Les Dialogues des carmélites : entre foi, sacrifice et adaptation contemporaine

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Les Dialogues des carmélites : entre foi, sacrifice et adaptation contemporaine

L’Essentiel : Les Dialogues des carmélites de Georges Bernanos, inspirés par la nouvelle de Gertrude von Le Fort, explorent le drame intérieur de Blanche de la Force face à la condamnation des religieuses pendant la Révolution française. Bien que la mise en scène de Dimitri Tcherniakov ait été contestée pour atteinte au droit moral, les juges ont conclu à l’absence de dénaturation. La scène finale, où Blanche se sacrifie pour sauver ses sœurs, respecte les thèmes de la grâce et de la communion des saints, sans altérer le sens profond de l’œuvre, qui n’est pas une apologie du martyre.

Dialogues des carmélites

On sait que Georges Bernanos est l’auteur des Dialogues des carmélites écrits en 1948. Le point de départ de cette oeuvre est une nouvelle de la romancière allemande Gertrude von Le Fort “ La dernière à l’échafaud” qui s’inspire du fait historique que constitue la mort sur l’échafaud des carmélites de Compiègne mais dans laquelle le personnage de Blanche de la Force est totalement inventé. Georges Bernanos fut chargé d’écrire les dialogues pour un projet de film tiré de cette nouvelle, projet qui n’a pas abouti à l’époque.

Les Dialogues des carmélites porte sur l’entrée de Blanche de la Force, jeune aristocrate fragile et apeurée, au carmel et le drame que va provoquer la condamnation à mort des religieuses pendant la Révolution française. Selon Henri Hell, les Dialogues sont une tragédie intérieure dont la Révolution française n’est qu’une toile de fond.

A partir de ces Dialogues a été écrit un opéra (livret) extrêmement fidèle à l’oeuvre de Bernanos puisque le texte n’a subi aucune modification et que la scène finale portant sur la mort des religieuses était conforme à la réalité historique.

Pas d’atteinte au droit moral

Les ayants droits de Georges Bernanos ont poursuivi pour dénaturation et atteinte au droit moral du défunt, une mise en scène de Dimitri Tcherniakov. Les juges ont conclu à l’absence d’atteinte au droit moral. Même si la scène finale peut apparaître audacieuse en ce qu’elle ne tient pas compte des faits historiques repris dans les Dialogues des carmélites, elle n’en constitue pas pour autant une dénaturation.

La mise en scène en cause est conçue sur la base de faits se déroulant dans un monde contemporain et le décor final est constitué d’une baraque en bois entourée par la foule tenue à distance par un ruban de sécurité. Les religieuses s’y trouvent enfermées, Blanche arrive et les délivre en les faisant sortir une à une de cette baraque, les religieuses suffoquant car elles étaient en train d’être asphyxiées par le gaz. Lorsque toutes les religieuses sont sorties, Blanche va seule s’enfermer dans la cabane qui quelques instants après, explose. Les chants religieux sont enregistrés. Le décor contemporain fait échapper l’opéra au contexte historique de la Révolution française pour lui donner une signification plus universelle et l’échafaud devient une chambre à gaz.

Les religieuses ont été condamnées à mort et même si on ne les a pas vues conduites de force dans cette baraque, rien ne permet de retenir qu’elles se trouvent dans ce lieu de par leur seule volonté et qu’elles ont fait le choix de mourir sans contrainte. Le livret n’ayant subi aucune altération, cette dernière scène de la mise à mort des religieuses doit se comprendre en fonction de celui-ci et la thèse d’un suicide collectif ne s’impose pas. De la même façon, si Blanche paraît s’enfermer dans cette chambre à gaz qui va exploser sans que la contrainte extérieure soit apparente, il reste qu’elle agit pour sauver ses soeurs et donne sa vie à la place des leurs. Les religieuses ne meurent pas ensemble en martyres mais il convient de relever que les Dialogues des carmélites n’est pas une apologie du martyre. Il apparaît ainsi que la dernière scène interprétée par Dimitri Tcherniakov respecte les thèmes du transfert de la grâce et de la communion des saints qui selon Francis Poulenc sont les thèmes essentiels de l’oeuvre sans que la disparition de la mort collective des religieuses n’altère le sens des Dialogues.


Mots clés : Droit moral

Thème : Droit moral

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de grande instance de Paris | Date : 13 mars 2014 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est l’origine des « Dialogues des carmélites » ?

Les « Dialogues des carmélites » est une œuvre emblématique de Georges Bernanos, écrite en 1948. Elle s’inspire de la nouvelle « La dernière à l’échafaud » de Gertrude von Le Fort, qui raconte l’histoire tragique des carmélites de Compiègne, exécutées pendant la Révolution française.

Cette pièce dramatique met en avant des thèmes profonds tels que la foi, le sacrifice et la résistance face à l’oppression. Le personnage principal, Blanche de la Force, bien que fictif, incarne la lutte intérieure et la quête de refuge spirituel dans un contexte de violence et de mort.

Quel est le contexte historique des « Dialogues des carmélites » ?

L’œuvre de Bernanos se déroule dans un contexte historique tumultueux, marqué par la Révolution française, qui a entraîné la persécution des religieux. Cette période a été caractérisée par une violence extrême et une remise en question des valeurs traditionnelles, notamment celles liées à la foi.

Henri Hell souligne que les « Dialogues » ne se limitent pas à un simple récit historique. Ils représentent une tragédie intérieure, où les luttes personnelles des personnages, notamment celle de Blanche, sont mises en avant. Blanche, une aristocrate fragile, cherche refuge dans la foi tout en étant confrontée à la brutalité de la mort.

Comment l’œuvre a-t-elle été adaptée en opéra ?

L’œuvre de Bernanos a été adaptée en opéra, respectant fidèlement le texte original tout en apportant une dimension universelle à l’histoire. Cette adaptation a su conserver l’essence des « Dialogues des carmélites », notamment à travers la scène finale qui évoque la mort des religieuses.

L’opéra, tout en restant fidèle à l’œuvre, a su placer l’histoire dans un décor contemporain, ce qui permet de toucher un public plus large et de donner une nouvelle signification à des thèmes universels tels que le sacrifice et la foi.

Pourquoi la mise en scène de Dimitri Tcherniakov a-t-elle été contestée ?

La mise en scène de Dimitri Tcherniakov a été contestée par les ayants droit de Georges Bernanos, qui ont argué qu’elle portait atteinte au droit moral de l’auteur en dénaturant son œuvre. Ils ont estimé que certaines interprétations et modifications apportées à la scène finale ne respectaient pas l’intention originale de Bernanos.

Cependant, les juges ont conclu qu’il n’y avait pas d’atteinte au droit moral, même si la scène finale différait des faits historiques. Cette décision souligne la complexité des adaptations artistiques et la tension entre respect de l’œuvre originale et liberté d’interprétation.

Comment la mise en scène contemporaine modifie-t-elle la perception de l’œuvre ?

La mise en scène contemporaine, en plaçant l’histoire dans un décor moderne, modifie la perception de l’œuvre en lui donnant une signification plus universelle. Par exemple, l’échafaud est transformé en chambre à gaz, ce qui élargit le propos au-delà du contexte historique de la Révolution française.

Cette approche permet de relier les thèmes de l’œuvre à des problématiques contemporaines, telles que la violence et l’oppression, tout en conservant l’essence des luttes spirituelles et morales des personnages. Cela ouvre la voie à de nouvelles réflexions sur la condition humaine face à l’adversité.

Quelle est l’importance de la scène finale dans l’œuvre ?

La scène finale de la mise en scène de Tcherniakov soulève des questions profondes sur le choix des religieuses et le sacrifice de Blanche. Bien que les religieuses ne soient pas montrées comme se rendant volontairement à leur mort, la scène souligne l’idée de sacrifice et de solidarité entre elles.

Blanche, en s’enfermant dans la chambre à gaz, agit pour sauver ses sœurs, ce qui renforce le thème de la communion des saints. Cette représentation met en lumière la complexité des choix moraux et spirituels auxquels les personnages sont confrontés dans des moments de crise.

Quels sont les thèmes principaux des « Dialogues des carmélites » ?

Les « Dialogues des carmélites » abordent des thèmes profonds tels que le sacrifice, la foi et la résistance. Ces thèmes sont particulièrement pertinents dans le contexte de la Révolution française, où les valeurs religieuses et spirituelles étaient mises à l’épreuve par la violence et l’oppression.

La richesse des thèmes abordés fait de cette œuvre un classique intemporel qui résonne encore aujourd’hui. Les adaptations et mises en scène contemporaines continuent de susciter des débats sur le droit moral et l’interprétation des œuvres littéraires, tout en ouvrant la voie à de nouvelles réflexions sur la condition humaine.


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