalisation datée du 15 novembre 2024 a été notifiée le 15 novembre 2024, l’intéressée ayant donc été avisée de ses droits et celle-ci ne démontrant pas ne pas avoir pu les exercer.
Dès lors il apparaît en l’état que la preuve d’une atteinte aux droits de Madame [E] n’est pas rapportée.
Le moyen sera rejeté.
Sur le fond :
En application de l’article L3211-3 du code de la santé publique il doit aussi veiller, à ce que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles du patient soient adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis. Le juge ne peut dans le cadre de son contrôle se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins.
En l’espèce, l’avis motivé montre qu’au cours des entretiens réalisés depuis son admission, Madame [E] a verbalisé à plusieurs reprises avoir présenté au cours des cinq dernières années en période de stress majeur des épisodes semblant regrouper les symptômes d’une bouffée délirante aiguë avec hallucinations visuelles, troubles du cours de la pensée et tristesse majeure.
Même si elle conteste aujourd’hui toutes velléités suicidaires ou mélancolie et se déclare coupable des faits de tentative d’homicide, cette attitude interroge au vu des éléments relevés dans son passé.
En conséquence, au vu du passage à l’acte violent, les troubles du comportement persistent, nécessitent des soins, et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public et l’hospitalisation doit être maintenue afin de permettre l’observation clinique et la démarche diagnostique ainsi que les soins spécifiques.
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire, en premier ressort :
DÉCLARE recevable la requête présentée par le représentant de l’Etat ;
MAINTIENS la mesure d’hospitalisation complète dont fait l’objet Madame [V] [E] ;
RAPPELLE aux parties que :
– la présente ordonnance peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la Cour d’Appel et ce, dans un délai de 10 jours à compter de sa notification (articles R. 3211-18 et R. 3211-33 du code de la santé publique) ;
– cet appel doit être formé par déclaration transmise par tout moyen au greffe de la Cour d’appel de Metz ;
– l’appel interjeté par la personne hospitalisée ou son avocat n’est pas suspensif en application de l’article L.3211-12-4 alinéa 2 du code de la santé publique ;
LAISSE les éventuels dépens de la présente procédure à la charge du Trésor Public ;
Ainsi rédigé au Tribunal Judiciaire de METZ, le 26 novembre 2024, par Doris BREIT, Vice-Présidente et de la Détention et signé par elle et le Greffier.
Le greffier La Vice-Présidente,
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