Liberté d’expression sur l’intégration de musulmans 

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Liberté d’expression sur l’intégration de musulmans 

L’Essentiel : La liberté d’expression est un enjeu crucial dans le débat sur l’intégration des musulmans en France. Dans une émission radiophonique, un historien a été relaxé pour des propos jugés non discriminatoires, car ils ne ciblaient pas tous les musulmans, mais évoquaient des comportements observés dans certains territoires. La juridiction a souligné que ses mots, bien que forts, relevaient d’une métaphore sur la culture et l’éducation, sans intention de provoquer haine ou violence. Ce cas illustre la complexité de la législation sur la discrimination et la nécessité de contextualiser les discours dans un cadre de débat public.

Le sens et la portée de propos susceptibles d’être sanctionnés pour discrimination à l‘égard des musulmans et tenus lors d’une émission radiophonique, doivent être appréciés en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, tant le contenu même des propos que le contexte dans lequel ils s’inscrivent au cours de l’émission, et par rapport à la perception et la compréhension de l’auditeur moyen.

Un auteur relaxé

L’auteur d’un ouvrage sur les « territoires perdus de la république » a été relaxé du délit d’appel à la discrimination. Ses propos, tenus au cours d’une émission de radio, ne s’appliquaient pas à tous les musulmans de France, ni même aux « musulmans croyants et pratiquants » mais à ceux qui se trouvaient dans les territoires où les musulmans étaient nombreux et salafistes.

Contexte du débat

La portée du délit a été appréciée dans un contexte de vif débat oral. En l’occurrence, un historien, rédacteur en chef de la Revue d’histoire de la Shoah, a été invité à débattre avec un  directeur de recherches au CNRS, au cours de l’émission «Répliques» (France-Culture). L’auteur avait tenu les propos suivants :

«L’intégration est en panne aujourd’hui effectivement nous sommes en présence d’un autre peuple qui se constitue au sein de la nation française, qui fait régresser un certain nombre de valeurs démocratiques qui nous ont portés» et «Cet antisémitisme violent viscéral que l’enquête Fondapol de I… E… a bien mis en évidence l’année dernière, on ne peut pas le laisser sous silence. Or ça c’est antinomique de la nation française, il n’y aura pas d’intégration tant qu’on ne sera pas débarrassés de cet antisémitisme atavique qui est tu comme un secret. Attendez je termine. Il se trouve qu’un sociologue algérien, S… C… d’un très grand courage vient de dire dans le film qui passera sur France 3 « c’est une honte que de maintenir ce tabou, à savoir que dans les familles arabes en France et tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme on le tète avec le lait de la mère »».

Délit de provocation exclu

Le délit de provocation prévu par l’article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 est constitué uniquement lorsque son auteur a entendu susciter un sentiment de haine ou de violence à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

La juridiction a considéré que la référence au lait maternel ne devait pas être prise au pied de la lettre, s’agissant manifestement d’une expression imagée d’un usage courant, d’une métaphore qui renvoie en l’occurrence à des notions de culture et d’éducation, et non à un déterminisme biologique ou génétique susceptible de se propager nécessairement à l’ensemble des « familles arabes » , il en va de même des mots, certes très forts « viscéral » et « atavique », qui dans le contexte se comprennent comme reliant l’antisémitisme à une tradition familiale profonde et ancrée.

Même dans un débat oral mouvementé, le prévenu, historien chercheur expérimenté et connaissant le sens des mots, a employé l’article défini « dans les familles arabes », sans dire « dans toutes les familles arabes » ni « dans des familles arabes ».

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Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de la relaxation de l’auteur d’un ouvrage sur les « territoires perdus de la république » ?

L’auteur a été relaxé du délit d’appel à la discrimination, car ses propos, tenus lors d’une émission de radio, ne visaient pas tous les musulmans de France.

Il a spécifiquement mentionné ceux se trouvant dans des territoires où les musulmans étaient nombreux et salafistes. Cette distinction est cruciale pour comprendre la portée de ses déclarations et leur interprétation dans le cadre légal.

La relaxation a été fondée sur l’idée que ses propos ne constituaient pas une généralisation ou une incitation à la haine, mais plutôt une observation sur des groupes spécifiques dans un contexte particulier.

Comment le contexte du débat a-t-il influencé l’appréciation des propos tenus ?

Le contexte du débat a joué un rôle essentiel dans l’appréciation des propos tenus par l’auteur. Lors de l’émission « Répliques » sur France-Culture, un historien a débattu avec un directeur de recherches au CNRS.

Les propos de l’historien, qui évoquaient des questions d’intégration et d’antisémitisme, ont été analysés dans un cadre de vif échange d’idées.

Cette dynamique a permis de considérer les déclarations comme faisant partie d’un débat plus large sur des enjeux sociétaux, plutôt que comme une provocation isolée.

Quelles sont les implications de l’article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 concernant le délit de provocation ?

L’article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 stipule que le délit de provocation est constitué uniquement lorsque l’auteur cherche à susciter un sentiment de haine ou de violence envers un groupe en raison de son origine ou de sa religion.

Dans le cas de l’auteur, la juridiction a jugé que ses propos ne visaient pas à inciter à la haine, mais à aborder des problématiques culturelles et éducatives.

Cette distinction est cruciale pour comprendre les limites de la liberté d’expression et les conditions dans lesquelles des propos peuvent être considérés comme discriminatoires.

Comment la juridiction a-t-elle interprété l’utilisation de métaphores dans les propos de l’auteur ?

La juridiction a considéré que la référence au lait maternel, utilisée par l’auteur, ne devait pas être interprétée littéralement.

Elle a été perçue comme une métaphore courante, renvoyant à des notions de culture et d’éducation, plutôt qu’à un déterminisme biologique.

De plus, les termes « viscéral » et « atavique » ont été compris dans le contexte comme des références à des traditions familiales profondes, et non comme des généralisations sur toutes les familles arabes.

Quelle est la signification de l’emploi de l’article défini dans les propos de l’auteur ?

L’emploi de l’article défini « dans les familles arabes » par l’auteur a été un point d’analyse important.

La juridiction a noté qu’il n’avait pas utilisé des formulations telles que « dans toutes les familles arabes » ou « dans des familles arabes », ce qui aurait pu renforcer une généralisation.

Cette précision linguistique a contribué à la décision de relaxer l’auteur, car elle a montré une intention de ne pas stigmatiser l’ensemble d’un groupe, mais plutôt de discuter d’un phénomène observé dans certains contextes.


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