Liberté d’information vs. vie privée : l’affaire Strauss Kahn

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Liberté d’information vs. vie privée : l’affaire Strauss Kahn

L’Essentiel : Dans l’affaire opposant Dominique Strauss Kahn à plusieurs titres de presse, les juges ont jugé que la liberté d’informer primait sur le droit à la vie privée. Bien que l’article 9 du Code civil protège la vie privée, ce droit peut être limité lorsque la diffusion d’informations est justifiée par l’intérêt public. Les SMS publiés, extraits dans le cadre d’une enquête sur le proxénétisme, ont été considérés comme ayant un intérêt légitime, notamment en raison du contexte politique et judiciaire entourant Strauss Kahn. Les juges ont également noté l’absence de malveillance dans la publication des articles.

1ère espèce : dans le litige l’opposant à plusieurs titres de presse ayant publié des SMS de Dominique Strauss Kahn portant sur des soirées libertines, les juges n’ont pas considéré que les articles de presse en cause portaient atteinte à la vie privée de Dominique Strauss Kahn, le droit à l’information primant.

Article 9 du Code civil

En vertu de l’article 9 du Code civil, toute personne (y compris les personnes publiques) a le droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection. Ces droit lui permet, en principe, de s’opposer à la diffusion sans son autorisation d’éléments appartenant à cette sphère protégée et d’obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait.

Ce droit au respect de la vie privée (qui inclut le secret des correspondances), peut cependant céder devant les nécessités de la liberté d’expression lorsque la diffusion des informations ou des images est légitime au regard de ces nécessités, l’appréciation de cette légitimité étant fonction d’un ensemble de circonstances tenant à la personne qui se plaint de l’atteinte aux droits protégés par l’article 9 du Code civil, notamment sa qualité et son comportement antérieur, l’objet de la publication en cause, son contenu, sa forme, sa participation à un débat d’intérêt général ainsi que l’absence de malveillance et d’atteinte à la dignité de la personne. Ces critères sont jugés conformes aux stipulations des articles 8 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Affaire Strauss Kahn

Dans cette affaire, les juges ont fait primer la liberté d’informer sur le respect de la vie privée. Dominique Strauss Kahn, à l’époque membre important du Parti Socialiste, ancien député, plusieurs fois ministre, faisait l’objet au mois de mai 2011, alors qu’il occupait les fonctions de directeur du Fonds Monétaire International et était donné comme le probable Président de la République française, d’une procédure pénale aux Etats-Unis sur la plainte de la femme de chambre d’un hôtel qui l’accusait de tentative de viol. Son interpellation et son incarcération ont créé en France, et dans le monde compte tenu de ses fonctions internationales, une très vive émotion. Il a fait l’objet également en France d’une plainte pour des faits similaires, mais anciens, d’une jeune journaliste. A l’époque de la publication de presse en cause, Dominique Strauss Kahn était cité dans une enquête ouverte à Lille sur des faits de proxénétisme aggravé, les enquêteurs ayant découvert les relations qu’il entretenait des personnes mises en cause dans cette enquête. La encore, cette information avait créé une vive émotion et a été très largement commentée et analysée tout comme sa mise en examen en mars 2012 du chef de proxénétisme.

Dans le contexte politique et judiciaire dans lequel se situaient les articles en cause, lesquels analysent les deux faces de la vie de Dominique Strauss Kahn lorsqu’il dirigeait le FMI et se préparait à se présenter au suffrage des électeurs pour devenir Président de la République, le titre de presse était en droit de s’interroger sur les raisons qui pouvaient expliquer le “degré d’insouciance” et “l’absolue désinvolture» dont Dominique Strauss Kahn aurait fait preuve. La publication de ces messages, en lien direct avec l’information judiciaire ouverte pour proxénétisme, présentait donc un incontestable intérêt au regard des multiples débats que les affaires judiciaires du demandeur ont suscité quant à la place des hommes politiques dans la société française, leur lien avec la réalité, leur vision de l’autre et plus spécialement des femmes, leur statut ou bien encore les relations qu’ils ont avec la presse.

Secret des correspondances

Les SMS et messages publiés avaient été extraits de la mémoire du téléphone de Dominique Strauss Kahn par les services d’enquête chargés d’une procédure ouverte sur des faits de proxénétisme aggravé. Les juges ont considéré que le secret de la correspondance a été légitimement écarté, dans le but de rechercher les auteurs d’une grave infraction pénale mettant en cause la dignité de la personne – le proxénétisme – et ce, sous le contrôle d’un membre de l’autorité judiciaire qui, selon l’article 66 de la Constitution, est gardienne de la liberté individuelle.

Il n’était pas non plus établi que le journaliste avait obtenu le texte de ces messages au moyen de l’infraction de violation du secret de l’instruction, cette information ayant pu être communiquée par une personne qui n’était pas astreinte à ce secret.

Enfin, aucune malveillance ou atteinte à la dignité de la personne humaine n’affectait les articles de presse en cause.

Mots clés : Vie privee

Thème : Vie privee

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de Grande instance de Paris | 27 mars 2013 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la position des juges concernant la vie privée de Dominique Strauss Kahn dans le litige avec les titres de presse ?

Les juges ont décidé que les articles de presse publiant des SMS de Dominique Strauss Kahn ne portaient pas atteinte à sa vie privée. Ils ont estimé que le droit à l’information primait sur le droit au respect de la vie privée dans ce contexte.

Cette décision s’appuie sur l’article 9 du Code civil, qui garantit à toute personne, y compris les personnalités publiques, le droit au respect de sa vie privée. Cependant, ce droit peut être limité lorsque la diffusion d’informations est justifiée par la liberté d’expression.

Les juges ont pris en compte plusieurs critères, tels que la qualité de la personne concernée, son comportement antérieur, et l’objet de la publication. Dans le cas de Strauss Kahn, son statut public et les circonstances entourant les affaires judiciaires en cours ont été déterminants.

Quels sont les critères qui permettent de justifier une atteinte à la vie privée selon le Code civil ?

Les critères permettant de justifier une atteinte à la vie privée incluent la qualité de la personne concernée, son comportement antérieur, l’objet de la publication, ainsi que son contenu et sa forme.

L’appréciation de la légitimité de la diffusion d’informations est également influencée par la participation de la personne à un débat d’intérêt général. L’absence de malveillance et le respect de la dignité de la personne sont également des éléments cruciaux.

Ces critères sont conformes aux articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protègent respectivement le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression.

Quel était le contexte judiciaire et politique entourant Dominique Strauss Kahn lors de la publication des articles ?

Au moment de la publication des articles, Dominique Strauss Kahn était un homme politique de premier plan, ancien ministre et directeur du FMI. En mai 2011, il faisait face à des accusations de tentative de viol aux États-Unis, ce qui avait suscité une forte émotion en France et à l’international.

De plus, il était également impliqué dans une enquête en France pour proxénétisme aggravé, ce qui a ajouté à la controverse entourant sa personne. Les articles de presse en question analysaient les deux facettes de sa vie, tant professionnelle que personnelle, dans un contexte de débat public intense.

Les juges ont considéré que la publication des SMS était d’un intérêt public indéniable, étant donné les implications de ces affaires sur la perception des hommes politiques et leur comportement vis-à-vis des femmes.

Comment les juges ont-ils justifié l’écartement du secret des correspondances dans cette affaire ?

Les juges ont justifié l’écartement du secret des correspondances en raison de la nécessité de rechercher les auteurs d’une infraction pénale grave, à savoir le proxénétisme. Cette décision a été prise sous le contrôle d’un membre de l’autorité judiciaire, garantissant ainsi le respect des droits individuels.

Ils ont également noté qu’il n’était pas prouvé que le journaliste avait obtenu les messages par une violation du secret de l’instruction. Il était possible que ces informations aient été communiquées par une personne non soumise à ce secret.

Enfin, les juges ont conclu qu’aucune malveillance ou atteinte à la dignité de la personne humaine n’affectait les articles de presse, ce qui a renforcé leur décision de privilégier la liberté d’informer.


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