La légitimité du maintien des soins psychiatriques en l’absence de l’intéressé et l’importance des avis médicaux.

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La légitimité du maintien des soins psychiatriques en l’absence de l’intéressé et l’importance des avis médicaux.

L’Essentiel : Monsieur [U] [K], né le 05 novembre 1976 à Sri Lanka, est hospitalisé à l’EPS DE [5]. Son admission en soins psychiatriques a été décidée le 08 juillet 2024, avec une validation par le juge des libertés le 17 juillet. Le 30 décembre, la directrice a sollicité un prolongement de son hospitalisation. Le conseil de [U] [K] a contesté la validité des décisions de maintien, arguant d’une irrégularité dans les avis mensuels. Toutefois, le juge a rejeté ces arguments, ordonnant la poursuite de l’hospitalisation complète, considérant que les troubles mentaux justifient cette mesure.

Informations sur la personne en soins psychiatriques

Monsieur [U] [K], né le 05 novembre 1976 à Sri Lanka, est hospitalisé à l’EPS DE [5]. Il est représenté par Me Hugo Esteveny, avocat commis d’office. La directrice de l’établissement et le ministère public étaient absents lors des procédures.

Admission en soins psychiatriques

Le 08 juillet 2024, le directeur du GHU [Localité 4] a décidé de l’admission de [U] [K] en soins psychiatriques. Le juge des libertés et de la détention a statué sur cette mesure le 17 juillet 2024, conformément aux articles du Code de la santé publique. Le 30 décembre 2024, la directrice de l’établissement a saisi le juge pour prolonger l’hospitalisation complète de [U] [K].

Observations du ministère public

Le ministère public a transmis ses observations par écrit le 03 janvier 2025. Lors de l’audience du 06 janvier 2025, Me Hugo Esteveny a présenté ses observations concernant la situation de son client.

Arguments sur l’irrégularité des avis mensuels

Le conseil de [U] [K] a soulevé une irrégularité liée aux avis mensuels, arguant que l’absence d’un certificat médical circonstancié sur la nécessité de maintenir l’hospitalisation complète constitue un grief. Selon l’article L3212-7, un avis médical doit être établi pour justifier la poursuite des soins.

Décisions de maintien et leur validité

Le conseil a également contesté la validité des décisions de maintien, affirmant qu’elles reposent sur une interprétation erronée des certificats mensuels. Cependant, les décisions de maintien ont été prises en tenant compte des avis médicaux, même dans le contexte de la fugue de [U] [K].

Poursuite de la mesure de soins psychiatriques

Conformément à l’article L. 3212-1, la poursuite des soins psychiatriques nécessite que les troubles mentaux rendent impossible le consentement du patient et justifient une hospitalisation complète. Les certificats médicaux mensuels indiquent que l’absence de [U] [K] empêche une évaluation de son état mental.

Décision du juge des libertés et de la détention

Le juge des libertés et de la détention a rejeté les moyens de nullité soulevés et a ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète de [U] [K]. Les dépens sont laissés à la charge de l’État, et l’ordonnance bénéficie de l’exécution provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de maintien des soins psychiatriques selon le Code de la santé publique ?

Les conditions de maintien des soins psychiatriques sont énoncées à l’article L. 3212-1 du Code de la santé publique. Cet article stipule que :

1° Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement que lorsque deux conditions sont réunies :

– Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

– Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1.

Ces conditions sont essentielles pour garantir que l’hospitalisation est justifiée et que les droits de la personne sont respectés.

En outre, l’article L. 3211-12-1 précise que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention n’ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de six mois suivant toute décision judiciaire prononçant l’hospitalisation.

Ainsi, pour maintenir une mesure d’hospitalisation complète, il est impératif de respecter ces conditions légales, garantissant ainsi la protection des droits des patients.

Quelles sont les conséquences du défaut de production d’avis médicaux dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique ?

L’article L. 3212-7 du Code de la santé publique stipule que, à l’issue de la première période de soins psychiatriques, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l’établissement pour des périodes d’un mois, renouvelables.

Dans les trois derniers jours de chaque période, un psychiatre de l’établissement doit établir un certificat médical circonstancié indiquant si les soins sont toujours nécessaires.

Le défaut de production d’un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés entraîne la levée de la mesure de soins.

Cela signifie que si un certificat médical n’est pas produit, la mesure d’hospitalisation doit être levée, ce qui protège les droits des patients en garantissant qu’ils ne sont pas maintenus en soins sans justification médicale.

Il est également important de noter que les avis médicaux peuvent être établis sur la base du dossier médical, ce qui permet une certaine flexibilité dans l’évaluation de la nécessité de maintenir les soins.

Comment les décisions de maintien des soins psychiatriques peuvent-elles être contestées ?

Les décisions de maintien des soins psychiatriques peuvent être contestées sur la base de l’article L. 3216 du Code de la santé publique, qui stipule que l’irrégularité affectant une décision administrative n’entraîne la mainlevée de la mesure que si elle a causé une atteinte aux droits de la personne concernée.

Dans le cas de Monsieur [U] [K], son conseil a soutenu que les décisions de maintien étaient irrégulières en raison d’une interprétation biaisée des certificats médicaux. Cependant, il a été établi que les décisions de maintien se référaient à des avis médicaux qui justifiaient la poursuite des soins.

Ainsi, pour contester une décision de maintien, il est nécessaire de prouver que l’irrégularité a eu un impact direct sur les droits du patient, ce qui peut être difficile à établir si les avis médicaux soutiennent la nécessité de l’hospitalisation.

En conséquence, les moyens de nullité peuvent être rejetés si les décisions sont fondées sur des avis médicaux valides et pertinents.

Quelles sont les implications de la fugue d’un patient sur la poursuite de l’hospitalisation psychiatrique ?

La fugue d’un patient, comme dans le cas de Monsieur [U] [K], a des implications significatives sur la poursuite de l’hospitalisation psychiatrique. Selon les certificats médicaux établis, l’absence du patient rend difficile l’évaluation de son état mental et la nécessité de maintenir la mesure.

L’article L. 3212-7 du Code de la santé publique précise que les soins peuvent être maintenus, mais cela nécessite des évaluations régulières par des psychiatres. Dans le cas d’une fugue, ces évaluations peuvent ne pas être possibles, ce qui complique la situation.

Cependant, même en cas de fugue, si les avis médicaux indiquent que les troubles mentaux du patient justifient la poursuite des soins, la mesure peut être maintenue. Cela souligne l’importance de la continuité des soins et de la surveillance médicale, même lorsque le patient est absent.

En conclusion, la fugue d’un patient ne met pas automatiquement fin à l’hospitalisation, mais elle nécessite une attention particulière pour garantir que les droits du patient sont respectés et que les soins appropriés sont fournis.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

ORDONNANCE STATUANT SUR LA POURSUITE D’UNE MESURE D’HOSPITALISATION COMPLÈTE

DÉLAI DE 6 MOIS

ADMISSION A LA DEMANDE D’UN TIERS OU EN CAS DE PÉRIL IMMINENT

N° RG 24/10985 – N° Portalis DB3S-W-B7I-2N3J
MINUTE: 25/0027

Nous, Elodie PATS, juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de BOBIGNY, assisté de Lucie BEAUROY-EUSTACHE, greffier, avons rendu la décision suivante concernant:

LA PERSONNE EN SOINS PSYCHIATRIQUES :

Monsieur [U] [K]
né le 05 Novembre 1976 à SRI LANKA
[Adresse 1] et ses fils
[Localité 3]

Etablissement d’hospitalisation: L’EPS DE [5], sis [Adresse 2]

absent représenté par Me Hugo ESTEVENY, avocat commis d’office

PERSONNE A L’ORIGINE DE LA SAISINE

Madame la directrice de L’EPS DE [5]
Absente

MINISTÈRE PUBLIC

Absent
A fait parvenir ses observations par écrit le 03 janvier 2025

Le 08 juillet 2024, le directeur du GHU [Localité 4] Psychiatrie et neurosciences a prononcé la décision d’admission en soins psychiatriques de [U] [K].

Le 17 juillet 2024 le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris a statué sur cette mesure en application de l’article L. 3211-12, L. 3213-5 ou L. 3211-12–1 du Code de la santé publique.

Le 30 Décembre 2024, la directrice de l’établissement de L’EPS DE [5] a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de l’hospitalisation complète de [U] [K].

Le ministère public a fait connaître son avis par conclusions écrites du 03 janvier 2025

A l’audience du 06 Janvier 2025, Me Hugo ESTEVENY, conseil de [U] [K], a été entendu en ses observations.

L’affaire a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS

Sur l’irrégularité tirée des avis mensuels

Au visa de l’article L3212-7du Code de la santé publique, le conseil de Monsieur [U] [K] soutient qu’en cas de fugue, il appartient au médecin de se prononcer sur l’opportunité d’un maintien de la mesure au vu du dossier médical du patient et que le psychiatre de l’établissement a refusé de donner un tel avis. Il en déduit que l’établissement n’a pas produit de certificat médical circonstancié indiquant si le maintien de la mesure était nécessaire et que cette absence de production d’avis médical fait nécessairement grief, dans la mesure où elle ne permet pas de s’assurer que l’hospitalisation complète était encore fondée médicalement.

Aux termes de l’article L3212-7du Code de la santé publique, à l’issue de la première période de soins psychiatriques prononcée en application du deuxième alinéa de l’article L. 3212-4, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l’établissement pour des périodes d’un mois, renouvelables selon les modalités prévues au présent article. Dans les trois derniers jours de chacune des périodes mentionnées au premier alinéa, un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical circonstancié indiquant si les soins sont toujours nécessaires. Ce certificat médical précise si la forme de la prise en charge de la personne malade décidée en application de l’article L. 3211-2-2 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen de la personne malade, le psychiatre de l’établissement d’accueil établit un avis médical sur la base du dossier médical. Le défaut de production d’un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés au présent article entraîne la levée de la mesure de soins.

En outre, l’article R 3211-24 du Code de la santé publique, relatif à la saisine du juge des libertés et de la détention, dispose que la saisine est accompagnée des pièces prévues à l’article R. 3211-12 ainsi que de l’avis motivé prévu au II de l’article L. 3211-12-1. Cet avis décrit avec précision les manifestations des troubles mentaux dont est atteinte la personne qui fait l’objet de soins psychiatriques et les circonstances particulières qui, toutes deux, rendent nécessaire la poursuite de l’hospitalisation complète au regard des conditions posées par les articles L. 3212-1 et L. 3213-1.

Il sera relevé qu’un avis médical n’est pas établi de la même manière qu’un certificat médical, le certificat supposant l’examen physique du patient ; tel n’est pas le cas d’un avis, lequel peut résulter des éléments contenus dans le dossier du patient. En l’espèce, les avis médicaux ont bien été établis étant précisé que seul le défaut de production des avis médicaux entraine la levée de la mesure. En outre, l’avis motivé du 27 12 2024 reprend les manifestations des troubles mentaux qui rendent nécessaire la poursuite de l’hospitalisation.

Ce moyen de nullité sera donc rejeté.

Sur l’irrégularité tirée des décisions de maintien

Au visa de l’article L3212-7du Code de la santé publique, le conseil de Monsieur [U] [K] soutient que les décisions de maintien sont irrégulières dans la mesure où elles sont entièrement fondées sur une lecture biaisée des certificats mensuels puisque le directeur d’établissement prétend qu’elles indiquent qu’ils préconisent le maintien de la mesure, ce qui est erroné.

Aux termes de l’article L3212-7 du Code de la santé publique, à l’issue de la première période de soins psychiatriques prononcée en application du deuxième alinéa de l’article L. 3212-4, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l’établissement pour des périodes d’un mois, renouvelables selon les modalités prévues au présent article.

En application de l’article L3216 du code de la santé publique, l’irrégularité affectant une décision administrative n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet.

Il s’agit de souligner que Monsieur [U] [K] est en fugue depuis le 24 07 2024. Les décisions de maintien qui figurent au dossier se réfèrent aux avis médicaux mensuel établis et mentionnent que les troubles mentaux du patient qui est sorti à l’insu du service rendent nécessaire la poursuite des soins sous forme d’hospitalisation complète. Contrairement à ce que soutient le conseil de Monsieur [U] [K], les décisions de maintien ont été rendues à la suite d’avis médicaux établis dans un contexte de fugue. En outre, le patient étant absent du service depuis plusieurs mois, aucun grief ne saurait être établi.

Ce moyen de nullité sera donc rejeté.

Sur la poursuite de la mesure de soins psychiatriques

Aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1.

L’article L. 3211-12-1 du même code dispose que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l’établissement, n’ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de six mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant l’hospitalisation en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale, soit toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application de l’article L. 3211-12 du présent code, de l’article L. 3213-5 ou du présent article, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l’expiration de ce délai sur le fondement de l’un des mêmes articles 706-135, L. 3211-12 ou L. 3213-5 ou du présent article fait courir à nouveau ce délai.

Monsieur [U] [K] a été hospitalisé sous contrainte à la demande d’un tiers dans le cadre d’un péril imminent à compter du 08 07 2024 pour des troubles psychiatriques chroniques avec deshinibition sur la voie publique . Par ordonnance en date du 17 07 2024, le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de la mesure.

Le patient est en fugue depuis le 24 07 2024. Le certificats médicaux établis mensuellement font mention de ce que l’absence du patient ne permet pas de se prononcer sur le maintien ou non de la mesure.

L’avis motivé du 27 12 2024 mentionne que le patient doit être réintégré afin de poursuivre l’hospitalisation en soins à la demande d’un tiers. Son absence ne me permet pas de me prononcer sur son état mental qui permettrait ou non son audition par le juge des libertés et de la détention.

Il résulte des pièces du dossier que [U] [K] présente des troubles mentaux qui rendent impossible son consentement et que son état mental impose des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

En conséquence, il convient d’ordonner la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète de [U] [K].

PAR CES MOTIFS

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny, après débats tenus en audience publique dans la salle d’audience aménagée à l’établissement public de santé de [5], [Adresse 2], statuant au tribunal par décision susceptible d’appel,

Rejete les moyens de nullité

Ordonne la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète de [U] [K]

Laisse les dépens à la charge de l’Etat.

Dit que cette ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire,

Fait et jugé à Bobigny, le 06 Janvier 2025

Le Greffier

Lucie BEAUROY-EUSTACHE

Ordonnance notifiée au parquet le à
le greffier

Vu et ne s’oppose :

Déclare faire appel :

Le vice-président
Juge des libertés et de la détention

Elodie PATS


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